- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 4 avril 2021

Rimski-Korsakov se serait-il inspiré de Ludwig van Beethoven pour son Shéhérazade ?


article précédent : ոչ լսեն ինձ.





Le grand-visir, qui, comme on l’a déjà dit, étoit malgré lui le ministre d’une si horrible injustice, avoit deux filles, dont l’aînée s’appeloit Scheherazade, et la cadette Dinarzade. Cette dernière ne manquoit pas de mérite ; mais l’autre avoit un courage au-dessus de son sexe, de l’esprit infiniment, avec une pénétration admirable. Elle avoit beaucoup de lecture et une mémoire si prodigieuse, que rien ne lui étoit échappé de tout ce qu’elle avoit lu. Elle s’étoit heureusement appliquée à la philosophie, à la médecine, à l’histoire et aux arts ; et elle faisoit des vers mieux que les poètes les plus célèbres de son temps. Outre cela, elle étoit pourvue d’une beauté extraordinaire ; et une vertu très-solide couronnoit toutes ses belles qualités.


Extrait de la traduction très euh... particulière, dans un français de cour, que réalisa Antoine Galland des Mille Et Une Nuits, dont la première publication se fit entre 1704 et 1717.

Il y inclut notamment Les Aventures de Sinbad, Aladin et Ali Baba,
contes moyen-orientaux qui ne firent en fait JAMAIS partie de l'oeuvre originale. 

Eh oui.
Merci, le dimanche indo-européen.
 

Antoine Galland,
1646 - 1715,
orientaliste, antiquaire du roi,
académicien et lecteur au Collège royal




Bonjour à toutes et tous !


En ce dimanche 4 avril 2021, infatigablement, nous poursuivons notre étude des dérivés de l'adorable racine indo-européenne...



*ḱleu-entendre”.




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Mais d'abord, le point.



Nous savons déjà que le lud- de Ludwig en est un beau dérivé, par l'étymon germanique *hlūda-, “bruyant, sonore”....

Et aussi que ce *hlūda- est à l'origine de l'anglais loud, “bruyant, sonore”, ou encore du néerlandais luid, de même sens.

Nous avons ensuite appris que par *ḱleus-, une forme étendue de notre *ḱleu-entendre”, nous arrivaient notamment l'allemand lauschen et l'anglais listenécouter”.
The Audience is Listening, 27 décembre 2020

Nous avons découvert, également, que (notamment) le vieux norois hljóðécoute, son, silence”, l'allemand littéraire Leumundréputation...”, ou l'islandais hler, écoute, écoute aux portes”, en provenaient.



Nous savons encore, depuis le 10 janvier 2021, que de notre *ḱleu-entendre”, descendent l'islandais hlýr, joue”, avant d'un navire”, joue d'une hache”, ou même l'anglais (obsolète) leerjoue, visage, complexion...”.

Au nombre des dérivés latins, cette fois, de *ḱleu-entendre”, nous avons clueō, on m'appelle” et inclitus / inclutusillustre, fameux”, ce dernier emprunté... en italien, avec inclito, en portugais, avec ínclito, et en espagnol, avec ínclito.

En grec ancien, une myriade de dérivés nous attendaient, comme...
  • κλῠτός, klutós, “renommé, glorieux...”,
  • κλέος, kléos, “rumeur, renommée, réputation...” et une série de composés où il apparaît, de Ἀντίκλεια, Antíkleia, “Anticlée, à Κλεοπάτρα, Kleopátra, “Cléopâtre”, en passant par, par exemple, Εὐρῠ́κλειᾰ, Eurúkleia, Euryclée“.
Entre Anticlée et Euryclée, Ulysse ne savait pas trop à quel sein se vouer, 24 janvier 2021

Nous avons ensuite découvert quelques très beaux dérivés celtiques de notre *ḱleu-, comme...

le breton klevoutentendre ; ressentir”, le vieil irlandais rocluinetharentendre”, l'irlandais et le manxois cluin, le gaélique écossais cluinn, le gaulois clouiou, le gallois clywed, le cornique klywesentendre...”.

