article précédent : چلهی زمستان, “La nuit du solstice d'hiver”
Nous n’habiterons pas toujours ces terres jaunes, notre délice…
L’Eté plus vaste que l’Empire suspend aux tables de l’espace plusieurs étages de climats. La terre vaste sur son aire roule à plein bords sa braise pâle sous les cendres - couleur de souffre, de miel, couleur de choses immortelles, toute la terre aux herbes s’allumant aux pailles de l’autre hiver – et de l’éponge verte d’un seul arbre le ciel tire son suc violet.
Un lieu de pierres à mica ! Pas une graine pure dans les barbes du vent. Et la lumière comme une huile. – De la fissure des paupières au fil des cimes m’unissant, je sais la pierre tachée d’ouïes, les essaims du silence aux ruches de lumière ; et mon cœur prend souci d’une famille d’acridiens…
extrait d'un poème d'Alexis Léger, dit Saint-John... Perse
(je sais, je sais, mais je me suis couché tard, hier soir)
Et si nous faisions le point ?
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Le 12 décembre, nous avons (notamment) appris que le latin classique
hiems, hiemis, “hiver, tempête”
, en descendait, avec, à sa suite,- les latins bīmus, “âgé de deux ans”, trīmus, “âgé de trois ans”, quadrīmus, “âgé de, de quatre ans”, et quadrīmulus, “qui n'est âgé que de quatre ans”,
- l'adjectif latin classique hibernus,“hivernal”, et
- son emprunt en français, hiver.
D'hiver, les Divers Jeux rustiques ?, 12 décembre 2021
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Le 19 décembre, nous passions en revue quelques-uns des emprunts laissés par le latin hibernum dans les langues romanes :
- le roumain iarnă,
- le catalan hivern,
- l'occitan ivèrn,
- le normand hivé,
- le wallon ivier,
- l'asturien iviernu, hibiernu,
- le piémontais invern,
- le dalmatien inviarno,
- l'talien inverno,
- le sicilien nvèrnu,
- le portugais inverno,
- l'espagnol invierno,
- le romanche enviern.
Nous avons ensuite traité de la descendance de la forme *ǵʰ(e)i-m-,
“hiver”, e
n grec ancien avec :- χεῖμᾰ, kheîma, “hiver, froid, gel, tempête”,
sur lequel se sont construits :
- χειμών, kheimón, “hiver, souffrance, détresse”,
- χιών, khiốn,“neige, neige fondue, eau glacée”, d'où
- Χιόνη, Khiónê, Chioné, déification de la neige,
- χίμαιρα, khímaira, chimère.
Nous avons enfin mentionné quelques mots germaniques désignant bien l'hiver, mais ne descendant pas de *ǵʰ(e)i-m-,
“hiver” :
- le gotique wintrus, le vieux norois vetr, d'où le féroïen vetur,
- l'elfdalien witter,
- le vieux frison winter,
- le néerlandais winter,
- le vieil anglais winter,
- d'où l'anglais winter.
Avec le vent du nord..., 19 décembre 2021
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Le 26 décembre, nous avons entamé l'étude des dérivés germaniques de notre *ǵʰ(e)i-m-,
“hiver”, avec...
- Le vieux norois gœ, “fin de l'hiver”, d'où...gói,
- l'islandais góa, “fin de l'hiver”,
- le norvégien nynorsk gjø, go, “fin de l'hiver”,
- le féroïen gø, “fin de l'hiver”,
- le composé vieux norois gómánaðr, “mois de la fin de l'hiver”, d'où...
- le vieux suédois göyomånat, “février”, dont est issu...
- le suédois désuet göjemånad, “février”.
Góa er næstseinasti mánuður vetrarmisseris, 26 décembre 2021
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Le 2 janvier, nous terminions le chapitre germanique des dérivés de *ǵʰ(e)i-m-,
“hiver”, avec l
es composés vieux bas franciques (latinisés)...- ingimus, “animal d'un an”,
- tuigimus, “animal de deux ans”.
