- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 28 février 2021

Květiny, květiny, na zelené lučině

                   
article précédent : Я держу своё слово



Květiny, květiny
na zelené lučině,
ó jak vy slušíte
naší krásné otčině! 

(“Fleurs, fleurs
sur un champ verdoyant,
ô comme vous convenez 
à notre belle patrie ! )


Tout début du poème
Květiny — dívčiny 
(Fleurs et filles), 
 
de
Josef Zaříčanský,

nom de plume du professeur, poète et écrivain tchèque 
Josef Vocásek, 
1844 - 1924


Je fais machinalement, pour illuster ce beau poème,
une recherche sur le tchèque
květiny lučině (fleurs des champs),
et je tombe là-dessus.

Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?




Bonjour à toutes et tous !


En ce dimanche 28 février 2021, nous passons toujours en revue les nombreux, nombreux, dérivés de notre racine indo-européenne...

*ḱleu-entendre”.






🜛🜛🜛


Le point ? 



Nous savons déjà que le lud- de Ludwig en est un beau dérivé, par l'étymon germanique *hlūda-, “bruyant, sonore”....

Et aussi que ce *hlūda- est à l'origine de l'anglais loud, “bruyant, sonore”, ou encore du néerlandais luid, de même sens.

Nous avons ensuite appris que par *ḱleus-, une forme étendue de notre *ḱleu-entendre”, nous arrivaient notamment l'allemand lauschen et l'anglais listenécouter”.
The Audience is Listening, 27 décembre 2020

Nous avons découvert, également, que (notamment) le vieux norois hljóðécoute, son, silence”, l'allemand littéraire Leumundréputation...”, ou l'islandais hler, écoute, écoute aux portes”, en provenaient.



Nous savons encore, depuis le 10 janvier 2021, que de notre *ḱleu-entendre”, descendent l'islandais hlýr, joue”, avant d'un navire”, joue d'une hache”, ou même l'anglais (obsolète) leerjoue, visage, complexion...”.

Au nombre des dérivés latins, cette fois, de *ḱleu-entendre”, nous avons clueō, on m'appelle” et inclitus / inclutusillustre, fameux”, ce dernier emprunté... en italien, avec inclito, en portugais, avec ínclito, et en espagnol, avec ínclito.

En grec ancien, une myriade de dérivés nous attendaient, comme...
  • κλῠτός, klutós, “renommé, glorieux...”,
  • κλέος, kléos, “rumeur, renommée, réputation...” et une série de composés où il apparaît, de Ἀντίκλεια, Antíkleia, “Anticlée, à Κλεοπάτρα, Kleopátra, “Cléopâtre”, en passant par, par exemple, Εὐρῠ́κλειᾰ, Eurúkleia, Euryclée“.
Entre Anticlée et Euryclée, Ulysse ne savait pas trop à quel sein se vouer, 24 janvier 2021

Nous avons ensuite découvert quelques très beaux dérivés celtiques de notre *ḱleu-, comme...

le breton klevoutentendre ; ressentir”, le vieil irlandais rocluinetharentendre”, l'irlandais et le manxois cluin, le gaélique écossais cluinn, le gaulois clouiou, le gallois clywed, le cornique klywesentendre...”.

le dimanche indo-européen passe enfin à l'in*klus-ī-vité, 31 janvier 2021 

Toujours issus de la forme de degré zéro *ḱlu-to-, nous avons épinglé quelques jolis dérivés celtiques, issus du proto-celtique *kluto-, “renommée”, comme...
  • le gaulois cluto- (ou clouto-), “renommé, célèbre”,
  • le gaélique écossais Clota, “Renommée”, d'où l'anglais Clyde
  • l'irlandais cloth, “renommée, honneur, réputation”,
  • le gallois clod, “renom ; fameux, renommé”, ou encore
  • le breton klod, “gloire, renom”.
la Clyde est renommée. C'est comme ça., 7 février 2021 


Notons encore, au rang des dérivés celtiques de notre adorable *ḱleu-, les irlandais clú“réputation (favorable), louange, renommée”, et cluas, “oreille”, le vieil irlandais clúas, “oreille”, le gallois clustoreille”, ou encore le gaulois clutso- qui servira dans de nombreux toponymes, dont Les Clots (Savoie), Clot (Tarn, Gers et Alpes-Maritimes), La Clotte (Aude), Esclottes (Lot-et-Garonne)...
bíonn cluasa ar an gcoill, 14 février 2021
 
