- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 20 janvier 2013

Here comes the son


article précédent: Un gars, une fille



"The only one who could ever reach me
Was the son of a preacher man
The only boy who could ever teach me
Was the son of a preacher man
Yes he was, he was, ooh, he was"


Dusty Springfield, Son of A Preacher Man

Dusty Springfield, toute une époque...



Bonjour à toutes et tous!


La semaine dernière, lors du billet Un gars, une fille, nous avions traité des mots fils et fille, pour peu à peu, dans le cadre de notre grand thème des "mots basiques", compléter l'étymologie des noms des différents membres de la famille.

C'est pas fini, loin de là!

Restons, l'espace d'un dimanche, sur le mot fils, mais cette fois en nous intéressant à d'autres langues indo-européennes que le français…

En anglais, comme vous le savez, "fils" se dit "son".

L'anglais "son" nous vient du moyen anglais sone, lui-même dérivé du vieil anglais (l'anglais médiéval) sunu, basé sur le proto-germanique *sunuz
*sunuz nous arrivant, je ne vous le cacherai pas, d'une ...

racine proto-indo-européenne 

*seuə-1

qui, littéralement, évoquait la notion d'enfanter.


Vieil Anglais

Cette racine *seuə-1, au degré zéro,

[pour ceux qui prennent le train en marche: sans la voyelle autour de laquelle s'articule la racine
le "e" étant, dans les retranscriptions, la voyelle de base de bon nombre de racines]

et suffixée en *nu, avait permis de créer un nom dérivé:

*su(ə)-nu: "fils". 

C'est cette forme composée qui est à l'origine du proto-germanique *sunuz.

Vous ne l'ignorez pas, nous retrouvons la racine proto-germanique *sunuz dans la plupart des langues germaniques modernes, où son descendant "son" désigne toujours le fils, que ce soit ...

  • en scots, cette langue germanique parlée encore dans les Lowlands écossais et en Irlande du nord, 
  • en frison occidental,
  • en bas allemand
  • en allemand, ou encore 
  • en suédois, 
  • et j'en passe…

Les Lowlands

En frison oriental (si si, ça existe), on retrouve sone, suun, en néerlandais zoon, en afrikaans seun, en norvégien sønn, en danois søn ou en islandais sonur

Oui, mais!

Cette racine proto-indo-européenne *seuə-1 / *su(ə)-nu décidément si populaire a essaimé un peu partout…

Et pas que dans les langues germaniques.

C'est ainsi qu'en avestique, le mot qui désigne le fils en est un dérivé: hūnuš.

De même ...

  • en sanskrit: सूनु (sūnú), 
  • en grec ancient: υἱύς υἱός (hyiús, hyiós), 
  • en albanais: çun,
  • en arménien ուստր ("ustr", mais susurré à l'oreille, c'est pourquoi c'est écrit si petit), ou même 
  • en tocharien (le tocharien dit "B": le tocharien occidental): soy, soṃśke.

Ah, ces pauvres Tochariens, qui durent pendant des siècles subir les blagues affligeantes et lamentables de leurs voisins du Pamir, qui se complaisaient à les ridiculiser par de fines allusions du genre "Frappez, on vous ouvrira; mais celui qui toque, a rien". Ou encore le grotesque "Et alors, elle te sert à quoi ta toque? A rien?" ou le navrant - quand ils avaient pris la coiffe d'un de ces pauvres bougres, et faisaient mine de la lui rendre: "Elle est à toi, cette toque, Aryen?"
Ca faisait hurler de rire ces habitants des montagnes, un peu frustres mais dont l'humour, difficilement accessible à nos esprits occidentaux, leur permettait de tuer le temps entre deux raids ou autres mises à sac.
Ne les blâmons pas. Je voudrais bien vous y voir, si on vous obligeait à boire quotidiennement du thé salé au beurre rance de yack.

Thé au beurre rance tibétain, l'un des
obstacles fondamentaux à l'expansion
du bouddhisme

En proto-slave, la forme nominale *su(ə)-nu de notre racine *seuə-1 s'est dérivée en synъ, dont découle le vieux-slave сынъ, synŭ.

Vieux Slave

A qui nous devons le russe сын ("seun"), le biélorusse сын, le macédonien син (sin), ou encore le slovaque syn. Tous ces mots désignant toujours... le fils.




Et là-dessus, je vous souhaite, à toutes et tous, un excellent dimanche, et une très bonne semaine!
A ... dimanche prochain!



Frédéric

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2 commentaires:

Anonyme a dit…

Yep, those were the days ... back where I came from, we used to envy those who got to drink salty tea with racid yak butter. *sigh* And you listen to kids today ...
:)

Frédéric Blondieau a dit…

:-) Shelley, I guess you know the Four Yorkshiremen sketch, by Monty Python http://www.youtube.com/watch?v=Xe1a1wHxTyo