- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 26 janvier 2014

au séminaire, du colza on n'en mange qu'une fois par an




Bonjour à toutes et tous!

Nous venons de consacrer deux dimanches à la notion de temps vue par le prisme du proto-indo-européen, avec le mot français temps, et le mot anglais time:
Avez-vous le tempérament pour jouer du Bach? et le démagogue est en quelque sorte le démon de la démocratie.


Pour rappel, nous avions également passé un peu de temps sur l’idée du temps comme cycle dans du passage des ans, où nous avions découvert les racines se cachant derrière (notamment) janvier et solstice

Eh oui, le temps passe, c’était déjà en décembre 2011!

Mais arrêtons-là toute tentative de nostalgie mal à propos.


En CE dimanche, ici et maintenant, je vous propose de continuer sur notre lancée, et de nous pencher sur quelques mots qui nous permettent toujours d’exprimer le passage du temps, et donc la division du cycle, le cycle étant probablement ce qui correspondait le mieux à la notion de temps chez nos lointains, lointains ancêtres…


Chronos et Gaia, tout est là!


Commençons par le mot an (ou année):

Comme vous le savez, année, ou an, nous viennent du latin annus (avec deux n): an.
Et notre annus, ‘i’ vient d’où?

Ben oui!

D’une racine proto-indo-européenne; j’ai nommé:

*at-


Qui n’avait en fait, je dois bien vous l’avouer, rien à voir avec “an”.

Elle véhiculait plutôt la notion d’”aller”.

Ce sont essentiellement par le proto-germanique et le latin qu’elle a essaimé, et précisément via une forme suffixée *at-no-.
C’est sur elle, donc, que s’est construit le latin annus.


Chouette photo de Lino Ventura et Françoise Fabian
dans La Bonne Année, Claude Lelouch, 1973


Alors, quel est le lien entre “aller” et “an”?

Nos lointains ancêtres, qui étaient loin d’être les sombres crétins préhistoriques que certains dépeignent encore, savaient ce que c’était qu’une révolution, un cycle.

Ils avaient en tout cas clairement capté que l’année, c’était un laps de temps qui s’écoulait et recommençait.
C’est donc cette idée de mouvement perpétuel, cyclique qui transparait derrière cette racine verbale *at-, aller.

D’ailleurs, c’est pas difficile, le latin annus, outre année, nous a aussi donné… anneau!
Anneau, du latin annelluschainon », « bague ») ou annulusbague »), mais dans tous les cas, diminutifs de annus.

Plus de pleurs, plus de heurts:
voici le Remember Ring, l'anneau qui vous rappelle le
jour de votre anniversaire de mariage!


Car oui, annus, c’était l’année, mais aussi le cercle!
Et soit dit en passant, le mot pouvait également être employé pour désigner une longue période de temps; nous parlerions d’une ère

Bon, sur annus nous avons créé plein de mots, que vous connaissez évidemment: annuel, annuité (somme d'argent versée annuellement par un emprunteur pour rembourser une dette), anniversaire, biennale, millénaire, quinquennal, etc.

Mais sachez aussi que sur annulus, et plus précisément sa forme suffixée annularius, nous avons créé annulaire, le doigt, littéralement, aux anneaux. Le doigt qui les porte.

Ouais, ça vous saviez!
Mais … pourquoi mettre les anneaux (de fiançailles, de mariage) précisément à CE doigt??

Ah!

Tout simplement parce que les médecins antiques pensaient qu’une veine, la vena amoris, reliait directement ce doigt au coeur

Oh c’est tout mimi, la veine de l’amour!


Allez, - soyons fou - un autre mot: saison!

Saison nous vient de la racine proto-indo-européenne...

*sē-1

Signification? Il s’agissait d’une racine verbale, à traduire littéralement par … semer!

C’est une forme de *sē-1 au degré zéro et dupliquée: *si-s(ə)- qui a … ensemencé le latin serere: semer.


Quant à notre français saison - je cite ici le wiktionary -  il nous arrive du latin satiōnem, accusatif de satiō « action de semer, de planter, semailles », formé sur le supin satum de … … serere, évidemment (« semer », ‘faut suivre, hein?).


Le semeur, James Tissot


Alors, oui, je sais: “mais comment est-on passé de 'semer' à 'saison'?

Par extrapolation.

Le latin classique satiōnem a fini par désigner, non plus les semailles en tant que telles, mais, par la force des choses “le moment de l’année propice aux semailles”.

Et de là, le mot en est venu à désigner tout moment, toute saison favorable à faire quelque chose, d’une façon générale, sans plus de relation avec les semailles ; chaque période de l’année étant propice à des activités particulières…
A toute chose sa saison, et à toute affaire sous les cieux, son temps…

Sur le latin serere et ses dérivés se sont souchés des mots comme semer, évidemment, ou semence, disséminer, inséminer, les anglais seed (semence) ou season (saison) mais aussi…

Séminaire!
Du latin seminariumpépinière »), de semengraine »).

