- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 25 décembre 2011

du passage des ans


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« Au commencement était le Verbe. »

 Saint-Jean l'Evangéliste





Bonjour à toutes et tous !

En ce jour si particulier - ne fêtons-nous pas la naissance de l'enfant Lumière !, il m'apparaît primordial de penser à la racine *ei- : "aller, sortir".

- Mais quel est le rapport, grands dieux ??

*ei- a notamment donné le russe ИДТИ / ЕХАТЬ ("idti" / "iéxhatj"): "aller", le gallois littéraire wyf : "je suis", lit. : "je vais", le latin exitium, initium, ("sortie", "commencement"), les français itinéraire, issue, initiation, ambition, circuit ...


Dans sa forme allongée, cette racine *ei- a donné *ya- qui a dû désigner une très ancienne divinité dont le nom précis est hélas perdu, mais qui a perduré pour devenir le Janus des Romains.

Janus

- Oui, et alors ??

Eh bien, Janus, dieu à deux faces, l'une regardant vers le passé, l'autre vers l'avenir, représentait le passage.

- Certes, mais venons-en au fait, voulez-vous?

Nos lointains ancêtres connaissaient les grands cycles naturels ; ils en avaient probablement même une conscience plus aiguë que la nôtre.

Et ce dieu indo-européen qui allait, bien plus tard, devenir Janus était célébré... aux solstices !

Vous commencez à voir le point commun avec la Noël ?

Car Janus (Iānus), dieu des passages, présidait aux solstices: passage des ténèbres à la lumière (entendez le solstice d'hiver, ce moment très particulier de l'année où les jours sont les plus courts et vont enfin se rallonger), et passage de la lumière aux ténèbres (entendez le solstice d'été, où les jours sont les plus longs et vont progressivement se raccourcir).

C'est d'ailleurs Janus qui se cache sous la date de célébration des deux Saint-Jean du christianisme: on fête Saint-Jean l'Evangéliste le 27 décembre, et Saint-Jean le Baptiste le 24 juin, aux solstices...

Les deux Jean sont toujours les deux faces de Janus...


Et ce n'est pas non plus pour rien que l'on a fixé le 25 décembre comme jour de naissance de "l'enfant-Lumière" le Christ, évidemment.

Quel plus beau symbole que celui de la lumière qui revient peu à peu parmi les hommes...


C'est sur cette même racine *ya- que le latin, très pragmatiquement, a formé janua : la porte.
De la racine *ya- provient l'anglais "janitor": le portier, le concierge.

Janus, dans la Rome Antique, dieu des passages, est naturellement devenu le dieu des portes...


Et c'est toujours à partir de *ya- que s'est formé le français "janvier" !
Car le mois de janvier est la porte de l'année nouvelle...


- Tiens, et "solstice"? Rien d'indo-européen là-dessous, mmh ?

Eh bien si !

"Solstice", "arrêt du soleil", provient, par le latin solstitium, de la combinaison de deux racines proto-indo-européennes...

  • *sawel- : "soleil", qui, outre le français soleil via le latin sol, a donné le sanskrit "सूर" (sūra), l'anglais sun, le néerlandais zon, l'allemand Sonne, le russe солнце ("solntsé") ... 
et 
  • *stā- : notamment "être debout, immobile", "arrêt".




Joyeux Noël, très bon solstice à toutes et tous ! Passez bien la porte... !




Frédéric

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dimanche 18 décembre 2011

lune, lumière et mesure






Le proto-indo-européen avait une racine pour désigner "la lune", mais curieusement, le mot français "lune", tout en étant parfaitement issu du proto-indo-européen, est dérivé d'une toute autre racine, désignant, elle,  "la lumière"...

La lune vue par les grands malades du "Mighty Boosh"


En effet, "lune" en passant par le latin luna, provient du proto-indo-européen *leuk- : "lumière", "clarté".

"Lunaire", évidemment, "lunatique", mais aussi "lunettes" en sont directement issus...

Cette racine *leuk-, qui a également donné, en passant par le vieux germanique leuk-to, l'allemand "Licht" ou l'anglais "light", a surtout créé de nombreux dérivés en latin, repris par la suite dans d'autres langues telles le français, l'allemand, le néerlandais ou même l'anglais.

