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Nous avons découvert cette racine le 24 juillet, avec
- le tokharien B īke, pour « lieu, endroit ; position ».
- snaice tallānt ikemem, « depuis un lieu pauvre, misérable »,
- sañ mäskelye yakene, « à l'endroit qui lui était assigné »,
- sle-tassäntse ikene, « en lieu et place du commandant de la montagne »,
- tumem c[ai] brāhmani tot ike-postäm̥ ynemane Aran̥emiñ lānte yapoyne kamem̥, « alors, ces brahmanes, se déplaçant de lieu en lieu (ike-postäm̥), arrivèrent au royaume du Roi Aranemin ».
Le 31 juillet, nous avons débusqué,
dans les langues germaniques, cette fois,
le gotique 𐍅𐌴𐌹𐌷𐍃, weihs, « village ».
- l'ombrien, vocu-cum, « maison»,
- le latin vīcus, « rue ; quartier, voisinage ; bloc de maisons ; village, hameau » voire « bien, domaine, propriété foncière… »,
- vīcātim, « de rue en rue, de quartier en quartier »,
- vīcīnus, « voisin, voisinage »,
- vīcīnitās, « proximité, voisinage »,
- vīlla, « maison de campagne, exploitation agricole, ferme… »,
- vīlicus, « fermier, gestionnaire de la ferme »,
- vīlica, « femme du fermier ».
- le français vicinal,
- le français voisin,
- les toponymes français vic, vicq, vicques, vix,
- l'espagnol Vigo,
- le catalan Vic,
- peut-être le -vic de Volvic,
- l'italien vico, « village, hameau ; district ; allée, chemin, ruelle… »,
- l'anglais dialectal du sud est (East Anglia et Essex) wick, « ferme », spécialement « ferme dédiée à l'élevage laitier »,
- les suffixes toponymiques anglais -wick et -wich,
- l'anglais désuet ou dialectal wike, « maison, logis »,le vieux frison wik, « village... »,
- le vieux saxon wīk, « village, habitation... », d'où Brunswick,
- le néerlandais wijk, « voisinage, district », utilisé notamment comme suffixe dans Graswijk ou Noordwijk...,
- le vieux haut allemand wīh, « village », d'oùle moyen haut allemand wīch, qui, repris du moyen bas allemand wîkbelde, donnera wīchbilde, d'où l'allemand Weichbild d'emploi littéraire ou daté, « zone urbaine », auquel on préfère maintenant le très germanique Stadtgebiet,
- le vieux norois vík, dont le sens est passé de « village » à « bras de rivière, crique, fjord ».
- où, humblement, je dois vous le dire : mon temps est dévolu à bien d'autres choses qu'à passer ma vie dans mes dictionnaires et devant mon écran -
- en breton, evor,
- en gaulois, le toponyme Eburo-dunum,
- en gallois, efwr.
(Et oui, il y a de fortes chances que le nom de la tribu des Éburons y soit apparenté, les Éburons étant connus - c'est César lui-même qui nous le dit - pour la culture de l'if ; on peut même dire que l'if, arbre extraordinaire par sa longévité, occupait une place centrale dans leur culture).
Les Éburons fabriquaient notamment des arcs en if (comme toujours, photo d'époque, colorisée) |
(Dès qu'il en est question, il y a de fortes chances qu'un ancêtre de Fernand Ucon soit dans le coin.)
Fernand Ucon, dont la famille a tenté de saccager le français (relisez déjà ceci : Es war einmal mitten im Winter, und die Schneeflocken fielen wie Federn vom Himmel herab...), et qui, aujourd'hui, est prêt à voter pour le départ de la France de l'Union Européenne vu les bénéfices incommensurables que le Brexit a rapportés au Royaume-Uni. |
Un descendant anglo-saxon de ce cher Fernand Ucon, qui passait par là, a cru que le latin Eborācum était construit sur le vieil anglais (l'anglo-saxon, pour les intimes) eofor, « sanglier », suffixé en -wīċ, pour signifier - allez, tous ensemble - « village du sanglier ».
Mais voilà : après le départ des Romains, et sur les conseils éclairés des sagouins de la trempe de cet ancêtre de Fernand Ucon, on renomma donc cette ville, pour que son nom puisse parfaitement coller à cette étymologie fumeuse.
De Eborācum, il devint donc... Eoferwīċ.
Les envahisseurs du nord, communément appelés à présent Vikings, en firent plus tard, en vieux norois, Jórk, Jórvík.
En moyen anglais, ce Jórk vieux norois, enfin, se mua en... York.
Eh oui.
The Shambles, York |
Et il y a même une suite à l'histoire : le roi Charles II d'Angleterre renomma l'ancienne colonie néerlandaise de New Amsterdam en New York, du titre de son jeune frère James, Duc de York, à qui il offrait ce lopin de terre.
Pour l'anecdote, le Duke of York en question deviendra roi, sous le nom de James II (Jacques II).
Voilà, mes enfants, comment une bande d'abrutis a pu altérer à jamais un nom de ville si charmant.
Ne laissons donc pas n'importe qui modifier nos langues ; elles sont bien trop précieuses...
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2 commentaires:
Bonjour Frédéric, quelle magnifique surprise ! Ah, vraiment, mer..si !
Dans la même veine, on pourrait aller jusqu'à un des pépins.. de la Grosse Pomme avec un de ses quartiers, initialement nommé Groenwijk en néerlandais, puis anglicisé et "pleonasmisé" en Greenwich Village.
Une véritable West side (of Lower Manhattan) story, à laquelle il ne manque, peut-être, qu'un Square Ambiorix 🤪
Paisible dimanche, Frédéric et surtout, excellentes vacances !
Bonjour LeScrat,
De fait, le "village" de "Greenwich village" démontre à quel point on avait oublié là-bas le sens du mot...
:-)
Merci, et bonne journée !
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