- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 26 avril 2020

si le capitaine du paquebot n'avait pas transigé avec la sécurité, on ne serait pas là en train de nager






"Mon aversion pour le travail a été la première chose qui m'ait fait transiger avec ma conscience.


Le Roman d'un enfant,

Pierre Loti

Louis-Marie-Julien Viaud

dit Pierre Loti,

écrivain et officier de marine

français,
14 janvier 1850 - 10 juin 1923
























Bonjour à toutes et tous ! 

Nous sommes aujourd'hui le 26 avril 2020, nous continuons à nous confiner
et nous poursuivons notre tour des dérivés de la charmante racine indo-européenne...

*heǵ-e/o-“conduire, diriger”.




De ses dérivés, nous connaissons déjà, je vous le rappelle :
  • digeste, gérer, gérondif, gestation, geste, indigeste, suggérer, 
un exemple de gérondif ? "En digérant".16 février 2020,
  • agir, agiter, ambages, ambigu, cailler, coaguler, cogiter, exiger, exigu, 
exiger de s'agiter sans ambages, c'est un peu ambigu, non ?, 23 février 2020,
  • acte, acteur, action, actually, actuel, actuellement, agence, agent, agissements, 
et... action !, 1er mars 2020,
  • aurige, cacher, cachet,
et la statue de l'aurige, celle qu'on vient de retrouver à Delphes, on va l'appeler COMMENT ???, 8 mars 2020, 
  • décati, squat, squatter,
l'anglais squatte le français, 12 avril 2020,
et encore
  • l'espagnol et le portugais cuidar, nos français essai, essaim, exact, exaction, examen, exiger (pour compléments d'informations), et outrecuidant 
l'apiculteur, passionné, procéda à un examen d'essaim, 19 avril 2010


Et je le reprécise, ces dérivés nous arrivent,
d'une façon ou d'une autre,
du latin agō, -ere“mouvoir, (se) conduire, faire, agir...”, ou du latin gerō, gerēreporter, transporter”.


**********

racine proto-indo-européenne *heǵ-e/o-“conduire, diriger

proto-italique 
*ag-e/o-faire, agir

latin 
agō, -ere“mouvoir, (se) conduire, faire, agir...


**********

racine proto-indo-européenne *heǵ-e/o-“conduire, diriger

racine post-indo-européenne 
*hǵ-es-“transporter

proto-italique 
*ges-e/o-, “transporter

latin 
gerō, gerēreporter, transporter


**********


Au menu d'aujourd'hui, mes amis, encore
- oui, oh, je sais -
quelques dérivés du latin agō, -ere“mouvoir, (se) conduire, faire, agir...”.


Pour cet article,
alors que les musées vous proposent de recréer les tableaux les plus célèbres avec les moyens du bord,


tous, et plein d'autres, ici

je vous proposerai, moi, de trouver des mots français, qui, à l'origine, descendent de composés créés sur cet incroyable latin agō, -ere.

Et c'est là que le bât blesse...
Car, ainsi construits, on ne les associe pas immédiatement à ce dernier.


Ah oui, j'oubliais !

Avant cela, parlons rapidement d'un dérivé évident de agō, -ere -, que nous avons emprunté au XIVème, qui n'est jamais tombé en désuétude, qui n'a vraiment rien d'exceptionnel, mais qui a trouvé depuis quelques années un tout nouveau champ d'application...

Agile !

Emprunté au latin agilis“qui avance vite, rapide....

Si vous avez l'immense chance de travailler dans l'informatique, ou en tout cas dans des projets où intervient une composante informatique, inévitablement, vous tomberez un jour ou l'autre sur la méthode agile


Ou plutôt aidjaïle, comme vous diraient les vrais consultants, en costume - cravate,




ceux qui sont tellement intelligents. Et pleins de compassion, cultivés, humbles, et débordant d'amour pour autrui, et qui ne confondent surtout pas réussite sociale avec accomplissement d'un long et pénible travail intérieur permettant peut-être de devenir un homme meilleur.
Selon cette méthode, ou plutôt approche, les projets de développement logiciel se font par petits pas, progressifs, plutôt qu'à l'ancienne, où on s'intéressait au produit fini une fois qu'il était... fini.

Je veux dire entièrement fini.

Bref.




