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dimanche 16 juin 2019

fi, ce ne sont là que broutilles, bagatelles, de simples détails !







“(...) Une chevelure dénouée et vétilleusement éparpillée, puis remise et ornée de fleurs (...)

Honoré de Balzac, 
L'Enfant maudit, 1837





















Bonjour à toutes et tous !



Nous sommes plongés dans l'étude de la racine indo-européenne ...

*ueh1-i-, “tisser, tresser...”.





Après avoir examiné quelques-uns de ses dérivés en sanskrit, en avestique, en perse, en hittite, et tant qu'à faire, en arménien...

“La saison venue, la chenille tisse un cocon autour d’elle-même et elle devient cacahuète.” - Cavanna,



... nous passâmes, la semaine dernière, à l'un de ses dérivés latins, le verbe vieō, “courber, tresser, lier, attacher...”,

Partir en vrille au-dessus du Viminalis ? Le fait d'un pilote linguiste.

racine indo-européenne *ueh1-i-“tisser, tresser
proto-italique *wijeje/o-, “tresser”
latin vieō, courber, tresser, lier, attacher...”







J'avoue être charmé, conquis, par le formidable travail de cette racine toute mimi, qui nous a déjà donné...



... le français régional vime, le latin viminalis, ainsi que nos français vis, viticole, et vrille.

(pour rappel, notre français vis, à l'instar de viticole, dérive précisément du latin vītisplante à vrilles, pied de vigne...”)

racine indo-européenne *ueh1-i-“tisser, tresser
timbre zéro suffixé *uh1i-ti-
proto-italique *wīti-
latin vītisplante à vrilles, pied de vigne...”
ancien français viz, d'abord “escalier tournant”, 1049
réfection graphique, fin XIème
français vis



Franchement, on pourrait en rester là, non?

Mais bon, nous ne reculerons devant aucun sacrifice...

Sachez-le, notre travail de pistage des dérivés de la jolie *ueh1-i-“tisser, tresser” ne fait que commencer...


En ce beau dimanche, restons, voulez-vous, sur vieō, “courber, tresser, lier, attacher...”.

Car voilà...

... sur vieō s'est aussi construit, en latin classique, le substantif ... vitta.

- Vitta ?

- Oui, vitta, -ae: “ruban (pour les cheveux), bande, bandelette de tissu...” 

- Mais euh... c'est vitta, avec deux t ? Comment est-...

Comment est-on passé de vieō à un vitta avec deux t, hein, c'est ça la question ?
- Ben euh... oui ...

- Mais 'y a qu'à demander ! 

Alfred et Antoine (pour les moins intimes, Ernout et Meillet) s'étaient déjà posé la question, figurez-vous. 

Et leur réponse est toute simple: ce tt indique un terme technique, qui remplace sans doute un *vīta (non attesté).

- Terme techn..

- Oui, terme technique”, car sans doute ancien terme religieux (et d'emploi rare), pouvant désigner l'infula rituelle, ce que Félix (oui, oh, Gaffiot) définit comme une large bande de laine qui ornait la tête des prêtres, des victimes, ou que portaient les suppliants.

je pense qu'ici, hélas, nous avons
plutôt affaire à une victime


Ce vitta,
si tant est qu'il provient bien d'une forme précédente *vīta,
s'expliquerait parfaitement comme étant la continuation d'une forme participe en -to- de notre *ueh1-i-, *uiH-to-
(où ce H désigne une laryngale non identifiée, pour les amateurs et autres grands malades).
difficile de représenter une laryngale.
Voici donc une laryngite
(source)


Alors, bon, ce vitta latin ne va pas changer l'monde, me direz-vous.

Peut-être, si vous voulez, mais sachez quand même qu'il est particulièrement bien représenté dans les langues romanes...

Où il a donné notamment...
  • L'italien vitta, vetta (sommet, couronne, cime...)
  • le galicien fita (probablement)
  • le portugais fita (probablement aussi), mais plus certainement guita et beta,
  • les espagnols veta, veine du bois et beta
  • le sicilien vitta
et même (soyons fous)
  • le roumain bată.
Ces termes en b- s'expliquant par un bas latin (non attesté ; ne rêvons pas, non plus) *bitta.