Nous découvrions, le 21 février 2021, que la forme
 substantivée *ḱleu-os“renommée, gloire...” avait donné, dans les langues balto-slaves, des dérivés tels que le lituanien oriental šlavė, “honneur...”, le letton slava“renommée...”, le russe сло́во, slóva, “mot...”, et surtout, créé sur la sémantique de mot, l'ethnonyme Slaves (en russe, Славя́не, Slavjánje). 
🜛🜛🜛



Ben mon cochon ! pourriez-vous remarquer, dans un souffle, émerveillés,
même si, personnellement, je serais plutôt enclin à réagir par un diantre, il y a de quoi s'esbaudir devant si belle descendance. Je ne juge pas ; à chacun son niveau de langue...




Si, dimanche dernier, nous nous étions penchés sur les dérivés de l'étymon balto-slave

*ślow-es-,

issu de notre délicieuse 
*ḱleu-entendre
”,
 
par la forme substantivée

*ḱleu-os“renommée, gloire...”, 

 

**********

racine proto-indo-européenne *ḱleu-entendre”
forme substantivée *ḱleu-os, “renommée, gloire...”
proto-balto-slave *ślow-es
**********

 

nous allons en ce jour passer en revue les dérivés baltes et slaves issus de l'étymon balto-slave...

*klouʔṣ-,

issu, lui,  de notre *ḱleu-entendre”, par une forme de timbre o, où donc la voyelle-pivot *e s'est muée en un, un, un... *o

*ḱlous-


**********

racine proto-indo-européenne *ḱleu-entendre”
forme de timbre o *ḱlous-, “renommée, gloire...”
proto-balto-slave *klouʔṣ-

**********

Avant d'aller plus loin, pour ceux qui prennent le train en marche,

train en marche

je me dois d'expliquer la présence de ce ʔ dans l'étymon balto-slave du jour.

Ce caractère, nous l'avons déjà rencontré de-ci de-là, et NON, même si le contexte semblerait s'y prêter, il ne s'agit pas d'une faucille à la gloire de l'idéal soviétique.

Ni même, d'ailleurs, d'un gigantesque point d'interrogation.



Ce signe marque en réalité la présence d'une consonne occlusive glottale (ce qu'on appelle familièrement un coup de glotte).  

à ne pas confondre avec
"coup de [coude retourné dans la] glotte"


Un coup de glotte, c'est ce que vous faites naturellement en vous prenant pour l'infâme Père Noël de Coca Cola et en insistant comme un dégénéré sur les ho de ce pénible et coca-colesque HO HO HO ; en insérant donc une coupure nette avant chaque [o]. 

Ce vomitif HO HO HO pourrait ainsi se représenter [ʔoʔoʔo].



Quant au sens reconstruit de *klouʔṣ-, nous pourrions dire, au vu de celui, attesté, de ses dérivés, qu'il évolue entre entendreécouter” et obéir”.

- Obéir
??
- Ouais ouais, ne jouez pas les
vierges effarouchées
, hein. Pas avec moi. 
(Même si, bon, 
parfois
, c'est vrai que ça peut marcher.)

vierge effarouchée

 
Nous avons DÉJÀ rencontré cette évolution de sens d'entendre” vers “obéir”, en grec ancien, avec le verbe κλύω, klúōentendre ; comprendre ; obéir” (par l'idée d'écouter).


Comm' d'hab'
- ben ouais, je sais, un jour ou l'autre on finit par se blaser -,


notre étymon proto-balto-slave (parfaitement non attesté, entièrement reconstruit, hein) donnera une descendance balte, à côté d'une descendance slave

Je ne veux surtout pas f. la m. ; et vraiment, loin de moi l'idée de vous prendre de haut, mais bon, c'est quand même un peu le principe d'un étymon qui est tant balte que slave.

*racine indo-européenne
*étymons balto-slaves
⇓                   
*étymons baltes   *étymons slaves
⇓                   
dérivés baltes  dérivés slaves


Bon, on y va ?

Dans la sous-branche des langues baltesle balto-slave *klouʔṣ- a donné,

via l'étymon (reconstruit) balte *klausyti-...