le dimanche indo-européen passe enfin à l'in*klus-ī-vité, 31 janvier 2021 

Toujours issus de la forme de degré zéro *ḱlu-to-, nous avons épinglé quelques jolis dérivés celtiques, issus du proto-celtique *kluto-, “renommée”, comme...
  • le gaulois cluto- (ou clouto-), “renommé, célèbre”,
  • le gaélique écossais Clota, “Renommée”, d'où l'anglais Clyde,
  • l'irlandais cloth, “renommée, honneur, réputation”,
  • le gallois clod, “renom ; fameux, renommé”, ou encore
  • le breton klod, “gloire, renom”.
la Clyde est renommée. C'est comme ça., 7 février 2021 


Notons encore, au rang des dérivés celtiques de notre adorable *ḱleu-, les irlandais clú“réputation (favorable), louange, renommée”, et cluas, “oreille”, le vieil irlandais clúas, “oreille”, le gallois clustoreille”, ou encore le gaulois clutso- qui servira dans de nombreux toponymes, dont Les Clots (Savoie), Clot (Tarn, Gers et Alpes-Maritimes), La Clotte (Aude), Esclottes (Lot-et-Garonne)...
bíonn cluasa ar an gcoill, 14 février 2021

Nous découvrions, le 21 février 2021, que la forme substantivée *ḱleu-os“renommée, gloire...” avait donné, dans les langues balto-slaves, des dérivés tels que le lituanien oriental šlavė, “honneur...”, le letton slava“renommée...”, le russe сло́во, slóva, “mot...”, et surtout, créé sur la sémantique du mot, l'ethnonyme Slaves (en russe, Славя́не, Slavjánje). 

Le 28 février 2021, nous examinions la descendance balte et slave de notre *ḱleu- via la forme de timbre o *ḱlous-, “renommée, gloire...” dont est issu l'étymon balto-slave *klouʔṣ- :

  • le letton klàusît“écouter, obéir”, 
  • le vieux prussien klausiton, “entendre”,
  • le russe слушать, “écouter”,
  • les chèques slyšet, “entendre”, et slušet, “convenir...”, 
  • le bulgare slúšam, “écouter ; suivre, obéir”...

Květiny, květiny, na zelené lučině, 28 février 2021


Le 7 mars 2021, toujours dans les langues baltes et slaves, nous retrouvions, vraisemblablement issus de *ḱleu-entendre” par un substantif indo-européen *ḱlēuh₁-
  • le lituanien šlovė̃“honneur, renommée”,
  • le mot slave сла́ва, slávagloire, renommée...”,
et puis aussi tous ces anthroponymes créés sur le suffixe -slav, de Станислав, Stanislav, à Ярослав,Iaroslav, en passant par Мстислав, Mstislav...


Le 14 mars 2021, nous examinions les dérivés laissés par les étymons slaves *sluti-, “être appelé” et *slȗxъ, “ouïe, rumeur”,

le premier donnant notamment...

  • le vieux slavon d'église слоути, slutiêtre connu (comme, en tant que) ; exprimer par des... mots” et
  • le russe слыть (sleutjʹ), “passer pour, avoir la réputation de, être réputé...”, et

le second, entre autres...

  • le vieux slavon d'église ⱄⰾⱆⱈⱏ, sluxŭ“rumeur, nouvelles ; ouïe ; oreille”, ou
  • le russe слух, slux“ouïe ; oreille”, rumeurs, ouï-dire ; nouvelles”.

Отчего́ прослы́л я шарлата́ном ?, 14 mars 2021

C'est le 21 mars 2021 que nous tombions sur le verbe albanais quajappeler, nommer...”, et sur l'un de ses composés, shqúaj, “distinguer, discerner, rendre visible...”.