Et quoi, elle fut promulguée en hiver, la loi salique ?, 2 janvier 2022
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Le 9 janvier, nous avons commencé l'étude des dérivés celtiques de *ǵʰ(e)i-m-,
“hiver”, avec...
- le vieil irlandaisgam, gem, gaim,“hiver”, dont dérivent...
- le vieil irlandaisGAMI-CUNAS, litt. “hiver-loup”,
- le vieil irlandais gemred, gaimred, littéralement“saison de hiver”, d'où
- l'irlandais geimhreadh,“hiver”,
- le gaélique écossais geamhardh, geamhraich, “hiver”,
- le manxois geurey, “hiver”,
- le vieil irlandais fogamar,“automne, récolte, d'où
- l'irlandais fómhar, “automne, saison des récoltes, récolte”,
- le gaélique écossais foghar, “récolte, automne”,
- le manxois fouyr, “automne, récolte”,
- le vieux gallois gaem,“hiver”, d'où
- le moyen gallois gayaf, gaeaf,
- le gallois gaeaf,“hiver”, d'où
- le gallois cynhaeaf, “récolte ; (désuet) automne”,
- le vieux breton guoiam, d'où
- le moyen breton gouaff, d'où
- le breton goañv, gouañv, “hiver”
et
- le vieux cornique goyf, “hiver”, d'où
- le cornique gwav, “hiver”, d'où
- le cornique kynnyav, kydnyadh, “automne”.
Un loup en hiver, 9 janvier 2022
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Le 16 janvier, nous avons traité des dérivés gaulois de *ǵʰ(e)i-m-,
“hiver”, avec...
- legaulois
- Giamos, Giamius, Giama, Giamillus, Giamilos, Giamillius, Giamatus, Giamonius, Giamisus, Giamissa...,
- mons Berigiema, Bargème, Bargemon...
- giamoni(o)s, le nom du septième mois du calendrier gaulois.
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Le 23 janvier, nous avons traité des dérivés balto-slaves de *ǵʰ(e)i-m-,
“hiver”, qui signifient tous hiver :
- le lituanien žiemà,
- le samogitien žėima,
- le letton zìema,
- d'où le composé letton ziemassvētki, Noël,
- le latgalien zīma.
- le vieux prussien semo,
- le vieux slavon d'église ⰸⰹⰿⰰ, zima,
- le russe, le biélorusse et l'ukrainien зіма́, zimá,
- le vieux novgorodien ꙁима, zima,
- le bulgare, le macédonien зи́ма, zíma,
- le serbo-croate зи́ма, zíma, froid, froidure,
- le slovène zíma,
- le tchèque, le slovaque et le polonais zima,
- les bas-sorabe et haut-sorabe zyma,
- d'où les bas-sorabe et haut-sorabe nazyma, “automne”,
- le cachoube zëma,
- le polabe zaimă.
pēc garās ziemas, kas bija sākusies novembrī..., 23 janvier 2022
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Le 30 janvier, nous évoquions les dérivés arméniens de notre *ǵʰ(e)i-m-,
“hiver” :
- l'arménien classique ձմեռն, jmeṙ-n, “hiver ; tempête de neige”, dont découleront...
- l'arménien classique ձմերային,*jmer-ay(i)n, qui
- en tant que nom, signifie “hiver, saison froide, tempête de neige”, et
- en tant qu'adjectif, “hivernal”,
- l'adverbe arménien classique ձմերանի, jmerani, “en hiver”,
- l'arménien classique ձիւն, jiwn, “neige”.
- le moyen arménien ձմերուկ, jmer-uk, “pastèque, melon d'eau”.
- le dialectal jmet', ou jmayt', “photokératite, cécité des neiges”.
