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dimanche 3 juillet 2022

Blondieau, tes étymologies, c'est de la...





गोग्रन्थि,
gogranthi« bouse de vache séchée ».


Peut-être, mais au moins, je ne suis pas un गोघात,
goghAta« meurtrier de vache ».


गो, go, désignant au masculin le bœuf, le bovin,
au pluriel (gāvas), le bétail, le troupeau ;
mais aussi,
en sanskrit védique, au féminin, la vache, la parole, ou même le rayon de soleil (les rayons solaires formant le troupeau céleste)


ne dit-on pas que la parole est sacrée ?




Chers lecteurs, bonjour.


Nous avions, le 24 avril, épinglé une série de mots français (ou presque) descendant du latin dūcō, dūcere, « mener, guider, conduire » ; « tirer , pousser » :
  • conduire,
  • induire,
  • déduire,
  • séduire,
  • traduire,
  • éduquer,
  • duc,
  • doge,
  • ducat,
  • duce,
  • condottiere,
  • douche.
Et ce latin dūcō, dūcere était lui-même issu de la racine indo-européenne...

*deuk-
« tirer ; pousser ; mener... ».
 



Ensuite, le 1er mai, nous avons évoqué la descendance de notre jolie *deuk- en grec ancien, avec...
  • le verbe δαδύσσομαι, dādússomai« être égaré, déchiré, tourmenté... »,
et
  • le couple ἐνδῠκέως, endukéōs« soigneusementavec soin » / ἀδευκής, adeukḗs, « amer ? ; sans soin ? ».


Le 8 mai, nous avons débusqué une série de dérivés britonniques de la racine *deuk- :

  • le moyen gallois dwyn, « apporter, prendre, voler... »,
    • d'où le gallois dwyn,
  • le moyen breton do(u)en, « porter, transporter »,

d'où les bretons... 

  • douger«porteurobjet servant à porter »,
  • douger-banniel, «porte-drapeau »,
  • dougerez,  «femme enceinte »,
  • dougidigezh, «penchantinclination »,
  • dougus«portable »,
et
  • le cornique doen« prendre, apporter, voler ».



Le 15 mai, il était question de dérivés germaniques de la racine indo-européenne *deuk-« tirer ; pousser ; mener... ».

Avec...
  • le gotique 𐍄𐌹𐌿𐌷𐌰𐌽, tiuhan« mener, guider »,
  • le participe vieux norois toginn« tiré »,
  • le vieil anglais tēon, « tirer »,
  • le vieux saxon tiohan« tirer », mais aussi... « éduquer »,
  • le moyen néerlandais tien« tracter, tirer ; avancer, procéder»,
    • d'où le néerlandais tijgen« tirer, aller »,
  • le vieux haut allemand ziohan« mener, élever, éduquer »,
ou encore...
  • l'allemand ziehen, « tirer ; extraire ; déménager ; étirer... »,
  • l'allemand Zug« train»,
et
  • le composé allemand Herzog, « duc».


Le 22 mai, nous découvrions une nouvelle série de dérivés germaniques de notre
*deuk-« tirer ; pousser ; mener... », évoquant tous cet aspect verbal particulier, le fréquentatif :
  • le vieux norois toga, « traîner, entraîner... », d'où l'elfdalien tugå, de même sens, et le vieil islandais toga, « tirer, remorquer... », 
  • l'anglais tug, « tirer fort, tirer sec, secouer, remorquer... », 
  • l'anglais tow, « tirer, tracter, remorquer... », 
  • le moyen néerlandais togen, d'où le néerlandais togen, « tirer, traîner... »,
ou encore...
  • le vieux haut allemand zogōn, zockōn, zohhōn, « tirer fermement, secouer... ». 
Ég öskraði á þjófinn og hann...