Unë quhem Bond, 21 mars 2021

Le 28 mars 2021, nous restions sous le charme des arméniens classiques...
  • լսեմ, lsem, “entendre, écouter”,
  • ու, luouïe”, 
  • լուռ, luṙ, muet, silencieux”, 
  • հլու, hluobéissant, docile”
  • լուր, lur, renommée, rapport (que l'on fait sur quelqu'un)”,
ոչ լսեն ինձ., 28 mars 2021

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Amis lecteurs,

Peut-être avez-vous été, comme moi, subjugués par les dérivés albanais et arméniens de notre douce, douce *ḱleu-, “entendre”.
Au cas où, relisez Unë quhem Bond et/ou ոչ լսեն ինձ..

Aujourd'hui, comme promis, nous poursuivons notre voyage vers l'Orient. Nous quittons l'Arménie éternelle...

Arménie


...pour l'Iran, ou plus exactement,

la Perse.

Perse



Avant d'aller plus loin, vulgarisons....

Une proto-langue est toujours par définition reconstruite, qu'il s'agisse du proto-germanique, du proto-celtique ou du proto-balte ; parfois l'on qualifie ce type de langues reconstruites de langues communes (communes... à un groupe de langues), d'où, par exemple, l'appellation celtique commun pour proto-celtique, hypothétique langue à l'origine de toutes les langues du groupe...

- Oui ? Non ? Non ?? Vous ne reprendriez pas un café ? -

celtique.

Ces proto-langues théoriques sont recréées à partir de langues qui ont réellement existé et constituent donc une importante fondation théorique commune à ces dernières, au sein d'un groupe de langues.

Ainsi, toutes les langues germaniques proviennent théoriquement d'une langue commune, non attestée, le proto-germanique.


L'évolution des langues (de celles qui ont réellement existé, attestées) a par ailleurs bien souvent été linguistiquement schématisée, en périodes : alors qu'à partir d'une proto-langue hypothétique, l'on fait se développer une ou plusieurs langues connues
(prenons le proto-italique sur lequel se seraient créées les langues italiques, dont le latin, l'osque, l'ombrien, le sud-picène...),
chacune des langues connues, au cours de son évolution, passera par différents stades, que l'on résume souvent de la sorte : 

un stade dit ancien
(vieux norois, arménien classique, vieil irlandais, grec ancien, ancien français parlé du IXème au XIIIème...),

un stade dit moyen

(moyen gallois, moyen français parlé aux XIVème et XVème), 
puis enfin un stade dit moderne.
Pour la langue du centre du monde - je parle bien évidemment du français -, on rajoute une courte période succédant au moyen français : le français classique, du XVIème au XVIIIème, et l'on considère généralement que le français moderne commence véritablement à partir du XVIIIème (même si, à l'heure actuelle, il ne s'est toujours pas imposé chez certains artistes de variétés).



Pour l'anglaisl'anglois, l'inglicheaaan -, par exemple, 

- et cessez, je vous prie, de m'asperger de cette eau, vous voyez bien qu'elle ne me brûle que très superficiellement -



nous pourrions schématiser, à partir de l'indo-européen (soyons fou) :


*langues théoriques

*proto-indo-européen - *racines- reconstruites
*proto-germanique - *étymons reconstruits
langues attestées

vieil anglais (= anglo-saxon)
moyen anglais (à partir de la conquête normande)
anglais (à partir du milieu du XVème)



Cela dit, 

en proto-iranien,

cet état de langue reconstruithypothétique, servant de fondation commune à toutes les langues iraniennes,

en proto-iranien, donc, Johnny Cheung, 

Johnny Cheung, travaillant ici à la chronologie du bactrien,
dans les locaux du Ancient India & Iran Trust à Cambridge


Note du vulgarisateur : le bactrien est-il ...
    1. un synonyme vieilli du mot amphibien,
    2. un adjectif pour relatif aux bactéries,
    3. une langue moyenne iranienne parlée dans l'ancienne Bactriane ?
Bactriane



- Ah, je vois déjà quelques réponses, merci ! 
Réponse 1 pour Monsieur X et un lecteur FB, ce dernier se demandant ce qu'est une question, et souhaitant plus de vulgarisation, 



Allez, je reprends :

En proto-iranien, Johnny Cheung,
l'auteur du Etymological Dictionary of the Iranian Verb,



nous donne, comme étymon issu de notre douce ḱleu-, “entendre”,...


