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dimanche 29 décembre 2019

j'l'aime bien, mais ch'peux plus l'voir en peinture






Il n’y a rien de plus difficile à consoler qu’un paysage désolé.

Pierre Dac

André Isaac, dit Pierre Dac,
15 août 1893- 9 février 1975 














Bonjour à toutes et tous !




*pehǵ-“attacher”.



ben quoi ?


Dites, 'faut bien que vous vous en rendiez compte, que vous en soyez conscients :
nous avons affaire ici à une racine indo-européenne de première importance.

Qui nous a donné des mots que JAMAIS vous n'auriez associés, que JAMAIS vous n'auriez cru être étymologiquement si proches.

Et pourtant !


Les anglais fang“croc” et peg, “patère...”, l'allemand Fuge, “jointure”, nos français pactepaix, pays, page (celle du livre) et païen, 

TOUS descendent de cette adorable *pehǵ-“attacher”.


Relisez donc Guerre et Paix. Et saucisse et retour au pays.

Ah oui [séquence confession], je suis allé modifier le premier de ces deux articles, qui datait un peu. Et surtout, j'ai revu ma copie. J'y AFFIRMAIS, avec la fuge euh la fougue de la jeunesse, emporté par ma passion de Bach (ahahah elle est vraiment excellente), et cette insolence que nourrit mon côté rebelle, que l'allemand Fuge descendait de notre *pehǵ-.
C'est parfaitement exact. 
Oui ! Mais.  Il existe deux Fuge allemands. L'un, emprunt à l'italien fuga, l'autre, purement germanique, lointain descendant de *pehǵ-. 
Je n'exclus pas que les deux sémantiques se soient emmêlées, entrecroisées telles deux voix d'un contrepoint de Bach ; la définition d'un contrepoint collant si bien à celle du Fuge d'origine germanique. 
Mais, après une froide et douloureuse réflexion - et peut-être un peu plus riche aujourd'hui de cette sagesse que l'on associe volontiers aux aînés -, je ne peux que me résoudre à admettre que c'est l'italien fuga que l'allemand musical a repris sous la forme Fuge. 
Même si, peut-être, le sens du Fuge emprunté à l'italien s'est légèrement altéré au contact de son homonyme germanique ; que le mot Fuge figurant sur une partition évoquait pour Bach plutôt les voix qui se joignent que les notes qui volent ... (mais ça, c'est ma mauvaise foi).




Aujourd'hui, toujours à la recherche des descendants de *pehǵ-“attacher”, et en particulier des dérivés de paysen ce dernier dimanche de l'année
- ah, mais qu'est-ce que ça passe vite ! de plus en plus vite ... -,
nous allons parler longuement d'un mot que j'aurais pourtant pu facilement effleurer, sans plus, en le citant avec d'autres dans une bête liste, parmi les dérivés notoires et criants de pays, tant sa dérivation d'avec ce dernier tombe sous le sens, assurée, limpide, incontestable.





Ce mot si simple ? Paysage.

Pays + -age. 


Bof. On va pas en faire un plat, hein, mmmh ? 
C'est bien ça, que vous pensez ?

Si oui, eh bien, vous risquez d'être surpris...

Car pour aborder le français paysage, il nous faudra déjà parler peinture, et néerlandais.
Ou plutôt ... flamand.

Mais avant tout, posons-nous la question : que signifie donc paysage ?

Je vous retranscris ici, telles que Le Grand Robert nous les donne, les deux premières acceptions du mot, celles qui nous intéresseront le plus :
  1. Partie d'un pays, étendue de terre que la nature présente à l'observateur.
  2. (1680). Figuration picturale ou graphique d'une étendue de pays où la nature tient le premier rôle et où les figures (d'hommes ou d'animaux) et les constructions (“fabriques) sont accessoires.

Ce qui me frappe, moi, dans l'utilisation que nous faisons de ce paysage, c'est la place de l'homme que nous y mettons. Il n'y a pas de paysage sans homme (ou femme ou non-binaire ou neutre, ou transou indifférencié.e, ou autr.e.s, hein).