Le 29 mai, nous mettions au jour une série de substantifs germaniques dérivés de notre jolie racine :

  • le gotique 𐌿𐍃𐍄𐌰𐌿𐌷𐍄𐍃, ustauhts«aboutissement (d'un parcours d'études, d'un entraînement, par exemple), perfection... »,
  • le vieil anglais tyht«conduite, pratique... »,
  • le moyen néerlandais tucht,
  • d'où le néerlandais tucht«discipline, régime, punition, auto-discipline... » ; (obsolète) «chasteté »,
  • le vieux haut allemand zuht,
  • d'où l'allemand Zucht«élevage, ferme d'élevage... » ; (daté) «discipline, éducation, manières... »,
ainsi que quelques-uns de ses rares dérivés français par la voie germanique, comme : 
  • touline«cordage servant à haler un gros cordage (aussière, câble…) »,
  • touer, « faire avancer (un navire, une embarcation) en tirant à bord sur une amarre... », sur lequel seront construits...
  • toue, notamment «bateau plat à une voile servant de bac ; câble (qui sert à touer) », 
et
  • touage.




Le 5 juin, nous nous sommes spécialement intéressés au néerlandais tocht, « marche, voyage, périple, odyssée ; courant (ou fluxd'air ; petit canal de drainage dans un polder ; corde d'ancrage ; fossé connecté à un moulinstation de pompage », et à quelques composés où il intervient :  
  • aantocht« approche »,
  • pelgrimstocht« pèlerinage »,
  • fietstocht, « tour à vélo »
et
  • molentocht, « petit canal reliant les autres canaux d'un polder à un moulin à vent, pour drainer l'excédent d'eau».




Le 12 juin, nous terminions de passer en revue la descendance germanique de notre douce racine, avec, d'une part...
  • le vieux norois taumr, « rêne, bride, corde... »,
dont seront issus, reprenant la même sémantique,
  • l'elfdalien tom,
  • le norvégien taum,
  • l'islandais taumur,
  • le danois tømme,
  • le vieux suédois tømber,
    • d'où le suédois töm,
  • le féroïen teymur
  • le frison saterlandais Toom,
  • le vieux haut allemand zoum,
    • d'où l'allemand Zaum,
et de l'autre,
  • le moyen néerlandais toom,
    • d'où le néerlandais toom, « rêne, bride ...  ; troupe d'oies, troupeau / radeau de canards, groupe de cygnes »,
  • l'anglais team, « équipe ; attelage...», et dans une acception obsolète, « groupe d'animaux évoluant ensemble, en particulier jeunes canards».


Le 19 juin, nous avons vu deux verbes albanais dérivés de notre *deuk-« tirer ; pousser ; mener... »,

  • nduk« sortir (quelque chose), tirer de, retirer, extraire, arracher ; remonter, hisser ; cueillir... », 

et

  • zhduk, « cacher, enfoncer, rentrer dans... », d'où même « disparaître... ».





Le 26 juin, nous nous penchions sur une série de mots indiens et iraniens descendant peut-être de notre formidable *deuk- :
  • le moyen perse dws- (à prononcer /dōs-/), « traire »,
  • le chorasmien δws-« traire »,
  • le persan dōğ« babeurre », désignant une boisson faite de yaourt dilué et d'eau,
  • le kurmandji daw« babeurre »,
  • l'ossète ducyn/dyğd « traire »,
  • le roshani δūz-/δawd, « traire »,
  • le yazgoulami pərδis-, « donner du lait »,
  • le radical sanskrit दुह्, dúh, sur lequel est construit...
  • le sanskrit दोह, dóha« lait », ou même « entreprise fructueuse ».

Il faut accepter les coups de pied de la vache...



Amis lecteurs, 

 

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le SPAM d'origine, rendu célèbre par les Monty Python
https://youtu.be/jrZyZn5nVks



Continuons où nous en étions restés la semaine dernière...

Nous avions, grâce à Johnny Cheung, découvert une liste de dérivés possibles de notre formidable racine indo-européenne *deuk-« tirer ; pousser ; mener... » dans les langues indo-iraniennes.