(Et en italien, lavoro agile, c'est le “travailler malin, aujourd'hui pratiquement confondu avec le télétravail.)


Allez, passons à ces fameux dérivés de composés que VOUS devrez trouver...

Le principe du jeu est simple, voire élémentaire :

je vous donne la définition du mot,
tirée du ©Grand Robert de la langue française ;
c'est vous qui le trouvez.


- Maisje ??
- Non, rien.

Si vous voulez jouer le jeu, ne lisez pas trop vite ; donnez-vous le temps de trouver le mot correspondant à la définition donnée, avant de passer à la ligne suivante.
Bon, maintenant, c'est vous qui voyez.


On y va !


Le premier ?
Faire des concessions réciproques, de manière à régler, à terminer un différend.

...

...

...

...

Transiger !

Emprunt de 1343 au latin transigĕre, composé de trans-, “au-delà, de part en part...”, et de... agere.

Le latin transigĕre signifiait, au sens figuré, mener à bonne fin, conclure... 

C'est dans le vocabulaire juridique qu'il a été introduit, au sens de “faire des concessions pour régler un différend (et par là-même, arriver à bonne fin)”.



L'humilité consiste à transiger avec le mensonge.
Miguel de Unamuno

*****

Le deuxième ?
En droit, contestation donnant matière à procès.

...

...

...

...

Litige !

Emprunté au latin litigium“contestation, dispute, querelle...

Et litigium
- je sais, c'est incroyable -
dérive de litigo, composé de agō, ici au sens de faire, et de lītem, accusatif de līs, “procès, débat.



John_McEnroe, qui, à Roland-Garros en 1984,
contesta une balle litigieuse en apostrophant l'arbitre, les spectateurs
et les cadreurs,
au point que son adversaire José Higueras demanda à genoux
à l'arbitre de lui donner le point
https://fr.wikipedia.org/wiki/John_McEnroe


*****

Le troisième :
(notamment) faire fournir des efforts excessifs à.
...

...

...

...

Fatiguer.

Emprunt du début du XIVème au latin classique fatīgō“faire crever (un animal)”,
puis, d'affaiblissement en affaiblissement
“accabler”, pour en arriver, à l'époque impériale, à “importuner, vexer...”.

Fatīgō, composé de (probablement)... fatis“fente, crevasse, d'où vraisemblablement fatigue extrême”, 

et de, de, de ?? agō







*****

Le quatrième, et dernier pour aujourd'hui :
Voyager, se déplacer sur l'eau, en parlant des navires, et de leurs passagers.

...

...

...

...

Naviguer.

Emprunté, lui, fin du XIVème, au latin nāvigō, “voyager sur mer, sur eau, composé sur nāvis, “bateau”, et de... agō”.





Si naviguer conserve une forme qui évoque encore agō, son doublet, lui, ne lui ressemble plus vraiment...

Je veux parler de... nager !
Issu, lui, par pure évolution phonétique (via réduction), de ce même latin nāvigō.
Eh oui !

Nager,
attesté sous la forme nagier en 1080,
a d'abord signifié naviguer, ramer... !


Fin du XIIème, il prendra son sens moderne de...
se soutenir et avancer à la surface de l'eau, se mouvoir dans l'eau par des mouvements appropriés,
en évinçant froidement l'ancien français noer, proprement nager”, issu, lui, par le latin populaire *notare, du latin natāre, “nager”.



piscine belge d'après confinement






Et là-dessus, je vous souhaite, à toutes et tous, un excellent dimanche confiné.

Tenez bon.
Et surtout, portez-vous bien.




Frédéric




la suite ici !


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Et pour nous quitter,

Un véritable concert,
depuis la maison...

La talentueuse - et toute jeune ! - pianiste géorgienne
(décidément)
Mariam Batsashvili

nous interprète à domicile...

Chopin, Liszt et Paderewski.

Rien que ça.
Tout simplement.




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article suivant : Fiodor Mikhaïlovitch, arrêtez de vous mortifier, pleeeease.

dimanche 19 avril 2020

l'apiculteur, passionné, procéda à un examen d'essaim


article précédent : l'anglais squatte le français


"Oui" et "non" sont les mots les plus courts et les plus faciles à prononcer,
et ceux qui demandent le plus d'examen.

Talleyrand


Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord,
2 février 1754 -17 mai 1838





















Bonjour à toutes et tous ! 