Le séminaire: une pépinière de jeunes talents!

Et donc, NON, ne succombez pas à cette légende urbaine selon laquelle séminaire viendrait de l’anglais semensperme »), même si les récents (?) scandales ayant éclaboussé l’Eglise Catholique pourraient sembler attester (je suis prudent) que les anciens du Séminaire savent manier autre chose qu’un goupillon, et pas toujours le leur.

Notez, je dois vous l'avouer, j'avais pensé à "se faire assaisonner l'anneau par un séminariste" comme titre à ce billet, mais bon, comme vous l'aurez déjà lu, j'ai fait preuve de grande lâcheté avec ce gentillet "au séminaire, du colza on n'en mange qu'une fois par an"...


Professeurs du Petit Séminaire de Chavagnes, 1954



Colza!
Colza nous arrive du moyen français colzat, lui-même issu du néerlandais koolzaadsemence - ou graine - de chou »).
Cette plante annuelle à fleurs jaunes appartient d’ailleurs à la famille des Brassicacées, au même titre que les choux, navet, moutarde, raifort ou cresson


Colza (vous vous attendiez à un champ de lavande?)


Et aussi…
assaisonner!

Et oui, bien sûr, ça parait aller de soi: assaisonner vient de saison!
Mais encore une fois, quel est le rapport???


Nigella Lawson rectifiant un assaisonnement.
Parfois, il y a des avantages à être un légume

Vous devez savoir que (merci le Wiktionary) le sens premier d’assaisonner, c’était « disposer, régler selon la saison ».
Le verbe s’appliquait en particulier à la conduite des cultures.
Il pouvait également signifier « cultiver en saison propre, mûrir à temps ».

C’est ainsi que dans un texte du XIIIème siècle, on trouve la mention de “viande assaisonnée” mais dans le sens d’aliment cuit à point: “à temps, juste comme il faut”, sorti du four au bon moment

Quand, plus tard, ce verbe entrera dans le domaine culinaire, il signifiera « mettre à point pour le goût à l’aide de certains ingrédients », et ça, c’est Littré qui nous le raconte…

Et notez que l’anglais season, basé comme tellement de mots anglais, sur le français, désigne tant le substantif saison que le verbe assaisonner


- Bon, et mois?
- Mois?? Mais enfin, nous en avons déjà parlé?!

Dans lune, lumière et mesure!


- Jour, alors??
- Jour, mmmh?

Ben tu cliques ici mon coco, et tu lis: By Jove, Olrik.

Je ne vais quand même pas faire une version spéciale Mal comprenants du dimanche indo-européen rien que pour toi, quand même?

Et pour ce qui est de jour en anglais: day, c'est ici que ça se passe: Daisy au Bundestag


- Euh ... OK, alors... Heure?
- Eh bien, OUI, il y a des choses à en dire, le mot français étant apparenté, par sa racine proto-indo-européenne, à quelques autres mots dans d’autres langues, qui n’évoquent pas nécessairement la notion d’”heure”….

Pom pom pom…

Je n’en dirai pas plus, du moins aujourd’hui!

Tout ça - et la suite, car on n’en a pas encore fini avec le temps - ce sera pour dimanche prochain!




Je vous souhaite à toutes et tous un excellent dimanche,
Je souhaite en particulier à certain(e)s - qui se reconnaîtront - un agréable lendemain de Burns Night.

Chez nous, nous fêterons Rabbie Burns samedi prochain!
Whisky, Haggis, Pipes & Kilt...



Passez une bonne semaine, et… à dimanche prochain!


Frédéric


article suivant: A la bonne heure!

dimanche 19 janvier 2014

le démagogue est en quelque sorte le démon de la démocratie





Bonjour à tous !



Je vous avais promis une suite particulièrement salée à notre article de dimanche dernier consacré au français « temps ».

Oui, comme annoncé dimanche dernier, le « time » anglais n’a RIEN à voir avec le français « temps », malgré les troublantes ressemblances phonétiques et sémantiques entre ces deux mots.


Time.


J'irais même jusqu'à dire que cette absence de connexion entre temps et time est peut-être la chose la plus extraordinaire que j'ai pu tirer de ma passion pour le proto-indo-européen !!


Time, “le temps” en anglais, donc, nous vient de la racine proto-indo-européenne…

*dā-.

*dā-, c’était diviser.

C’est d’ailleurs une forme suffixée de la racine, *da-mo-, qui devait probablement signifier “division de la société”, ou quelque chose d’approchant, qui nous a donné le grec δῆμος, dêmos : le peuple.

Sur dêmos, vous le savez, nous avons créé démocratie, démographie, mais aussi …

  • démagogue. 