Pour me faire pardonner de ce double envoi du blog


- bonne poire -,

je vous les redonne encore ici :

    • le moyen perse dws- (à prononcer /dōs-/), « traire »,
    • le chorasmien δws-« traire »,
    • le persan dōğ« babeurre », désignant une boisson faite de yaourt dilué et d'eau,
    • le kurmandji daw« babeurre »,
    • l'ossète ducyn/dyğd « traire »,
    • le roshani δūz-/δawd, « traire »,
    • le yazgoulami pərδis-, « donner du lait »,
    et
    • le radical sanskrit दुह्, dúh, sur lequel est construit...
    • le sanskrit दोह, dóha« lait », ou même « entreprise fructueuse ».


    Oui ?

    Si ces mots sont bien issus de notre *deuk-, cela supposerait un glissement de sens de l'étymon indo-iranien *dauč qui en est à l'origine, dont le sens aurait évolué de « tirer » à « traire ».

    Ce qui est parfaitement possible.




    racine indo-européenne *deuk-« tirer ; pousser ; mener... »
    étymon (reconstruit) proto-indo-iranien*dauč, « tirer »
    spécialisation du sens
    *dauč, « traire»
    dérivés indo-iraniens


    Mais...

    comme je vous l'avait dit dimanche passé, à côté de tous ces mots supposés issus de *dauč, « traire », nous pouvons trouver une autre série de mots de forme et à la sémantique particulièrement proches...


    Les voici enfin :




    Je pense notamment…

    (et c'est ici que vous apprécierez à sa juste valeur l'aperçu des langues indo-iraniennes de dimanche dernier)
    • au pehlavi dwš« traire », 
    • au chorasmien čx-, « sucer (le lait) », qui donne au causatif čw'xy-, « allaiter »,
    • au semnani bedūšiyon« traire »,
    ou encore
    • au pachto لوشل, lwaš-/lwašǝl« traire ».

     

    (Oh oui, il y en encore plein d'autres, mais considérant qu'il me faut facilement 5 à 6 minutes par mot pour reproduire ces [censuré] de [censuré] de [censuré] de caractères de retranscription, on va s'arrêter là.)

    Pour cette dernière série de mots, voyez-vous, l'étymologie semble très claire, voire limpide. On les fait dériver, par un étymon *dauxš, de la racine indo-européenne…








    (attention spéciale pour cette charmante(?) idiote qui, sur FB,
    m'a traité de carpette de l'anglais
    pour promouvoir - je cite - la langue du maître.
    J'adore)


    *dʰeugʰ- !


    *dʰeugʰ-, évoquant la notion de « préparer (un plat…), produire… ».

    Ah ben ça !

    Produire !!!? Mais enfin, Blondieau, tu nous racontes n'importe quoi ! 
    - Oui, produire, atteindre un but, ou même être utile

    Ici, traire, ou allaiter, ne serait que fabriquer, produire… du lait. On y reviendra.


    racine indo-européenne *dʰeugʰ-« préparer (un plat...), produire… »
    étymon (reconstruit) proto-indo-iranien *dauxš
    dérivés indo-iraniens


    Et pour ce qui de l'étymologie de cette deuxième giclée de mots, vraiment, elle apparaît nettement plus étayée*dʰeugʰ- ayant produit des dérivés non contestés dans plusieurs langues de différents groupes linguistiques.

    Mmmh ?
    Ah oui, vous voulez quelques exemples, en plus ?

    Allez :



    • le grec ancien τεύχω, teúkhō« préparerproduire, façonner… », 
    ou même
    • son radical au présent τυγχάνω, tunkhánō« atteindre un objectif, obtenir quelque chose, rencontrer (quelqu'un) »
    ou alors (soyons fous)
    • la forme verbale gotique daug« c'était bon pour… (cela correspondait au but à atteindre) »,
    et
    • l'allemand taugen« faire l'affaire, correspondre, être apte à... ».
    Aus dem Leben eines Taugenichts
    (Scènes de la vie d'un propre à rien),
    de Joseph von Eichendorff,
    écrit entre 1822 et 1823 et publié en 1826.