Ou bien (et c'est l'acception n°2 du Robert) un homme l'a peint, dessiné
ou bien un homme le regarde, le contemple (acception 1).



Sans homme, pas de paysage !


Le terme paysage, relativement (c'est très relatif) récent, est, à l'origine, ce à quoi le Robert fait allusion dans sa deuxième acception : de la peinture


détournement ...
(source)


Dans une de leurs Fiches expositions, nommément
Paysages d'Italie. Les peintres du plein air, 1730-1830,
les rédacteurs de l'Encyclopædia Universalis traitent de la représentation du paysage à la Renaissance, qui, expliquent-ils, devient alors thème principal des compositions picturales. 

À cela, ils voient deux grandes raisons. 

La première, c'est que dans le cadre des études cartographiques, on est grimpé en haut des collines, et on peut maintenant représenter des plaines vues du haut - et, entre nous, on essaie aussi à présent, dans une perspective naturaliste, de respecter les lois de ladite perspective, justement. 

On en a marre, comme on le faisait au Moyen-Âge, de dessiner des gens de 8 mètres de haut.






(ne montrez jamais ces superbes représentations, où la symbolique l'emporte sur les lois de la perspective, à des chrétiens fondamentalistes américains : ils vous expliqueraient avec conviction que c'est la preuve irréfutable qu'il y avait des géants au Moyen-Âge. Mais oui, à côté des dragons.)
Hélas, je ne blague même pas. Vous aviez vu, ce mini-reportage d'il y a quelques années, sur l'ouverture du Creation Museum
Ma conviction à moi, c'est que l'une des premières choses contre lesquelles il faut lutter, c'est l'inculture.



Et puis, deuxième raison, à la Renaissance, on amplifie dans les tableaux les motifs - naturels - liés aux attributs de la Vierge. 

Ici, l'Encyclopædia Universalis prend en exemple le peintre Giovanni Bellini, 1430-1516, qui 
- je cite -,
“sous l'influence flamande ou sous celle de la littérature de dévotion franciscaine, augmente et multiplie dans ses tableaux les symboles liés à ses attributs mystiques : 
- mais je VIENS de le dire ! -
plaine bien cultivée, champ non labouré” ... 
- ne pas labourer pour qu'elle reste vierge ? -, 
... “puits, pont, château, village, fleuve, port tranquille, forteresse, nuage, etc.  


Oui, c'est de Bellini.

Une merveille !

Admirez la géométrie, avec ce triangle bleu dans lequel s'inscrit la Madonne,
hautement symbolique, lui aussi.


Oui, l'école flamande devint experte en cette représentation du paysage, non plus considéré comme toile de fond, mais comme élément essentiel à l'oeuvre picturale (j'aurais dû être guide, moi). 


Vous le savez peut-être déjà, l'Agneau Mystique, des frères Van Eyck, a été
restauré.

Et il est encore plus beau.

Un véritable chef d'oeuvre.


Mais je reprends...

L'école flamande devint experte en cette représentation du paysage, au point que ... 

Au point qu'il a fallu trouver un mot, un terme technique pour ça.

Bah, il y avait bien ce vieux mot néerlandais, landschap, attesté première moitié du XIIIème sous les formes lantscap, lantschep, qui désignait la région, le pays, la patrie, créé 
sur land, “pays”, et sur le vieux suffixe d'origine germanique (et non indo-européenne, je vous le dis tout de suite) -schap, indiquant l'état, la condition. 
On emploie également -schap pour nommer un (re-)groupement, une institution.
Ainsi si agent, en néerlandais, se dit agent, agentschap sera l'agence. 
Si champion = kampioen, kampioenschap = championnat, et ainsi de suite.


Tiens, à propos de land ... Le néerlandais land, lui, est bien indo-européen. Je vous propose d'en parler, mais plus tard, histoire de ne pas nous disperser. 
Mais je note ...

On a donc repris le vieux landschap, et on lui a créé une toute nouvelle acception, que nous pourrions traduire aujourd'hui par représentation picturale d'un paysage.
Pour plus de détails, reprenez la deuxième acception, par Le Robert, de notre français paysage...