A l'origine, démagogue (δημαγωγός, demagós) désigne simplement celui qui dirigeait une faction du peuple, la deuxième partie du mot, ἀγωγός, ágogós signifiant guide ; démagogue se traduisant donc littéralement par « celui qui guide le peuple ».

Ce n'est que bien plus tard que démagogue a commencé à s'employer pour désigner celui qui cherche à dominer le peuple en feignant d'agir selon ses intérêts.

Deux démagogues pour le prix d'un

  • Ou démotique.

- Euh, démotique ?
- Mais oui ! Le démotique est, avec le grec et l'écriture hiéroglyphique, l'une des trois écritures figurant sur la pierre de Rosette, sur laquelle s'est basé Champollion pour déchiffrer les hiéroglyphes.

Le démotique, c'est une langue, ou une écriture, "à l'usage du peuple".

Ne dites plus populaire, ou vulgaire, mais démotique. Ça c'est la classe !





  • Ou encore démiurge.

Surprenant, hein ?

Eh oui, démiurge, que Rabelais emploie en 1546 sous la forme demiourgon,  provient du latin demiurgus, lui-même emprunté au grec ancien δημιουργός, dêmiourgos (« créateur de l’univers »).

Dans δημιουργός dêmiourgos, vous retrouvez, outre δῆμος, dêmos le peuple, ἔργον, érgon : le travail.
Littéralement - et originellement - donc, le démiurge, c'est celui qui travaille pour le peuple.

Dans Homère, le mot désigne tout homme qui exerce une profession (devin, médecin, ouvrier).

Dans un contexte religieux, et par (une solide) extension, il désigne bien entendu aussi le créateur du monde.


  • Mais n’oublions pas non plus tous ces mots en -démie que sont endémie, épidémie, ou pandémie
Classés par ordre d'importance du nombre de personnes infectées il y a l'endémie, l'épidémie et la pandémie.
  • Une endémie désigne la présence habituelle d'une maladie dans une région ou une population déterminée ("l'hépatite A est endémique en Thaïlande").
  • L'épidémie désigne l'augmentation rapide de l'incidence d'une maladie en un lieu donné sur un moment donné.
  • Quant à la pandémie, dans laquelle nous retrouvons le grec ancien πᾶν / pãn (tous), il s'agit d'une épidémie, mais à plus grande échelle, présente sur une zone géographique nettement plus large. Pensons à la peste noire, en Europe et en Asie, qui tua au XIVème siècle des dizaines de millions de personnes, ou au sida...

Médecin revêtu de son costume de
médecin de peste
, censé le protéger de
l'épidémie 


Sachez également que c’est une forme allongée particulière de *dā- *dai-, qui est à l’origine du grec daiesthai : diviser.

Que nous retrouvons dans Géodésie :

La géodésie, du grec ancien : γεωδαισία / geôdaisía, de γῆ / gễ (« Terre ») et δαίω / daíô (« diviser »), est la science, destinée à l'origine au tracé des cartes, qui s'est attachée à résoudre le problème des dimensions, puis de la forme, de la Terre.

Et une géodésique, en géométrie, désigne la généralisation d'une ligne droite sur une surface.

- Uuh ?
- Une géodésique, disons que c'est simplement le chemin le plus court entre deux points.
Et que ce chemin n'est pas toujours si facile à trouver...

Imaginez le gars qui habite dans un solénoïde torique, et qui doit rentrer chez lui...

Géodésique dans un solénoïde torique

Maintenant, vous me direz, 'faut pas être bien pour habiter dans un solénoïde torique...
Et personne ne l'a obligé, non plus.


Mais continuons : une autre forme, suffixée cette fois, de la variante *dai-: *dai-mon-, véhiculait les notions de diviseur, de fournisseur, de distributeur.

Comment passer de l’idée de diviser à celle de distribuer ?
Mais oui, considérant un tout, si vous le divisez en parts, alors vous pouvez le distribuer


C’est ainsi que, basé sur le proto-indo-européen *dai-mon-, s’est créé le grec ancien δαίμων, daímôn, désignant une divinité, un esprit, un génie … distributeur.

De quoi ? Mais de fortunes diverses : le daímôn était bon ou mauvais

Bien entendu, daímôn est devenu notre français démon, via le latin daemon.

En informatique, on utilise toujours le terme anglais daemon pour désigner un programme qui fonctionne par lui-même, en tâche de fond, comme un petit génie exécutant ses tâches sans que l’utilisateur ne fasse quoi que ce soit…


Philipp Pullman et son daemon
(Ben ouais, 'faut lire sa fantastique trilogie fantastique
His Dark Materials)


- Oui, bon, OK, mais et time ???
- Oui, patience, patience… on y arrive.

Une forme suffixée au degré zéro de la variante dai- : *di-ti-, est à l’origine du proto-germanique *tidiz, qui signifiait division du… temps !

