- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 25 mai 2014

Parménide n'arrêtait pas de zoner en pyjama...





"One morning I shot an elephant in my pajamas.
How he got into my pajamas I'll never know."

Groucho Marx



Bonjour à toutes et tous!

Au menu de ce dimanche,
encore une chtite racine qui ne mange pas de pain, qui trouvera parfaitement sa place dans cette série des “racines bulles de champagne”, dont le but avoué est de me permettre, le temps de quelques semaines,  d'utiliser mes soirées et mes week-ends à travailler sur autre chose que de l’indo-européen, tout en vous présentant des mots que l’on pourrait difficilement associer sans passer par leur racine proto-indo-européenne commune


Pour rappel, dans cette série, nous avons déjà traité de...


Et aujourd’hui, nous allons évoquer la racine proto-indo-européenne…


*yōs-


Sa signification: mmmh, disons qu’elle recouvre les notions de ceindre, revêtir


Au grec ancien, via une forme suffixée *yōs-ter-, elle a transmis ζωστήρ, zôstêr: la ceinture.

Par le latin zoster, zosteris (ceinture), au début du XVIIIème le mot est passé dans le vocabulaire médical, et s’emploie à présent pour désigner ce qui a trait au … zona.

Vous trouverez mention de “fièvre zostérienne”, ou d’une éruption zostériforme
Quant à herpes zoster, c’est tout simplement le terme médical pour zona.
Chouette!

Le rapport avec la ceinture?
Mais oui, il s’agit de l’éruption cutanée typique de cette affection, se présentant sous forme d’une bande, d’une ceinture sur la peau…

Bon, d’accord, c’est pas le mot le plus gai qui soit, ni la vision la plus agréable non plus.


Mais bon, continuons!

Connaissez-vous la zostère (du genre Zostera, famille des Zostéracées)?
Ici, nous parlons botanique: il s’agit d’une plante marine que l’on retrouve dans toutes les mers du globe.
Les zostères ne sont pas appelées ainsi du fait de leur sobriété ou rigidité, mais bien du fait que leurs feuilles, en lamelles, ressemblent à de fines ceintures

Et oui, c’est ce qu’on appelle du varech! 
Je ne puis d’ailleurs que vous renvoyer à ce très bel article établissant les liens entre gars/garçon, varech et l’anglais wreck, l’épave… : Un gars, une fille.
Oh ben en plus c'est moi qui l'ai écrit?? Ca alors.

Zostère


Toujours en grec ancien, une autre forme suffixée de *yōs-, *yōs-nā-, a donné un autre mot pour ceinture: ζώνη, zốnê.

Il s’agissait ici plus précisément d’une ceinture portée par les femmes, sur les hanches.

C'est pas donné à tout le monde, de pouvoir s'habiller
en déesse grecque et de conserver une certaine classe...


Zốnê, repris dans le latin zona pour devenir - vous vous en doutez - le français zona, nous a évidemment aussi pourvu du français zone, qui a désigné longtemps une ceinture, une bande.

Au Moyen-Age, le terme s’appliquait aux cinq grandes divisions de la surface terrestre, telles que proposées par Parménide (544-450 av. J.-C.) au Vème siècle avant J.-C., qui découpait la Terre en une zone torride, deux tempérées et deux glaciales.

Sacré Parménide!

Parménide

Macrobius:
Les cinq zones climatiques, polaires en jaune, tempérées
en bleu, torride en rouge.


Depuis, vous le savez, le mot a évolué pour désigner, notamment, les quartiers pauvres, la banlieue, la ceinture d’une agglomération.

La zone...


Ou encore, en informatique, une partie d'un domaine - ou d'un sous-domaine - gérée par un “serveur autoritaire”.

[Note privée à mes amis et collègues informaticiens ne travaillant pas sur à Paris ou n'ayant pas eu la chance de s'expatrier au Québec: il s’agit d’un serveur DNS.]

