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dimanche 16 décembre 2018

"Bien sot est le mouton qui se confesse au loup" - proverbe allemand




« Panurge sans aultre chose dire jette en pleine mer son mouton criant et bellant. Tous les aultres moutons crians et bellant en pareille intonation commencerent soy jecter et saulter en mer aprés à la file. La foulle estoit à qui premier y saulteroit aprés leur compaignon. »


Rabelais, 
extrait du Quart Livre, chapitre VIII, circa 1552



Bonjour à toutes et tous !



Ah, 
*(s)ker-, “couper, découper”,

cette petite racine indo-européenne à qui nous devons tant ...


Je ne vais plus m'étendre sur la liste des dérivés de cette belle racine que l'on a déjà traités ici.


Un lecteur germanophone, qui plus est linguiste, dans un commentaire un peu ... rugueux, oserais-je dire, se plaint du peu d'attention que je prête à sa langue natale, en allant me perdre dans les langues “plus ou moins proches de l'aire francophone”, alors
- je paraphrase -
que si j'avais un peu plus de connaissances linguistiques de l'allemand, j'aurais évidemment mentionné depuis longtemps des mots allemands on ne peut plus courants au nombre des descendants de notre chère *(s)ker-, “couper, découper”.



Alors, pour ce lecteur fidèle

- que je salue ici, et dont je ne mets pas la bienveillance en doute, loin de là -,
avant de poursuivre le fil de mes idées, je m'arrêterai en ce dimanche, sur l'allemand.


Ou plutôt... j'y reviendrai.



Car j'avais commencé cette série d'articles par ... 


Article que je pourrais résumer comme suit :

racine indo-européenne *(s)ker-“couper, découper”
proto-germanique *skeran-, couper”

dérivés germaniques, dont vieil anglais scieran, “couper, raser...”

moyen anglais sheren, scheren
anglais shear, “tondre, arracher...”. 



Oui, j'ai commencé l'étude de *(s)ker-, “couper, découper” par ses dérivés germaniques, dont notamment l'allemand scheren, “tondre, couper...”, que ce lecteur charmant mais distrait me reproche maintenant d'avoir proprement ignoré.

Pô grave !



Au contraire ! Je dirais même que je suis enchanté de l'intérêt que suscite le blog ! 

Et en plus, ce retour en arrière va nous permettre de vagabonder quelque peu dans les langues germaniques, en sortant, mais très légèrement, du thème du moment, à savoir les dérivés de *(s)ker-, “couper, découper”.

Ce lecteur mentionne à juste titre qu'à côté de scheren,
partiellement synonyme de schneiden“couper (notamment les cheveux)...”,
nous trouvons encore Scherepaire de ciseaux.

Paire de ciseaux Allemande années 1920 - 1940
(source)


Oui ! Je l'avoue, j'avais mis de côté l'étymon germanique pour paire de ciseaux”, le fil - non pas de mon rasoir, ahah, mais - de mes idées m'ayant emporté vers d'autres horizons. 

Peut-être aurais-je fini par traiter de l'étymon en question, peut-être pas... 
Pas sûr.
Mais puisqu'on y est, allons-y !

Cet étymon,
dérivé du verbe fort proto-germanique *skeran-, couper”, 
c'est ... *skēra-paire de ciseaux

Paire de ciseaux Allemande années 1920 - 1940
(source)

Si je l'avais ignoré au moment où nous abordions *skeran-, couper”, c'est que sa descendance en anglais
- pour qui j'avoue ma préférence sur l'allemand, je ne peux le nier, mais ce n'est pas vous qui avez suivi, jeune ado mal dans sa peau, un cours d'allemand au secondaire donné par un professeur dont vous aviez peur, jusqu'à vous dégoûter à tout jamais de l'apprentissage cette belle langue -
ne méritait pas, à mon regard ô combien tronqué et subjectif, d'être mentionnée ici.

Mais puisque vous insistez
- et que depuis je suis devenu grand -,
sachez que l'étymon germanique *skēra- sera à l'origine du
oui, oui, OUI !!!
  • vieux norois skæri, 
et par là, 
  • du féroïen poétique...
(si si, ça existe, la poésie féroïenne, très savoureuse au demeurant, riche d'images de phoques ensanglantés, d'orques éventrés sur de magnifiques plages de sable noir, des rires de jeunes enfants pataugeant gaiement dans des carcasses encore chaudes de morses écorchés...)
...skærur, 
  • du vieil anglais scēar(r)a,
  • du vieux frison roche skēre
  • du néerlandais schaar, et
  • du vieux haut-allemand scāra (au pluriel scāri), qui donnera naissance à l'allemand... 
- allez, on fait un effort -
... Schere.