Nous sommes le dimanche de confinement 19 avril 2020,

et nous nous intéressons toujours aux rejetons de la si jolie racine indo-européenne...


*heǵ-e/o-“conduire, diriger”.






De ses dérivés, nous connaissons déjà, je vous le rappelle :
  • digeste, gérer, gérondif, gestation, geste, indigeste, suggérer, 
  • agir, agiter, ambages, ambigu, cailler, coaguler, cogiter, exiger, exigu, 
exiger de s'agiter sans ambages, c'est un peu ambigu, non ?, 23 février 2020,
  • acte, acteur, action, actually, actuel, actuellement, agence, agent, agissements, 
et... action !, 1er mars 2020,
  • aurige, cacher, cachet,
et la statue de l'aurige, celle qu'on vient de retrouver à Delphes, on va l'appeler COMMENT ???, 8 mars 2020, 
et
  • décati, squat, squatter,
l'anglais squatte le français, 12 avril 2020.



Et toujours pour rappel, ces dérivés nous arrivent,
d'une façon ou d'une autre,
du latin agō, -ere“mouvoir, (se) conduire, faire, agir...”, ou du latin gerō, gerēreporter, transporter


**********

racine proto-indo-européenne *heǵ-e/o-“conduire, diriger

proto-italique 
*ag-e/o-faire, agir

latin 
agō, -ere“mouvoir, (se) conduire, faire, agir...


**********

racine proto-indo-européenne *heǵ-e/o-“conduire, diriger

racine post-indo-européenne 
*hǵ-es-“transporter

proto-italique 
*ges-e/o-, “transporter

latin 
gerō, gerēreporter, transporter


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Aujourd'hui, je vous propose encore quelques dérivés du latin agō qui ne lui ressemblent pas.

alors qu'ici, ce sont des chiens qui ressemblent à des acteurs



Au point qu'il est bien difficile pour le commun des mortels d'imaginer, ne fût-ce qu'un instant, qu'ils descendent bien de ce verbe latin.

- uuuuh ?
- non, rien.


Pour le premier de ces mots, je vous demanderai de fermer les yeux
- vos paupières sont lourdes -,
de respirer lentement, et de bien suivre ma voix.

Je vais compter jusqu'à dix, et là, vous vous replongerez dans l'article du 23 février dernier,
exiger de s'agiter sans ambages, c'est un peu ambigu, non ?.

1,  2,  3,  4,  5,  6,  7,  8,  9,  10




Vous y êtes. Il est devant vous.

Vous le relisez posément, jusqu'à tomber sur ...

cogiter.

Que lisez-vous ? 
Notre cogiter est un emprunt de la moitié du XVème au latin cōgitārepenser, méditer”, composé de con- (cum), avec” et de agitāre.

Oui, c'est bien, et ensuite ?
Cōgitāre, au sens propresignifiait “agiter ensemble des pensées.

Voiiiilà, bien.

Relaxez-vous.

Je vais maintenant compter jusqu'à cinq, et lentement, vous reviendrez à vous, devant cet article du 19 avril.

1,  2,  3,  4,  5

Voilà, ouvrez douuuucement les yeux ;





vous y êtes.



Il est un mot français bien ancien
- on l'atteste vers 1165 ; ça vous situe -
mais que nous utilisons toujours
(Je parle de VOUS et de MOI, qui ne faisons pas partie du susdit commun des mortels ; nous qui nous intéressons plus à l'étymologie historique qu'aux résultats du foot ou de l'Eurovision.)

Ce mot, donc, utilisé plutôt en langage châtié, est construit sur un doublet populaire
(deux secondes, je me rince la bouche)
de notre... cogiter

Ce mot populaire aura vécu ce que vivent les roses, l'espace d'un matin... 
Enfin, un peu plus, quand même.
Mais quoi qu'il en soit, il tirera sa révérence au XVIème.

Si cogiter signifait penser, vous êtes en droit de supposer que son doublet signifiait la même chose. Et vous aurez raison.


Alors, dites-moi, quel aurait pu être cet autre mot, au sens de penser, auquel nous avons finalement préféré cogiter ?

Pas d'idée ?

Ce qui est surprenant
- si du moins vous connaissez un minimum d'espagnol,
c'est qu'il vous rappellera formellement un mot espagnol, dont le sens a évolué, certes, mais qui dérive bien du latin cōgitāre.