On lui doit ainsi :
  • le latin lux, qui donnera "Lucifer" le porteur de lumière, mais aussi "luciole", et "luzerne" (en raison de l'aspect brillant des graines de la plante !) 
  • le latin lumen (également "lumière" dans un sens plus restreint), d'où l'on déclinera "luminaire", "lumineux", "illuminé"  
  • le latin lustrare, qui donnera "illustrer
  • et même le latin lucubrare ("travailler de nuit à la lumière d’une lampe").
    A l'origine, ce mot désignait donc un travail de nuit, long et pénible.
    Mais il en est venu à prendre un tout autre sens, péjoratif : celui d'une théorie laborieusement construite, obscure et peu sensée... Les "élucubrations"!

- Mais, quid alors de cette fameuse racine indo-européenne qui désignait "la lune" ?
- Oui oui, on y arrive! On n'est pas aux pièces non plus...

La racine proto-indo-européenne qui signifiait "lune" *meHn- (ou *meHs-, *menes-) - et c'est là que ça devient intéressant - est un dérivé du verbe *me-, "mesurer" (qui a donné le français mesurer, l'anglais measure...).

Car oui, la lune permet de mesurer le temps qui passe, avec comme unité le mois (le mot français "mois"étant, lui, bien dérivé de *menes-, tout comme l'italien "mese" ou l'espagnol "mes").

La proximité phonétique des termes anglais month (mois) et moon (lune) n'est évidemment pas fortuite, les deux mots étant bâtis sur une seule et même racine.


Alors que les langues latines n'ont conservé de *menes- que la notion de "mois", les langues germaniques ont conservé les deux notions, en les distinguant par des formes différentes.

Dans le cas de "mois", le mot germanique était "*maenoth" qui est devenu en allemand "Monat", en néerlandais "maand", en suédois "manad", en danois "maaned"...


Mais donc, mois et mesurer sont issus d'une même racine.

Mais saviez-vous que remède, médecine, médication, mais aussi méditation sont également construits sur cette même racine ?

Car, finalement, tout est question de mesure, de dosage, d'équilibre...




Frédéric


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dimanche 11 décembre 2011

Bacon, souris et coeur, Bart et les gaufres


article précédent : des Bantous aux Teutons



Connaissez-vous  la théorie des six degrés de séparation ?





Nous serions reliés, d'une façon ou d'une autre, à tout autre de nos contemporains, par une chaîne relationnelle de six personnes au maximum.

De cette théorie est né un jeu totalement débridé : "les Six degrés de Kevin Bacon", consistant à trouver le lien le plus direct qui permettrait de relier l'acteur Kevin Bacon avec tout autre comédien, réalisateur, producteur ...



Ainsi, pour trouver le lien entre Elvis Presley et Kevin Bacon :

Elvis Presley a joué dans "Change of Habit" (1969) avec Edward Asner ; et le même Edward Asner jouait dans "JFK" (1991) avec... Kevin Bacon. 

CQFD.

Eh bien, je vous propose de jouer de la même façon avec deux mots courants et bien connus. 
Surtout pour vous qui lisez ce billet en ce moment ; vous allez vite comprendre !


Quels seraient les degrés de séparation (proto-indo-européens bien entendu !) entre...


"Souris" et "Web" ?
...

...


Allons-y, jouons :

"Souris" est un mot relativement récent, provenant du français médiéval soriz (1175).

En revanche, son nom scientifique est bien "mus musculus". 
Et nous y retrouvons la racine proto-indo-européenne *mus- : souris, rat
Qui a donné l'anglais mouse évidemment, ou même musaraigne (lit. : "souris-araignée", car longtemps réputée pour avoir une morsure aussi venimeuse que celle de l'araignée !).

Quant à lui, l'anglais "Web", provenant du verbe proto-indo-européen *webh- ("aller et venir", d'où "tisser", "natter", "tresser"), désigne "ce qui provient du métier à tisser", "le tissu", "ce qui est tissé".

"Web", en anglais, c'est donc la toile tissée
Comme celle de l'araignée ("spider web": "toile d'araignée").

CQFD. 

C'est tordu, certes, mais pas plus que la relation entre Kevin Bacon et Elvis Presley...


Mais revenons un instant sur la racine *mus- :

Saviez-vous que le latin musculus ("petite souris") a donné le mot "muscle" ? 
Car un muscle au travail peut évoquer la forme oblongue d'une souris... !

C'est aussi cette racine indo-européenne *mus- qui a donné le grec myo, que l'on retrouve dans myocarde: le muscle cardiaque.