Tous

- tous, vous m'entendez, pour paraphraser le parolier de la Complainte de Mandrin -
signifiant... paire de ciseaux”.


Paire de ciseaux Allemande années 1920 - 1940
(source)


Roger Frison-Roche

Voyez-vous, puisque j'avais déjà mentionné le verbe anglais shear comme descendant de *skeran-, il m'avait semblé inopportun, superfétatoire, d'en rajouter une couche avec le substantif pluriel anglais shears“cisaille, grands ciseaux”, descendant bien de *skēra- par le vieil anglais scēar(r)a.

Donc, 

racine indo-européenne *(s)ker-, “couper, découper”

proto-germanique *skeran-, “couper”
proto-germanique *skēra-, “paire de ciseaux”
vieux haut-allemand scāra
allemand Schere, “paire de ciseaux”




Mais aussi...


racine indo-européenne *(s)ker-, “couper, découper”
proto-germanique *skeran-, “couper”
proto-germanique *skēra-, “paire de ciseaux”
vieil anglais scēar(r)a

anglais shears, “cisaille, grands ciseaux”




Comme je vous le disais en début d'article, profitons donc de cet heureux retour dans les dérivés germaniques de *(s)ker- pour y flâner quelque peu...

Car franchement, vous pourriez parfaitement vous demander si l'anglais shave (ou l'allemand schaben, hein), “raser” est apparenté à notre *(s)ker-.

La réponse est non.

D'autres questions ?
- voilà ! C'est exactement ce qu'aurait dit mon prof d'allemand. Il ne devait pas manquer d'humour ; il devait même être un homme adorable, mais moi, il me terrorisait. -

L'anglais shave (tout comme l'allemand schaben, je tiens à le préciser) provient d'une autre racine indo-européenne,

*skh₂bʰ-e-“raser, racler”,

et ce par l'intermédiaire du proto-germanique *skaban-“raser, racler”.

On pourra en reparler plus tard, si vous voulez, car *skh₂bʰ-e-, s'est retrouvée également dans d'autres groupes linguistiques, et mériterait vraiment un dimanche à elle toute seule...


racine indo-européenne *skh₂bʰ-e-, “raser, racler”
proto-germanique *skaban-“raser, racler” 

anglais shave, allemand schaben



Savez-vous d'où vient le français mouton ?


mouton
(source)

Eh bien, 
on fait remonter l'ancien français mouton,
par le bas latin moltō,
au gaulois *multon- ou *multo-,
issu du proto-celtique *moltos-, mot vraisemblablement emprunté au substrat non-indo-européen.
Un substrat, en linguistique historique, étant une langue autochtone
donc ici pré-indo-européenne, ayant existé sur place avant que les langues indo-européennes ne viennent s'imposer, 
qui, en se mélangeant à la langue adoptée, aurait cependant contribué à l'évolution de la nouvelle langue. 

Quant au sens premier que devait revêtir le proto-celtique *moltos-
- que l'on déduit par ailleurs par celui du vieil irlandais et du - YES YES YESSS - moyen gallois - mollt, ou encore du breton maout“mâle châtré destiné à la boucherie” -,
il devait s'agir de ... “mâle, mâle châtré” . 



Le sens se généralisant plus tard, le mot désignant alors tout ovin, d'une façon générique.



substrat non-indo-européen
emprunt
proto-celtique *moltos-, “mâle, mâle châtré”
gaulois *multon- ou *multo-, “mâle, mâle châtré”,
puis générique pour “ovin, mouton”
bas latin moltō, “mouton”
ancien français mouton


Si je vous raconte tout ça, c'est que l'équivalent germanique du celtique *moltos-, c'est... 

*skēpa-.

Plus question, ici d'un mot emprunté au substrat pré-indo-européen !! 
Mais bien, tout simplement, d'un étymon construit sur ... , sur ... 
Mais ouiii !!!
le germanique *skaban-“raser, racler”, dont - c'est fou - nous venons à peine de parler quelques lignes plus haut.

C'est dingue.

Le mot germanique pour mouton, donc, proviendrait de l'emploi que l'on réservait au brave animal, destiné à être rasé, tondu.
Un peu comme le bézoard, dont nous parlions il y a quelques semaines.  
Mais non, c'est pas qu'on tondait les bézoards, enfin ! Oh !
Rappelez-vous, c'était par son emploi (d'antidote) que les Perses connaissaient et définissaient l'objet, bien plus que par son origine, sa nature intrinsèque...
Mwouais, je vois.... Allez, on relit tous ensemble

bézoards



Mais revenons à nos moutons.