Ah oui ! Et le diminutif de vitta en bas latin, *vittula, a été emprunté en ... albanais, avec vetull. 

Qui n'y signifie plus bande, bandelette, mais bien, par un léger glissement de sens... sourcil

vetull, “sourcil”
(pas toujours nécessairement au pluriel,
en Albanie, semble-t-il)


Et le latin vitta a également été emprunté par l'anglais !

Calqué, même, purement et simplement, avec vitta, tout simplement, qui désigne notamment, à présent, 
  • en zoologie,
une bande ou une rayure de couleur, et 
  • en botanique,
un des nombreux canaux ou tubes allongés en forme de massue se trouvant dans le péricarpe du fruit de la plupart des plantes ombellifères et contenant leur huile caractéristique (oh merci l'Oxford English dictionary).

(source)

Ce que ce bon Ludovic Chirat de Souzy (1805 - 1856) décrivait, dans le premier volume de son Étude des fleurs, botanique élémentaire, descriptive et usuelle,
au chapitre ombellifères,
comme 
de petites lignes verticales et colorées dans le fond des sillons, d'où sort une espèce d'huile et de résine.



Préciserons-nous encore que infulae, 
- francisé en infule -
synonyme de notre vitta/e, désigne les fameux rubans de la mitre épiscopale ou de la tiare papale... ?

(source)




Mince, et avec tout ça, j'allais l'oublier !

Le latin classique vitta s'est dérivé dans l'ancien français vete, vette, “courroie” (circa 1180), puis “lien, ruban(1449).
En notant par ailleurs que nous avions emprunté vitta sous les formes vite (1392), et vitte (circa 1500), sorties d'usage, qui désignaient précisément une ... bandelette...

Sur l'ancien français vete se construira tardivement (début du XVIIème !) le verbe ... vétiller.

Vétiller, oui. Vraisemblablement, à l'origine, “s'occuper de rubans”. 

Même si Alain Rey nous explique, lui, qu'il signifiait “flotter”, en parlant des cheveux en désordre.

Quoi qu'il en soit, vétiller, à partir de son sens de “s'occuper de rubans” 

ou de porter les cheveux dans le vent”,





en est venu à signifier...
“s'occuper à des choses insignifiantes (début du XVIIème).

La suite, vous la devinez...

Sur vétiller s'est dérivé le substantif... vétille.

Dont le sens a évolué considérablement

Vers 1538 (et c'est toujours Alain Rey qui nous le raconte), il signifiera “chicane”, mais en 1611, il est attesté, en emploi littéraire, dans le sens de “chose insignifiante”.

Il désignera également (1611) un jeu de patience consistant en des anneaux entrelacés très difficiles à séparer
(comme des cheveux entremêlés, quoi !),
d'où le terme vétilleux, s'appliquant à une personne qui s'attache à des détails (1642). 

Enfin, par la suite, en vocabulaire technique (1765), notre vétille désignera le petit anneau qui reçoit le fil dans un rouet.



Chères lectrices, chers lecteurs, 

Merci de me lire, merci de votre fidélité, merci de vos commentaires.

Je vous souhaite un EXCELLENT dimanche, et une très heureuse semaine !




À dimanche prochain !







Frédéric



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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom:
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter,

la preuve formelle que Jean-Sébastien (oui, Bach) n'était pas de notre monde...

Sur un ruban, mais ici de Möbius
voici le canon à quatre voix à cancrizans (l'équivalent d'un palindrome),

Quaerendo invenietis, “en cherchant, tu trouveras

que Jean-Sébastien composa (et probablement même, improvisa !!!),

dans son Offrande musicale, à l'adresse de Frédéric II de Prusse

Ecoutez cette remarquable version...



Et puis, passez à celle-ci, où la structure du morceau vous sera révélée...




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