Notez, maintenant que j'en parle, c’est vrai que j’ai déjà connu, notamment à Paris, des brasseries dont une partie était effectivement gérée par un serveur particulièrement autoritaire…










Alors - c'est pas tout ça - notre racine *yōs- se retrouve encore dans

  • l’avestique yasta- “tour”, 
  • le lituanien juosiu “ceinturer”, ou encore 
  • le vieux slavon d’église *ро-jаsъ ("po-jasu") “gaine, ceinture”, dont provient le russe пояс "po-ias": ceinture.



Mais surtout…
Nous la retrouvons, par une forme suffixée *yōs-mo- dans le moyen persan *yāmak, jāmak.

jāmak désignait simplement un vêtement.

- Mais c'est super!
- Oui bon enfin, j'ai pas fini.

En persan s’est créé un composé sur jāmak: pāy-jāmeh, où pāy signifie la jambe.
Pāy-jāmeh پايجامه, c’est donc, non pas la jambe de vêtement, mais bien le vêtement de jambe, en réalité un pantalon ample…

Inde: enfant avec un paijama, 1844

Et oui, nous en avons fait notre pyjama!

Le mot nous arrive de l’anglais pyjama ou pajama ; les colons britanniques l’ayant adopté du temps de la domination britannique sur l’Inde, et ce via l’hindoustani, la langue à l’origine des modernes urdu et hindi.

Pyjama party



Eh oui!
L’eussiez-vous cru, que pyjama et zone fussent si proches?

Merci qui, mmmh??
Merci le proto-indo-européen, assurément!





Bon dimanche à toutes et tous, et…
A la semaine prochaine!




Allez, encore deux examens passés avec succès ; il m'en reste encore un, le plus long et le plus difficile…
Et puis après, on pourra (peut-être) souffler un peu…




Frédéric


dimanche 18 mai 2014

- Mais quelle cacophonie, toutes ces occlusions glottiques! - Ici, ce sont les toilettes, Monsieur.





"C'était une cacophonie de souffles infects, depuis les lourdeurs molles des pâtes cuites, du gruyère et du hollande, jusqu'aux pointes alcalines de l'olivet."

Emile Zola, in Le ventre de Paris, 1873


Les Halles de Paris, cadre de ce troisième roman de Zola



- “Les lourdeurs molles du hollande”, mais …???
- C’est du Zola, hein!
N’allez surtout pas y voir une quelconque allusion à la politique d’un grand pays d’Europe.

D’ailleurs, pas de politique ici!
Vous pouvez déjà savoir que j’abomine, redoute et vomis tous les populismes et extrémismes, et j’en resterai là.


Et en plus, le gouda, c'est franchement très bon.


Gouda



Bonjour à toutes et tous!

Il fait absolument splendide, du moins ici…
Et j’ai tout sauf envie de rester à l’intérieur, à travailler, mais voilà…
Je suis toujours en train d’étudier pour mes fameux examens d’architecture “cloud”.

Je profite de l’occasion pour remercier celles et ceux qui m’ont souhaité bonne m.
(Les deux premiers examens se sont bien passés ; attendons la suite!)


Donc, pour continuer dans la veine des “racines bulles de champagne”,
racines dont l’intérêt est à la fois de ME permettre de ne pas y passer trop de temps, et de VOUS offrir des mots dérivés dont vous ne pourriez soupçonner la parenté étymologique…
Je vous propose, en ce dimanche, une racine disons euh très ... ... ... spéciale


Nous avions commencé cette série avec la racine proto-indo-européenne *temə-2 (Siegfried était-il téméraire?), puis, la semaine dernière, nous avions traité de *tāg- (Queneau se jouait de la syntaxe, c'était une de ses tactiques…).


Très spéciale cette racine d'aujourd'hui? Oui...
Elle est, pour tout vous dire, à la mesure de ce que je pense des extrémismes et autres populismes
Mais sur un plan nettement plus sympathique, correspond aussi à ce que me souhaitaient certains lecteurs pour ces examens…


Bon allons-y, j’en ai déjà trop dit.

Cette racine, la voici la voilà:


*kakka-


Oui. Pas de faux-semblant ; c'est clair et net.
*kakka- est à prendre (si je puis dire) au sens propre (si je puis toujours dire).


La racine proto-indo-européenne *kakka- (ou *kaka-) signifiait, oui, déféquer.