Sur le germanique *tidiz s’est construit le vieil anglais tid : temps, ou saison.

Et OUI, c’est de là que nous arrive, non pas time (patience !), mais bien … … …

Tide ! Oui, la marée en anglais ! Ce changement périodique du niveau de la mer…


Le canal entre Chiswick Eyot et Chiswick Mall sur la Tamise
marée basse, et marée haute


Notez également que l’anglais tide peut toujours signifier, en langage liturgique, une période, un temps lié à une fête religieuse.

L’anglais tide est un cognat...

  • du scots tide, tyde (“moment, temps, occasion, période, marée”), 
  • du néerlandais tijd (“temps”), 
  • de l’allemand Zeit (“temps”), 
  • du danois ou du suédois tid (“temps”), 
  • de l’islandais tíð (“temps”), 
  • de l’albanais ditë (“temps”? non raté: “jour”!), 
  • du vieil arménien տի (ti): âge, ou encore
  • du kurde dem (“temps”).



Et enfin - OUI, nous y voilà ! - c’est par une forme suffixée au degré zéro *dī-mon-, devenue *tīmōn- en germanique, que la racine proto-indo-européenne *dā- se retrouve dans le vieil anglais tīma : temps, période, duquel découle l’anglais moderne time, le temps !

Même origine pour...

  • le scots tym, tyme (“temps”), 
  • le danois time (moment”, heure”, ou même encore leçon”), 
  • le suédois timme (“moment, heure”), 
  • le norvégien time (bon, voir le danois ou le suédois), 
  • ou encore l'islandais tími (“temps, saison”).


Time, étymologiquement, donc, correspond à une division, et probablement à la volonté de diviser le temps, pour mieux l'appréhender, entre deux occurrences de phénomènes naturels que seraient par exemple les saisons, les équinoxes, les solstices, ou simplement l'aube et le coucher du soleil...

Ben oui, forcément, difficile de parler
de time sans faire référence à Big Ben



Auriez-vous fait le lien entre time, démocratie et démon ?
Eh ben, moi non !



Là-dessus, on m’appelle pour l’apéro.
Je vous laisse,

Passez un bon dimanche, une très bonne semaine, et…

A dimanche prochain !






Frédéric


dimanche 12 janvier 2014

Avez-vous le tempérament pour jouer du Bach?



To every thing there is a season, and a time to every purpose under the heaven:
A time to be born, and a time to die; a time to plant, a time to reap that which is planted;
A time to kill, and a time to heal; a time to break down, and a time to build up;
A time to weep, and a time to laugh; a time to mourn, and a time to dance;
A time to cast away stones, and a time to gather stones together; a time to embrace, and a time to refrain from embracing;
A time to get, and a time to lose; a time to keep, and a time to cast away;
A time to rend, and a time to sew; a time to keep silence, and a time to speak;
A time to love, and a time to hate; a time of war, and a time of peace.

"Turn! Turn! Turn! (to Everything There Is a Season)", 

Pete Seeger, 1962

repris par The Byrds, 1965

paroles reprises pratiquement in extenso du chapitre 3 du livre de l'Ecclésiaste.





A toute chose sa saison, et à toute affaire sous les cieux, son temps. ...




Turn! Turn! Turn!, The Byrds, live



Bonjour à toutes et tous !


En ce dimanche si proche du début de l’année, un sujet sur le temps qui passe...


Inexorablement,

Inéluctablement



Alors, TEMPS ! 

C’était QUOI, le TEMPS, pour nos lointains, lointains aïeux indo-européens ?

Mettons déjà les choses au point: cette idée de temps “cursif”, “linéaire”, de “ligne du temps” est parfaitement occidentale et moderne.

Du temps de nos lointains ancêtres, le temps était considéré comme cyclique, rythmé par les cycles terrestres et célestes.

Jour / nuit, phases de la lune, saisons, équinoxes, solstices


Jour / nuit


Nous retrouvons bien cette ancienne et traditionnelle notion de temps cyclique dans le russe pour temps : время (“vriémia”), descendant du vieux slavon d’église врѣмѧ (vrěmę) ('tain, quelle gueule ces vieux caractères slavons !), lui-même basé sur la racine proto-indo-européenne *wer-3, qui signifiait bien à propos : “tourner” (voir Serpents, vers et dragons. Ah, et aussi ophiolites.).


Cette notion de “temps linéaire” qui nous apparaît aller tellement de soi, si vitale, indispensable, eh bien, tout simplement, elle n’existait pas pour ces glorieuses tribus !

Eh non !

En tout cas, on ne retrouve aucune racine proto-indo-européenne qui pourrait y correspondre !

AUCUNE !!



En revanche… … …

En revanche, il y a bien une racine...


*tep-


... qui désignait … … … la température !

En fait, le verbe proto-indo-européen *tep- signifiait être chaud, brûlant.


