article précédent: Queneau se jouait de la syntaxe, c'était une de ses tactiques...
"C'était une cacophonie de souffles infects, depuis les lourdeurs molles des pâtes cuites, du gruyère et du hollande, jusqu'aux pointes alcalines de l'olivet."
Emile Zola, in Le ventre de Paris, 1873
Les Halles de Paris, cadre de ce troisième roman de Zola |
- “Les lourdeurs molles du hollande”, mais …???
- C’est du Zola, hein!
N’allez surtout pas y voir une quelconque allusion à la politique d’un grand pays d’Europe.
D’ailleurs, pas de politique ici!
Vous pouvez déjà savoir que j’abomine, redoute et vomis tous les populismes et extrémismes, et j’en resterai là.
Et en plus, le gouda, c'est franchement très bon.
Gouda |
Bonjour à toutes et tous!
Il fait absolument splendide, du moins ici…
Et j’ai tout sauf envie de rester à l’intérieur, à travailler, mais voilà…
Je suis toujours en train d’étudier pour mes fameux examens d’architecture “cloud”.
Je profite de l’occasion pour remercier celles et ceux qui m’ont souhaité bonne m.
(Les deux premiers examens se sont bien passés ; attendons la suite!)
Donc, pour continuer dans la veine des “racines bulles de champagne”,
racines dont l’intérêt est à la fois de ME permettre de ne pas y passer trop de temps, et de VOUS offrir des mots dérivés dont vous ne pourriez soupçonner la parenté étymologique…Je vous propose, en ce dimanche, une racine disons euh très ... ... ... spéciale…
Nous avions commencé cette série avec la racine proto-indo-européenne *temə-2 (Siegfried était-il téméraire?), puis, la semaine dernière, nous avions traité de *tāg- (Queneau se jouait de la syntaxe, c'était une de ses tactiques…).
Très spéciale cette racine d'aujourd'hui? Oui...
Elle est, pour tout vous dire, à la mesure de ce que je pense des extrémismes et autres populismes…
Mais sur un plan nettement plus sympathique, correspond aussi à ce que me souhaitaient certains lecteurs pour ces examens…
Bon allons-y, j’en ai déjà trop dit.
Cette racine, la voici la voilà:
*kakka-
Oui. Pas de faux-semblant ; c'est clair et net.
*kakka- est à prendre (si je puis dire) au sens propre (si je puis toujours dire).
La racine proto-indo-européenne *kakka- (ou *kaka-) signifiait, oui, déféquer.
Il s’agirait en fait d’une racine imitative!
Car imiterait ce keummmh sourd lié à la fermeture de la glotte, l’occlusion glottique caractéristique de la personne en plein acte défécatoire.
Notre français familier caca, remarquable descendant de *kakka-, nous en arrive par le latin caco, cacare, déféquer, lui-même provenant du grec ancien κακά, kaká, que l’on pourrait traduire par « les mauvaises choses » ; κακά étant le neutre pluriel de l’adjectif κακός, kakos: « mauvais, mal ».
D’où nous pourrions conclure que déjà pour les Grecs, la défécation - ou à tout le moins son produit - était teintée d’une connotation péjorative.
Une racine proto-indo-européenne *kakka-!?
Vous pensez bien que les vieux Norois n'allaient pas laisser passer ça...
Et donc, en vieux norois, *kūka signifiait déféquer.
C’est à partir d’une source apparentée à ce *kūka que le moyen anglais a créé cukken: déféquer.
La cucking stool, littéralement la chaise à déféquer était une chaise d’infamie sur laquelle on obligeait à s’asseoir la personne (souvent une femme) accusée de ce que nous appellerions maintenant trouble à l’ordre public.
La Cucking Stool de Sandwich |
Quant au français chier, il vient également du latin cacare.
Oui, je sais... Difficile d'illustrer cette racine du jour, vous en conviendrez |
Pour respecter l’usage établi il y a deux dimanches, pour chacun de ces courts articles du thème “racines bulles de champagne”, je me dois de vous donner au moins deux dérivés de la même racine que vous n’imagineriez nullement être liés.
Eh bien, voilà qui sera bien vite fait!
Car le grec κακός, kakos: « mauvais, mal » nous a donné ces mots en caco-, comme cacophonie, ou cacochyme.
La cacophonie, du grec kakophonia, où l'on retrouve kakos ("mauvais") suivi de phoni ("voix", "son") est une dissonance phonique dans une musique, un texte ou un groupe de mots...
Cacochyme?
Du grec ancien κακόχυμος, kakokhumos (« qui contient ou produit un mauvais suc », entendez, dans un sens médical ancien « qui a de mauvaises humeurs »).
Le mot en est venu à désigner celui qui est « en état d’extrême faiblesse due à la vieillesse ».
Alors, comme l'occlusion glottique est assez répandue, nous retrouvons notre racine proto-indo-européenne *kakka- dans une
Bon, il y a déjà le grec kakke "excrément humain", mais aussi l'irlandais caccaim, le serbo-croate kakati, l'allemand Kacke ou kacken, l'italien cagare, le suédois kacka, l'espagnol cagar ... ... ...
On retrouve même encore la racine dans le vieil anglais cac-hus "latrine".
En russe? какать ("kakatje")!
En tchèque: kakat!
En arménien? (Et eux - les Arméniens, c'est clair, ils en ont ch.é): քաք, "kak".
Eh oui!
L'eussiez-vous cru, que caca et cacophonie fussent si proches l'un de l'autre?
(Toute référence à l'Eurovision serait parfaitement fortuite)mer...
(Même si souvent ce concours s'apparente à mes oreilles tant à l'un qu'à l'autre)
(D'autant plus que, cette année, il y a quelque chose de beau, un vrai message de tolérance qui en est sorti!)
(Mais 'faut dire aussi que c'est un peu le principe de l'orchidée, fleur sublime qui pousse dans la mer...)
mer...
Mer...ci qui??
Mais le proto-indo-européen, pardi!
Et là-dessus, je vous souhaite un très très bon dimanche, et une excellente semaine!
Et je retourne à mon étude...
A dimanche prochain!
Frédéric
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