  • le lituanien klausýtiécouter, obéir”,

  • le letton (mais ayons le courage de nous regarder en face : l'est-on vraiment ??) klàusît, toujours écouter, obéir”,
mais aussi
  • le vieux prussien klausitonentendre”.
Car oui ! - on l'oublie/ignore souvent - le prussien est une langue balte, et non germanique.

Le vieux prussien, la plus archaïque des langues de la sous-branche, disparut hélas au début du XVIIIème, à la suite de l'assimilation des Prussiens par les Allemands, certes, mais en partie aussi par les Lituaniens et les Polonais.
(et là, en chœur, nous disons merci, Wikipedia.)
les langues baltes


Résumons ?


**********

racine proto-indo-européenne *ḱleu-,“entendre”
forme de timbre o *ḱlous-, “renommée,gloire...”
proto-balto-slave *klouʔṣ-
proto-balte *klausyti-
lituanien klausýti, “écouter, obéir”,
letton klàusît, “écouter, obéir”,
vieux prussien klausiton, “entendre”

**********


Dans la sous-branche des langues slaves, à présent,
c'est par l'intermédiaire de l'étymon... s..., sl... slave, oui ! *slùšati- (toujours reconstruit), écouter”,
que le balto-slave *klouʔṣ- a prodigué ses dérivés.


Savourez donc cet instant de saine vulgarisation où nous représentons les deux étymons, balte et slave, issus de notre forme balto-slave :

**********

racine proto-indo-européenne *ḱleu-,“entendre”
forme de timbre o *ḱlous-, “renommée,gloire...”
proto-balto-slave *klouʔṣ-
proto-balte *klausyti-,
proto-slave *slùšati-, “écouter”

**********


Pour ce qui est des dérivés slaves de *slùšati-, “écouter”, citons par exemple...

  • le ouiiiiiiiii ! vieux slavon d'église слушати, slouchati, écouter”,

vieux slavon d'église


dans les langues slaves orientales,
  • le russe слушать, slouchatj'écouter”,

dans les langues slaves occidentales,
  • le tchèque poslouchatécouter, obéir”, le tchèque slyšetentendre”, mais aussi son doublet étymologique slušet, dont le sens a évolué vers celui de convenir (seoir)...”. Surprenant ? Pourtant, c'est par un phénomène identique que notre verbe aller a pris son acception d'“être adapté, convenir (à qqch., à qqn), qui n'évoque plus guère la notion de déplacement.
Je suppose qu'en tchèque, le développement sémantique de entendre” vers convenir” peut s'expliquer simplement par l'idée d'entente... - et c'est ici que l'on relit le titre, et surtout l'exergue, et que l'on comprend tout ! Ah, ces fleurs qui s'entendent si bien avec la belle Tchéquie -,
  • le polonais słuchać , écouter”, obéir”,

et dans les langues slaves méridionales,
  • le bulgare slúšam, écouter” mais aussi suivre, obéir”.


Et si l'on résumait ici cette descendance slave ?

**********

forme de timbre o *ḱlous-, “renommée,gloire...”
proto-balto-slave *klouʔṣ-
proto-slave *slùšati-, “écouter”
vieux slavon d'église слушати, slouchati, “écouter”,
russe слушать, slouchatj', “écouter”,
tchèque poslouchatécouter, obéir”,
tchèque slyšet, “entendre”,
tchèque slušet, “convenir...”,
polonais słuchać , “écouter”, “obéir”,
bulgare slúšam, “écouter ; suivre, obéir”

**********





Mais donc..., Louis, Ludwig, Clovis,
  • les anglais loud et listen,
  • les allemands lauschenécouter” et Leumundréputation...”,
  • l'islandais hler, écoute, écoute aux portes”,
  • l'espagnol ínclito, illustre...”,
  • nos Anticlée, Euryclée, Damoclès, Empédocle, et Héraclès,
  • le vieil irlandais rocluinethar, le gaulois clouiou, le breton klevout, le gaulois cluto-renommé, célèbre”, le gaélique écossais ClotaRenommée”, l'irlandais cloth, renommée, honneur, réputation”,
  • le gallois clod, “renom ; fameux, renommé”, le breton klod, “gloire, renom”,
  • l'écossais cluasoreille”,
  • le gaulois Rokloisiabo,
  • et tous ces toponymes que sont Les Clots, en Savoie, Clot, dans le Tarn, le Gers et les Alpes-Maritimes, La Clotte, dans l'Aude, Esclottes, dans le Lot-et-Garonne,
  • notre français slave, le russe сло́во, le slovène slovọ̑ ,“l'adieu, le départ”,
  • le letton klàusîtécouter, obéir”, le vieux prussien klausitonentendre”, le russe слушать, “écouter”, les chèques slyšet, “entendre”, et slušet, “convenir...”, le bulgare slúšam, “écouter ; suivre, obéir”...,