Il s’agirait en fait d’une racine imitative! 
Car imiterait ce keummmh sourd lié à la fermeture de la glotte, l’occlusion glottique caractéristique de la personne en plein acte défécatoire.


Notre français familier caca, remarquable descendant de *kakka-nous en arrive par le latin caco, cacare, déféquer, lui-même provenant du grec ancien κακά, kaká, que l’on pourrait traduire par « les mauvaises choses » ; κακά étant le neutre pluriel de l’adjectif κακός, kakos: « mauvais, mal ».

D’où nous pourrions conclure que déjà pour les Grecs, la défécation - ou à tout le moins son produit - était teintée d’une connotation péjorative.


Une racine proto-indo-européenne *kakka-!?
Vous pensez bien que les vieux Norois n'allaient pas laisser passer ça...
Et donc, en vieux norois, *kūka signifiait déféquer.

C’est à partir d’une source apparentée à ce *kūka que le moyen anglais a créé cukken: déféquer.

La cucking stool, littéralement la chaise à déféquer était une chaise d’infamie sur laquelle on obligeait à s’asseoir la personne (souvent une femme) accusée de ce que nous appellerions maintenant trouble à l’ordre public.

La Cucking Stool de Sandwich


Quant au français chier, il vient également du latin cacare.


Oui, je sais...
Difficile d'illustrer cette racine du jour, vous en conviendrez



Pour respecter l’usage établi il y a deux dimanches, pour chacun de ces courts articles du thème “racines bulles de champagne”, je me dois de vous donner au moins deux dérivés de la même racine que vous n’imagineriez nullement être liés.

Eh bien, voilà qui sera bien vite fait!

Car le grec κακός, kakos: « mauvais, mal » nous a donné ces mots en caco-, comme cacophonie, ou cacochyme.

La cacophonie, du grec kakophonia, où l'on retrouve kakos ("mauvais") suivi de phoni ("voix", "son") est une dissonance phonique dans une musique, un texte ou un groupe de mots...

Cacochyme? 
Du grec ancien κακόχυμος, kakokhumosqui contient ou produit un mauvais suc », entendez, dans un sens médical ancien « qui a de mauvaises humeurs »).
Le mot en est venu à désigner celui qui est « en état d’extrême faiblesse due à la vieillesse ».


Alors, comme l'occlusion glottique est assez répandue, nous retrouvons notre racine proto-indo-européenne *kakka- dans une chiée grande quantité de langues indo-européennes, derrière les mots désignant la défécation, ou les fèces: l'action ou son produit...

Bon, il y a déjà le grec kakke "excrément humain", mais aussi l'irlandais caccaim, le serbo-croate kakati, l'allemand Kacke ou kacken, l'italien cagare, le suédois kacka, l'espagnol cagar ... ... ...

On retrouve même encore la racine dans le vieil anglais cac-hus "latrine".

En russe? какать ("kakatje")!
En tchèque: kakat!
En arménien? (Et eux - les Arméniens, c'est clair, ils en ont ch.é): քաք, "kak".



Eh oui!

L'eussiez-vous cru, que caca et cacophonie fussent si proches l'un de l'autre?
(Toute référence à l'Eurovision serait parfaitement fortuite)
(Même si souvent ce concours s'apparente à mes oreilles tant à l'un qu'à l'autre)
(D'autant plus que, cette année, il y a quelque chose de beau, un vrai message de tolérance qui en est sorti!)
(Mais 'faut dire aussi que c'est un peu le principe de l'orchidée, fleur sublime qui pousse dans la mer...)
mer...
mer...
Mer...ci qui??
Mais le proto-indo-européen, pardi!






Et là-dessus, je vous souhaite un très très bon dimanche, et une excellente semaine!
Et je retourne à mon étude...


A dimanche prochain!




Frédéric


dimanche 11 mai 2014

Queneau se jouait de la syntaxe, c'était une de ses tactiques...


article précédent: Siegfried était-il téméraire?



