- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 30 août 2020

Victoire et Germain, c'est un hôtel parisien, mais c'est aussi un article du dimanche indo-européen...

  

article précédent : Sigor eft áhwearf of norþmonna níðgeteóne, æsctír wera




"Situé en plein cœur de Paris, à Saint Germain des Prés, L’Hotel Victoire et Germain 4*,
tente de perpétuer la tradition littéraire du quartier latin en recréant une ambiance confidentielle
dans l’esprit du Saint-Germain-des-Prés de Sartre et Simone de Beauvoir, du Café de Flore, des Deux Magots et du Procope.


texte trouvé sur le site de l'hôtel Victoire et Germain,
qui me pardonnera, j'espère, mais il m'était tout simplement impossible de résister...








Bonjour à toutes et tous !


En ce dimanche 30 août, nous poursuivons notre grrrand tour des dérivés de l'envoûtante racine indo-européenne...


*seǵʰ-e-, “dominer, posséder...”.



Allez, le point.




De ses dérivés, nous connaissons déjà...

emprunté au latin schŏla, lui même emprunté au grec ancien σχολή, skholê, “repos, loisir,
  • école
 
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racine proto-indo-européenne *seǵʰ-e-, “dominer, posséder...

grec ancien ἔχω, ékhō“tenir, retenir, maintenir...
nom verbal σχολή, skholê, “repos, loisir” puis “activité intellectuelle faite à loisir
glissement de sens
en grec hellénistique, “étude, école philosophique
emprunt
latin classique schŏla, lieu où l'on enseigne
emprunt
ancien français escole, lieu où l'on enseigne
français école

**********


toujours passés par le grec ancien ἔχω, ékhō“tenir, retenir, maintenir...
  • schéma et Hector
 
**********

grec ancien ἔχω, ékhō“tenir, retenir, maintenir...
ἕκτωρ, héktōrqui tient bon, qui tient ferme” ,
skhêma, “attitude, forme, apparence...”

**********


passé cette fois par le proto-celtique *sego-“victoire, force”,
  • Segovia (Ségovie)


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racine proto-indo-européenne *seǵʰ-e-, “dominer, posséder...

proto-celtique 
*sego-“victoire, force
celtibère Segouia“La (Très) Forte
espagnol SegoviaSégovie

**********


toujours par le proto-celtique *sego-“victoire, force”, des composés, noms de lieux ou de personnes, qui nous donneront notamment
  • Segorbe, Seveux, Suin...
et
  • les gallois  hy et hyder, le gaulois Segestica, d'où le grec Σεγεστική Segestikḗ


enfin, par le proto-germanique *segiz-“victoire”,
  • les gotiques 𐍃𐌹𐌲𐌹𐍃, sigis, “victoireet 𐍃𐌹𐌲𐌹𐍃𐌻𐌰𐌿𐌽, sigislaun, “butin”,
  • le vieux norois sigr, “victoire”, d'où sigrún et Sigrún,
  • le vieil anglais sigor, “victoire
  • le vieux saxon sigidrohtin, “seigneur de la victoire”


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racine proto-indo-européenne *seǵʰ-e-, “dominer, posséder...
neutre de radical en s- *seǵʰ-es-, “victoire
proto-germanique *segiz-“victoire
gotique 𐍃𐌹𐌲𐌹𐍃, sigis“victoire”,
vieux norois sigr, “victoire” (et dérivés),
vieil anglais sigor, “victoire, triomphe, succès

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Chères lectrices, chers lecteurs, 

nous continuerons, en ce 30 août, dernier dimanche d'août,
et surtout, surtout, surtout, dernier dimanche de mes vacances,

à épingler les dérivés germaniques de notre *seǵʰ-e-, “dominer, posséder...”, via le neutre *seǵʰ-es-, “victoire” et son dérivé l'étymon germanique *segiz-, “victoire”.


- Chères lectrices, chers lecteurs ?? Ne verrait-on pas ici de l'inclusivité, mmmh ? Auriez-vous enfin compris, Blondieau, que la langue française est un outil destiné à faire perdurer le patriarcat et à soumettre la femme ?

- Monsieur Ucon ?! Ça alors, mais quelle bonne surprise ! Merci de m'accompagner pour ce dernier dimanche de vacances. 

