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dimanche 5 juin 2022

Want waeraen zullen ik en dit volk mogen weten

    

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,,Want waeraen zullen ik en dit volk mogen weten, dat wy gratie voor uwe oogen gevonden hebben, ten zy dat gy met ons wandelt, opdat wy mogen met eer verheven worden van alle volken die op het aerdryk woonen?’’

Het Boek Exodus XXXIII, 16.

(Comment sera-t-il donc certain que j'ai trouvé grâce à tes yeux, moi et ton (ce) peuple? Ne sera-ce pas quand tu marcheras avec nous, et quand nous serons distingués de tous les peuples qui sont sur la face de la terre ?

Exode, XXXIII, 16.)



Ce court extrait de l'Exode apparaît en exergue à De Tocht,
poème du poète néerlandais Henri Bruning, 1925 


Henri Bruning, 1900 - 1983,
que beaucoup préfèrent oublier pour ses positions
durant la deuxième guerre mondiale.

Disons que si Amsterdam est la Venise du Nord,
Henri Bruning est le Céline des Bataves.







Chers lecteurs, bonjour.


Nous avions, le 24 avril, épinglé une série de mots français (ou presque) descendant du latin dūcō, dūcere, « mener, guider, conduire » ; « tirer , pousser » :
  • conduire,
  • induire,
  • déduire,
  • séduire,
  • traduire,
  • éduquer,
  • duc,
  • doge,
  • ducat.
  • duce,
  • condottiere,
  • douche.
Et ce latin dūcō, dūcere était lui-même issu de la racine indo-européenne...

*deuk-
« tirer ; pousser ; mener... ».
 


Ensuite, le 1er mai, nous avons évoqué la descendance de notre jolie *deuk- en grec ancien, avec...
  • le verbe δαδύσσομαι, dādússomai« être égaré, déchiré, tourmenté... »,
et
  • le couple ἐνδῠκέως, endukéōs« soigneusementavec soin » / ἀδευκής, adeukḗs, « amer ? ; sans soin ? ».


Le 8 mai, nous avons débusqué une série de dérivés britonniques de la racine *deuk- :

  • le moyen gallois dwyn, « apporter, prendre, voler... »,
    • d'où le gallois dwyn,
  • le moyen breton do(u)en, « porter, transporter »,

d'où les bretons... 

  • douger«porteurobjet servant à porter »,
  • douger-banniel, «porte-drapeau »,
  • dougerez,  «femme enceinte »,
  • dougidigezh, «penchantinclination »,
  • dougus«portable »,
et
  • le cornique doen« prendre, apporter, voler ».



Le 15 mai, il était question de dérivés germaniques de la racine indo-européenne *deuk-« tirer ; pousser ; mener... ».

Avec...
  • le gotique 𐍄𐌹𐌿𐌷𐌰𐌽, tiuhan« mener, guider »,
  • le participe vieux norois toginn« tiré »,
  • le vieil anglais tēon, « tirer »,
  • le vieux saxon tiohan« tirer », mais aussi... « éduquer »,
  • le moyen néerlandais tien« tracter, tirer ; avancer, procéder»,
    • d'où le néerlandais tijgen« tirer, aller »,
  • le vieux haut allemand ziohan« mener, élever, éduquer »,
ou encore...
  • l'allemand ziehen, « tirer ; extraire ; déménager ; étirer... »,
  • l'allemand Zug« train»,
et
  • le composé allemand Herzog, « duc».



Le 22 mai, nous découvrions une nouvelle série de dérivés germaniques de notre
*deuk-« tirer ; pousser ; mener... », évoquant tous la répétition :
  • le vieux norois toga, « traîner, entraîner... », d'où l'elfdalien tugå, de même sens, et le vieil islandais toga, « tirer, remorquer... », 
  • l'anglais tug, « tirer fort, tirer sec, secouer, remorquer... », 
  • l'anglais tow, « tirer, tracter, remorquer... », 
  • le moyen néerlandais togen, d'où le néerlandais togen, « tirer, traîner... »,
ou encore...
  • le vieux haut allemand zogōn, zockōn, zohhōn, « tirer fermement, secouer... ». 


Le 29 mai, nous mettions au jour une série de substantifs germaniques dérivés de notre jolie racine :

  • le gotique 𐌿𐍃𐍄𐌰𐌿𐌷𐍄𐍃, ustauhts«aboutissement (d'un parcours d'études, d'un entraînement, par exemple), la perfection... »,
  • le vieil anglais tyht«conduite, pratique... »,
  • le moyen néerlandais tucht,
    • d'où le néerlandais tucht«discipline, régime, punition, auto-discipline... » ; (obsolète) «chasteté »,
  • le vieux haut allemand zuht,
    • d'où l'allemand Zucht«élevage, ferme d'élevage... » ; (daté) «discipline, éducation, manières... »,
ainsi que quelques-un de ses rares dérivés français par la voie germanique, comme : 
  • touer, « faire avancer (un navire, une embarcation) en tirant à bord sur une amarre... », sur lequel seront construits
    • toue, notamment «bateau plat à une voile servant de bac ; câble (qui sert à touer) », 
et
    • touage,
et
  • touline«cordage servant à haler un gros cordage (aussière, câble…) ».