Allez, bonne poire,




je vous mets sur la piste, en vous donnant son cousin espagnol... (ou portugais : pareil).

Ce verbe espagnol, qui peut toujours signifier penser, croire, sera plutôt volontiers utilisé dans le sens de... soigner, prendre soin de, veiller, s'occuper de...

Je pense que l'on peut, sans trop se tromper, retrouver derrière ces acceptions modernes, son sens premier : penser à” Se pencher (mentalement) sur...”.


Ce verbe ? cuidar.

Comment t'occuper de ton petit chat


Et à présent, ce verbe de l'ancien français, disparu à tout jamais ?

Mmmh ?

Il s'agit tout simplement de... cuiderpenser”.


Cuider a disparu, je ne vais pas vous le répéter.

Mais...

Il a eu le temps de nous léguer...

outrecuidant !


Outrecuidant, qui n'est que le participe présent adjectivé du composé ancien français outrecuider.

Construit sur outre-, et, et, et ? cuider, bien !


Ce beau et ancien verbe pouvait se comprendre comme “se penser trop”. 

Se donner trop de valeur”. 
Ce que font précisément ceux, qui ne se considèrent pas comme le commun des mortels.

Se donner trop d'importance se manifestera par du mépris, de l'arrogance, 
l'outrecuidance étant définie par ©Le Grand Robert de la langue française comme de la...
confiance excessive en soi-même, estime exagérée de soi, se manifestant généralement par de l'impertinence, de l'arrogance.





Pas mal, non ?

Car, sans rire, vous l'aviez identifié, vous, le lien entre le latin agō, -ere“mouvoir, (se) conduire, faire, agir...” et outrecuidant ?



Allez, 

passons à un autre mot.

Autre mot, mais, de mêmes caractéristiques : pas facile, en le lisant, de le rattacher à notre latin agō, -ere....

Et pourtant, ce mot-ci, tout le monde l'emploie. En permanence, ou presque.


Je vous disais encore, dans
exiger de s'agiter sans ambages, c'est un peu ambigu, non ?,
que nous avions emprunté notre exiger dans la seconde moitié du XIVème au latin exigere,
lui-même créé sur ago précédé du préfixe ex-,
de sens propre “pousser dehors, faire sortir, expulser...”,
d'où enfin “exiger, peser, faire payer”.

Si si, relisez...


Il me semble que cette liste d'acceptions si, euh... diverses
- osons disparates -
attribuées à ce seul exigere peut s'expliquer ainsi :

À l'origine, exigere signifie bien “pousser dehors, faire sortir, expulser...”.

De là, son acception d'exiger, qui devait probablement s'entendre comme exiger (de sortir).

Sur cette acception secondaire d'exiger s'est greffé alors le sens d'exiger... de payer (un impôt, par exemple)

Enfin, si vous exigez d'être payé, vous devez pouvoir mesurer, peser, ce qui, en votre chef, vous est dû.


Si je m'appesantis de la sorte sur les divers sens du latin exigere, vous vous en doutez, ce n'est pas pour rien.




Car le vieux français exiger (ou exigier),
sur lequel j'étais passé un peu vite la dernière fois,
signifiera en un premier temps, notamment percevoir, recouvrer (un impôt) ; demander impérativement ce qui est dû”.
(Merci le CNRTL)


Le supin du latin exigere, c'était exactum.

De cet exactum dérivera le latin exactio,
“action d'exiger l'accomplissement d'une tâche”, 
“bannissement” (on y retrouve l'idée d'expulser), ou alors...  
“action de faire rentrer de l'argent, des impôts”.

Le français le reprendra, sous forme d'emprunt savant (1261), pour en faire...

exaction !

Eh oui, notre français exaction, employé à présent pour “mauvais traitements, sévices” (début du XXème),
extension à partir d'un sens précédent (1365), “abus en matière monétaire”,
a désigné tout d'abord (1261)... l'impôt ! 




- Exaction ? Mais... se pourrait-il que exact...?
- Mais OUIIIIII !! (ou plutôt exactement !)


Exact est lui aussi un emprunt savant remontant au latin exigere, mais nettement plus récent (du milieu du XVIème), et cette fois via le latin exactus“exactement pesé, précis, exact”, participe passé adjectivé de, de, de... exigere, bravo !