 

Comme je l'avais déjà répondu à un triste sire il y a déjà quelque temps, si je prends la peine d'écrire lectrices et lecteurs, c'est parce que j'ai envie de le faire. J'ai toujours pensé qu'il fallait connaître les règles (quelles qu'elles soient, dans n'importe quel domaine), et qu'alors, c'était en toute connaissance de cause que l'on pouvait les enfreindre, si on l'estimait nécessaire. 

Tiens, à propos de la féminisation des mots... Avez-vous lu ce court (mais savoureux) texte de Jean-François Revel, Le sexe des mots ? 

Bon, il est vrai aussi que Jean-François Revel était un homme souchien (entendez non racisé ; moi aussi, je découvre), privilégié et qui plus est cisgenre... 

 

Le grand Jean-François Revel (né Ricard),
19 janvier 1924 - 30 avril 2006 



Allez, en avant.

Comme on dit chez moi, “y a pas d'avance”, avance, déverbal d'avancer daté du XIVème,   a conservé son sens original, celui d'avantage. Entendez donc il n'y a pas d'avantage... (sous-entendu :) à rester là à ne rien faire, à ne pas s'y mettre. Quand faut y aller, faut y aller !

Ce “y a pas d'avance”, vous l'entendrez souvent prononcé devant une tâche que l'on peine à commencer, ou alors comme un encouragement à accepter la fatalité“y a pas d'avance pourrait alors se traduire par les choses sont comme ça, on n'y peut rien, il faut arrêter de se lamenter et passer à autre chose...

Dans ce dernier emploi, ce serait un peu la version en français de Belgique de "The Show must go on".



Dimanche dernier, nous avions découvert quelques-uns des dérivés germaniques de notre captivante *seǵʰ-e- dans...

  • la branche nordique (vieux norois, islandais, féroïen...),
  • la branche orientale (gotique), et
  • la branche occidentale (vieil anglais, vieux saxon)...
... de ce grand groupe que représentent les langues germaniques.

Nous continuerons sur notre lancée, en explorant plus avant la branche occidentale du groupe desdites langues germaniques, avec... le vieux frison.


Je vous le dis tout de suite

- vous pourriez penser que c'est cruel, mais non, je ne veux pas vous donner le moindre faux espoir -,

le vieux frison est... 

 

- En régie, on est prêt ? Jack-Ben, vas-y, c'est à toi, coco ! La poursuite, sur Jack-Ben !

- Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : le vieux frison se meurt, le vieux frison est mort !


... une langue morte.

Jacques-Bénigne Bossuet,
27 septembre 1627 - 12 avril 1704



On le parlait, entre les XIIIème et XVIème siècles, sur les côtes de la mer du Nord, entre le Rhin et l’Elbe.

Déjà à l'époque, les négociants qui arrivaient de l'étranger notent dans leurs carnets de voyages qu'apeurés et inquiets, ils s'étonnaient de ce mal étrange, caractérisé par de violents raclements de gorge, dont semblait atteinte l'ensemble de la population autochtone.

Voilà où conduit l'ignorance...


Laisse-moi ! Je parlais néerlandais !
(à ne pas confondre avec le frison, mais bon, c'est l'idée...)

entre le Rhin et l'Elbe


un (bon) vieux Frison


 
En vieux frison, donc, l'étymon germanique *segiz-, “victoire” nous donnera sige, sī (toujours au sens de victoire).

En seront issus...
  • le frison saterlandais (ben oui, le frison oriental parlé dans la commune allemande de Saterland, ou Seelterlound en frison, justement) Siech,“victoire”
- Amusant ! Le dimanche indo-européen est cité comme référence par le wiktionary pour l'emploi de l'expression frison saterlandais ! https://fr.wiktionary.org/wiki/frison_saterlandais -, et 
  • le frison occidental sege, de même sens.


Saterland, c'est là au bout de la flèche rouge.




Dans la branche occidentale des langues germaniques, il y a aussi... le vieux néerlandais 

Vieux Néerlandais
(The Old Dutchman, 1887,
Arthur Frank Mathews, 1860-1945)


En vieux néerlandais, le germanique *segiz-, “victoire” a donné
- mais uniquement dans des composés -
sigi, toujours “victoire”.


En sera issu le moyen néerlandais sēge (oui, toujours “victoire, triomphe”), dont descendra enfin le néerlandais zege“victoire”.