Cette façon de récupérer la racine désignant un objet X (ici *mus- désignant la souris), pour nommer un objet Y dont l'apparence physique rappelle l'objet X (en l'occurrence le muscle ressemblant à une souris) n'est pas rare.

Sur un plan strictement belgo-(ridiculo ?)-belge, onze Bart national(iste) a la réputation d'aimer les gaufres... 

Mais quoi de plus naturel ! (pour tous les non-Belges, voici Bart)

Le nom "De Wever", issu de la racine *webh-c'est "le tisserand" (même origine pour le nom de famille "Weber"). 

(Bien que, je vous l'accorde, onze Bart aimerait plutôt détisser que réellement "tisser").


Mais mon point n'est pas de comparer Bart à une gaufre...

Là où je veux en venir, c'est que le mot "gaufre" provient de la même source proto-indo-européenne *webh-, évoquant plus précisément ici "ce que l'abeille tisse, fabrique" : la structure en "nid d'abeille",  le "rayon de miel" (l'allemand "Wabe" - le nid d'abeille, en est tiré).

Ce à quoi ressemble effectivement une gaufre... (Néerlandais "wafel", anglais "waffle"...)


un muscle ressemble à une souris => on le nomme d'après la souris
une gaufre ressemble à un nid d'abeille => on la nomme d'après le nid d'abeille


Tiens, curieux, me direz-vous, ce "g" français de "gaufre", que l'on retrouve sous la forme "w" en anglais dans "waffle"...

Oui et non : pensez aux paires "Guillaume - William", "garantie - warranty", "garder - to watch", "gaspiller - waste"...




Frieden Ricks


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dimanche 4 décembre 2011

des Bantous aux Teutons





Saviez-vous que le terme "Bantou" (provenant en droite ligne de l'anglais "bantu"), est tout simplement le pluriel du mot "ntu" dans plusieurs langues bantoues - le préfixe "ba-" correspondant à un ensemble, une classe, donc marquant l'idée de pluriel.

Et "ntu" signifie la personne ! 
Les Bantous, ce sont "les gens". Tout simplement.


Art mural bantou


- Mais? Maître Sun, les langues bantoues ne sont pas indo-européennes ?
- Tu as raison Petit Scarabée, mais la racine proto-indo-européenne *teuta- exprimait la même idée: la tribu, les gens, par extension: le peuple.

Cette racine se retrouve, en lituanien par exemple, sous la forme tauta.

En vieux prussien, elle s'est déclinée en tauto, qui a donné Teutons, Teutonique, mais aussi DeutschDutch !

Les Teutons ne se qualifiaient pas: ils étaient simplement "les gens".

Quant à l'appellation Bantous, en réalité - et comme cela m'a été soufflé ! -, elle n'est que l'invention d'un philologue allemand, Wilhelm Bleek, par quoi il donnait un nom générique aux langues de la région. Les langues bantoues, quoi. 





Frédé-ric (ou Владимир "Vladimir" ?)

Pour rappel (voir Mort, nectar et liquidation de dette), le prénom "Frédéric", constitué des deux racines *prēy- [à l'origine : "aimer", véhiculant plus tard l'idée de "réconciliation, paix, sérénité", et décliné en Frieden] et *reg- ["mener", "rectifier", qui donna "rex", "roi", "rajah", "rectitude"], peut signifier "le pouvoir de la paix", "le roi pacifique"...

Влад (Vlad) c'est aussi "le pouvoir" (comme dans Владивосток, "Vladivostock": "le pouvoir de l'Orient", ou encore "le seigneur de l'Est..."Восток désignant l'est). 
Et "мир" ("mir") c'est la paix ! 

Oui enfin, pas toujours... мир c'est aussi "le monde".

Владимир "Vladimir", c'est donc peut-être, comme "Frédéric" : "le roi pacifique", ou alors c'est carrément "le pouvoir sur le monde", "la puissance absolue"...

A vous de choisir.

Evidemment, si vous prenez l'illustre Vladimir Poutine comme base de votre réflexion, ce sera probablement vite réglé.

- Pssss , c'est ici Frédéric qui vous parle, du futur :
je peux vous le dire maintenant : il y a une troisième façon de lire Vladimir, vous la découvrirez dans cinq ans, dans Walter, héraut d'armes à Vladivostok -