“Le jeune homme que je vois en train de causer devant la gare Saint-Lazare avec un camarade qui semble lui suggérer de faire ajouter un bouton à l'échancrure de son pardessus, et en qui je crois reconnaître le passager au long cou que je remarquai, il y a deux heures, dans l'autobus «S» parce que juste avant que ne se libère une place et qu'il ne s'y précipite, --- il avait attiré mon attention à cause du ton pleurnichard qu'il empruntait pour reprocher à son voisin de le bousculer chaque fois que quelqu'un descendait du véhicule, portait-il vraiment déjà à l'arrêt cet étonnant chapeau entouré d'une cordelette tressée?”


Raymond Queneau















Bonjour à toutes et tous!

Après un petit détour par l’a-do-ra-ble racine *temə-2, je vous propose cette fois, dans le cadre des “racines bulles de champagne” (voir Siegfried était-il téméraire?), une racine toute mimi:


*tāg-


*tāg-?, mais c’était “mettre en ordre”.


Attention, il s’agit bien de *tāg- avec un a long, car il existait également une racine *tag- (“toucher, manipuler”), à ne surtout pas confondre.



Par une forme suffixée *tag-yo-, *tāg- s’est retrouvée dans le grec tassein, tattein: organiser, arranger.
Et c’est de tassein, tattein ou de dérivés immédiats, que nous arrivent les mots français dont je vais vous parler…


A commencer par … tactique:

Tactique nous arrive du du grec ancien τακτικός, tactikosrelatif à l’arrangement, à l’organisation »), dérivé donc de tassein.
Une acception du verbe tassein signifiait ainsi “placer en formation de combat”. Simple!


Mais dites-moi, connaissez-vous le terme taxinomie?

Taxinomie, ou taxonomie, nous arrive du grec ταξινομία (taxinomia), composé de τάξις, taxis: « placement, classement, ordre ... », évidemment dérivé de tassein, et de νομός, nomos: « loi, règle ».

La taxinomie est une branche de la biologie qui a pour objet de ...
décrire les organismes vivants et de les...
regrouper afin de les ...
identifier puis les ...
nommer pour finalement les …
classer!
La taxinomie s'étend maintenant à d'autres domaines scientifiques, comme les sciences humaines et sociales, les sciences de l'information ou l'informatique…

Hiérarchie taxinomique



Syntaxe!

Syntaxe, attesté en 1572, est emprunté au latin syntaxis, lui-même calqué sur le grec ancien σύνταξις, súntaxis: « mise en ordre, disposition, composition ... ».
Et oui, en grammaire, la syntaxe, c’est l'arrangement des mots, la construction des propositions dans la phrase, selon les règles.


Si vous connaissez le mot syntaxe, peut-être ignorez-vous cependant une figure de style répondant au doux nom d’…

hypotaxe!

L’hypotaxe, du grec ancien ὐπόταξις, hypotáxissubordination »), dérivé de ὐπο-τάσσω, hypo-tássōranger sous »), est un procédé qui consiste à multiplier les subordonnées dans une phrase, ou dans des phrases qui se suivent.

Un exemple, peut-être?
Les fleurs qui jouaient alors sur l'herbe, l'eau qui passait au soleil, tout le paysage qui environna leur apparition continue à accompagner leur souvenir de son visage inconscient ou distrait […]

Ben oui, c’est du Proust!
'tain, 'l était quand même balèze...


Marcel Proust


Mais il y a encore plus fort que l'hypotaxe!

L'hyperhypotaxe!

Du grec hyperbeaucoup ») et hypoen dessous ») et tatteinplacer l'un à côté de l'autre »).
Ici, le jeu consiste à insérer des propositions subordonnées, certes, mais en trop grand nombre, à la pelle!

C’est avec une très jolie hyperhypotaxe de Raymond Queneau que j’avais débuté l’article de ce dimanche…


Sachez également qu’il existe la parataxe, qui n’est que la simple juxtaposition de propositions, mais cette fois sans préciser de liens entre elles.
« J'ai pris l'autobus à 2 heures. Il faisait très chaud. J'ai mangé au restaurant, chez Céleste, comme d'habitude. »
Camus, L'étranger


- Mais, et taxi, alors?
- Mmmh?
- Ben ouais, taxi, i’ vient aussi de ta racine de m. ou quoi?
- Eh bien non: le mot taxi ne vient pas de *tāg- avec un a long, mais bien de *tag- toucher, manipuler!
Quand je disais qu'il ne fallait pas confondre!!


