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dimanche 17 juin 2018

Il court, il court, le furet







Il court, il court, le furet
Le furet du bois, mesdames,
Il court, il court, le furet

Le furet du bois joli.


Chanson enfantine


(vraisemblablement du XVIIIème,

et dont la mélodie n'est certainement pas beaucoup plus ancienne,
vu la présence d'une sensible
- relisez ne confondons pas guerre intestine et gastro-entérite),

mais aussi très jolie contrepèterie raillant le cardinal Guillaume Dubois,

principal ministre du régent, le duc Philippe d'Orléans:

Il fourre, il fourre, le curé Dubois joli


(merci Wikipedia !)



Guillaume Dubois,
ecclésiastique et homme politique français
 1656 - 1723



Bonjour à toutes et tous !

Dimanche dernier, nous avons commencé l'étude de la racine indo-européenne ...

*kers-“courir

Et nous savons déjà que nous lui devons nos français ...


courir

- oui, je sais, c'est surprenant -,
courre (comme dans le triste chasse à)
(courir et courre tous deux descendant de *kers- par le latin currō, currere, “se mouvoir rapidement à toutes jambes”)
et enfin char, par le gaulois, excusez du peu. 





Ben, on repart du latin currō pour la suite.


Pour rappel, histoire de reprendre sur de bonnes bases:


racine indo-européenne *kers-“courir
degré zéro *krs-
formes *krs-e/o-,“courir” et *krs-o-“courant
⇓                                        ⇓
proto-italiques *korse/o“courir et *korso-, “chariot

latin currō, currere, “se mouvoir rapidement à toutes jambes” 

currus“chariot

ancien français curre ⇒ courre

changement de conjugaison

 curir

courir


Et donc, nous reprenons précisément... ici:



racine indo-européenne *kers-“courir
degré zéro *krs-
formes *krs-e/o-,“courir” et *krs-o-“courant
⇓                                        ⇓
proto-italiques *korse/o“courir et *korso-, “chariot

latin currō, currere, “se mouvoir rapidement à toutes jambes” 

Sans rire, vous avez déjà essayé de lister tous les dérivés français du latin currō, currere, “se mouvoir rapidement à toutes jambes”?


Car il y en a un paquet.







Je ne vais pas m'amuser à vous les donner tous (j'ai pas qu'ça à f. non plus), mais enfin, en voilà quand même quelques-uns. Neuf, en fait.


Mais vous aussi, vous allez vous y mettre.




















Sinon, ce serait un peu trop facile.



Je vous donne une définition, ou une étymologie, une série d'indices, quoi, et vous me donnez le mot qui y correspond.


Simple.


Mais... débrouillez-vous pour trouver chacun de ces mots en utilisant le moins d'indices possible... 


Et pour augmenter votre niveau de stress

- yark yark yark -
à mesure que j'égraine ces indices, un machiavélique compte à rebours vous rappelle inexorablement que la fin est proche...





PS: lisez bien chaque ligne, tranquillement, ne passez à la suivante que vraiment si vous ne trouvez pas...  
Et, je le précise, ce quiz linguistique n'eut pas été possible sans Alain Rey et son formidable Dictionnaire Historique, ni sans ©Le Grand Robert de la langue française


1er mot, 4 indices... TOP !


4. Emprunt très (très) récent - du tout début du XXème - au latin.

3. Le mot latin désignait la course, ou le parcours. Ou même un char de course.
2. Le mot est un diminutif de currō, construit avec le suffixe (diminutif, ce qui tombe vraiment bien) -culum.
1. On l'utilise à présent dans le sens de cours de la vie,  parcours professionnel.


Oui: curriculum.

Ensemble des indications relatives à l'état civil, aux capacités, aux diplômes et aux activités passées d'une personne.





















latin currō, currere, “se mouvoir rapidement à toutes jambes”  + -culum, neutre du suffixe diminitutif -culus

latin curriculum“course, parcours, char de course

emprunt

français curriculumcours de la vie

***


2ème mot (4 indices)


4. Toujours un emprunt vachement tardif au latin (deuxième moitié du XIXème), avec deux spécialisations: 

- et oui, ça compte pour un indice à part entière. On n'est pas en République ici !(je vous parle d'un Royaume)
3. la première (et la plus simple): prose rythmique de la littérature byzantine et des bulles pontificales.
2. La deuxième consiste en une extension dans le domaine des études supérieures, d'après une acception de ce même mot en anglais...
1. Le mot latin, à l'origine, est un substantif créé sur currō


Oui? cursus!

(en didactique) ensemble des études dans une matière


latin currō, currere, “se mouvoir rapidement à toutes jambes”  + -sus

nom d'action latin cursus “action de courir

emprunt

français cursusensemble des études dans une matière

***


3ème mot. 5 indices ! Je vous gâte, je vous gâte... 