Pour l'article de ce dimanche, amis lecteurs, 
pour lequel je n'aurai eu, hélas, guère de temps, 
je vais devoir faire court.




Voire... TRÈS court.




(Mais au moins, vous aurez un article
- même si, ouais ouais, un peu court -,
à vous mettre sous la dent.)


Je voudrais, en ce premier dimanche de juin, revenir sur l'article de la semaine dernière. 

Oui ; j'y parlais du moyen néerlandais tucht,
à qui nous devons le néerlandais tucht«discipline, régime, punition, auto-discipline ;chasteté ».

Je le sais, je le pressens : mes lecteurs néerlandophones, néerlandophiles et /ou philologues germaniques ne vont pas tarder à me poser la question...
Oui mais, et le néerlandais tocht, « voyage », alors ?
Et il s'agit, n'en doutons pas, d'une excellente question.

Alors, anticipons...


Je dois vous l'avouer ; la semaine dernière, je ne vous ai pas tout dit.



Pour conserver une certaine logique dans mon propos, je ne vous ai pas précisé que le moyen néerlandais tucht se rencontrait également sous la forme tocht.

Il s'agissait donc bien donc du même mot, mais tout simplement orthographié (et, je le suppose) prononcé différemment, probablement selon la région où le mot s'employait.

Et c'est plus que vraisemblablement par cette forme tocht que le moyen néerlandais tucht nous a donné le néerlandais... tocht, dont le sens le plus courant (si je puis dire) est  « marche, voyage ».

Ah ben ça !

Oui oui ! Ou aussi « périple, odyssée... ».

la partie du périple d'Ulysse que l'on situe aux Pays-Bas,
où Circé l'oblige à ne manger qu'un seul sandwich au pain à midi, avec un verre de lait,
et, autre épreuve surhumaine (inhumaine ?),
les Lotophages le forcent à terminer son « repas » du soir à 17h



Et pour bien vous prouver le rapport étroit qui existe entre tocht et notre racine du moment, la douce indo-européenne *deuk-« tirer ; pousser ; mener... », sachez que dans d'autres de ses  acceptions, le néerlandais tocht peut désigner le courant (ou le flux) d'air, voire, dans un emploi spécialisé mais ô combien utile dans les terres basses
(entendez sous le niveau de la mer, ou juste juste au-dessus),
un petit canal de drainage, dans un polder


je vous laisse deviner le pays ?


Oui, vous y retrouvez clairement, comme dans d'autres des dérivés de *deuk-, la notion de conduit, conduite, associée également au tirage.

Encore mieux : tocht peut aussi désigner la corde d'ancrage...

Si le mot, à la sémantique très riche, peut désigner encore un fossé connecté à un moulin, une station de pompage..., ces sens précis évoquent tous le mouvement de l'eau.


Mais alors, serait-ce la clé qui expliquerait son acception principale, courante« marche, voyage, pépiple » ?

Bof...

L'excellent Etymologiebank va nous aider à y voir plus clair...

En nous précisant déjà que ce sens général, «se déplacer, marcher, tirer, voyager », est relativement récent, car seulement attesté fin du XVIème... (Quand je dis fin : en 1599.)

- Mais encore ???
- Mais oui, OH, on y arrive !

... et en nous expliquant qu'en fait, cette sémantique remonte au verbe... tijgen.

Tijgen ? Mais oui, tijgen« tirer, aller », issu du moyen néerlandais tien« tracter, tirer ; avancer, procéder».


Oh, vous devriez pouvoir le retrouver sur l'un ou l'autre excellent site d'étymologie, comme ici, par exemple :

Et oui.
Et si tijgen a pu si facilement induire ce glissement de sens auprès de tocht, c'est que le gentil tocht peut lui servir de déverbal.
Si le verbe tijgen correspond à marcher, voyager, tocht désignera la marche, le voyage.

Eh !




Sachez encore que tocht apparaît dans une impressionnante série de composés,
de...
  • aantocht« approche »,
à
  • pelgrimstocht« pèlerinage »,

en passant par les inévitables...

  • fietstocht, « tour à vélo »
et
  • molentocht, « petit canal reliant les autres canaux d'un polder à un moulin à vent, pour drainer l'excédent d'eau».


Je ne voudrais pas me montrer désagréable,
mais si vous n'aimez pas trop le vélo, les polders,
les canaux de drainage et les moulins,
évitez peut-être les Pays-Bas...












Je vous souhaite un excellent dimanche, et une très belle semaine. 

Portez-vous bien.




Frédéric



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Attention,
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on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)

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Et pour nous quitter...

Je l'avoue, je voulais vous infliger ceci :


Mais...
mon bon cœur me perdra...


Alors,
voici...

- aaaaaaah -


Natalie Dessay,

dans

(forcément)

Les Moulins de mon Coeur,

de

Michel Legrand

https://youtu.be/0wHIc9O_pfM

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