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dimanche 29 décembre 2013

link





Bonjour à toutes et tous!

La semaine dernière, nous avions découvert l’étymologie de lien, et je vous annonçais un dimanche consacré à l’anglais link, qui - étymologiquement du moins - n’avait AUCUN rapport avec lien.

(Mais alors AUCUN!!)


Eh oui!

Lien nous vient, vous l'avez vu, de la racine proto-indo-européenne *leig-1, alors que l’anglais link, lui, provient de la racine ...

*kleng-.


Nous traduirions la racine proto-indo-européenne *kleng- non pas par “lier” mais bien par “plier”!!
Ou par quelque chose comme courber, tordre, couder, ou même tourner


Oui, j’en conviens, c’est TRES surprenant!

Mais ça l’est déjà nettement moins quand vous prenez le sens anglais du mot en tant que substantif:
link signifie bien lien, certes, mais aussi …

maillon!


- Euuuh oui, et alors??
- Eh bien, regardez la forme d’un maillon de chaîne:

En voici un, observez-le!


Mais non!
C'est le dessin qu'il faut regarder,
pas la légende, enfin!



Eh oui, tout est dans la courbure!
Dans le bout de métal qui a dû, pour devenir un maillon, être courbé, tordu...


Link nous vient de *kleng- via une source scandinave proche du vieux norois *hlenkr, qui désignait la boucle, le maillon d’une chaîne

L'Internet qui nous relie, ou nous enchaîne?


Mais nous retrouvons *kleng- également en français!

Et vous ne devinerez jamais dans quel mot!!!


Allez, je vous aide: au sens littéral il peut désigner une partie de l’anatomie.

On le trouve aussi souvent, par extension, associé aux manoeuvres de troupes sur le terrain…

...

Oui, non?

...

Il désigne en fait le côté du corps… Ou le côté d’un corps d’armée

...

...

...

Trouvé?


OUI, le flanc!

Le flanc (“parties latérales d’un corps, depuis le défaut des côtes - sous les fausses-côtes, donc - jusqu’aux hanches”) désigne étymologiquement l’endroit où le corps est courbé, incurvé.

flanc

flanc

Ci-dessus, quelques illustrations de l'emploi du mot flanc,
avec notamment le flanc d'une montagne et celui d'une
cochonne.

Et flanc nous arrive de *kleng- par le germanique puis le francique *hlanka, de même sens.


Tiens, à ce propos, vous connaissez l’expression tire-au-flanc:
le tire-au-flanc, c’est celui qui essaie d’échapper à ses obligations…

Tire-au-flanc, Jean Renoir, 1928


Eh bien j’ai réalisé il y a de nombreuses années, lors de mon service militaire - oui, ça ne nous rajeunit pas - ce que cela voulait précisément dire:

Je dirigeais une “fouille de couvert”: un peloton d'une trentaine d’hommes, fusil à la main, avançaient d’un même pas, en ligne, en position de battue, dans un sous-bois protégeant un dépôt de munitions, chacun des miliciens étant séparé de quelques mètres de son voisin.

Le sous-bois était particulièrement touffu, et le soir tombait; on ne voyait pas bien loin, et chaque homme ne devait probablement distinguer que ses voisins immédiats...

Quand soudain, une détonation! On venait de tirer! Et pas à la carabine à plomb...



Mince, là on est en train de se faire attaquer” fut ma première pensée.
(euh, probablement égayée de jurons divers, mais le sens est bien là)

En fait, il n’en était rien: un de ces braves jeunes gens avait chargé son arme, l’avait dirigée contre lui, précisément contre son flanc, et avait fait feu.

Avec une blessure par balle, il espérait ainsi échapper aux 3 ou 4 mois de service militaire qu’il lui restait.

Pauvre bougre.
Autant vous dire que ces mois, il les a passés à l’hôpital.
Il s’en est sorti, heureusement.


Quelques autres dérivés de *kleng-?

Oh ben, on a bien entendu flanquer: placer en flanc, à côté de quelque chose.

Et aussi efflanquer: le Wiktionnaire nous en dit: “Rendre maigre des flancs par excès de travail ou défaut de nourriture.”

Nous en utilisons plus souvent la forme du participe passé: efflanqué.


En anglais, nous avons encore lank: long et fin, maigre, grêle

Ou to flinch: sursauter, tressaillir, mais sous la forme “to flinch from”, plutôt “se dérober à”, “reculer devant”…

Le rapport?
Flinch provient, comme beaucoup de mots anglais, du vieux français, en l'occurrence flenchir, basé sur *kleng- et désormais désuet, qui signifiait “faiblir”, dans le sens original de la racine proto-indo-européenne: “plier, fléchir”.

Et le verbe flancher? N'aurions-nous pas là une survivance de flenchir?

Mwouais bof…

Flancher, sémantiquement et phonétiquement parlant, correspond bien au vieux français flenchir, mais rien n’est très sûr: historiquement parlant, l’écart chronologique entre les deux verbes permet difficilement de les mettre en correspondance…


Tiens, et maillon? Puisque link, c’est le lien ou le maillon

Hein, ça vient de quoi, maillon??

Eh bien vous risquez d’être surpris.

Vraiment.

JAMAIS vous ne trouverez le sens original de la racine proto-indo-européenne se cachant derrière maillon!

JAMAIS!!!!

Et pourtant, on la connaît, car elle nous a donné une longue série de mots usuels…

Mais bon, allez, puisque c'est vous, on en parlera dimanche prochain!





D’ici là, je vous souhaite un très bon dimanche, une très bonne semaine, et vous présente surtout ...

mes meilleurs voeux pour l’année qui vient!

Qu’elle vous apporte ce dont vous avez besoin.



A toutes et tous, 

BONNE ANNEE!



A l’année prochaine?






Frédéric


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