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dimanche 30 août 2015

le sacrum, ça sert d'os ?





Soyons les serviteurs de l'Humanité ; n'en soyons pas les prêtres. Lumière, oui ; Encens, non. On n'arrive pas même à moitié chemin si l'on s'arrête à l'homme. C'est un mauvais sacerdoce que celui qui ne va pas à Dieu.


Proses philosophiques (1860-1865, posthume),
Philosophie,
Deuxième partie [L’Âme]

Victor Hugo















Bonjour à tous !

La semaine dernière, nous avions découvert que derrière le français saint se cachait - et ce via le latin sānctus, participe passé de sanciō , “vouer à une divinité, consacrer”, la racine proto-indo-européenne ...

*sak-

rendre sacré”, “consacrer, sacraliser… 


Allez hop, on repart de là.

D’une forme suffixée, cette fois, de notre *sak- proto-indo-européenne: *sak-ro-, nous avons reçu le latin sacer, “sacré, saint, vénérable…

Mais aussi “maudit, abominable”.

Une explication, peut-être, mmmh ?

Il ne faut pas confondre les latins sacer et religiosus (religieux, pour les mal-comprenants).

On n’accède pas au sacré comme cela.

Sacer désigne ce qui est sacré Ce qui ne peut être touché sans souiller, ou être souillé. 

D’où ce double sens de sacré et de maudit, ce dernier réservé à ceux qui corrompaient le sacré, qui en abusaient, en d'autres termes, qui le profanaient.

Mot particulièrement bien choisi, vous allez rapidement en convenir...

Car dans un dimanche d’il y a déjà quelque temps (en date du 22 juillet 2012), Oktoberfest chez Tiffany’s, que je ne peux que vous recommander, nous avions traité de la racine *dhēs-, passée dans le latin fas, “loi divine”.

Et là où la loi divine était tellement présente qu’elle pouvait presque se palper, c’était dans le temple, le lieu de culte : fanum.

Le profane, c’était celui qui était loin du sacré, car devant (pro-) le temple (fanum), entendez “pas à l’intérieur” : hors de celui-ci.

L'Amour sacré et l'Amour profane, le Titien


Profaner, en ce sens, veut tout dire : attenter à l’intégrité du sacré.
Sortir des éléments d’un cadre sacré - le temple - pour les mettre en pâture dans le monde profane.

C’est hélas monnaie courante. Il suffit de voir les comportements des intégristes, qui ne sont hélas pas à même, dans leur dimension religieuse, d’atteindre à la spiritualité.  Au sacré.

Ils confondent, ils mélangent.
C'est jamais bon, ça.

Alors, ils profanent, au sens absolu.

Si ces gens étaient capables de percevoir ne fût-ce qu’une once de bout de chemin vers l’élévation, la spiritualité - le sacré -, ils comprendraient que le respect de la vie l’emporte sur tout, et que plus on avance dans ladite voie spirituelle, plus on a conscience que chaque rite, chaque religion, chaque vision que nous avons de la vie, de l’Homme, de l'Univers, est honorable, et n’est qu’une représentation humaine, bien limitée, de ce que peut être une vérité qui nous dépasse.

Qu’à ce titre, toutes les religions sont bonnes, toutes les croyances sont bonnes.
Tant qu’elles respectent l’élémentaire, l'essentiel : l’être humain, la nature, le monde, autrui…

En ce sens, tout le monde peut avoir raison. Mais oui !
Mais imposer sa religion à l’autre - et tuer en son nom, a fortiori -, c’est en réalité profaner ce qu’elle véhicule de plus beau.
Et montrer à quel point on n'a rien compris au sacré, à la spiritualité. A sa propre religion.

Quelle ironie, n'est-ce pas.
C’en serait comique, si ce n’était aussi pathétique.

À chacun SA vérité


Psss. Entre nous : c’est pas la croyance qui fait l’homme (tatataaaa continueront les amateurs de Renaud). Ça se saurait.