ձմերային ձիգ գիշերք, 30 janvier 2022
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Le 6 février, nous avons traité des dérivés albanais et hittites de notre *ǵʰ(e)i-m-,
“hiver” :
- l'albanais dimër, “hiver”, d'où
- l'archaïque dimëror, “décembre”, remplacé par dhjetor,
- le hittite gimm-, “hiver”, à l'accusatif singulier giman, au locatif singulier gi-im-mi, “en hiver”, d'où
- le verbe gimmantarii̭e/-a, “passer l'hiver, hiverner”,
- et peut-être gimra-, “au grand air, campagne, champ, campagne militaire”.
dam-me-tar-wa-an-za LUGAL-us, 6 février 2022
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Le 13 février, nous nous lancions dans l'étude des dérivés de notre *ǵʰ(e)i-m-,
“hiver” dans les langues iraniennes occidentales, où nous avons découvert...
- le vieux perse دمه, dama,
- le moyen-perse manichéen 𐫅𐫖𐫏𐫘𐫤𐫀𐫗, dmystʾn /damestān/,
- le moyen-perse زم, zam,
- d'où les moyen-perse et persan زمستان, zemestân,
- d'où aussi le persan زم, zam, “froid, vent mordant, blessure”,
- le tat zumustun (relisez ձմերային ձիգ գիշերք),
- le kumzari dimestān.
- le parthe zmg,
- le baloutchi زمستان, zemestân,
- le kurmandji zivistan,
- le sorani زِستان, zistan,
- le gurani زمسان, zimsān,
- le talysh зымсон, zımson, toujours, toujours, “hiver”.
چلهی زمستان, “La nuit du solstice d'hiver”, 13 février 2022
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Amis lecteurs,
La semaine dernière, nous avions découvert quelques dérivés de notre indo-européen *ǵʰ(e)i-m-,
“hiver” dans les langues iraniennes occidentales.
Aujourd'hui, nous allons bien évidemment nous livrer au même exercice, mais cette fois dans les langues iraniennes orientales.
les langues iraniennes orientales actuelles, en vert pomme irradiée (je ne suis pas responsable du choix des couleurs) |
Dans ce vaste groupe de langues, nous trouverons notamment...
- le scythe (ou plutôt les langues scythes), de l'époque de l'iranien moyen, qui se parlait jadis en... Scythie, le territoire occupé par les... Scythes, du VIIIème siècle avant Jésus-Christ (ne connaissant pas l'année de naissance de Mythra, je ne m'y référerai pas) jusqu'au IIème siècle de notre ère.
la City au XXIème siècle après Jésus-Christ |
Le scythe, dont sera notamment issu...
- l'ossète (parlé par les Os..., Os..., Ossètes, en Os... Ossétie - vous voyez, quand vous voulez), au nord du Caucase (et aussi en Géorgie).
Nous avions également...
- le sogdien, langue moyenne iranienne qui se parlait dans la somptueuse Sogdiane, celle de Samarcande et Boukhara - aaaaaah -, et dont l'alphabet ne fut déchiffré qu'au tout début du XXème,
- le bactrien, très proche du sogdien, également repris dans le moyen iranien, mais parlé, lui, au sud de la Sogdiane (oui, dans l'ancienne Bactriane, bravo !), et qui a disparu quelque part entre le IIème et le IIIème siècle après Jésus-Christ,
- le chorasmien, toujours langue moyenne iranienne, qui s'est parlé jusqu'au XIVème dans l'ancienne... Je vous laisse deviner ? Chorasmie, bravo !, au sud de ce qui fut naguère la mer d'Aral,
- les langues du Pamir, toujours parlées, tout à l'est, notamment dans le nord-est de l'Afghanistan et dans l'est du Tadjikistan. L'une de ces langues, le sariqoli (je n'invente rien), se parle même à la frontière entre l'Afghanistan et la Chine
(ne cherchez pas la contrepèterie, même s'il existe un rapport certain entre la Chine et l'Afghanistan ; ne dit-on pas Canton l'Afghanistan ?),
ce qui en fait la langue iranienne la plus orientale de toutes,
- le pachto, l'une des deux langues officielles de l'Afghanistan, avec le dari, variété du persan, et qui se parle également au Pakistan,
l'aire du pachto, dans une couleur indéterminée (je suis un homme ; c'est soit du rose, soit de l'orange) sur la droite de la carte |
Et enfin, la plus célèbre de ces langues,
- l'avestique, la langue iranienne orientale la plus anciennement attestée, celle utilisée dans l'Avesta, le livre sacré des Zoroastriens.
Pour rappel, l'avestique apparaît sous deux variétés :
- le vieil avestique, la langue archaïque des gāthās (non, il ne s'agit pas des vieux gâteux, mais des chants), que l'on peut faire remonter au IIème millénaire avant J.-C. (millénaire, hein, pas siècle, comprenons-nous bien),
et
- l'avestique récent, qui remonte à peine - gamin, va - au VIIIème siècle avant J.-C.
copie du livre de lois zoroastrien Videvdad, l'un des plus anciens manuscrits zoroastriens encore existant, copié en 1323 par le scribe Mihraban Kaykhusraw. Chaque phrase y est donnée en avestique (ancien iranien), puis traduite en pahlavi (moyen persan) (source) |
C'est bon pour tout le monde ? Alors, en avant, et découvrons ensemble les dérivés iraniens orientaux de notre indo-européen *ǵʰ(e)i-m-,
“hiver”
. Ah oui ! Et ce qui est valable pour ses dérivés dans les langues iraniennes occidentales, l'est toujours dans les langues iraniennes orientales : les dérivés que nous y épinglerons sont tous issus de *ǵʰ(e)i-m-, “hiver” par sa forme *ǵhiōm-, “hiver ; neige ; gel”.
- En sogdien, nous pouvions trouver zmē, əzmē, zamē, “hiver”,
- en bactrien, hiver se prononçait ζιμγο, zimgo /zimg/.
- en ossète, hiver se disait zymæg ou zumæg.
- En pachto, à présent, vous trouverez, pour hiver, ژمی, žë́may, جمی, jë́may, voire
- soyons fous -
زمى, zë́may.
Enfin, enfin, last but not least,
- en vieil avestique, nous trouvons le mot zimō-, pour
- je vous le donne en mille -
“hiver”,
- d'où l'avestique récent,𐬰𐬆𐬨𐬋, zimō, “hiver”.
Sachez toutefois qu'...
- en avestique récent, 𐬰𐬌𐬌𐬃, ziiā̊- pouvait encore désigner l'hiver,
d'où l'adjectif avestique zaiiana, pour hivernal.
Encore Samarcande, en hiver. C'est bien, d'habiter Samarcande, et de savoir rester simple. |
Amis lecteurs,
Je vous souhaite un excellent dimanche, et une très belle semaine.
Portez-vous bien.
Frédéric
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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter,
Les merveilleuses, les délicieuses...
ხატია ბუნიათიშვილი, Khatia Buniatishvili
et sa soeur, d'un an son aînée,
გვანცა, Gvantsa,
accompagnées par l'Orchestre de Chambre de Lausanne,
nous interprètent divinement, mais
- le Vivace et l'Allegro, du moins -
à un train d'enfer,
le
concerto en ut mineur pour deux clavecins, BWV 1062,
en trois mouvements,
de
- forcément -
Johann Sebastian Bach,
qu'il transcrivit et transposa à partir de son double concerto pour violons en ré mineur, BWV 1043.
Écoutez comme les pianos se répondent...
- Mmmh ? Y a pas d'rapport avec l'article ? Mais c'est pas d'ma faute, quand même, si l'ossète se parle aussi en... Géorgie.
(Par ailleurs, une pianiste dont le nom s'écrit ხატია ბუნიათიშვილი ne peut être fondamentalement mauvaise.)
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Excellent et stimulant. Comme toujours.
RépondreSupprimerMerci, Monsieur Sakhno,
RépondreSupprimerVous m'honorez par votre lecture, et vos commentaires positifs !