Pour tout vous dire, le mot, qui doit dater des années 1900, est une apocope de taximètre.
"Apocope"? Oh un bien grand mot pour désigner une autre figure de style, qui se caractérise par la suppression de phonèmes, ou de syllabes...

Comme cinéma est l'apocope de cinématographe et ciné l'apocope de cinéma...!


Le choeur des esclaves, dans l'apocope de Verdi.

Je pense ici avoir atteint le degré 0 sur l'échelle de Kelvin du
jeu de mots approximatif et lamentable.


Le français taximètre provient de l'allemand Taxameter, où "taxa" dérive du latin taxo, fréquentatif de tangotoucher »), dérivé, vous l'aurez compris, de notre *tag- avec un a euh ... normal...

Le verbe latin taxo pouvait ainsi signifier toucher souvent, ou frapper souvent.
D'où, par extension, et d'une façon étonnamment éloquente: taxer!!! (ou également fixer le prix de, estimer, apprécier, évaluer).
En latin médiéval, on utilisait taxa en référence à l'impôt, au prix à payer...

Pour en revenir au taximètre, il désignait précisément, à l'origine, le dispositif embarqué permettant, en enregistrant la distance parcourue par un véhicule, de déterminer le prix de la course dont il fallait s'acquitter.

Le mot en est venu, par la force des choses, à désigner le chauffeur du véhicule équipé dudit taximètre, puis finalement le véhicule en lui-même.

Le Hackney carriage,  le célèbre taxi londonien


- Et euh, pourquoi parle-t-on de “taxi” pour les avions qui manoeuvrent au sol?
- Ah! On mentionne deux origines possibles:

  • la première: l'utilisation argotique du mot taxi pour parler d'avions
(certes, mais alors pourquoi en avoir fait un verbe se rapportant exclusivement aux manoeuvres au sol??) 
ou alors - et c'est celle-ci qui a ma préférence:

  • un avion qui manoeuvre au sol le fait lentement, à la façon d'un chauffeur de taxi qui roulerait à allure plus que modérée pour attendre, épingler, le client potentiel...


Notez qu'on parle même, en jargon aéronautique, de "taxier"...


Avion en train de taxier... (ou alors, de voler très très bas)



Bon, il existait encore une forme suffixée de *tāg-: *tāg-eūl, avec une variante *tāg-eūl-fasdēuhrā-, qui s’employait pour marquer une divergence d’opinion, ou pour demander de faire silence.
Je ne m’y étendrai pas.



Tactique, taxinomie et syntaxe!
L’eussiez-vous cru, qu’ils fussent si proches?

Merci qui?? Merci le proto-indo-européen!





Bon dimanche à toutes et tous,
Passez une excellente semaine, et …

A dimanche prochain!




Frédéric


dimanche 4 mai 2014

Siegfried était-il téméraire?


article précédent: des oeufs à la crème



In ipso vita erat, et vita erat lux hominum: et lux in tenebris lucet, et tenebrae eam non comprehenderunt.

En Lui était la vie et la vie était la Lumière des hommes et la Lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas comprise.

Prologue de Jean


Bonjour à toutes et tous!


Bon, ces temps-ci, j’ai, et vais avoir, pas mal de boulot!
Je dois préparer des examens.
(Oh, rien qui vous intéresse, croyez-moi, à moins que vous ne soyez un peu malades, et/ou féru(e)s, comme moi, d’informatique: il s’agit d’examens sur des matières d’architecture - informatique, pas la vraie, celle des bâtiments! - d'infrastructures (informatiques, hein) de type “cloud”).

Et ces examens me demandent beaucoup de temps et d’énergie.


Mais je n’ai jamais (jamais) raté un seul rendez-vous dominical avec vous depuis que j’ai lancé ce blog, en novembre 2011, avec un article sur la mort!