Tous, Tous, vous m'entendez, 
- cela, pour bien l'apprécier, à scander sur le mode de la Complainte de Mandrin -


sont étroitement apparentés.


Tous proviennent d'une seule, d'une même racine indo-européenne.
Vous m'entendez ?
 
Vous auriez fait, vous, le lien entre tous ces mots, de sens si divers ?


Allez, on en reste là pour ce dimanche.

La semaine prochaine, on se trouvera encore de très beaux dérivés de notre formidable *ḱleu-entendre” dans les langues baltes et slaves...



D'ici là, protégez-vous, prenez soin de vous et de vos proches, 
Portez-vous bien.




Frédéric
























******************************************
Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
******************************************

Et pour nous quitter en beauté,

(en beautés ?)

Voici, de circonstance, une chanson traditionnelle russe,

Ах, мамочка, Ah, petite maman”,

l'une de ces sempiternelles complaintes répétitives populaires,
que les mamans transmettaient en chantant à leurs filles,
destinées à les mettre en garde contre les amours volages et la légèreté des hommes...

Ah là là, les hommes et leur inconstance, qui, ironiquement, apparaît comme une constante.

Cette jeune fille croyait avoir trouvé le bon, le vrai, celui-là, quoi”,

une première fois,
puis bon... une deuxième fois,
et encore... ben... une troisième fois...
(et encore quelques autres fois...)

et ne savait plus à quels saints se vouer

- ou plutôt, peut-être, à qui vouer ses seins -, 

alors que - ah là là - sa petite maman l'avait pourtant bien prévenue...

Mais la fille n'en a fait qu'à sa tête ;
elle n'a rien voulu entendre,
elle s'est même bouché les oreilles pour ne pas écouter sa mamotchka

Затыкала уши я, И её не слушала…, “Zateukala ouchi ia, I iyo nié slouchala“Je me suis bouché les oreilles, Et (je) ne l'ai pas écoutée” -

et maintenant, elle s'en veut, mais un peu tard...
(enfin... c'est ce qu'elle dit, hein ; mieux vaut des remords que des regrets)


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dimanche 21 février 2021

Я держу своё слово

                 
article précédent : bíonn cluasa ar an gcoill



Я держу своё слово... если мне этого хочется.

(Russe pour Je suis un homme de parole... quand ça m'arrange.)





Bonjour à toutes et tous !


Vaillamment, nous passons en revue les dérivés de notre racine indo-européenne...

*ḱleu-entendre”.






🜛🜛🜛


Le point : 



Nous savons déjà que le lud- de Ludwig en est un beau dérivé, par l'étymon germanique *hlūda-, “bruyant, sonore”....

Et aussi que ce *hlūda- est à l'origine de l'anglais loud, “bruyant, sonore”, ou encore du néerlandais luid, de même sens.

Nous avons ensuite appris que par *ḱleus-, une forme étendue de notre *ḱleu-entendre”, nous arrivaient notamment l'allemand lauschen et l'anglais listenécouter”.
The Audience is Listening, 27 décembre 2020

Nous avons découvert, également, que (notamment) le vieux norois hljóðécoute, son, silence”, l'allemand littéraire Leumundréputation...”, ou l'islandais hler, écoute, écoute aux portes”, en provenaient.



Nous savons encore, depuis le 10 janvier 2021, que de notre *ḱleu-entendre”, descendent l'islandais hlýr, joue”, avant d'un navire”, joue d'une hache”, ou même l'anglais (obsolète) leerjoue, visage, complexion...”.

Au nombre des dérivés latins, cette fois, de *ḱleu-entendre”, nous avons clueō, on m'appelle” et inclitus / inclutusillustre, fameux”, ce dernier emprunté... en italien, avec inclito, en portugais, avec ínclito, et en espagnol, avec ínclito.

