article précédent : Les langues Arśi et Kuči sont en bateau dans le bassin du Tarim...
“Languages are maintained by societies in which individuals for the most part wish to participate without appearing as odd; in western societies of the present, allowance is, however, made for adolescents, who fix on idiosyncratic speech known as slang. Accordingly, changes in language are maintained or rejected in accordance with the prestige of the groups that make those changes.”
Winfred P. Lehmann, Theoretical Bases Of Indo European Linguistics
(« Les langues sont cultivées par des groupes auxquels les individus souhaitent pour la plupart adhérer sans dénoter ; cependant, dans les sociétés occidentales d'aujourd'hui, une concession est faite vis-à-vis des adolescents, qui s'en tiennent à un discours idiosyncrasique, un argot qui leur est propre.
Si l'on suit le raisonnement, les modifications apportées à la langue seront appliquées ou rejetées en fonction du prestige dont jouissent les groupes qui opèrent ces changements. »)
J'aimerais croire que, vu le ridicule dont savent se parer les inclusivistes,
nous avons encore toutes nos chances de conserver un français digne de ce nom.
Tiens, savez-vous comment, en anglais, on appelle avec humour la communauté LGBTQAAIPSJFUES ?
(Ah mais oui, comme vous le voyez, l'acronyme vient encore de se rallonger.)
On l'appelle la communauté de l'alphabet ! Alphabet Community.
Serais-je finalement un analphabète ?
Chers lecteurs, bonjour.
Nous continuons, en ce beau dimanche, l'étude des dérivés de la sémillante indo-européenne
*ueiḱ-, « l'endroit où l'on s'installe... ».
Nous avons découvert cette racine le 24 juillet, avec le tokharien B īke, pour « lieu, endroit ; position ».
Nous en avions même repris quelques attestations, comme :
- snaice tallānt ikemem, « depuis un lieu pauvre, misérable »,
- sañ mäskelye yakene, « à l'endroit qui lui était assigné »,
- sle-tassäntse ikene, « en lieu et place du commandant de la montagne »,
- tumem c[ai] brāhmani tot ike-postäm̥ ynemane Aran̥emiñ lānte yapoyne kamem̥, « alors, ces brahmanes, se déplaçant de lieu en lieu (ike-postäm̥), arrivèrent au royaume du Roi Aranemin ».
Aujourd'hui, amis lecteurs, il sera question des dérivés de notre *ueiḱ-, « l'endroit où l'on s'installe... », dans les langues... germaniques.
Je reprendrai ici les résultats des recherches du grand Winfred P. Lehmann, linguiste américain qui se spécialisa notamment en linguistique germanique (ce qui tombe assez bien), et qui nous a quittés il y aura très précisément quinze ans demain.
Winfred Philip Lehmann, 23 juin 1916 – 1er août 2007 |
A Gothic Etymological Dictionary, Winfred Philip Lehmann |
Un dictionnaire gothique |
Et si nous parlions un peu du gotique ?
Oui, gotique sans h, pour bien distinguer le nom de la langue de l'adjectif (oui, avec un h, lui).
Le gotique est une langue morte, qui était parlée par les... Goths (oui oui, avec h) dans l'Antiquité tardive et même jusqu'au haut Moyen Âge.
Et parmi les Goths, c'était surtout les Wisigoths (toujours avec h) qui en étaient les locuteurs.
Wisigoth, avec hache |
Le gotique est la plus ancienne des langues germaniques attestées, grâce notamment au Codex Argenteus, une traduction
(en gotique, j'aimerais ne pas devoir le préciser)
de la Bible, datant du VIème.
Codex Argenteus |
Alors, surtout, ne vous méprenez pas !
Le gotique n'a donné naissance à aucune (AUCUNE) des langues germaniques actuelles.
AUCUNE.
Mais par son caractère archaïque, il est d'une aide particulièrement précieuse en linguistique comparée, puisqu'il nous permet de nous plonger dans le passé et de nous représenter ce qu'était une langue germanique de l'époque.
Allez, c'est parti.
Winfred Philip Lehmann nous propose comme dérivé de *ueiḱ- le gotique 𐍅𐌴𐌹𐌷𐍃, weihs, « village », qui, précise-t-il, donnait au génitif weihs-is.