    Et je puis même vous dire que le grand Robert S.P. Beekes lui-même affirme la parenté du grec ancien τεύχω, teúkhō / τυγχάνω, tunkhánō, avec la racine *dʰeugʰ-« préparerproduire… », en précisant toutefois que pour lui, c'est la forme au présent τυγχάνω, tunkhánō qui préserve le sens original de la racine, *dʰeugʰ-, ayant plutôt signifié, en un premier temps, « atteindre, rencontrer… ».
    Et,
    j'oubliais,
    il mentionne clairement le sanskrit दुहे, duhé, apparenté à notre étymon *dauxš, comme cognat du grec ancien τεύχω, teúkhō. Duhé, dont nous reparlons plus bas...

    Amateurs, appréciez donc son superbe

    ◀ IE *dʰeugʰ-« atteindre, rencontrer… » ▶,

    qui ne laisse aucune place au doute.

    Et que Beekes puisse affirmer cela sans aucunement proposer une origine pré-grecque, franchement, ça a dû lui arracher la gl coûter. 

    si vous ne saisissez ni le code ◀ ▶, ni l'allusion, relisez avidement


     

    Alors quoi ?

    Que penser de tout cela ?


    Les choses ne sont vraiment pas simples.




    Pour Cheung, ou bien...

    • les deux étymons *dauč et *dauxš sont d'origines différentes, 
      • *dauč descendant de *deuk-« tirer ; pousser ; mener »,
      • *dauxš descendant de *dʰeugʰ-« préparerproduire / atteindre, rencontrer… », 

    ou alors

    • *dauč et *dauxš descendraient de la même racine *dʰeugʰ-, et se seraient mutuellement influencés, *dauč ayant peut-être créé le sens de « traire… » sur le sens original de *deuk-« tirer », par contamination, sans en être nécessairement issu.

    J'ai l'impression que c'est vers cette deuxième hypothèse que Cheung semble pencher, sans rien affirmer. Et moi-même, je suis prudent.

    Il nous livre également le raisonnement de Sasha Lubotsky (devenu le coordinateur du département de linguistique comparée indo-européenne de Leiden, poste dans lequel il succéda à Beekes en 1999).

    Sasha Lubotsky


    Lubotsky propose une hypothèse linguistiquement concrète quant au glissement sémantique qui a fait que l'on serait passé de *dʰeugʰ-« préparerproduire… », à « traire ».

    Il avance que,

    peut-être,

    le point de départ de cette nouvelle et surprenante sémantique serait à chercher du côté du statif sanksrit दुहे, duhé : « (la vache) donne du lait… », qui pourrait avoir été créé à partir du sens original « (la vache) est utile (sert à...)… », construction par ailleurs remarquablement proche de l'allemand sie taugt« ça convient, c'est utile à... ».

    Tout cela, encore une fois,

    vous l'avez compris,

    sans aucune certitude.




    Voilà.

    Vous avez à présent de quoi vous faire votre propre idée.



    Je vous souhaite un excellent dimanche, et une très belle semaine. 


    Portez-vous bien.



    Frédéric





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    Attention,
    ne vous laissez pas abuser par son nom :
    on peut lire le dimanche indo-européen
    CHAQUE JOUR de la semaine.
    (Mais de toute façon,
    avec le dimanche indo-européen,
    c’est TOUS LES JOURS dimanche…)

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    Et pour nous quitter…

    du Bach !

    Et par mon ami Glenn, en plus.
    Oui, Glenn Gould.


    Je ne connais aucune interprétation de cette Sinfonia qui soit aussi triste que celle-ci.

    Sobre, réfléchie, douce, mesurée, mais… si triste.
    Poignante, même.


    Voici Glenn Gould,
    d'un surprenant romantisme,
     interprétant les trois voix de la

    Sinfonia 11 en sol mineur, BWV 797,

    que Bach composa en 1723.


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    article suivant : tukzi- et tukkanzi- sont sur un char, à la bataille de Qadesh

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