Et les Liégeois aussi, donc (dauuuk), si on suit ce raisonnement, ont raison / résaaauuu.
 (si ceci vous paraît particulièrement incongru, relisez le dimanche de la semaine dernière)
Enfin, oui, euh théoriquement.  
Le parler liégeois doit vraisemblablement faire partie d’un grand plan, d'un grand dessin dont nous ne percevons rien. 
Je ne peux pas croire qu’il soit arrivé comme ça, par hasard. 
Je me DOIS de l’accepter.
Mais je ne vous le cache pas, c’est dur.  
"En l’acceptant, moi-même je me dépasse, je vais au-delà de mes limites."
Voilà peut-être la raison d’être de l’accent liégeois? Permettre d'aller plus loin ? De se dépasser ?

Sacer, vous vous en doutez - allons, ne feignez pas la surprise... -, nous a donné sacré, sacrer, sacre, consacrer, sacrement, sacraliser et désacraliser.

Le sacre de Napoléon, David 

Mais aussi sacrilège (du latin sacrilegium, littéralement “qui vole (ou plutôt “recueille”) des objets sacrés”) et sacrifier.

Sacrifier, emprunt au latin classique sacrificare : littéralement “faire une cérémonie sacrée”.
Donc offrir en sacrifice, puisque l’un n’allait pas sans l’autre : pas de cérémonie sacrée sans sacrifice.



Ou même sacerdocesacerdotal.
A l’origine, le latin sacerdōscelui qui accomplit les cérémonies sacrées.
Vous y reconnaîtrez, en terminaison, dōs, dérivé de la racine proto-indo-européenne *dhē- (mettre, placer…), à qui nous devons faireoffice, ou l’anglais to do
C’est ICI que ça se passe :
du facteur au préfet, tous des fétichistes, tous des fashion victims moi que j'dis

Et sacer nous a encore donné…
sacristain, ou sacrément.

Mais aussi…
saperlotte - amplifié en saperlipopette -, synonyme euphémique de sapristi, ce dernier étant la déformation de sacristi(e), utilisée pour éviter de blasphémer


Sacripant, de l’italien Sacripante, est une construction plaisante sur l’adjectif sacro (sacré, du latin sacer, hein?), et le nom d’un faux brave dans l’Orlando innamorato, repris par la suite par Berni et Arioste.



Quant à sacrum (en réalité os sacrum), on qualifiait ainsi cet os - de sacré - parce qu’il soutenait les entrailles de l’animal que l’on offrait aux dieux lors des ... sacrifices.

Chouette, non ?

sacrum


Serment ?
Par diverses formes, dont sagrament (842), le mot nous vient du latin sacramentum, terme de loi pour désigner un dépôt consacré au service des dieux, une garantie, en quelque sorte, en cas de perte d’un procès.

Par la suite, en langue militaire, le mot en est venu à signifier un serment personnel - et volontaire.
En cela, il s’opposait doublement au jusjurandum (jurement, qui a donné jurer), serment collectif, et imposé.

Le serment prêté par Harold, le parjure et le châtiment du pécheur
La tapisserie de Bayeux (source)


Scrogneugneu, lui, n’est qu’une altération, par euphémisme (ou tabou) de sacré nom de Dieu !





Je réservais le meilleur pour la fin…

Saviez-vous que exécrer provient aussi de notre racine ?

Nous l’avons emprunté au latin exsecrari : “maudire, charger d’imprécations” (ex-, "hors de" sacer).
On l’employait donc à l’encontre de celui qui ... profanait.


Ah mais, surtout n'allez pas croire que seul le latin a récupéré notre racine proto-indo-européenne *sak-.

Que nenni.

Car en hittite, sāklāis, beau dérivé de *sak-, désignait … le rite.
Toujours en hittite, alors que nous avons sanction, il y avait zankila-, punir...




Je vous souhaite, à toutes et tous, un sacrément bon dimanche, une semaine de rêve, et vous propose de nous revoir, disons… dimanche prochain ?




Frédéric


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