- Ah bon, et alors ??
- Eh bien on suppose (on suppose, hein, rien ne peut être affirmé) que c’est *tep-,
- cette racine *tep- à l’origine du latin tepor, teporis : la chaleur, la tiédeur -
qui se cache derrière le latin tempus, d'où nous vient le français “temps”.


Du latin tĕpŏr, nous avons tiré tépide : tiède, dans un langage précieux.

Et l’on suppose que primitivement, tempus devait signifier de même la chaleur, d’où la température.

Sous cette acception, tempus, via tempera, temperatus, temperatura, nous a bien entendu légué “température”, ou “tempéré”.

Mais de tempus, nous avons aussi gardé…
Tempérance, ou tempérament

Tous ces mots véhiculent comme idée première la “tiédeur”.

La tiédeur, me direz-vous, ce n’est pas nécessairement positif.
Certes, mais la tiédeur, d’une certaine façon, c’est aussi “la voie du milieu”, la recherche de l’équilibre entre deux extrêmes.

C’est ainsi qu’en musique, on parle toujours de tempérament.

Rien à voir avec la fougue ou la nervosité d’un compositeur ou d’un interprète.
Non, le tempérament désigne une façon d’accorder les instruments en altérant légèrement les demi-tons…

- Maisje ??
- Oui, deux secondes, j'explique !


Connaissez-vous cette oeuvre magistrale, de ce maître absolu qu’est Johann-Sebastian Bach:
Das Wohltemperierte Klavier, BWV 846-893.

En français: le Clavier bien tempéré.


Ici par un autre Maître: Glenn Gould


Non, Bach, dans cette suite de préludes et de fugues, ne précise pas à quelle température le clavier doit être placé, et ne recommande pas non plus de jouer “avec modération”.

Mais pas du tout !

En fait, Das Wohltemperierte Klavier c’est une vitrine ! Ou plutôt une jauge.


Seconde page de la partition du
prélude en fa mineur (BWV 857)


A l’époque, les orgues, ou les clavecins ou clavicordes, les claviers, quoi, étaient encore souvent accordés selon des tempéraments particuliers, qui n'étaient pas nécessairement compatibles les uns avec les autres...

Une jauge ?
Oui : avec Das Wohltemperierte Klavier, Bach vous donne à jouer une suite de morceaux.
Si votre clavier vous permet de les jouer harmonieusement, eh bien, votre clavier est bien tempéré.

Une vitrine ?
Oui, auss i: Bach y fait l’éloge d’un type de tempérament : “voyez (ou plutôt écoutez) ce qu’il y a moyen de jouer sur un clavier tempéré selon mes recommandations.”.


Vous devez savoir qu’un clavier est par définition… faux !
Car à l’heure actuelle, sauf en de rares exceptions, nous utilisons le tempérament égal.

Qui convient d’ailleurs très bien au Wohltemperierte Klavier, même si d’autres tempéraments s’y prêtent également.

Dans le tempérament égal, on “normalise” les demi-tons.
Je m’explique :

Entre Do et , il y a un ton. En théorie musicale, on apprend que l’on peut diviser ce ton en demi-tons.
Et il y a deux demi-tons par ton, ce qui me semble assez logique.

Et puis, on peut aussi diviser ce même ton en commas, des neuvièmes de ton.
Et il y a combien de commas dans un ton ???
Oui, neuf commas dans un ton, bravo !

Prenons l’exemple du ton qu’il y a entre un do et un (notez, c'est le même ton qu'il y a entre un et mi, mais je ne veux pas vous embrouiller) :

Sur le clavier d’un piano, il y a une touche noire entre les deux touches blanches que sont le do et le .
Cette touche sert à obtenir soit un do#, soit un ré bémol : une note entre do et , qui est précisément un demi-ton plus haute que do, et un demi-ton plus basse que .



Simple !

Or c’est parfaitement faux !

Car - demandez-le à un violoniste (ou à tout musicien jouant sur des instruments à cordes sans barrettes) si vous ne me croyez pas - un do dièse est plus haut qu’un ré bémol !!
(et certains vont même jusqu'à affirmer qu'un ré bémol est plus bas qu'un do dièse. Si si.)

Et ce, d’un neuvième de ton : d’un comma.

Barrettes barrant les cordes sur le manche d'une
guitare à chaque 1/2 ton


Pour grimper de do à do dièse, on rajoute 5 commas à la hauteur de do.
Pour descendre de à ré bémol, on doit réduire la hauteur de de 5 commas

Par ordre de fréquence (du ton le plus bas au ton le plus élevé), nous avons donc :
DO,
séparé par 4 commas de
Ré bémol,
séparé par 1 comma de
Do#,
séparé par 4 commas de
RE.

Oui !!!