Mais ça, c'était dans les Flandres !

Les pauvres peintres français se sont eux aussi creusé la tête pour nommer cette remarquable innovation flamande. 

Il était inutile, évidemment, de tenter de leur faire prononcer le beau néerlandais landschap.

Amis Français, ne m'en veuillez pas, mais bon, on a vu ce que donnaient vos Maastricht et autres Molenbeek

Il est coutumier, pour nous Belges, de rire de votre ahurissante prononciation du néerlandais, ou de l'anglais. En fait, de tout ce qui n'est pas français.
Vous êtes comme ça, on le sait, et on vous aime bien quand même, rassurez-vous.

Mais ... je vous ai trouvé un champion, een echte kampioen, prêt à lutter à vos côtés. 
Ou du moins, à vous libérer de vos complexes.

Il s'agit d'un Belge.

Alors, je vous l'avoue, je m'interroge toujours sur le phénomène... 

Je ne sais pas  ni comment il a appris à parler l'anglais, mais ce qui est curieux, voyez-vous, c'est que sa prononciation du français l'apparente parfois à un ... Français (de France ) ; ses mots sont choisis, et son élocution est assez bien pincée - pour un Belge, du moins. 
(Chez les hommes politiques wallons, c'est un OVNI : chez lui, pas de ce daaauc liégeois qui ponctue toutes les phrases, hein daaauc, ni de ces r guttural et e ouvert typiquement carolorégiens (/queulqu'un/). En outre, pour lui, mon amie se dira, comme à la Comédie Française, /mo nami/, et sans ce e final qui trahit tout bon Belge (moi y compris), qui le fera sonner (/amiye/), de telle sorte que le français de Belgique est encore plus genré et non-inclusif que le français de France.)

Mais le fait est que ce Belge qui parle français comme un Français, parle anglais ... de la même façon.

Je veux dire ... comme un Français.

Voire ... pire ! 

Je confirme. PIRE. 

Je vous présente notre ancien premier ministre, devenu le nouveau président du Conseil Européen, Charles Michel.

On l'aime tellement, ici ; il nous fait tellement rire, que nous, on l'appelle Monsieur Patate.



Et que nous avons même créé une page Facebook rien que sur lui : Coucou Charles.

Mais ... je préfère que Charles se présente lui-même, en ... “anglais.
(Amis Français, je vous en conjure, ne le prenez pas mal, ne lui en voulez pas ; non, il ne se f. pas de votre balle, non, il ne parodie pas outrancièrement votre 
épouvantable accent anglais ; non, il parle vraiment comme ça.)





Vous avez entendu, comme moi, son fameux Yupan Onion. 
Que veut-il dire par là ? 
Les investigateurs du site Coucou Charles ont mené l'enquête... (désolé pour ceux qui fuient Facebook ; la video n'existe que là.)





Mais donc
- on en était resté là -,
l'intelligentsia artistiqueuh parisiennaanh chercha comment reprendre en français cet imprononçable mais pourtant si clairement défini landschap.

On avait bien pays, pour land.

Soit.

Mais -schap !?

Alors, on pensa à rivage, à voyage....

Mais oui, il y avait bien ce vieux suffixe -age, issu de l'ancien français -age, lui-même issu du latin -āticum... 

Mais ouiii ! Le latin -āticum pouvait parfaitement servir à créer, à partir d'un verbe, un substantif indiquant l'état, la condition correspondant à l'action appelée par le verbe en question.
En français, le virage est le fait de ... virer, le voilage, de voiler ...

Les artistaanh imaginèrent donc de créer, de toutes pièces, un nouveau mot technique, construit sur pays et -age.

Détail évocateur, Alain Rey raconte que ce nouveau paysage, les peintres français le prononçaient entre eux /pésage/, la prononciation que nous lui donnons maintenant étant, à l'époque, celle du ...


... non-initié, du tout-venant.


[Deux secondes, le temps de me rincer la bouche ...]



Et voilà !

Alors, oui, paysage est dérivé de pays. Mais enfin, c'est un peu court, non ?