Tout comme son ancêtre vieux néerlandais, il excellera à former des composés, au nombre desquels nous pourrions citer
  • zegekar“chariot de la victoire”,
  • zegerijk“victorieux, triomphant”,
  • zegevieren, tout simplement “triompher”, 
ou encore
  • zegezeker, “assuré de la victoire”...


Bon. C'est pas tout ça. Y a aussi le vieux haut allemand !
Représenté en l'occurrence par sigi / sigu“victoire”.

En moyen haut allemand en dérivera sige“victoire”.

 Dont sera issu, évidemment, l'allemand Sieg“victoire”.


Oui, il s'agit bien, hélas, du Sieg de Sieg Heil, ce salut à la victoire, l'ancien salut nazi associé à cet infâme bras tendu, geste aujourd'hui parfois remplacé par celui de la quenelle, mais dans tous les cas - c'est une constante -, exécuté par des personnes que je qualifierais de l'expression générique sales cons.







Heil, étroitement lié à l'anglais holy, évoque le salut... de l'âme, la complétude associée à la sainteté... Mais oui, relisez Olga, seule avec un soldat, à Halloween? Pas très catholique tout ça...

Vous parlez d'un détournement !






Allez, on en restera là pour ce dimanche.

On récap ?


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racine proto-indo-européenne *seǵʰ-e-, “dominer, posséder...
neutre de radical en s- *seǵʰ-es-, “victoire
proto-germanique *segiz-“victoire
vieux frison sige, sī,
vieux néerlandais, sigi“victoire”, d'où moyen néerlandais sēge, d'où néerlandais zege“victoire”,
vieux haut allemand sigi / sigu“victoire”, d'où moyen haut allemand sige“victoire”, d'où allemand Sieg“victoire”


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La semaine prochaine, je vous promets des prénoms ; tous construits sur le germanique *segiz-, “victoire”.




Passez un excellent dimanche, et une très belle semaine.
Portez-vous bien, 



Frédéric, bientôt plus en vacances...






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CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
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Et pour nous quitter...

TROIS morceaux.

(oui oui, TROIS)

Du baroque, tout d'abord, puis un traditionnel américain et enfin un traditionnel anglais (je veux dire d'Angleterre), dont la plus ancienne version connue date du XVème, et est écrite en moyen anglais.

Le point commun entre ces trois oeuvres ?
La victoire que la musique peut gagner sur le marasme ambiant ?

Mais surtout, ces morceaux prouvent que la musique est universelle, et que les vrais musiciens sont capables de jouer, non pas à tous les rateliers, mais bien de tous les répertoires.


L'ensemble qui va nous enchanter ici est Apollo's Fire, orchestre baroque de Cleveland (Ohio), dirigé par l'incroyable Jeannette Sorrell (la rousse !), 


accompagnant la formidable jeune soprano américaine Amanda Powell (la brune !)




Le premier morceau : 

tiré du Messie de Georg Friedrich Haendel (Messiah, HWV 56),

I know that my Redeemer liveth



Et puis,
deuxième morceau,

le traditionnel américain Down in the River to Pray



et enfin
- troisième morceau -,

le traditionnel anglais

A Fox Went Out on a Chilly Night



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dimanche 23 août 2020

Sigor eft áhwearf of norþmonna níðgeteóne, æsctír wera

 

article précédent : Hyder i siarad Cymraeg gyda ffrindiau



"Sigor eft áhwearf of norþmonna níðgeteóne, æsctír wera." 

litt. : (la) Victoire après le fait de repousser l'attaque vicieuse des hommes du nord, la  [gloire/renommée à la bataille] des hommes.

Proposition de traduction :
La victoire après avoir repoussé l'attaque vicieuse des hommes du nord, la renommée gagnée dans la bataille par les hommes d'armes.



Caedmon's Metrical Paraphrase of Parts of the Holy Scriptures in Anglo-Saxon; with an English Translation, Notes, and a Verbal Index, 1832

Benjamin Thorpe,
1782 – 19 juillet 1870,
érudit anglais et spécialiste de la littérature anglo-saxonne








Bonjour à toutes et tous !


Nous sommes le dimanche 23 août, et nous poursuivons notre grand tour des dérivés de la troublante racine indo-européenne...


*seǵʰ-e-, “dominer, posséder...”.






Le point ?