En grec ancien, une myriade de dérivés nous attendaient, comme...
  • κλῠτός, klutós, “renommé, glorieux...”,
  • κλέος, kléos, “rumeur, renommée, réputation...” et une série de composés où il apparaît, de Ἀντίκλεια, Antíkleia, “Anticlée, à Κλεοπάτρα, Kleopátra, “Cléopâtre”, en passant par, par exemple, Εὐρῠ́κλειᾰ, Eurúkleia, Euryclée“.
Entre Anticlée et Euryclée, Ulysse ne savait pas trop à quel sein se vouer, 24 janvier 2021

Nous avons ensuite découvert quelques très beaux dérivés celtiques de notre *ḱleu-, comme...

le breton klevoutentendre ; ressentir”, le vieil irlandais rocluinetharentendre”, l'irlandais et le manxois cluin, le gaélique écossais cluinn, le gaulois clouiou, le gallois clywed, le cornique klywesentendre...”.

le dimanche indo-européen passe enfin à l'in*klus-ī-vité, 31 janvier 2021 

Toujours issus de la forme de degré zéro *ḱlu-to-, nous avons épinglé quelques jolis dérivés celtiques, issus du proto-celtique *kluto-, “renommée”, comme...
  • le gaulois cluto- (ou clouto-), “renommé, célèbre”,
  • le gaélique écossais Clota, “Renommée”, d'où l'anglais Clyde,
  • l'irlandais cloth, “renommée, honneur, réputation”,
  • le gallois clod, “renom ; fameux, renommé”, ou encore
  • le breton klod, “gloire, renom”.
la Clyde est renommée. C'est comme ça., 7 février 2021 


Notons encore, au rang des dérivés celtiques de notre adorable *ḱleu-, les irlandais clú
“réputation (favorable), louange, renommée”, et 
cluas, “oreille”, le gallois clustoreille”, et le gaulois clutso- qui servira de base à de nombreux toponymes dont Les Clots (Savoie), Clot (Tarn, Gers et Alpes-Maritimes), La Clotte (Aude), Esclottes (Lot-et-Garonne)...
bíonn cluasa ar an gcoill, 14 février 2021
  
🜛🜛🜛



Et en ce dimanche 21 février, après vous avoir bassinés avec les dérivés germaniques, italiques, helléniques et enfin celtiques de notre délicieuse 
*ḱleu-entendre”
, je vais vous abreuver de ses dérivés... balto-slaves !

Et il n'y en a pas qu'un, je vous préviens tout de suite.





Pour tous les mots baltes et slaves que nous allons traiter au cours des dimanches qui viennent, je m'aiderai des... 
  • Etymological Dictionary of the Slavic Inherited Lexicon

et
  • Etymological Dictionary of the Baltic Inherited Lexicon

de Rick Derksen,

ici aux échecs. Enfin... в шахматы



















ainsi que du 
  • Dictionnaire russe - français d'étymologie comparée


de Serguei Sakhno.

ici, au micro. Enfin... у микрофона
















Nous parlerons souvent d'étymons balto-slaves, le monde linguistique s'accordant désormais - enfin ? - à penser que les langues slaves et baltes, au sein du petit monde indo-européen, ont une origine commune.

Issu d'une racine indo-européenne, vous pourriez ainsi trouver un étymon balto-slave, dont, à leur tour, seront issus un étymon balte (à l'origine des dérivés dans les langues baltes), et un étymon slave (à l'origine des mots dérivés dans les langues s..., s... OUI !!! slaves).


*racine indo-européenne
*étymons balto-slaves
⇓                   
*étymons baltes   *étymons slaves
⇓                   
 dérivés baltes  dérivés slaves



Commençons donc par un étymon balto-slave issu de notre douce *ḱleu-entendre” par la forme substantivée *ḱleu-os, “renommée, gloire...”.

Oui, oui, je parle bien de ce *ḱleu-os dont descendront l'irlandais 
clú et l'
écossais cliù“réputation (favorable), louange, renommée” : bíonn cluasa ar an gcoill.


Vous vous le rappelez, quand même ?
Pas de blagues, hein ?