Décidément, quel humour, aujourd'hui !













Nous devons bien évidemment au germanique *skēpa-, “mouton”...
  • le vieil anglais scēp, scīp, d'où l'anglais sheep,
  • le vieux frison-roche - mais enfin, ça suffit, maintenant ?- skēp, 
  • le vieux saxon skāp, 
  • le néerlandais schaap, qui, prononcé par un Néerlandais, vous permet de visualiser - que dis-je, de vivre - le lent et râpeux passage du rasoir sur la peau, et bien sûr
  • le vieil haut-allemand scāf, d'où - je vous jure, je ne l'omettrai plus jamais - l'allemand Schaf.

Tous - tous, vous m'entendez - désignant le mouton.

Et donc...

racine indo-européenne *skh₂bʰ-e-, “raser, racler”
proto-germanique *skaban-“raser, racler” 

proto-germanique *skēpa-, “mouton” 



Roger Frison-Roche
Et voilà !

Après ce joli détour en mode école buissonnière, nous reprendrons, dimanche prochain, la suite logique des aventures de notre chère *(s)ker-“couper, découper”.


D'ici là, je vous souhaite, à toutes et tous, un excellent dimanche, et une très belle semaine !



Frédéric



PS: dans ces articles, les passages de texte en bleu, vous l'aurez compris, traitent d'éléments de linguistique.


******************************************
Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom:
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter, 

Chasing Sheep is Best Left to Shepherds,

composé par Michael Nyman
- et ici interprété par lui et son orchestre ! -
pour cet extraordinaire film qu'est

The Draughtsman's Contract de Peter Greenaway, 1982


Faisons-nous plaisir...
revoyons quelques extraits du film où intervient cette fantastique musique...


... qui n'est elle-même qu'une superbe reprise d'un court morceau de Purcell, le

Prélude à l'acte III, Scène 2 
tiré de son célébrissime

King Arthur,

prélude que vous entendez au tout début de cet extrait
(mais surtout, surtout, écoutez la suite..... aaaaah)


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Vous voulez être sûrs (sûrs, mais vraiment sûrs) de lire chaque article du dimanche indo-européen dès sa parution ? Hein, Hein ? Vous pouvez par exemple...
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dimanche 9 novembre 2014

Sainte Mildred de Thanet? Du mouton la douceur, de Thanet le cuir.






"Je trouvais à la fois dans ma création merveilleuse toutes les blandices des sens et toutes les jouissances de l'âme."

Chateaubriand, in Mémoires d'outre-tombe





Bonjour à toutes et tous!


Alors, il y a déjà longtemps, le 15 avril 2012 - vous rendez-vous compte, il y a déjà deux ans et demi? - dans un sublime article si joliment intitulé Marcel et sa madeleine, Fred et sa dringaille, j’avais fait allusion à la racine proto-indo-européenne *melǝ- ("moudre, battre, broyer", d'où, par extension "fin, menu”), à l’origine du latin classique marcŭlus - marteau, mais aussi de mots comme "meule", "moulin", ou encore l'anglais "mill".


Et puis, le dimanche suivant - le 22 avril de la même année donc - j’avais tenu ma promesse, en traitant en long et en large de cette belle racine dans l’inénarrable Vestales, malléoles et Lofoten.

Mais avec cependant un avertissement

(je me cite:)
Attention, une racine similaire, *mel-, véhiculait, elle, la notion de douceur, d'adoucissementJ'en parlerai très certainement lors d'un autre "dimanche", car elle est aussi pleine de surprises...

Oui, ça fait longtemps que je m’étais dit que je devais vous parler de cette autre *mel-.
Le croirez-vous: Ce sera fait aujourd'hui


*mel-, ou plus précisément
*mel-1

- "1" car il y a six (!!) racines que l’on a pu recomposer sous la forme *mel-; chacune d'entre elles bien sémantiquement différente -

véhiculait la notion de ... douceur.





Aaaaaaah.

Je suis en train de rédiger en écoutant le premier mouvement de la Pastorale, la Symphonie n° 6 en fa majeur, que Beethoven écrivit en 1808.

Parfait. Simplement parfait.
Juste ce qu’il me fallait…

Aaaaaah



Ici, une version du Boston Symphony Orchestra
dirigé par Leonard Bernstein
et sur iPad:


Bon, allons-y!

*mel-1 évoquait la douceur ; et pas mal de ses dérivés font référence à quelque chose de doux, ou d’adouci, de souple ou d’assoupli, voire carrément de… mou.