Il n'est en réalité que la transposition en français d'un mot néerlandais, un emprunt d'ordre sémantique re-formé sur des éléments français pré-existants, ce qui lui donne l'apparence du français.

Mais pensez-y, il n'est, à l'origine, pas plus français que Monsieur Patate ne parle anglais.







Chères lectrices, chers lecteurs, 

Voilà encore un an qui s'achève...

En ce 29 décembre 2019, je vous remercie encore toutes et tous pour m'avoir suivi jusqu'ici, pour avoir commenté, reposté les articles, pour m'avoir proposé vos sujets, pour m'avoir encouragé, pour m'avoir dit que vous aviez plaisir à suivre ce blog si particulier ...

Pour me lire, tout simplement.




MERCI

M E R C I

M  E  R  C  I

M   E   R   C   I

M    E    R    C    I

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BONNE ANNÉE !



Que cette nouvelle année vous apporte le plus beau des cadeaux !
(Je vous laisse y mettre un nom, une définition)







À dimanche prochain, à l'année prochaine,







Frédéric



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CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
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c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter,


de la musique, tout simplement.


Une rafraîchissante, intelligente, réalisation,
par de vrais mélomanes de la télé Suisse SRF,
concoctée spécialement pour cette période de l'année.


Baroque, quand tu nous tiens...



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article suivant: peut-on considérer les années 20 comme de la propagande pro-vin ?

dimanche 22 décembre 2019

C'était il y a très, très, très longtemps ...




article précédent : retour au pays




C'était il y a très, très, très longtemps ...

A gauche du ciel, il y avait la planète Shadok.
Elle n'avait pas de forme spéciale, où plutôt… elle changeait de forme.

A droite du ciel il y avait la planète Gibi.
Elle était complètement plate et elle penchait soit d'un côté, soit de l'autre.

Au milieu du ciel, il y avait la Terre, qui était ronde et qui bougeait. 

Sur la Terre, il n'y avait apparemment rien… 
Sur la planète Gibi, il y avait des animaux qui s'appelaient des Gibis. (Voici un Gibi vu de près ; en voici un autre…)

Quand il y avait trop de Gibis d'un côté, la planète penchait, les Gibis glissaient et il y en avait qui tombaient… et c'était très gênant… surtout pour les Gibis.

Sur la planète Shadok, il y avait des Shadoks de deux sortes : des Shadoks avec des pieds en bas qui vivaient au-dessus de la planète, et des Shadoks avec les pieds en haut qui vivaient de l'autre côté, et qui servaient à soutenir la planète par en dessous…

Comme la planète Shadok changeait de forme, il y avait des Shadoks qui tombaient. 

C'était très gênant… surtout pour les Shadoks.

Les Shadoks et les Gibis en eurent donc assez au bout d'un certain temps de vivre sur des planètes qui ne marchaient pas bien, alors il décidèrent, les uns et les autres, d'aller sur la Terre qui avait l'air de mieux marcher…

Les Shadoks,


Jacques Rouxel , 1968

La planète Shadok à gauche, la planète Gibi à droite,
et la Terre au milieu







Aaah, Claude Piéplu...





Bonjour à tous !


Nous venons de voir (la semaine dernière) que notre beau pays provenait,
par le latin pāgus, “district” (entendez “zone balisée, bornée”),
de la formidable racine indo-européenne...



*pehǵ-“attacher”.


Et que notre si beau pays descendait plus précisément de 
pāgus par son dérivé pagensis“du canton”, qui avait évincé son quasi doublon étymologique pāgānus, “campagnard”, quand ce dernier revêtira le sens précis de païen.


Eux aussi, ils me font peur


Avant d'aller plus loin, il est peut-être intéressant de revenir à ce pāgānus et à notre païen, et de s'y attarder quelques instants, non ?


Je me fierai, ici, à ce qu'en dit Alain Rey.


Vous le savez certainement
- c'est en tout cas ainsi qu'on me l'avait appris -,
on explique généralement que pāgānus prit le sens spécifique de païen en raison de la résistance des populations rurales à la (seule vraie) religion du Christ.