Et en plus, celui-ci, il est vraiment fastoche

5. Issu au XIème d'un mot latin qui signifiait entre autres “voyage (notamment en mer), déplacement des étoiles, d'un fleuve...”.

4. Tout comme son parent latin, le mot français exprime à la base une idée de mouvement, de déplacement.
3. Fin du XIVème, le mot entre dans le vocabulaire du commerce, se référant à la circulation des marchandises... 
2. Métonymiquement, il désignera le taux auquel se négocient ces dernières...
1. Au XIVème, encore, il se spécialise dans le domaine des études, en y exprimant toujours l'idée de voyage, mais cette fois ... dans le temps: “un développement dans le temps

Oui? cours, du latin cursus ! Qui signifiait aussi, évidemment, action de courir, mais je ne voulais pas vous gâcher le plaisir de la recherche...


Voilà pourquoi notre cours désigne aussi bien le cours d'une monnaie que le cours d'un fleuve, ou un cours d'eau, le cours du soleil, le cours des siècles, ou un cours donné par un professeur. 

Voilà aussi pourquoi nous utilisons toujours des expressions comme avoir cours, et que nous parlons, par exemple, d'un voyage au long cours...

















latin currō, currere, “se mouvoir rapidement à toutes jambes”  + -sus
nom d'action latin cursus “action de courir
français cours

***



4ème mot. 4 indices.

4. Il nous arrive de l'italien.

3. Il y désigne notamment (en italien, on suit) une avenue, un lieu de promenade...
2. Lieu de promenade où se déroulent les fêtes publiques.
1. En français, il désigne un défilé en plein air, au cours de festivités locales, où figurent souvent des ... chars.


Oui ! corso. Souvent fleuri, d'ailleurs, 

Défilé de chars, lors d'une fête.
















latin currō, currere, “se mouvoir rapidement à toutes jambes”  + -sus

nom d'action latin cursus “action de courir

italien corso, “avenue

emprunt

français corsodéfilé de chars, lors d'une fête

***


5ème mot, et trois précieux indices...


1. Emprunt - probablement via l'ancien provençal -, à l'italien , où le mot est issu, lui, du bas-latin.

2. On trouve des occurrences du mot d'origine dans le Purgatoire, de Dante, 1315.
(facile, 'y a qu'à le lire...)
3. Le mot désigne littéralement celui qui pratique la course ; la course étant, en droit maritime, la capture des vaisseaux marchands ennemis.


Oui ? corsaire ! YESS, de l'italien corsaro, de même sens.

anciennement, navire qui était armé en course par des particuliers, avec l'autorisation du gouvernement. —  Le capitaine qui commandait ce navire.
Un chapitre de mon enfance...














latin currō, currere, “se mouvoir rapidement à toutes jambes”  + -sus

nom d'action latin cursus “action de courir

bas latin cursarius

italien corsaro, “corsaire

emprunt

français cursaire (latinisme), puis corsaire.

***



6ème mot, et six indices.

6. Il ne s'agit plus d'un emprunt à l'italien, mais à ... l'espagnol.

5. Un calque, même.
Si si, ça compte pour un indice
4. Ce substantif dérive du verbe espagnol pour courir
3. Oui, correr.
2. Au XVème, il désigne, en toute logique, la course.
1. D'où, spécialement, la course de ... taureaux


Eh oui: corrida

Course de taureaux qui se déroule dans des arènes



latin currō, currere, “se mouvoir rapidement à toutes jambes” 
espagnol correr, “courir
espagnol corrida, “course”, spécialement corrida de toros, “course de taureaux
emprunt
français corrida“boucherie festive où l'on massacre des taureaux pour prouver qu'on est un homme


***

7ème mot. 3 indices, pour celui-ci...

1. Emprunt, mais à l'italien, ou plus précisément, à l'ancien italien, début du XVIIème.

Et je serai magnanime, et considérerai cela comme un seul indice. Une bonne poire, voilà ce que je suis.
2. Il fut pris à l'italien, où il signifiait proprement lieu où l'on court, au sens de passage étroit entre un local et un autre
1. Il désigne d'abord un terme de fortification: un passage couvert établi derrière des murailles.


Oui !! corridor, de l'ancien italien corridore, devenu en italien moderne corridoio.

Passage couvert mettant en communication plusieurs pièces d'un même étage















latin currō, currere, “se mouvoir rapidement à toutes jambes” 

(ancien) italien correre“courir

ancien italien corridore, “lieu où l'on court

emprunt

français corridor“passage étroit entre un local et un autre

***


8ème mot. Et trois indices... 

Attention, ici, le mot, malgré tout ce que je peux raconter, ne provient pas de currō, mais de carrus.
Mais il me semble qu'il vaut la peine de figurer ici...

3. Un calque de l'anglais cette fois. 

2. Qui - soyons fous - l'avait emprunté lui-même à l'espagnol.
1. En espagnol, le mot est le déverbal du verbe cargar, “charger


OUI !!! Cargo.