Une forme allongée *meld- se retrouve dans le germanique *meltan, devenu le vieil anglais *meltan, puis l’anglais moderne melt.

To melt? Fondre, ou faire fondre.

I am melting!
C’est ce que cette méchante sorcière hurlera en fondant - bien fait pour sa tronche, à cette vieille bique - dans The Wizard of Oz...

et sur iPad:


(OUI, je sais, j'ai mes thèmes récurrents, de Excalibur aux Monty Python, en passant par Alexandre le bienheureux, ou, en l'occurence, The Wizard of Oz, dont j'avais encore récemment parlé ici: Une idylle avec une idole?? Mais quelle drôle d'idée...)

Mais, revenons à notre douceur…

Aaaaaaah


On soupçonne - mais sans certitude aucune - cette délicieuse *mel-1 d’être à l’origine du germanique *maltam, qui donnera le vieil anglais mealt, pour déboucher sur l’anglais moderne … malt!

Le malt?
Mais c’est une céréale germée, en général de l'orge, qui est cuite (d'où amollie), pour qu'elle dégage tous ses arômes.

Oui, ça aussi, c'est un thème récurrent: les Single Malts...
Ici, échantillon destiné à une Burns night...


C’est ce même germanique *maltam que l’on retrouve dans le néerlandais mout, l’allemand Malz ou le suédois malt.

Mais, pour tout vous dire, il se pourrait que le proto-germanique *maltam soit un emprunt au proto-slave *malta, que l’on retrouve, lui, dans l’ukrainien молот (mólot), ou encore le tchèque mláto.
(bof bof bof)

Une forme variante et suffixée de *mel-1:*mled-sno, a donné le grec βλεννός, blennós, que je traduirais en français de Belgique par èèèkess (l'équivalent français de France de beurk): visqueux, morveux, relatif au mucus.

Yerk

En zoologie, la blennie désigne encore une des espèces de petits poissons osseux marins benthiques (oui, du grec ancien βένθος, bénthos: « profondeur »), d'eau douce ou saumâtre, allongés, à longue nageoire dorsale, et … couverts de ... mucus.

espèce de blennie!


De l’ancien grec βλέννα, blénna: “mucus” et ῥαγή, rhagḗ, “éruption”, nous avons gardé… blennorragie

Ouais, bon…

La blennorragie, encore appelée gonorrhée, chaude-pisse, castapiane ou plus sympathiquement chtouille, est, comme vous le savez, une infection sexuellement transmissible.

Cette infection des organes génito-urinaires est due au gonocoque Neisseria gonorrhoeae découvert par Albert Neisser en 1879.

Sacré Albert. On ne lui dit pas merci…

Albert Ludwig Sigesmund Neisser (source)


- Plus trop envie de faire Aaaaaah, tout d’un coup, tiens…


Nous devons à une forme suffixée au timbre zéro de *mel-1, *ml̥d-wi- le latin … mollis: mou, moelleux, tendre, souple, flexible … … …

De lui nous arrivent …
mou, mollasse, mollasson, mollesse, molleton, mollusque, émollient, mouiller ... ... ... ou - surtout - mojito!

Un mollusque, c’est littéralement une noix, ou une châtaigne, molle! 

Le mot est emprunté (1763, E. Bertrand) au latin scientifique moderne molluscus (1650), créé par Jonston d'après le latin impérial mollusca (sous-entendu nux) "sorte de noix (nux) dont l'écorce est tendre, spécialement la châtaigne", lui-même dérivé de notre mollis latin.

mollusque


- Mouiller??? Mais ça n’a rien à voir avec la notion de souplesse, de douceur?? Enfin!!
- Oui, c’est une bonne remarque. Mais bonjour quand même!

Mais en fait, mouiller nous arrive du latin populaire *molliare, variante de mollireamollir »), basé sur mollis, et qui signifiait à l’origine « attendrir en trempant, rendre mou ».

Quant à mojito, il provient bien entendu de l’espagnol, ou plus précisément de l’espagnol cubain mojo (la sauce), basé sur l’espagnol mojar (“mouiller”), lui-même basé sur le latin populaire *molliare.

mojito


Il est également possible que par une forme nasalisée *mlad-, *mel-1 ait donné le latin blandus (doux, caressant, ou, au sens figuré, flatteur…).

Même si nous avons eu, en ancien français, blant (flatteur), nous n’avons plus, en français moderne, de descendance de ce blandus latin, si ce n’est en langage littéraire, où nous pouvons encore trouver “blandice”, souvent employé au pluriel, désignant les caresses, les flatteries, les attraits, les séductions, comme chez Chateaubriand, Huysmans, ou encore Gide…

Mais le latin blandus existe toujours dans d’autres langues, cette fois sous des mots usuels.
Je pense notamment à l’anglais bland (doux à en être insipide), à l’italien blando (faible, timide...) ou l’espagnol blando (tendre, mou…).