*srau-,

dont le sens ne devrait pas trop vous surprendre :


entendre, écouter”.


charmante Iranienne écoutant la radio de son pays



C'est lui, *srau-, que l'on retrouvera dans le radical avestique srao-entendre, écouter”.


À noter qu'une forme verbale passive et impersonnelle construite sur le radical srao-, frasrao-, se traduit par “être entendu, être connu”. 


Mais oui ! À nouveau, vous retrouvez ici ce même glissement de sens
[être entendu → ouï-dire  renommée]
propre à toute une série de dérivés de *ḱleu-, “entendre” ; repensons notamment...
  • au gallois clod, renom ; fameux, renommé”,
  • au latin inclitus / inclutusillustre, fameux”,
  • au grec ancien κλῠτός, klutós“renommé, glorieux...”...

Vous vous rendez bien compte ? Car ici, il s'agit de la langue de l'Avesta, cette langue sacrée dans laquelle ont été rédigés les textes de la religion mazdéene, dont les plus anciens ont été composés vers l'an 1000 avant J.C. !


En moyen perse
(ce qu'on appelle aussi le pèhlevî ou pahlavi, langue parlée d'environ 300 avant J.-C. jusqu'à 800 après J.-C),
et pour être vraiment précis, en moyen perse manichéen
- cette langue où le mot gris n'existait pas -,
nous trouverons la forme verbale sr'ychanter”, comparable au pahlavi srāy-, chanter”.

Étrangement (pour moi, du moins)Johnny Cheung semble expliquer ce glissement de sens vers chanter, présent aussi dans les parthe* et sogdien* sr'w- comme découlant de l'idée de faire entendre
(chanter = faire entendre sa voix, faire entendre ce que l'on veut dire...),
alors que je l'aurais personnellement associé à l'idée de gloire (de glorification), le chant sacré pouvant se comprendre comme la louange, ce qui aurait en outre collé avec la sémantique gloire, renommée d'autres dérivés de la racine... 

Mais bon, si un linguiste de la trempe de Johnny Cheung le dit, je m'incline humblement.

Même si, toujours en moyen perse manichéen - gnagnagna gnagnagna -la forme composée fr-sy- signifie bien louer, louanger... Mais bon, Johnny Cheung doit avoir ses raisons.

Bref.

Spécial vulgarisation : vous pensiez que j'allais vous laisser ainsi avec le parthe ? Eh non.
Le "parthe ? Eh non". Ah ça c'est remarquablement subtil. Peut-être pas assez vulgarisé, non ?
Le parthe (*) est une langue moyenne iranienne qui se parlait au début du Ier millénaire après J.-C. en Iran, dans l'empire... parthe. Ce qui, finalement arrangeait pas mal de monde.

empire parthe
(source)

 

Quant au sogdien(*), il s'agit d'une langue moyenne iranienne parlée au Moyen Âge par les... Sogdiens. D'autres questions ?

Et c'était qui, les Sogdiens, mmmh ? De braves commerçants qui vivaient en, en ... Sogdiane (les actuels Ouzbékistan, Tadjikistan et nord de l'Afghanistan).

Sogdiane
(source)

 

Aaaaah, la Sogdiane, la route de la soie, avec Samarcande et Boukhara....

Moi, ça me fait toujours rêver... 

Samarcande

Boukhara

 
PS : route de la soie, ce n'est pas de la langue inclusive.

Bonjour à tou·te·s, je vous souhaite la bienvenue / le bienvenu au sein de notre collectif citoyen, et plus particulièrement dans cet atelier éco-responsable de développement personnel et de bien·ne être centré sur l'agir(*), où nous allons explorer la route du soi / de la soie.

 (*) centré sur l'agir, comme tout atelier éco-responsable de développement personnel digne de ce nom.


l'antique route de la soie



Ali Nourai, dans son An Etymological Dictionary of Persian, English and other Indo-European Languages, dont l'une des caractéristiques majeures - et particulièrement vulgarisatrices - est son aspect éminemment graphique....,



Ali Nourai, donc, nous donne comme issu de l'avestique srao-entendre, écouter” 
 
via le pahlavi ašnŭdan, entendre”,
 
le perse šenîdan, entendre”.

