article précédent : Ite missa est
Imagine there's no countries, it isn't hard to do
Nothing to kill or die for, and no religion too
Imagine all the people living life in peace...
John Lennon,
Imagine, 1971
Amis lecteurs,
Ces deux derniers dimanches, nous avons passé en revue quelques beaux dérivés français de la racine indo-européenne...
*m(e)ith2-, « échanger, ôter...»,
mots que nous avait légués le latin mittō, mittere, « laisser aller, laisser partir, lâcher ; envoyer, lancer», comme...
- mets,
- mise,
- missive,
- message,
- missi dominici,
- missile,
- mission,
- messe,
- missel.
Allez, on lit ou relit This was their finest hour et Ite missa est, et plus vite que ça.
Nous en terminerons aujourd'hui avec cette belle racine, qui n'a pas été plus prolifique que ça.
Il nous reste quand même à en énumérer les quelques dérivés qui nous en restent.
Avant tout, elle est encore présente dans au moins une autre langue du groupe italique, le sud-picène, avec metims, « monument, mémorial...». Le sens de ce metims, et surtout son lien sémantique avec notre racine m'échappe un peu ; je suppose que ce monument est à entendre comme une offrande ? Si tant est que la sémantique de ce cognat sud-picène du latin archaïque mitāt ait suivi la même progression...
(Mais oui, OH !, on relit This was their finest hour.)
Et puis, surprise !
Cette petite racine, si elle n'apparaît plus dans la majorité des langues indo-européennes, se retrouve, en dehors des langues italiques... en germanique
ce qui n'a rien de particulièrement surprenant, d'accord,
mais aussi en... indo-iranien !
précisément. |
Et donc, oui, en dehors de ces trois groupes, le troisième séparé par des milliers de kilomètres des deux premiers, ben, il semble qu'on l'a perdue, qu'on l'a oubliée...
C'est comme ça.
Dans les langues germaniques, citons le verbe gotique... 𐌹𐌽𐌼𐌰𐌹𐌳𐌾𐌰𐌽, inmaidjan, « échanger, transformer, changer...».
(Oui, comme dans
𐌹𐌽𐌼𐌰𐌹𐌳𐌾𐌰𐌽 all the people,Livin' life in peaceYou-ouu)
Il s'agit d'un composé, de...
- in-, « en »,
et de
- maidjan, dont la définition serait « changer, transformer, corrompre...».
Oui, on n'en sait pas beaucoup plus, car ce mot est un magnifique hapax.
Un mot belge, si vous préférez.
Je m'adresse ici au public français, dont certains représentants peu instruits, un peu lents, ou tout simplement heureux dans leur beaufitude, s'amusent visiblement toujours de ce « une fois » prétendument belge.
(Seraient-ce les mêmes qui voteront le 24 avril pour cette alliée de Poutine qui veut sortir la France de l'Otan et euphémistiquement revoir sa place dans l'Union Européenne ?)
Hapax, emprunt savant à la locution grecque ancienne ἅπαξ λεγόμενον, hápax legómenon, litt. « dit une fois », hapax, donc, désigne, en linguistique, un mot, ou une forme, dont on ne peut relever qu'un seul exemple à une époque donnée.
Je peux cependant vous fournir un dérivé de ce gotique 𐌹𐌽𐌼𐌰𐌹𐌳𐌾𐌰𐌽, inmaidjan, « échanger, transformer, changer...» : le substantif féminin gotique 𐌹𐌽𐌼𐌰𐌹𐌳𐌴𐌹𐌽𐍃, inmaideins, « échange, substitution ».
le site s'appelle Gothic Fashion Exchange. 'ai pas pu résister... |
À présent, tournons-nous vers l'Orient, vers l'avestique !
Je vous préviens tout de suite, en avestique, le pro-indo-européen *m(e)ith2-, « échanger, ôter...», va parfois subir, comme en latin, un formidable glissement de sens, mais ici, cet échange original devient carrément... hostile.
En vieil avestique, nous pouvons encore apercevoir des traces de notre lointaine *m(e)ith2- dans la forme verbale (de la troisième personne du singulier, à l'aoriste) hə̄m.aibī.mōist, « il/elle se joint/rejoint » (la notion d'échange peut s'y comprendre, même si aux forceps), ou encore dans cette autre forme verbale mōiθat ̰, « il/elle privera » (nous y retrouvons bien la notion d'ôter attribuée à la racine indo-européenne).
Et en sanskrit,
soyons fous,
nous tomberons, par exemple... मेथेते, methete, « devenir hostile, se quereller », manifestant un échange disons... tumulteux.
Alors, oui, il se pourrait que la racine *m(e)ith2- se retrouve encore dans d'autres groupes linguistiques, mais très honnêtement, vu le peu de consensus sur ce point de la part de la gent linguistique, je préfère ne pas me lancer dans l'aventure, et risquer de vous induire en erreur....
Amis lecteurs,
Je vous souhaite un excellent dimanche, et une très belle semaine.
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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter,
oui, du Bach.
Tiré subtilement de
l’Oratorio de Pâques
(Oster-Oratorium)
BWV 249,
qui fut donné à Leipzig le dimanche 1er avril 1725,
voici, sous la direction du grand Philippe Herreweghe,
le Collegium Vocale Gent,
avec, en soliste, le magnifique hautboïste Marcel Ponseele
(que l'on dirait tout droit sorti de
The Draughtsman's Contract, de Peter Greenaway, 1982)
voici, donc,
le deuxième mouvement,
le sublime adagio de cet Oratorio de Pâques.
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