Exact qualifiera d'abord ce qui est accompli minutieusement, en observant les règles prescrites.

C'est chez Pascal, au milieu du XVIIème, que le sens moderne de conforme à la vérité apparaîtra...


Blaise Pascal,
19 juin 1623 - 19 août 1662


Mais, revenons, voulez-vous, à l'époque du bas latin.

Car en bas latin, sur exigere se créera encore... exagium, dont le sens ne devrait pas vous choquer outre mesure“pesage, poids.

On employait ces exagia comme étalons de mesure, qui permettaient de vérifier la justesse de la pesée des négociants et des commerçants.

exagium romain


Exagium disposait cependant d'un sens connexe, légèrement dérivé... 

Qui pensait à pesage supposait qu'il fallait examinertester le poids de quelque chose. 
“Est-ce bien le bon poids d'or ?

Ce sens de test s'est dérivé en se généralisant... Pour désigner toute tentative, ou mieux, tout... essai.

Eh oui ! Notre français essai, attesté circa 1140, est issu du bas latin exagium.

Je sais, ça vous la coupe.


Ah oui, et le sens littéraire d'essai, nous le devons à Monsieur de Montaigne, tout simplement.






Et puis, il est encore un autre emprunt savant également créé sur un dérivé latin de exigere,
qui date cette fois de la première moitié du XIVème,
et qui, lui aussi, reprend la notion - ici au figuré - de peser, s'assurer que le compte y est...

Vous le trouvez ?


Examen.

Ben oui.

Emprunté
- disons-le tout net, calqué -
sur le latin examen, qui (du moins dans une acception) désignait bêtement l'aiguille de la balance


statera, balance romaine

d'où l'examen (du poids).



C'est fou, non ?

Tous ces mots dérivés des sens multiples du latin exigere...



Nous en terminerons ici avec un mot français qui, lui, est humblement issu de cette famille de mots latins, pas comme ces soi-disant emprunts savants qui se la pètent un peu, si vous voulez mon avis.




En outre, ce mot, avec lequel nous terminerons aujourd'hui, provient du sens PREMIER de exigere : expulser, emmener hors de...

Et, cerise sur le gâteau, il est issu de ce même latin examen !


Je vous laisse chercher ?

Pour la forme, vous avez le mot de départ examen, et pour le sens, expulsé, poussé dehors...


Cherchez, je vous dis, sinon, quand je vous donnerai le mot, vous allez vraiment vous en vouloir...

Je vous assure...


Oui, non ? (comme dirait Talleyrand)


Ce mot, c'est...

essaim.

Du latin examen, dont une autre acception désignait un vol d'abeilles quittant une ruche pour aller s'établir ailleurs... 


un essaimage d'abeilles, qui donnera...

...un essaim





C'est-y pas beau ?

Eh oui.

Voilà à quoi mène l'étymologie historique, à quoi vous mène une jolie petite racine indo-européenne...

Vous vous rendez compte ?
L'espagnol et le portugais cuidar, nos français essai, examen, essaim, outrecuidant, exact, exaction...

Plus tous les autres ! Digeste, gérer, gérondif, gestation, geste, indigeste, suggérer, agir, agiter, ambages, ambigu, cailler, coaguler, cogiter, exiger, exigu, acte, acteur, action, actually, actuel, actuellement, agence, agent, agissements, aurige, cacher, cachet, décati, squat, squatter !!!

TOUS descendent de notre adorable racine proto-indo-européenne *heǵ-e/o-“conduire, diriger”.





Je vous souhaite, à toutes et tous, un excellent dimanche confiné.

Tenez bon.
Et surtout, portez-vous bien.





Frédéric

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Attention,
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on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter,

en cette année 2020, 

où nous fêtons le 250ème anniversaire de la naissance de Beethoven,

je vous propose le deuxième mouvement de son Triple Concerto en do majeur, opus 56, 

le Largo (attacca) en la bémol majeur

- oui, oh ! Seul les premier et 3ème (et dernier) mouvements sont en do majeur -,

enregistré ici à la Philharmonie de Berlin,

par d'immenses musiciens, au sommet de leur art,

les merveilleux Anne-Sophie Mutter, Daniel Barenboim, et Yo-Yo Ma.



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