(Et de grâce, épargnez-moi ce malheureux un Shah persan a l'oreille perçante que votre beau-frère / grand-oncle (tout dépend de votre âge) ne manquait pas de faire à chaque repas de famille. Oui, le confinement a parfois du bon.)




Toujours dérivé de l'avestique srao-entendre, écouter”, il nous faut absolument citer cet autre avestique,

 

sravah,

 

- Sravah ?

- Oui, sravah, sravah. Et toi, sravah ?


qui, ô merveille, nous remet en mémoire l'un des sens essentiels des dérivés slaves de notre douce *ḱleu-, “entendre”, à savoir... le mot




Oui, l'avestique sravah désigne le mot, ou même, par une métonymie finalement très convenue, le discours.


En sera issu le perse sarvâ, “poème, histoire”.

Ce qui nous en dit long, bien entendu, sur l'élégante manière dont les histoires étaient racontées, en ces contrées, où le conte se confond avec le poème...

Ainsi, saviez-vous que le somptueux recueil dit des Mille et Une Nuits, en persan, هزار و یک شب, littéralement « le livre de mille nuits et une nuit »,
- par ailleurs pas vraiment destiné à un public enfantin, à l'origine ; ce n'est que parce que la plupart des traductions successives l'ont gentiment édulcoré que même ces infâmes pudibonds puritains de chez Disney peuvent à présent en faire des dessins animés ... -
Ça, c'est de la Shéhérazade de compétition,
ou je n'y connais vraiment rien...


saviez-vous que le recueil des Mille et Une Nuits, disais-je, reprend 1420 poèmes sur ses 200 contes ?

(Ce qui fait quand même une moyenne de 1,41858 poème par nuit.) 


Shéhérazade
(شهرزاد, Šahrzād, l'enfant de la ville)
et Chahriar, le roi de Perse

Euh... oui, vous aurez remarqué le charme... euh... exotique ? de cette Shéhérazade, remarquablement proche de celui de la princesse iranienne Qajar...
(source)



Mais dites-moi,
vous rappelez-vous le grec ancien κλύω, klúōentendre ; comprendre ; obéir?



Ou alors le bulgare slúšam, “écouter ; suivre, obéir” ?
Květiny, květiny, na zelené lučině,

Ou bien l'arménien լսել, lsel, entendre, écouter, obéir” ?



Eh bien OUI, OUI, OUI,

sur l'avestique srao-entendre, écouter” s'est construit...
l'avestique Sraothra / Sraosha, littéralement celui qui entend et suit”.
Celui qui obéit, quoi !


Sraosha désigne précisément, dans la religion zoroastrienne, un des Yazatas
- un Yazata ? Oh, une sorte de génie bénéfique digne d'adoration, que l'on pourrait rapprocher de notre concept d'ange -
un des Yazatas, disais-je, dont le nom pourrait être traduit par "Obéissance, Audition, Écoute".


Il est souvent fait mention de Sraosha comme du Yazata de la Conscience, ou carrément de la Voix de la Conscience...

Sraosha


Le mot continuera à évoluer, pour donner,

dans les commentaires du IXème au XIIème siècles, le pahlavi srôshcelui qui obéit (à Dieu)”,

puis enfin le farsi سروش, Sorūsh.


Et non - et j'en suis le premier désolé -,
il y a peu de chances que le farsi Sorūsh ait été emprunté en kelpien.
Aucun lien, donc, avec Saru, le Kelpien qui commandera un temps l'U.S.S Discovery
(vulgarisation)




Et donc, OUI, il y a un lien fort entre LudwigDamoclès, Cléopâtre, le russe слушать, slouchatj', “écouter”, l'ethnonyme slave, l'anglais Clyde, les arméniens classiques լսեմ, lsem, entendre, écouter” ou հլու, hluobéissant, docile”,...
  • l'avestique srao-entendre, écouter”,
  • le pahlavi srāy-, chanter”, 
  • le perse šenîdan, entendre”,
  • le perse sarvâ, “poème, histoire”,
et surtout Sraosha, ce Yazata qui veille à l'Observance des Lois Divines, dont le nom peut se traduire par "Obéissance, Audition, Écoute".