Eh bien... Alain Rey nous propose une autre hypothèse, qui semble mieux tenir la route, historiquement parlant...


Sachez déjà qu'à l'époque impériale
(qui commence avec le règne d'Octave, en -27, et s'arrête un peu malgré elle en 476, avec l'occupation de Rome par le roi germain Odoacre, qui n'a même pas conscience, le cuistre gothique, qu'il marque ainsi le début du Moyen Âge),
à l'époque impériale, donc, le terme pāgānus est employé, par un léger glissement de sens, au sens de “civil, par opposition à “militaire”.
PS: Vous êtes Belge, et avez besoin d'un moyen mnémotechnique pour retenir que l'époque impériale commence avec Octave ? Une octave est constitué de tons ... Imperial. 
JAMAIS vous ne l'oublierez. JAMAIS. Et vous m'en voudrez. Et vous m'en voulez déjà.


Par extension, pāgānus désignera, dans la foulée, toute personne “hors du rang” : un amateur par rapport à un professionnel appartenant, lui, à un groupe constitué, ou en tout cas structuré, comme, par exemple, celui des littérateurs professionnels.
  
Les hommes d'église - les clercs -, depuis le IIIème, se nommaient, en toute humilité, les soldats du Christ, “milites Christi”.

De même, la lutte pour la foi, dans laquelle ils excellaient, ils l'appelaient, avec tout l'amour dont ils étaient capables, “militia Christi
(ce que nous pourrions peut-être traduire, dans un autre contexte, par Djihad,  je dis ça...).
De là, il apparaît plus que normal qu'ils en soient venus à qualifier de “civil” (comprenez pāgānus, hein) tout individu extérieur à leur délicieuse milice, tout... païen.





Avant ça, il était un autre terme,
que pāgānus évinça,
pour désigner ces immondes, ces saletés, ces pourritures (pardonnez-moi ; je m'emporte) de païens : on parlait de gentiles. 

Les gentils, les gens, quoi. 

Beurk. 



Oui, les gens du peuple, les .... les ... autres (èèèkess, pour les Bruxellois), les barbares ; ce qui correspondait assez bien à l'hébreu gōyīm, pour peuples non juifs.




Au début du Vème, ce qui était jusque là essentiellement un grand message d'amour
- je dirais même d'Amour -
devint système institué et obligatoire

Non, je ne parle pas ici de la manière si aimable et plaisante par laquelle les Américains savent imposer la démocratie à ceux qui en ont besoin, la fleur au M16, non non, mais bien de la proclamation par ce bon Flavius Theodosius Augustus, l'Empereur Théodose 1er, du christianisme comme seule et unique (vraie) religion d'État. 


Théodose Ier, ou plutôt Saint Théodose
(ben oui, vous pensez bien, on l'a canonisé fissa)


(Et NON, contrairement à la croyance populaire, ce n'est pas Théodose Ier qui inventa le théodolite)



En toute logique
- là, on ne peut vraiment pas lui en vouloir, à ce brave Théodose -
puisque le christianisme est officiellement institué et obligatoire, le paganisme est officiellement interdit.


C'était très gênant, surtout pour les païens.


(et je vous l'avoue, c'est cette seule pensée qui m'a fait reprendre ce bout de texte des Shadoks en exergue)



C'est à ce moment,
précisément en 409,
que pāgānus évincera gentiles dans les textes légaux de l'Empire (lisez donc la loi d'Honorius, un de ces moments d'anthologie dont est truffé le Code théodosien, promulgué par Flavius Theodosius Iunior Augustus, le petit-fils de l'autre ; je dois le reconnaître, les Monty Python n'ont rien inventé).


Théodose II, le vrai inventeur du théodolite,
qu'il imposa comme instrument de géodésie d'État


Pour clore cet amusant chapitre, je vous dirai enfin que notre français païen descend de pāgānus par l'ancien français pagien (attesté en 881), qui évoluera en païen, fin du XIème.