Abréviation du français cargo-boat (1887), calqué sur l'anglais... Allons, on se concentre... cargo-boat, oui.

Navire destiné surtout au transport des marchandises.











latin carrus, “charriot”  + -icō.

latin tardif carricō, carricāre, “charger

espagnol cargar“charger

déverbal

cargo, “charge, frêt

emprunt

anglais cargo-boat, “bateau de fret

emprunt (calque)

français cargo-boat

abréviation

cargo

*** 



9ème mot, 8 indices...

8. Il dérive (XVIIème) d'un mot en latin ecclésiastique médiéval qui signifiait aide et était employé pour désigner la suppléance du service pendant la vacance de la charge du curé.
7. Oui, c'est assez pointu.
6. Et oui, ça compte aussi pour un indice.
5. Et ça aussi.
4. Le mot s'applique en un premier temps - en tant qu'adjectif - à une église qui s'ajoute à l'église paroissiale quand celle-ci déborde de paroissiens.
3. Ensuite, le mot se substantivera, et au féminin, tant qu'à faire.
2. Puis, de son sens si spécialisé, il se généralise, et qualifie ce qui remplace quelque chose.
1. Il désigne plus couramment, à présent, un établissement commercial, ou financier, qui dépend d'un siège central.


Oui ? Succursale !


Qui dérive du latin médiéval succursus, “secours, aide”, lui-même dérivant de succursum, le supin du latin succurrere“porter secours”, construit sur sub- et et... OUI, bien: currere.



Psss Et vous aurez aussi compris que notre secours descend de ce succursus médiéval.  












composé latin classique sub-, “sous + currō, currere, “se mouvoir rapidement à toutes jambes” 

succurrere“porter secours

supin

succursum

latin ecclésiastique médiéval succursus, “secours, aide”, spécialement “suppléance au service ecclésiastique

adjectif français succursale, qualifiant une “église additionnelle dans une paroisse”, 

subtantivation au féminin

généralisation

“ce qui remplace quelque chose

au sens moderne, établissement commercial, ou financier, qui dépend d'un siège central”.

***



10ème (et dernier) mot, en 4 indices

- Dixième?? Mais tu avais dit que...

- Oui, mais celui-ci est un bonus

Comme cargo, Il  ne provient pas du latin currō, mais bien du latin carrus.

Oui, celui-là même qui fut emprunté au gaulois karró,chariot”.

Je le trouvais tellement beau que j'ai pas pu résister...



4. À moins que vous ne soyez un Alain Rey ou un Xavier Delamarre

- mais alors, c'est triché -,
ou que vous soyez féru d'étymologie italienne, peu de chance que vous puissiez imaginer le lien étroit qui existe entre cours, succursale, corrida, cargo et ce mot.
3. Il est emprunté au XVIIIème à un mot italien, substantivation du participe passé d'un verbe signifiant charger”.
2. Ainsi, il signifiait littéralement l'action de charger, la chargée”, si vous voulez...
1. À partir du XVIIème, il désignera un portrait peu flatteur, disons... (outrageusement) chargé...


Oui? Caricature !


Emprunté à l'italien caricatura, de caricare, proprement “charger”, du latin tardif carricāre, l'infinitif présent actif de carricō, créé sur le latin carrus, emprunt au gaulois karró.

Représentation graphique (dessin, peinture…) qui, par le trait et par le choix des détails, accentue ou révèle les aspects humoristiques ou déplaisants du sujet.

racine indo-européenne *kers-“courir
degré zéro *krs-
forme *krs-o-“courant
proto-celtique *karro-, “chariot
gaulois karró, “chariot
emprunt
latin carrus“chariotdoublet de currus

latin tardif carricō, carricāre, “charger

italien caricare, “charger

caricatura, lit. “action de charger

spécialisation

“portrait ridicule”,
emprunt
français caricature



caricature de l'acteur Jason Statham.
On n'a toujours pas retrouvé tous les
morceaux de l'auteur






















Et voilà !


On continue dimanche prochain, avec, je le pense, quelques belles surprises.

Oui, encore quelques dérivés insoupçonnés de notre jolie *kers-“courir




Je vous souhaite, à toutes et tous, un excellent dimanche, et une superbe semaine !

À dimanche prochain,






Frédéric

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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom:
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…).
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Et pour nous quitter, 

la stupéfiante guitariste russe Irina Kulikova nous joue un des mouvements de la suite No. 1 en sol majeur - BWV 1007 -, écrite à l'origine pour violoncelle seul, de
Johann Sebastian Bach. 

Ce mouvement?  Le troisième: la courante.

C'est pour moi un plaisir sans cesse renouvelé que d'entendre comment, d'une seule guitare, de grands artistes sont capables de faire chanter plusieurs voix...



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Vous voulez être sûrs (sûrs, mais vraiment sûrs) de lire chaque article du dimanche indo-européen dès sa parution ? Hein, Hein ? Vous pouvez par exemple...
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