C'est fou, non ?

Le jour où vous gagnerez à un quiz en répondant à la question “Qu'ont en commun Ludwig, Damoclès, Cléopâtre et Sraosha, pensez à moi, mmmh ?






La semaine prochaine, toujours cap vers l'Orient...

D'ici là, protégez-vous, prenez soin de vous et de vos proches, 
Portez-vous bien.


Passez de belles Pâques !


Frédéric


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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter,

un petit mot d'Anton Bruckner (un motet, quoi)

Os justi,

La bouche du juste.


Tout d'abord parce que le S(c)héhérazade de Rimski-Korsakov que vous attendiez tous,
je l'avoue, c'est pas trop ma tasse de thé.


Mais surtout parce que ce Os justi est une merveille,

une pure merveille,

et son interprétation par Tenebrae... digne d'adoration,

et puis aussi, parce que ce motet sacré évoque la langue, et la loi de Dieu.

Je pense donc que Sraosha ne doit pas en être bien loin,
qu'il plane peut-être même au-dessus de ces remarquables interprètes, qu'il inspire.

Os justi meditabitur sapientiam,
et lingua ejus loqueteur judicium.
Lex Dei ejus in corde ipsius et
non supplantabuntur gressus ejus.

La bouche du juste méditera la sagesse
et sa langue parlera de jugement.
La loi de Dieu est dans son cœur et
ses pas ne chancelleront pas.

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5 commentaires:

LeScrat a dit…

Bonjour Frédéric,

Quel épisode captivant!! (et quelle délicieuse Shéhérazade!!)

Je reviens un instant sur le glissement de sens du moyen perse manichéen sr'y et du pahlavi srāy- vers “chanter”.

Si tu n'avais précisé que "chanter = faire entendre sa voix, faire entendre ce que l'on veut dire" j'aurais modestement eu une autre piste pour l'expliquer. Je pense qu'on peut raisonnablement exclure l'hypothèse d'un bég-bég-bégaiement qui aurait affligé de nombreux Perses Manichéens et les aurait contraints à tout exprimer en chansons dès lors qu'ils voulaient se faire entendre rapidement.

Non, rien de tout ça. Johnny Cheung a exposé sa théorie en anglais, je suppose. Or, "to sing" c'est aussi "to relate or celebrate something in verse" et "to compose poetry", tout comme notre "chant" peut signifier poème épique (qui a dit épique et colégram?) ou ...lyrique et notre "chanter" célébrer par un poème.

Voilà qui aurait particulièrement bien collé avec le perse sarvâ, “poème, histoire” car, somme toute, la gloire n'appartient pas qu'aux cieux ..


Merci pour cet envoûtant voyage! À dimanche prochain!

Frédéric Blondieau a dit…

Merci, LeScrat !

Pour ce qui est de l'explication de Johnny Cheung à propos du sogdien, il précise littéralement :
sr'w-, 'to sing' (< *to let it hear').

Même si à bien d'autres reprises, pour d'autres dérivés, il mentionne des sens du type "consacrer (avec un mantra)", ou même, pour un substantif, "chant"... et associe bien "faire louange" et "chanter"

Bonne semaine,
Frédéric

LeScrat a dit…

@Frédéric,

Tu l'avais parfaitement mentionné et moi, bien... entendu. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai pris quelques précautions oratoires 😉

Bonne semaine

Thierry Hoornaert a dit…

Les Sogdiens de Samarcande : de braves commerçants ...
Décidément, tout s’explique : donc nul besoin d'aller marcander ailleurs.

Merci Frédéric et bonne semaine.

Frédéric Blondieau a dit…

@Thierry Hoornaert

:-D Ah, celle-là, Thierry, elle est bonne ! Très joli...

Bien à toi, Frédéric