Ce qui, en toute logique, signifie que pour reproduire sur un clavier tant les ré bémol que les do dièse, il faudrait DEUX touches noires entre les touches do et .
Et ainsi de suite entre tous les tons !

Par le tempérament égal, on crée des demi-tons égaux, séparés de 4,5 commas de la note précédente comme de la note suivante...

Donc, sur un piano moderne, au tempérament égal, on n'a jamais vraiment affaire à un do dièse ou à un ré bémol. Mais à une note entre les deux, légèrement, mais réellement... fausse.

Je sais, c’est dur à entendre.

Mais c’est aussi le prix à payer pour pouvoir reproduire sur n’importe quel clavier le même morceau, et en obtenir un même rendu.

En “normalisant” les demi-tons (en fixant les demi-tons à 4,5 commas entre chaque ton), on peut maintenant jouer sur un clavier un morceau dans n’importe quelle tonalité : il sonnera toujours de la même façon ; simplement, plus grave ou plus aigu

(En d'autres termes, l'utilisation du tempérament égal permet, sur un clavier, de transposer un morceau dans n'importe quelle tonalité.)

A l'inverse, on pourrait parfaitement imaginer accorder un clavier (le tempérer) pour un morceau en particulier, dans une tonalité particulière, ce qui rendrait d'ailleurs difficile ou impossible, sur ce même clavier, le jeu de ce même morceau dans une autre tonalité (donc “plus haut”, ou “plus bas”).

Ca vous embouche un coin ? Ben ouais…

On vit de notions qui nous paraissent tellement limpides, évidentes.
Alors qu'en fait elles ne sont que du vent... 
"C'est quoi le temps,  c'est quoi la justesse d'un piano ?!"


Mais revenons au latin tempus.

Comment diable est-on passé de tempus la chaleur, la température, à tempus le temps ?

Vous remarquerez qu’en français, on utilise bien le mot “temps” pour désigner tant la météo, que la durée.

De tempus la chaleur, on est passé à tempus les conditions climatiques (bonnes ou mauvaises : chaud ou froid), et puis, par abstraction - les conditions climatiques étant en quelque sorte mouvantes dans la durée, et pouvant finalement être associées à un moment - le mot en est venu à désigner l’idée de ce temps qui passe, liée probablement donc à la température, aux conditions climatiques changeantes



Nous retrouvons encore la racine *tep- en sanskrit, excusez du peu.
Où elle désigne encore la chaleur: तपस्, tapas.

Non, rien à voir avec ces délicieuses spécialités espagnoles.

Tapas

Le sanskrit tapas, basé sur une forme suffixée de *tep- *tep-es-, désigne une forme de méditation profonde, et se traduirait littéralement par ascèse, austérité, et fait référence à la chaleur cosmique, la chaleur nécessaire à toute vie



Enfin, nous retrouvons encore probablement *tep-, par une forme suffixée *tep-n-, dans le nom du jour de la fête celte de Beltaine, qui correspondait à l’arrivée du printemps.

Fête du Feu de Beltaine, Edinburgh


En vieil irlandais, tene c’était le feu ; Bel-taine, le feu de Bel, l’équivalent du gaulois Bélénos, déjà rencontré dans une nuance plus blanche de pâleur.



- Et time !
- Mmh ?
- Ben ouais quoi, c'est aussi de *tep- que nous vient l'anglais time, le temps, évidemment !!!
- Eh bien, au risque de vous contredire, contrarier, attrister, froisser, déplaire voire choquer : NON!!!

NON, TIME n'a RIEN A VOIR avec TEMPS !!

- Mais enfin, time, temps, c'est la même chose : phonétiquement, et sémantiquement !
-Ben oui, peut-être, mais ETYMOLOGIQUEMENT, il n'y a aucun (AUCUN) rapport entre ces deux mots !

Ce que vous découvrirez... dimanche prochain !





Eh ben voilà, encore un peu de bon temps partagé avec vous…


Je vous souhaite, à toutes et tous, un excellent dimanche, et une très bonne semaine !


De mon côté, aujourd'hui c'est l'anniversaire de mon adorable chien !
Eh oui, le temps passe...
Emma, 8 ans de bonheur !







A dimanche prochain ?





Frédéric



dimanche 5 janvier 2014

"comme le papegeai, mal, à maquette" = blasphème


article précédent: link



"Le filet du ciel est immense et ses mailles sont écartées,
mais il n'y a pas un méchant qui puisse l'éviter."

Lao Tseu




Pamina
Un homme qui ressent l’amour
ne peut manquer de bon cœur.

Papageno
Partager le doux sentiment est alors
le premier devoir d’une femme.

Ensemble
Nous voulons chanter la joie de l’amour,
nous vivons par l’amour seulement.

Pamina
L’amour adoucit chaque peine,
toute la création se voue à l’amour.

Papageno
Il donne du sel à chaque jour de notre vie
et fait tourner la roue de la nature.

