article précédent : C'est râpé
“Les imams et les muphtis de toutes les sectes me paraissent plus faits qu'on ne croit pour s'entendre; leur but commun est de subjuguer, par la superstition, la pauvre espèce humaine.”
Jean le Rond d'Alembert,
Lettre au roi de Prusse, 14 juin 1771
Jean le Rond d'Alembert, 1717 - 1783 |
Jean le Rond, à ne pas confondre, évidemment, avec...
... John le Carré
Bonjour à toutes et tous !
La semaine dernière, nous passions en revue quelques-uns des mots que vous m'aviez proposés comme dérivés possibles de l'infatigable racine indo-européenne
*(s)ker-, “couper, découper”.
C'est donc grâce à vous et votre intérêt pour l'étymologie et pour ce blog qu'exceptionnellement, je n'ai pas à chercher comme un malade de nouveaux sujets d'articles... Merci !
Mais continuons donc sur notre lancée...
Une lectrice me propose toute une série de mots apparentés
- par le sens à notre chère *(s)ker-, “couper, découper”, et
- par la forme, entre eux. Et c'est déjà ça.
Ces mots, les voilà : secteur, sécateur, scie, insecte, voire sexe (à comprendre comme séparation entre “mâle et femelle”).
Il est un fait qu'ils dérivent bien tous du latin secō, -āre, "couper, trancher...".
Mais voilà... !
Le latin secō descend, certes, d'une racine indo-européenne - ouf -, qui plus est dont le champ sémantique couvre bien les notions de couper, amputer, MAIS cette racine n'est pas, hélas,
du moins pour les sources qui me servent de références,
*(s)ker-.
Eh non, il s'agit ici d'une autre racine, mais qui en est bien proche par le sens,
*sek-
(ou *sekh₁- selon la reconstruction qu'en fait Michiel de Vaan dans son Etymological Dictionary of Latin and the other Italic Languages.)
Michiel de Vaan |
C'est toujours elle,
*sek-, donc,
que l'on situe à l'origine de l'étymon slave *sěkti-, “couper, tondre”, dont proviennent, par exemple,
- le - OUIIIIIIIII !!! - vieux slavon d'église сѣщи, sěšti, “ couper”,
- le russe се́чь (“cietch”), “tailler en pièces”,
- le tchèque síci, “tondre”,
- le bulgare seká, “hacher”, ou encore
- le russe секи́ра (sekíra), “hache”.
Eh donc...
c'est râpé. |
Attention cependant à secte,
qui lui, selon mes sources - et selon moi aussi, j'assume -,
n'est pas apparenté à ces insecte, section, scie...
Nous en parlions ici,
être séquestré par une secte peut causer de graves séquelles,
le 16 février ... 2014 !
Secte
- même si, sémantiquement, on le rapproche volontiers de la notion de “couper”
(secte pouvant désigner ainsi ceux qui se séparent du monde, qui se coupent du tout-venant) -
descend pour moi du latin secta, “ligne de conduite ; école philosophique, parti politique, secte religieuse”, construit lui-même sur le latin sequor, “suivre” via son fréquentatif sector, que l’on pourrait traduire par “suivre assidûment”.
Ce qui, sémantiquement, colle vachement bien...
La racine indo-européenne qui s'y cache ?
la jolie... *sekʷ-1, “suivre”.
---
Une autre proposition, bien intéressante, à la descendance de notre formidable *(s)ker-:
L'anglais - mais emprunté, calqué en français - score.
Nous en parlions ici:
le 22 septembre ... 2013 !
Je sais, ça ne nous rajeunit pas...
Je vous avoue qu'en ce cas présent, j'aimerais vous l'accorder.
Oui, j'aimerais que score dérivât de *(s)ker-.
Mais ...
Je n'en suis pas sûr.
Ce que je prends pour vrai, c'est que l'anglais score provient du
- yes yes yesss -
vieux norois skor, que l'on fait remonter au proto-germanique (non-attesté) *skurō- (ou *skurā-), “incision, déchirure, crevasse...”.
Mais à partir de là, on se perd en conjectures...
Pour certains, oui, le germanique *skurō/ā- descend bien d'une forme *skur- , déclinaison faible de notre *(s)ker-,...
... mais pour d'autres, l'origine de *skurō/ā- est inconnue.
Allez savoir.
À vous de choisir !
Et franchement, relisez quand même Quatre-vingts / dix? Joli score !, vous comprendrez pourquoi l'anglais score pouvait signifier tant “entaille” que “vingt”...
Et pourquoi nous sommes toujours enclins à appeler 80 quatre-vingt.
Et pourquoi certains d'entre-nous, dans le paysage francophone, sont tellement accros à cette façon de compter par 20 qu'ils en font toujours la base pour 70 ou 90...
Et... nous en resterons là pour aujourd'hui...
Passez un EXCELLENT dimanche, et une TRES BELLE semaine !
Frédéric
******************************************
Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
******************************************
Et pour nous quitter,
Un morceau d'un compositeur, ou plutôt d'une compositrice aux multiples facettes...
Vous allez peut-être reconnaître du Haydn, ou du jeune Mozart...
Eh bien non, il s'agit de
l'ouverture de Erwin und Elmire,
de .... Anne-Amélie de Brunswick.
Oui, Anne-Amélie de Brunswick, Anna Amalia von Braunschweig-Wolfenbüttel,
24 octobre 1739, Wolfenbüttel - 10 avril 1807, Weimar
duchesse de Saxe-Weimar-Eisenach,
rien que ça.
******************************************
Vous voulez être sûrs (sûrs, mais vraiment sûrs) de lire chaque article du dimanche indo-européen dès sa parution ? Hein, Hein ? Vous pouvez par exemple...
- vous abonner par mail, en cliquant ici, en tapant votre adresse email et en cliquant sur “souscrire”. ET EN CONFIRMANT le lien qui vous arrivera par mail dans les 5 secs, et vraisemblablement parmi vos SPAMS (“indésirables”), ou
- liker la page Facebook du dimanche indo-européen : https://www.facebook.com/indoeuropeen/
******************************************
article suivant : Расцветали яблони и груши, Поплыли туманы над рекой...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire