du verbe proto-germanique (donc non attesté) *munan-, « penser, (se) rappeler, avoir l'intention de... », qui permet d'expliquer une série de mots germaniques ultérieurs (et eux, parfaitement attestés).
Et dans cette quête linguistique
- pourquoi changer une équipe qui gagne ? -,
je ferai à nouveau appel à Guus Kroonen
età son...
Etymological Dictionary of Proto-Germanic.
Or donc,...
... *munan-.
Cet étymon est à l'origine du gotique... 𐌼𐌿𐌽𐌰𐌽, munan.
Oui, je sais, l'effet de surprise peut être violent, voire désagréable.
Ce gotique munan pourrait se traduire par « considérer, croire, estimer... ».
S'habiller de noir, autre verbe gothique (pronominal)
Sur 𐌼𐌿𐌽𐌰𐌽, munan
- on va voir ceux qui suivent -
se construira le composé ...𐌲𐌰𐌼𐌿𐌽𐌰𐌽, gamunan, « se souvenir, rappeler... ».
Ça vous dit quelque chose ? Mais oui, OH ! La semaine dernière, nous avions parlé de son dérivé 𐌲𐌰𐌼𐌿𐌽𐌳𐍃, gamunds, « commémoration».
Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de la Shoah
Mais notre étymon germanique permet également d'expliquer le
- mais ouiiiii ! -
vieux norois muna, « se souvenir... »,
dont sera notamment issu (je ne peux pas résister)...
le féroïen munna, « avoir l'intention de, être sur le point de... (harponner un pinnipède...) ».
Toujours construits sur ce verbe proto-germanique *munan-, « penser, (se) rappeler, avoir l'intention de... », citons...
le vieux saxon munan, « juger... » (au sens de « se faire une idée de... »),
ou même...
le vieil anglais (ou anglo-saxon, hein, c'est du pareil au même) munan, « se souvenir, considérer, penser... », sur lequel seront construits quelques dérivés, comme...
- eh, que voulez-vous, j'essaie tant bien que mal de mériter mon titre de carpette de la langue du maître -
ġemunan, « se souvenir... » (parfait cognat du gotique 𐌲𐌰𐌼𐌿𐌽𐌰𐌽, gamunan, « se souvenir, rappeler... »),
l'anglo-saxon « Iċ his ġeman swelċe hit ġiestrandæġ wǣre » pouvant se traduire par I remember it like it was yesterday : Je m'en souviens comme si c'était hier,
ou encore
onmunan, « estimer, avoir une haute opinion de... ».
C'est de ce respectable vieil anglais munan qu'est issu...
le moyen anglais... monen, notamment « se rappeler, considérer, avoir une haute opinion de, penser, considérer, honorer la mémoire de... ».
Euh oui, rappelons que moyen anglais est le nom donné à cette forme de langue du maître parlée entre la période de la conquête normande (1066) et la fin du XVème siècle.
Et qu'est-ce que munan nous a donné en anglais, mmmmh ?
Ben... rien.
RIEN.
RIEN.
QUE DALLE.
Nossingaaah (si jamais des journalistes parisiens tombent sur ce blog).
Eh oui, comme cela arrive parfois, le mot est sorti d'usage, et a complètement disparu du vocabulaire.
Sachez quand même que l'anglais dialectal mun, maun, qui ne sert plus que d'auxiliaire modal (en lieu et place de « shall, must ») et que vous pourriez entendre prononcer dans le nord de l'Angleterre, en est vraisemblablement un lointain cognat, mais via le moyen anglaismone, emprunté au vieux norois munu issu du proto-germanique *munan-.
- Mais enfin, espèce de clown, et l'anglais to mean, alors ? To mean, c'est quand même aussi penser, avoir l'intention... ! T'es sûr de ce que t'avances, Blondieau ?
Oui [gros soupir], je suis sûr de ce que j'avance.
Car l'anglais to mean provient, lui,
du vieil anglais mǣnian,
lui-même issu d'un étymon germanique *mainjan-, dont le sens reconstruit serait « penser... ».
Certes, le sens générique de *mainjan-pourrait facilement en faire un synonyme de notre *munan-,« penser, (se) rappeler, avoir l'intention de... », mais toute ressemblance s'arrête là : *mainjan- s'apparenterait plutôt à un étymon indo-européen créé sur le tard, propre aux langues occidentales,*moin-eie-.
Mais... nous devons quand même à *mainjan-, outre l'anglais to mean,
le vieux frison mēna, « vouloir dire, croire, suspecter, avoir l'intention de... »
l'implantation géographique du frison à l'heure actuelle, avec ses trois variétés
le vieux suédois mēnian, « vouloir dire, mentionner... »,
le vieux haut allemand meinen, « signifier, croire, dire... »,
ou encore
le néerlandais menen, de sens équivalent (« signifier, vouloir dire... »).
Tiens, à propos de l'anglais et du frison...
Au sein des langues germaniques, on rassemble parfois quelques langues
- essentiellement l'anglais, le scots et les différentes variétés de frison -
en un sous-groupe linguistique intelligemment dénommé langues anglo-frisonnes ; ces langues ayant des caractéristiques phonétiques propres et inconnues des autres langues germaniques.
Je vous offre ici une courte vidéo plutôt amusante, hélas d'une résolution épouvantable,
qui ne plaira probablement qu'aux vieux Frisons et aux valets de l'anglais,
d'un Anglais qui s'efforce de deviser en anglo-saxon avec un vieux fermier frison, qui lui répond dans sa propre langue.
Vont-ils se comprendre ? Ouais... Bof, n'exagérons rien... mais il est certain que ces deux langues sont relativement proches l'une de l'autre...
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