De ses dérivés, nous connaissons déjà...

emprunté au latin schŏla, lui même emprunté au grec ancien σχολή, skholê, “repos, loisir,
  • école
 
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racine proto-indo-européenne *seǵʰ-e-, “dominer, posséder...

grec ancien ἔχω, ékhō“tenir, retenir, maintenir...
nom verbal σχολή, skholê, “repos, loisir” puis “activité intellectuelle faite à loisir
glissement de sens
en grec hellénistique, “étude, école philosophique
emprunt
latin classique schŏla, lieu où l'on enseigne
emprunt
ancien français escole, lieu où l'on enseigne
français école

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toujours passés par le grec ancien ἔχω, ékhō“tenir, retenir, maintenir...
  • schéma et Hector
 
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grec ancien ἔχω, ékhō“tenir, retenir, maintenir...
ἕκτωρ, héktōrqui tient bon, qui tient ferme” ,
skhêma, “attitude, forme, apparence...”

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passé cette fois par le proto-celtique *sego-“victoire, force”,
  • Segovia (Ségovie)


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racine proto-indo-européenne *seǵʰ-e-, “dominer, posséder...

proto-celtique 
*sego-“victoire, force
celtibère Segouia“La (Très) Forte
espagnol SegoviaSégovie

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toujours par le proto-celtique *sego-“victoire, force”, des composés, noms de lieux ou de personnes, qui nous donneront notamment
  • Segorbe, Seveux, Suin...
et
  • les gallois  hy et hyder, le gaulois Segestica, d'où le grec Σεγεστική Segestikḗ



Aujourd'hui, nous passons à l'étude des dérivés germaniques de cette petite racine...

Nous serons aidés dans cette tâche par Guus Kroonen et son Etymological Dictionary of Proto-Germanic, l'un des précieux volumes du Leiden Indo-European Etymological Dictionary.





Sachez qu'on retrouve en proto-germanique, issu de sa forme neutre de radical en s-,

*seǵʰ-es-, “victoire”,

l'étymon (reconstruit, évidemment) *segiz-“victoire”.


Disons-le tout net, de ce substantif - neutre, lui aussi - *segiz-“victoire”, l'on fait dériver une flopée de dérivés...


Commençons par le gotique 𐍃𐌹𐌲𐌹𐍃, sigis, que l'on traduit simplement par... victoire.

Victoire des Gothiques
(source)


Nous retrouverons ce 𐍃𐌹𐌲𐌹𐍃  dans un composé, qui nous permet de mettre en relief la psyché si particulière de ces vaillants guerriers : 

𐍃𐌹𐌲𐌹𐍃𐌻𐌰𐌿𐌽, sigislaun,
- où 𐌻𐌰𐌿𐌽, laun désigne la récompense -,

qui se traduit donc littéralement par récompense de la victoire, 

et désigne précisément la prise (la prise de guerre, ce qui a été pris à l'ennemi), le butin.





Vous pensez bien qu'un mot qui évoque la victoire devait faire partie du vocabulaire vieux norois !



Ben oui, avec le vieux norois sigr“victoire”, tout simplement.

Ces braves gens parlaient encore de la sigrún, la rune de la victoire, une rune particulière, dotée d'un pouvoir magique et supposée
- vous l'aurez deviné -
assurer la... victoire.

Si vous voulez en savoir un peu plus sur les runes, j'en ai parlé dans plusieurs articles, dont notamment Un Anglais roulant en Jeep Wrangler (et non en Land-Rover) ? Wrong. Simplement wrong., du 28 juin 2015, et 


C'est aussi de sigrún que découle le prénom féminin Sigrún, porté par cette Valkyrie (dont je vous laisse deviner le prénom) au destin tragique, et qui mourra de chagrin après la mort de son aimé, Helgi... On pourrait même parler de Valkypleure...
(Pour tous détails, je vous renvoie à ce recueil de poèmes en vieux norois, ce sommet de la mythologique nordique qu'est l'Edda poétique.)
Sigrún et Helgi
(source)




Rien de très surprenant ni de très particulier pour ce qui suit...

Du vieux norois sigrdérivent (toujours au sens de “victoire”)...
  • l'islandais sigur,
  • les norvégiens Bokmål seier et Nynorsk siger,
  • le vieux suédois sigher, d'où le suédois seger,
  • le danois sejr,
ou encore
  • le féroïen sigur“victoire”, mais parfois dans un sens plus restreint“victoire lors du dépeçage de mammifères marins(oui, ce qui correspond à cet intense moment où le sang chaud bouillonne encore, plein de vie, alors que le couteau vient d'être retiré de l'animal éventré)
(Vous ne pouvez vraiment savourer la phrase précédente que si vous avez lu et dans le bassin du Tarim, on massacre aussi les bébés-phoques ?)