Ensemble
Son but le plus élevé, il le révèle clairement:
rien n’est plus noble que mari et femme.
Mari et femme et femme et mari
atteignent à la divinité.

Traduction française du duo Mann und Weib
Die Zauberflöte

Schikaneder & Mozart




Bonjour à toutes et tous!

Avez-vous bien passé le cap? Je l’espère de tout coeur.


J’avais terminé l’année en vous laissant hagards, pantois, devant l’annonce de ce qui allait suivre!
La suite de l’article sur “link”, bien sûr, qui s’intéresse à présent à l’équivalent français de link: le… maillon!




Bon, enchaînons donc avec ce premier dimanche de l’année 2014!


Le mot français “maillon”: noeud, petite maille, ou encore anneau d’un câble, ou d’une chaîne, vous le savez, dérive du mot maille.

Fin du XIème, nous savons que maille s’emploie pour une taie dans l’oeil: cette tache blanche qui se forme parfois sur l’œil des suites d’une blessure ou d’une inflammation.

Nous retrouvons d’autres occurrences plus tardives du mot, où il désigne alors une moucheture sur le plumage d’un oiseau, ou encore l’anneau d’une chaîne, ou même le trou formé par chaque maille… … …

Tiens, à propos de la maille comme moucheture, nous connaissons toujours le papegeai maillé!

Un papegeai solidement maillé, à la limite
de l'indécence


Et c'est sur papegeai, ou plus précisément son équivalent allemand papagei, qu'Emanuel Schikaneder, le librettiste du singspiel "Die Zauberflöte" ...

- au titre honteusement, stupidement, imbécilement, monstrueusement mal traduit par "La Flûte enchantée!" (Il faudrait plutôt dire "La Flûte ensorcelante", "La Flûte magique", ou pourquoi pas, "La Flûte charmeuse": c'est ELLE, la flûte, qui enchante, pas l'inverse, b*l de m. - oui, ça me rend dingue!), mais soit - 

... a créé le nom de son personnage Papageno et de son contrepied féminin Papagena...

Papagena & Papageno

Adorables mortels, pleins de vie et d'amour, mais sans aucune intériorité: seulement capables d'imiter sans comprendre, comme de vulgaires perroquets...

D'ailleurs, ils annoncent la couleur: la seule chose qu'ils veulent faire, c'est se reproduire...



Le célèbre duo de Papageno et Papagena


(Mais soyons bons pour Papageno: c'est quand même quand il chante en duo avec Pamina - l'équivalent "profond" de Papagena - qu'il nous offre l'un des plus beaux morceaux de musique que l'oreille humaine puisse entendre, au texte d'une beauté simple et absolue...)



Mann und Weib
("Bei Männern, welche Liebe fühlen")


Peut-être Schikaneder et Mozart ont-ils voulu montrer par là que par l'entremise de la femme accomplie, l'homme pouvait espérer quitter sa matérialité et atteindre à des niveaux supérieurs?

Ou que l'Homme (donc l'Humain) doit réconcilier en lui ses pôles pour gagner l'Harmonie...


Bon, rematérialisons-nous.


Et maille, il vient d’où?

Du latin! Et précisément de macula.
Macula, à l’origine, c’est la tache, puis par la suite la maille de filet.

Curieux? Oui et non, le trou formé par la maille formant en quelque sorte une tache


En tout cas, jusque là, tout le monde est d’accord, et l’étymologie de maillon / maille peut être retrouvée sans heurts…

Mais voilà! A partir d’ici, ça se complique 'achement…


Deux possibilités s’ouvrent à nous!


Soit, 1ère option:

Le latin macula (non, vous ne m’aurez pas à des jeux de mots graveleux) est vraisemblablement une variante d’une forme *malocula, malcula, diminutif d’un substantif *mala qui n’a pas survécu.

Et NON, malocula n’est pas le douloureux constat d’un rapport postérieur non souhaité. NON, vous ne m’aurez pas à ce jeu-là.

Et le disparu *mala provient de malus (eh oui! mal, mauvais, méchant!), dérivé de la racine proto-indo-européenne...

*mel-5: faux, mauvais, mal



Soit, 2ème option:

Le latin macula est un lointain dérivé de la racine proto-indo-européenne...

*smē-: enduire, maculer



Les DEUX options sont possibles, et personne, à ma connaissance du moins, n’a encore vraiment tranché…


Alors, 1ère option: macula dérive de *mel-5:
Cela impliquerait que le mot serait cousin de … mal, malice, malin, malentendu, malversation...

Et de macula, évidemment!

(NON, j’insiste, macula ne désigne pas non plus un lointain cousin de Dracula, un vampire pervers qui ne s'attaquerait pas qu’à la nuQUE). Je commence à en avoir assez de vos grivoiseries!