Il note également qu'une variante, de même sens, est attestée : 𐍅𐌴𐌷𐍃𐌰, wēhsa.
Authentique camp de Goths (photo colorisée) |
Bon ben… Voilà pour aujourd'hui.
- Quoi, c'est tout ?? Mais, et le vieil anglais wic, le vieux frison wik, et tous ces autres mots germaniques pour village ???
Ne fût-ce que pour Brunswik devenu Braunschweig, enfin ! Blondieau, soyons sérieux.
La ville allemande de Braunschweig (Brunswick), en Basse-Saxe |
- Ah oui...,
ceux-là.
Vraiment, je n'y tenais pas, mais puisque vous insistez, je vais vous le dire,
en tentant de rrrrrrrrrester calme :
ces mots ne sont que de vulgaires…
… emprunts.
Accordez-moi un instant, voulez-vous, que je me rince la bouche.
Voilà, merci.
À quelle langue ? Ah, mais il nous faut tout d'abord,
et en toute logique,
examiner les mots de cette autre langue indo-européenne sur lesquels ils ont été bassement copiés, avant de répondre à cette question.
Patience, donc. Nous y arriverons bientôt.
Et d'ici là, je vous souhaite un excellent dimanche, et une très belle semaine.
Portez-vous bien.
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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter…
Un morceau peu connu, et pourtant si beau…
L'Alléluia du compositeur américain Randall Thompson (1889 - 1984).
Je vous en propose deux versions.
L'Alléluia de Thomson, 1940, est à l'origine un morceau choral, a cappella.
Le voici donc tout d'abord interprété par une magnifique chorale, placée ici sous la direction de la fougueuse Bélarusse Anastasiya Sychova :
Et puis, en voici une deuxième, une remarquable transposition pour quatuor à cordes.
Et c'est dans un cadre idyllique que vous découvrirez l'excellent quatuor qui nous l'interprète, le
DaPonte String Quartet,
basé dans le Maine, sur la côte est des États-Unis.
Confinement oblige, les musiciens ont dû jouer, à l'époque (nous étions en 2020), en respectant les tristement célèbres distances physiques.
Alors, ils se sont physiquement distancés, au point de se disperser, rien que pour nous, aux quatre coins (c'est un quatuor, je vous rappelle) de la Wells Reserve, splendide réserve naturelle et zone de conservation du patrimoine, dans le Maine.
Voici, pour les yeux et pour l'oreille - et pour l'âme, aussi -, le DaPonte String Quartet :
Sachez enfin que la fondation qui permettait depuis des années à
ce magnifique quatuor de se financer les a congédiés.
Le motif : leur musique ne rend pas suffisamment la diversité des femmes et des non-blancs.
Ce que reconnait d'ailleurs bien volontiers le violoncelliste du quatuor (qui plus est, à l'origine de la fondation en question) : « il est vrai que la plupart des morceaux que nous interprétons ont été composés par des hommes blancs européens morts,
mais c'est tout ce que nous savons faire ».
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article suivant : ingens coacta vis navium est lintriumque ad vicinalem usum paratarum
Haha! Je sens venir le "vicus" latin (village, hameau).. qui nous a donné le "guic / gwik" breton (bourg, centre de la paroisse) que l'on trouve par exemple dans les noms actuels des communes du Finistère Guissény (Gwik Sezni, "bourg de saint Sezni"), Guimaec ("bourg de saint Maeoc"), etc.
RépondreSupprimerSi je me souviens bien, il y a une distinction à faire avec le "vic" de victoire, vincere en latin : *uik-e-, “vaincre, triompher de”.
RépondreSupprimerGuy
@Setu
RépondreSupprimerJe ne sais pas. Et si je le savais, je ne le dirais pas. Parce que c'est une surprise ! ;-)
Merci pour votre judiceux commentaire !
@Guy
RépondreSupprimerBonjour, Guy,
Cette racine est effectivement formellement identique à d'autres racines (de sens différent), et que d'ailleurs l'on confond parfois. J'en toucherai un mot !
Frédéric