Je ne faillirai pas.
Mais pour ne pas trop gêner mon étude, je ferai pendant quelques semaines des sujets courts, sur des racines proto-indo-européennes qui n’ont pas nécessairement donné beaucoup de descendance, mais qui ont cette particularité d’avoir donné des dérivés que vous ne pouvez soupçonner d’être apparentés les uns aux autres…


Prenez cette petite suite d’articles courts comme des friandises.
Et puis, la saison s’y prête bien, à des choses plus légères, vite avalées!



La racine proto-indo-européenne avec laquelle j’aimerais débuter ce cycle d’articles “bulles de Champagne”, la voici:

*temə-2


Cette racine évoquait la notion d’obscurité.

Sa forme suffixée *temə-s- s’est dérivée dans un nom latin - non attesté, d'où l'astérisque: *temus, à relier à la racine latine *temer-: la cécité.
Entendez par là l’état dans lequel vous êtes plongés dans l’obscurité, quand vous ne voyez plus grand-chose, et devez vous déplacer à l’aveuglette

Ce *temus donnait, à l’ablatif, temere:à l’aveuglette”, ce qui m'arrange bien, ou encore, au sens figuré “aveuglément”, donc aussi “imprudemment, inconsidérément”…


Sur temere, le français a créé... : téméraire:d’une hardiesse imprudente ou inconsidérée”.

Charles le Téméraire


Un p’tit tour à présent par le vieux haut-allemand?
Car *temə-2 s’y est transformée en demar, désignant ce moment du jour où il commence à faire sombre: le ... crépuscule.

Demar, crépuscule, allemand… Vous avez peut-être fait le lien…?!

Oui, nous retrouvons le mot dans Götterdämmerung, le crépuscule des Dieux!
Dernier opus (et donc le quatrième) de la tétralogie de Wagner Der Ring des Nibelungen (“l’Anneau du Nibelung”).

Richard Wagner

Bon, moi, je s'rais plutôt Bach ou Mozart, mais bon!!!

Pour la petite histoire, et par amour du vieux norois cher à vos cœurs, sachez que le mot Götterdämmerung n’est qu’une translation littérale en allemand du vieux norois Ragnarök de même sens, qui faisait référence, dans la mythologie nordique, à une guerre prophétisée entre Dieux et créatures diverses, qui se terminerait par la destruction du monde tel que nous le connaissons, dans le feu et le déluge, pour qu’un nouveau monde puisse enfin voir le jour.


C'est avec un extrait du Götterdämmerung de Wagner, la marche funèbre de Siegfried, que John Boorman a illustré, accompagné, ce passage merveilleux de son film Excalibur, où Perceval rejette à contre-cœur l'épée magique à l'eau, là d'où elle vient, à l'issue de la bataille entre Arthur et son fils Mordred...


TA TA! tou la la la la...


Et pour celles et ceux qui me lisent sur un iPad:


Oh, je vous ai déjà parlé de l'Excalibur de Boorman iciSerpents, vers et dragons. Ah, et aussi ophiolites.
Mais que voulez-vous, il s'agit d'un de mes films préférés, un de ces films "qui vous parlent"...
En tout cas, qui ME parlent...


Enfin, sur la forme suffixée *temə-s- de notre racine *temə-2 s’est construite, soyons fou, une nouvelle forme suffixée: *temə-s-rā-.

C’est sur cette dernière que s’est bâti le pluriel latin tenebrae: obscurité, ombres
Nous lui devons, bien entendu, ténèbres.
Notez que parfois, mais rarement, le mot s’emploie au singulier: la ténèbre



Voilà pour ce dimanche allégé
(Pour moi, il s'impose, vu le nombre d'oeufs en chocolat que je me suis senti obligé d'ingurgiter ces derniers temps...) (Mais oui, pour faire plaisir, pour ne pas vexer)

Dimanche allégé peut-être, mais qui vous aura permis malgré tout de tisser des liens entre le titre d’un opéra de Wagner, téméraire et ténèbres!

Excusez du peu.


Là-dessus, je m'en vais envahir la Pologne.




Bon dimanche à toutes et tous,
Passez une excellente semaine, et…

A dimanche prochain?




Frédéric