**********

racine proto-indo-européenne *ḱleu-entendre”
forme substantivée *ḱleu-os, “renommée, gloire...”
proto-celtique 
*kluwos-, “renommée”
vieil irlandais clú, “renommée ; rumeur
irlandais clú et 
écossais cliù“réputation (favorable), louange, renommée

**********


Alors !

C'est donc de l'indo-européen 
*ḱleu-os
“renommée, gloire...”, que l'on fait descendre un étymon balto-slave particulièrement important...

*ślow-es-.

Important, vraiment.

Sachez déjà que de lui seront issus, d'une part,
le proto-balte *šlavė-, dont les dérivés sont sémantiquement proches de “renommée”,
et de l'autre,
le proto-slave... *slȍvo-, dont la sémantique ne retiendra plus que l'idée de transmission de ladite renommée, par... le mot.
Oui,*slȍvo- et tous ses dérivés à sa suite, désigneront précisément, ou à tout le moins évoqueront dans leur sémantique... le mot. Le mot, qui, avant de se lire, s'entend.

On suit ?
**********
racine proto-indo-européenne *ḱleu-entendre”
forme substantivée *ḱleu-os, “renommée, gloire...”
proto-balto-slave *ślow-es-
proto-balte
šlavė-“renommée...”,
proto-slave 
*slȍvo-, 
mot”

**********


Commençons donc par les dérivés baltes de *ślow-es-, donc, ceux issus de l'étymon balte šlavė.

Nous en retiendrons... 
  • le lituanien (oriental, ne poussons pas) šlavė, “honneur, respect, renommée”,
et puis aussi
  • le letton
- mais... l'est-on... vraiment ? -
slava“rumeur, réputation, renommée”.

  

la vie nocturne de Riga est eum... particulièrement renommée


Et en résumé : 
**********

racine proto-indo-européenne *ḱleu-entendre”
forme substantivée *ḱleu-os, “renommée, gloire...”
proto-balto-slave *ślow-es-
proto-balte
šlavė-“renommée...”
lituanien oriental šlavė, “honneur, respect, renommée”,
letton slava“rumeur, réputation, renommée”

**********


Issus du proto-slave *slȍvo- à présent, citons (parmi bien d'autres)...

pour les langues slaves orientales,

  • le biélorusse сло́ва, slóva“mot”,
ainsi que

  • le russe сло́во, slóva, “mot”, mais aussi, comme en français, terme, discours” ou même “promesse”, que nous, francophones, associons plutôt à parole, comme dans engager sa parole.
Et un dictionnaire, en russe, littéralement, c'est que des mots : словарь, slavár.

l'Ogegov,
l'indispensable dictionnaire de la langue russe 

 
Sachez encore que sur le russe сло́во, slóva, se sont encore construits d'autres dérivés, comme par exemple le verbe благословить, blagaslavítj', emprunté au
- mais OUIIII ! -
vieux slavon d'église благословити, blagosloviti, (plus que) vraisemblablement lui-même translitération du grec ancien ἐυλογεῖν, eulogeîn, et composé de бла́го, blágo, “bon” et de сло́во, slóvo, “mot”, dont le premier sens, religieux, “bénir”, s'est étendu par la suite à la langue familière au sens d'“approuver ; faire l'éloge de...”.


Toujours issus du proto-slave *slȍvo-, mais dans les langues slaves méridionales, cette fois, nous citerons...

  • le - oui, oui, ouiiiiiii !!!! - vieux slavon d'église slovo, en cyrillique слово, mais surtout en glagolitique ⱄⰾⱁⰲⱁ,

(Et j'en ai plus qu'assez de devoir le répéter systématiquement : NON, le glagolitique n'a RIEN à voir avec le Cosmogol 999 que pompaient les Shadoks grâce à la pompe inventée par le professeur Shadoko),


  • le bulgare сло́во, slóvo, reprenant les mêmes acceptions que le russe, et y ajoutant sermon,
Стефан I - Stéphane Ier - religieux bulgare, et « Juste parmi les nations »,
qui aida activement au sauvetage des juifs bulgares pendant la Seconde Guerre mondiale.

Je ne suis pas sûr que se faire sermonner par lui était vraiment souhaité, ni plaisant.


  • le slovène slovọ̑
- qui désignait bien le mot, la lettre, acceptions archaïques -,
 
dont le sens a évolué spécialement vers “l'adieu, le départ”, par métonymie, je suppose, en association avec le mot de départ... 
Je trouve cela très beau, émouvant, même...
 
mot de départ

et

  • le macédonien (archaïque) слово, slovo. 