La macula, dépression située à la partie postérieure de la rétine, aussi appelée “tache jaune”.

macula



Nous connaissons encore maculer, et bien entendu, ce qui est sans tache: immaculé

Mais c’est pas vrai?? NON, immatriculé ne veut pas dire immaculé trois fois. Je vous préviens, je vais arrêter!


Mais saviez-vous que de *mel-5 nous arrive également …

maladie!

Maladie, mot dont on retrouve une occurrence en 1225, est bien entendu basé sur malade.
Malade, quant à lui, est issu du bas-latin *male habitus (“mal fichu”).


C’est aussi *mel-5 qui serait à l’origine de blâme, et de blasphème!, tous deux provenant du grec ancient βλασφημέω, blasphêméô (« médire, maudire »)

Pour les anciens Grecs, le blasphème, c’était une parole de mauvais augure, ou qui ne pouvait être prononcée dans le cadre d’une cérémonie religieuse.

On soupçonne qu’à l’origine du grec ancient βλασφημέω, blasphêméô se trouve une variante suffixée de la racine *mel-5 au degré zéro (*ml̥-s-): *mls-bhā-mo-, dont la signification littérale aurait été “parler mal, dire le mal”.

Oui, *bha- c’était parler; vous le savez toutes et tous depuis que vous avez lu parole: préhistoire avec plutôt qu'histoire sans!




Life of Brian, Stoning scene
(la scène de la lapidation), 
Monty Python, 1979



2ème option?
Si maintenant le latin macula provient du proto-indo-européen *smē-, ce serait vraisemblablement à partir d’une forme au degré zéro de la racine, *smə-, suffixée pour donner *smə-tlā-.

Et alors notre maillon serait toujours un cousin de macula / immaculé …, ainsi que de maillot, soit dit en passant, mais il serait aussi apparenté à …







maquette!

Maquette est un mot relativement récent (1752), repris de l’italien macchietta: l’ébauche, lui-même diminutif de macchia, la « tache », basé donc sur le latin macula

- Une tache pour une ébauche???
- Ben oui! Vous trouvez que brouillon c'est plus malin?

Maquette


Encore quelques dérivés du latin macula, qu’il provienne de *mel-5 ou de *smē-?


Apparenté à maille / maillon est le mot trémail: un filet de pêche passif, attaché au fond de l’eau, dans lequel les poissons ou crustacés viennent se prendre…

Trémail
Les drapeaux de signalisation ne sont hélas pas pour les poissons


Et puis, en héraldique, on parle aussi de … macle!

La macle est une marque, une maille en losange, représentant, stylisée, une maille de cotte d'armes de chevalier.

L'écusson de Rohan:
De gueules,
à neuf macles d'or.
 "Roi ne puis,
Prince ne daigne,
Rohan suis."


En cristallographie, on désigne également par macle - le terme en serait repris de l'héraldique - une association orientée de deux ou plusieurs cristaux identiques, dits individus, reliés par une opération de groupe ponctuel de symétrie.

macle (pyrite)


Quant à l’expression “avoir maille à partir”, sachez qu’elle fait référence à la maille, ou obole, une pièce de monnaie française du XIVe siècle, et qui ne valait pas tripette!

Elle valait en effet 1/2 denier, ce qui en faisait la plus petite pièce de monnaie - en valeur - du système monétaire de l’époque!

On la reconnait à la croix frappée au centre d'une de ses faces.

Maille


Partir” signifiait encore à l’époque “partager”.

Partager une maille, mais c’était forcément impossible, puisqu’il n’y avait pas plus petit!

Et donc, l’expression dit bien ce qu’elle veut dire, en s’employant à propos d'un différend impossible à trancher lors de disputes mesquines.


Et nous avons toujours aussi l’expression « Avoir ni sou ni maille », éloquente.


Mais dans le cas de la monnaie, maille n’a RIEN A VOIR avec notre macula:

Eh oui, la maille doit son nom à l’italien medaglia.

Oui, qui donnera médaille!

La médaille est donc bien une pièce d’un demi-denier; son nom provient du latin médiéval *medalia, désignant une mesure de capacité, lui-même étant issu par dissimilation de *medialia, pluriel neutre pris comme féminin singulier de medialis, « qui est au milieu ».

Ah vous voulez des médailles???!



Ah oui, et ni émail ni émailler ne viennent de maille / macula ; ils nous arrivent en réalité d'une autre racine proto-indo-européenne: *mel-1.

Oui, intéressante aussi, *mel-1.... Elle sera le sujet d'un dimanche à venir...





Bon dimanche à toutes et tous!

A vous toutes et tous, une bonne semaine, et une bonne année surtout!

Et... à dimanche prochain!


En ce qui nous concerne, la semaine prochaine, nous parlerons de, voyons...
Eh ben je ne suis pas encore vraiment fixé, ce sera donc une surprise!





Frédéric