**************

*pehǵ-“attacher
forme nominale suffixée de degré plein *pehǵ-os
substantif proto-italique *pāgo-, “district
latin pāgus“district, province, région, canton...”,“campagne, communauté rurale...
latin impérial pagensis “campagnard ⇒ civil ⇒ païen
ancien français pagien (881) puis païen (1080)
français païen


**************


Bon !

Cet ancien français pagien pourrait vous mettre sur la voie, vous mettre la puce à l'oreille pour ce qui est du mot que nous allons traiter maintenant...


Oui : 

Page.

Le substantif féminin français page.






Tout comme son comparse pāgus, le substantif latin pāgina descendait de notre exquise *pehǵ- par son degré plein, qui donnera lieu à un beau pāg- italique.


Le latin pāgina, voyez-vous, en un premier temps, n'a pas vraiment désigné un feuillet...

Non, le terme s'employait en agriculture
(notez, en latin, c'est facile, les termes s'employaient ou bien en agriculture, ou dans un cadre militaire),
pour désigner une treille, une vigne que l'on fait pousser contre un support, une rangée de vignes formant un rectangle.





Plus tard, et au sens figuré, pāgina s'emploiera dans le sens de ligne (ou colonne) d'écriture.

Par métonymie, ben... “feuillet, page, jusqu'à écrit”.



Notre français page, amis lecteurs, n'est qu'un emprunt à ce latin pāgina ; entendez qu'il ne procède pas, par percolation lente, de pāgina, qu'il n'en est pas issu, mais qu'on a repris (fin du XIIème) le terme latin en français, quasiment tel quel, in extenso. 


De la page, on passerait bien vite au livre, non ?
“Livre”, nous en parlions ici : Amazon vient de me livrer "Deliverance", de Boorman. Génial.



**************

*pehǵ-“attacher
forme nominale de degré plein *pehǵ-
radical proto-italique *pāg-
latin pāginatreille”, d'où (sens figuréligne / colonne d'écriture

métonymie

feuillet, page, écrit
emprunt
ancien français page (fin du XIIème)
français page


**************




Chères lectrices, chers lecteurs, 

en ce dimanche 22 décembre, qui marque le solstice...
- de l'étymologie du mot solstice, on en parlait ici : du passage des ans, mais de la symbolique liée au solstice, c'est notamment ici qu'on en causait : Moi, effrayé par un flibustier?? Allons allons... -
... d'hiver de cette année 2019
(astronomiquement, et dans l'hémisphère nord, se situant la nuit qui vient de s'achever, aux alentours de 4 ou 5 heures du matin),



où les jours rallongent enfin, où la lumière reprend le dessus sur les ténèbres
(au sens propre ; vous avez amplement raison, ce serait franchement mieux que ça puisse aussi se passer au sens figuré, mais ça, c'est pas gagné ; on n'est pas rendu),



en ce dimanche de solstice, à quelques encablures de la célébration de Noël, qui coïncide évidemment, du moins dans l'hémisphère nord, avec le solstice d'hiver,
le retour de la lumière diurne symbolisant à merveille l'avènement de la Lumière divine, cet Amour que nous tous, croyants, païens, laïcs, laïcards, libres-penseurs, libres-croyants, infidèles (et/ou chiens d'infidèles), hérétiques, intégristes ou autres (autr.e.s ?), ferions bien d'intégrer, de faire nôtre, pour le dispenser à tous nos Frères Humains,
je vous souhaite un solstice heureux, la renaissance à la Lumière, ou
en termes plus conventionnels et exotériques, 
un très joyeux Noël.






Que notre soleil intérieur puisse l'emporter sur cette part d'ombres que nous portons tous en nous.
(vous pouvez noter)









À dimanche prochain,






Frédéric




PS: dans ces articles, les passages de texte en bleu, vous l'aurez compris, traitent d'éléments de linguistique.


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Et pour nous quitter,


Stille Nacht,

par la Netherlands Bach Society

(je me serais bien passé des variations contrapuntiques au violon, mais bon, les doux et élégants arpèges des deux Gypsy Kings au luth rattrapent tout).


Joyeux Noël à tous !




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