Pour ce qui est des langues slaves occidentales (et toujours issus de *slȍvo-, on suit) :

  • le tchèque slovo“mot, promesse”,
  • le vieux polonais słowo“mot”, d'où
    • le polonais słowo, de même sens, 
  • le silésien...

(la langue slave proche du polonais, pas cet autre silésien, celui du groupe germanique et proche du moyen allemand, hein ? Là, maintenant, on traite des langues slaves. Non mais allô, quoi ?)

...  suowo“mot...”,

ou encore...

  • le slovaque slovo“mot, discours, promesse”.


Résumons ce qui vient d'être dit ? (Oh, mais quel sens de la vulgarisation, ce mec !?)


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racine proto-indo-européenne *ḱleu-entendre”
forme substantivée *ḱleu-os, “renommée, gloire...”
proto-balto-slave *ślow-es-
proto-slave 
*slȍvo-, 
mot”
russe сло́во, slóva, “mot...,
vieux slavon d'église slovo, “mot...”,
tchèque slovo, “mot, promesse...”,
slovène slovọ̑“l'adieu, le départ

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C'est déjà bien beau, tout cela, non ?

Mais... si l'étymon balto-slave *ślow-es- est particulièrement important, c'est que c'est très vraisemblablement...

- oui, car d'autres théories existent, que, pfff, je ne citerai même pas, auxquelles je donne peu de cas.


Mais je reprends : 

Si l'étymon balto-slave *ślow-es- est particulièrement important, c'est que c'est très vraisemblablement à partir de lui, que le mot Slave est né.


Slaves 1

Slaves 2

Slaves 3

il y a vraiment de tout, chez les Slaves...
À choisir - mais c'est très personnel - je partirais sur les options 2 et 3



Passons du coca light...

(j'enrage que l'on fasse aujourd'hui un foin pas croyable autour d'une twitteuse qui vient d'utiliser l'expression, qui visiblement choque tout le monde, chacun ou presque la traitant d'idiote. Je ne suis pas sûr, moi, à la lecture des tweets incriminants - parce que moi, je vérifie les sources -, que la donzelle en question avait pratiqué du premier degré. Et je râle d'autant plus que moi, je l'avais déjà utilisée, cette stupide expression, il y a déjà quelques années ! Et là, silence total, aucune émotion, aucun buzz. Pfff, c'est navrant. Et si vous ne me croyez pas, relisez Pravda, perestroika, Alotta Fagina, daté du 1er décembre... 2013. Et si je crois me souvenir, c'est un excellent ami à moi - une sorte de frère en humour - qui l'utilisait depuis déjà bien longtemps, cette expression...),

...vous rappelez-vous cet article de mars 2015, 

Le mystique myope se mura dans un profond mutisme,
où nous découvrions, subjugués (enfin..., vous, surtout), que la racine qui a donné nos français mot et muet se retrouvait dans le proto-slave němъmuet” (ou carrément idiot; l’idiot étant celui qui ne sait pas s'exprimer). 



Mais aussi que le russe avait construit un autre mot sur la même racine... l'adjectif немец, “niemits”, qui signifie... allemand !




Ben oui... Comme je l'expliquais déjà dans cet article

- et que je suppute que bien peu d'entre vous feront l'incommensurable effort de cliquer sur le lien que je vous offre, en plus, pour vous y rendre -,

du temps du proto-slave, les quelques étrangers qu’on pouvait croiser en terres slaves, c’étaient des germanophones. Et ces braves gens ne parlaient guère la langue du coin !


Le terme désignait ainsi plutôt l’étranger - comprenezcelui qui ne parle pas notre langue -, que précisément les tribus germaniques


Eh bien, a contrario, il y a de très fortes chances que c'est à *ślow-es-

(ou à l'un de ses descendants slaves de type slovo, ne chicanons pas)

que l'on doive l'ethnonyme... Slave.


Slave, qui devait désigner, cette fois, nous tous qui employons les mêmes mots, qui parlons la même langue”.

(Slaves”, en russe : Славя́не, Slavjánjé ; la nation slave: славянский народ, slavjanskii narod.)


Mais... vous vous rendez compte ?