Mais continuons le tour des dérivés de notre *mel-1 proto-indo-européenne…

Une de ses formes variantes, *smeld- a donné le germanique *smelt- (fondre).

De *smelt, l'ancien haut allemand a retenu smelzan « fondre ».

D’où en découle, certes, l’allemand moderne schmelzen (fondre), mais aussi le francique *smalt, de même sens, qui deviendrait, au XIIème siècle, esmal puis email, ou même, au XIIIème, esmail.

Eh oui, nous devons à notre *mel-1 notre français émail, qui désigne dès le début un vernis obtenu par vitrification destiné à recouvrir le métal, la céramique, la faïence, la porcelaine et qui, après avoir été porté à une certaine température et … fondu!, se solidifie et conserve des couleurs inaltérables.

Emaux


*mel-1, nous la retrouvons encore, via une forme allongée *meldh- passée dans le germanique *mildja-, dans l’anglais mild (doux), ou le prénom féminin Mildred (littéralement “force douce”), tiré du composé vieil anglais Mildþryð, Mildthrȳth, où ðryð, thrȳth signifie la force.

Sainte Mildred - ou Mildrède - de Thanet fut une abbesse du VIIème siècle.
Elle était la fille du roi Merewald d'Anglie (✝ 700) et l’une des trois filles de sainte Ermenburge, princesse de Mercie en Angleterre (estuaire de la Tamise).
Elle fut élevée au monastère de Chelles, en Ile-de-France.
De retour en Angleterre, elle prit l'habit bénédictin des mains de saint Théodore de Cantorbery et devint abbesse de Thanet.

"Miséricordieuse, tempérée et paisible", Mildthrȳth est l'une des saintes les plus populaires du Moyen Âge anglais…

Sainte Mildred de Thanet (source)


Happiness is a cigar called Hamlet.



Vous tondez la pelouse?
Alors vous connaissez sûrement l’anglicisme mulch / mulching.

En français? Paillis / paillage - pailler.

Le paillis, c’est, selon le Larousse, une "légère couche de paille ou d'un autre matériau dont on recouvre le sol pour en maintenir la fraîcheur et éviter que certains fruits, tels que melons, concombres, fraises, soient souillés par le contact de la terre."

L’anglais mulch viendrait d’une forme suffixée de notre *mel-1: *mel-sko-, passée au vieil anglais mel(i)sc, mylsc (doux, moelleux) par le germanique *mil-sk-.

Mulching - paillage


Enfin, il est possible, il se pourrait - mais franchement je ne parierais pas trop là-dessus -  que nous retrouvions *mel-1 dans le celtique *molto-, qui désignait cet animal à la laine si douce, le … mouton!

moutons, Orkney, Scotland, UK

On retrouve le mot dans le vieil irlandais molt, le moyen-breton mout, le cornique mols, ou encore le gallois mollt.

Mais il se pourrait que le *molto- celtique ne fasse pas vraiment référence à la douceur de la laine de l’animal, mais qu’il désigne plutôt le bélier castré


Bon, il est clair que je préfère la référence à la douceur de la laine…

Aaaaaaah


Je vous souhaite, à toutes et tous,
un charmant dimanche, une très belle semaine, et vous donne rendez-vous…
Dimanche prochain!

Ah, j'allais oublier!
Vous trouverez dans la colonne de droite du blog un lien vers Pinterest: j'y ai créé (sur Pinterest) un board où j'épingle les illustrations qui me semblent intéressantes, et - forcément - relatives au proto-indo-européen, ou au moins à l'un ou l'autre des groupes de langues indo-européennes... 
Il y a de très belles illustrations, des cartes, des graphiques, des arbres... 
La loi de Grimm en schéma, celle de Verner, qui la précise, en un one pager (vous n'imaginez pas à quel point ce terme one pager m'horripile), l'évolution de la racine *del(ə)- sous forme arborescente, un SUPERBE arbre linguistique des langues indo-européennes, cinq et cent représentés dans chacun des groupes indo-européens, une carte de l'isoglosse centum/satem (mais oui, on en a parlé dans ceud mìle fàilte chez les Tochariens (A))... ... ... 
Bref, allez voir, il y en a vraiment pour tous les goûts...
http://www.pinterest.com/fredblondieau/proto-indo-européen/ 


Frédéric

article suivant: de mieux en mieux...