Gotique, vieux norois et dérivés... 

Bon début, certes, mais on n'en a pas fini...


Notre étymon germanique *segiz-“victoire se retrouve encore...
  • dans le vieil anglais sigor (parfois repris sous la forme variante siġer), toujours au sens de victoire, triomphe, succès...,
qui donnera le moyen anglais siȝe, sige,
 
qui lui-même ne donnera strictement rien en anglais, évincé qu'il fut par le cruel victory, emprunté à l'ancien français et anglo-normand victorie, variante de victoire.


HMS Victory
 


et...
  • dans le vieux saxon (mais ouiiii, je sais, ça faisait longtemps !) sigi, dont descendra
le moyen bas allemand sēge (toujours “victoire, triomphe),

et à sa suite le bas allemand Sieg“victoire”. 



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racine proto-indo-européenne *seǵʰ-e-, “dominer, posséder...
neutre de radical en s- *seǵʰ-es-, “victoire
proto-germanique *segiz-“victoire
gotique 𐍃𐌹𐌲𐌹𐍃, sigis“victoire”,
vieux norois sigr, “victoire(et dérivés),
vieil anglais sigor, “victoire, triomphe, succès

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Tiens
-petit détail, mais qui permettra peut-être d'éclaircir certaines choses -,
sachez que “bas”,
comme dans bas allemand,
en philologie germanique, définit une zone géographique, fondée sur l'altitude (!), et pas un état de langue (comme dans bas latin).

“Basdoit s'entendre comme “proche du niveau de la mer; le bas allemand, donc, en l'occurence, est constitué des dialectes germaniques du nord de l'Allemagne et de l'est des Pays-Bas.


bas allemand


Dans la même logique, le haut allemand signe quant à lui les dialectes méridionaux (tout est relatif), parlés dans les montagnes. Notez qu'on y inclut aussi les dialectes du moyen allemand, essentiellement parlés au centre de l'Allemagne et au Luxembourg.

moyen allemand


haut allemand




Nous laisserons là notre tour des dérivés germaniques de notre indo-européenne *seǵʰ-e-, “dominer, posséder...”, pour le poursuivre la semaine prochaine.

Et OUI, je sais qu'il y a plein de ces dérivés qui vous brûlent les lèvres ; patience...


Mais... pour vous faire patienter, je vous offre en friandise un composé vieux saxon créé sur sigi, 

sigidrohtin,

drohtin est littéralement le seigneur


Vous pouvez donc, sans hésitation aucune, traduire sigidrohtin par “seigneur de la victoire”.

Bon, on ne va pas en faire un plat...


Ce qui est amusant, en revanche, c'est que ce terme est repris dans les paraphrases saxonnes de la Bible, comme épithète à... Jésus-Christ.


Et là,
tout comme l'étymologie de sigislaun vous permet encore de percevoir un peu de l'ineffable subtilité des guerriers germaniques,
avec ce sigidrohtin, vous revivez comme si vous y étiez la conversion des tribus germaniques au christianisme, et vous vous dites que c'était une sacrément bonne idée, de la part des missionnaires, de leur vendre le Christ comme le “seigneur de la victoire”.

Ça leur parlait, à ces vaillants guerriers germaniques.

Appelez ça du syncrétisme, ou alors de la psychologie appliquée, du populisme, de la stratégie ou du pragmatisme...

Moi, j'appelle ça un coup tordu. Une veule tromperie.
Jamais je n'achèterais une voiture d'occasion à un de ces missionnaires...

Et je me dis que, peut-être, la Réforme protestante, essentiellement germanique, n'est finalement qu'un tardif retour de balancier après cette invraisemblable arnaque de la curie romaine.




Passez un excellent dimanche, et une très belle semaine.
Portez-vous bien, 



Frédéric, en vacances




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(Mais de toute façon,
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Et pour nous quitter...

Les Canadiens de Tafelmusik, l'un de mes ensembles préférés, 

nous interprètent une version confinée de “Jesus bleibet meine Freude”, très vive, très chaleureuse, comme à leur habitude.


Oui, il m'a semblé que ce retour de manivelle historique avec lequel je terminais l'article appelait irrésistiblement à du Bach.




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