Vous venez de faire le lien entre Louis, Ludwig, Clovisles anglais loud et listen, les allemands lauschenécouter” et Leumundréputation...”, l'islandais hler, écoute, écoute aux portes”, l'espagnol ínclito, illustre...”, Anticlée, Damoclès, Empédocle, Héraclès et Cléopâtre, le vieil irlandais rocluinethar, le gaulois clouiou, le breton klevout, le gaulois cluto-renommé, célèbre”, le gaélique écossais ClotaRenommée”, l'anglais Clyde, l'irlandais cloth, renommée, honneur, réputation”, le gallois clod, “renom ; fameux, renommé”, le breton klod, “gloire, renom”, l'écossais cluasoreille”, le gaulois Rokloisiabo, et ces toponymes que sont Les Clots, en Savoie, Clot, dans le Tarn, le Gers et les Alpes-Maritimes, La Clotte, dans l'Aude, Esclottes, dans le Lot-et-Garonne, 

et puis notre slave, le russe сло́во, et même le si beau slovène slovọ̑ ,“l'adieu, le départ”.


Non mais... Vous vous rendez compte ? 

Oui, c'est pour ça que je m'efforce de rédiger ces articles.

Pour vous faire découvrir la magie des mots, vous faire prendre conscience que pour nos langues, les frontières n'existent pas, et que sous des mots qui nous paraissent si communs, si banals, se cachent des siècles, des millénaires de civilisation.
Et aussi des hommes, des femmes, comme vous et moi, qui par les mots qu'ils nous ont légués, se racontent un peu. Et nous permettent surtout d'avoir des racines.

Ces racines sans lesquelles il est bien difficile de vivre...



Dimanche prochain, vous n'y couperez pas, on repart à l'assaut des dérivés balto-slaves de notre si prolifique... *ḱleu-entendre”.



D'ici là, protégez-vous, prenez soin de vous et de vos proches, 
Portez-vous bien.




Frédéric


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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter en beauté et sérénité,

en nous imprégnant de l'âme russe,

je vous propose de nous recueillir

- avez-vous déjà réfléchi à la complexe subtilité, à la beauté de ce verbe se recueillir ? -

autour de la version de Pavel Tchesnokov
(il en existe au moins une autre, celle de Rachmaninov)

du

Тебе поем, Nous Te chantons,

ce sublime, sublime, sublime chant orthodoxe en... - MAIS OUI !!! - slavon d'église,

composé à l'origine par Dimitri Borniansky (1751-1825) pour le choeur de la Chapelle Impériale,
sous le règne de Catherine II, Екатерина II, la Grande Catherine.


Et c'est l'ensemble choral Tenebrae qui nous l'interprète,
divinement bien.

Et même, encore mieux :

les grands malades d'entre vous ne manqueront pas d'apprécier la parfaite prononciation du slavon, où, contrairement à la prononciation russe, les voyelles inaccentuées ne sont pas réduites

(en l'occurrence, /ié/ inaccentué ne devient pas /i/ mais reste /ié/,
/o/ inaccentué ne devient pas /a/ mais reste /o/).

 
Vous remarquerez bien évidemment la présence d'un joli благословим, blagoslovimnous bénissons”, 1ère personne au pluriel du présent de l'indicatif du verbe... благословить, blagoslovitj'.

Ah là là, le monde est bien fait, non ?

(Et encore plus si l'on est homme, blanc, souchien, hétérosexuel cisgenre non-racisé , bien sûr, faut-il le préciser ?)

Тебе поем, Тебе благословим
Тебе благодарим, Господи

и молим Ти ся,
и молим Ти ся, Боже наш

и молим Ти ся, 
молим Ти ся, Боже наш

и молим Ти ся, 
молим Ти ся, Боже наш

-----

 Nous Te chantons, Nous Te bénissons
Nous Te remercions, Ô Seigneur

Et nous Te prions,
Nous Te prions, ô notre Dieu

Et nous Te prions,
Nous Te prions, ô notre Dieu

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Allez, vulgarisons,

pour le karaoké, c'est par ici : 

Tiébié poyem, Тiébié blagoslovim
Тiébié blagodarim, Gospodi

i molim Ti cia,
i molim Ti cia, Bogé nach

i molim Ti cia,
molim Ti cia, Bogé nach

i molim Ti cia,
molim Ti cia, Bogé nach

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