article précédent : que d'eau !
Lors du dernier dimanche indo-européen, j'avais parlé d'eau.
Peut-être un peu trop ?
Alors, cette fois, pour corriger le tir et remettre l'église au milieu du village, abordons le sujet inverse:
le sec, la sécheresse !
La racine proto-indo-européenne pour "sécher, assécher" était ...
*ters-.
On lui doit, par le vieil anglais þurst, l'anglais dry: sec, sécher, assécher, mais aussi thirst: la soif.
En allemand, on retrouve les équivalents dörsten: sécher, assécher, et Durst : la soif.
Ma foi, rien de très particulier: un "t" qui devient un "d", un "th" dans les langues germaniques.
Où cela devient plus curieux, c'est que le latin terra (la terre, et par extension notre planète Terre) en est également issu.
Il existait pourtant une racine proto-indo-européenne pour "terre", ou plus précisément pour le sol, évoquant quelque chose de plat, une surface: *tel-.
Le français tellurique en est un parfait descendant. Ce qui, entre nous, pourrait laisser supposer que pour nos glorieux ancêtres, la Terre était bien plate...
De *tel- provient également l'anglais deal, qui dans une de ses acceptions signifie "planche de bois".
Mais alors, pourquoi le proto-indo-européen *ters- en est-il venu à signifier la terre dans certaines des langues qui en émanent ?
Tout simplement car, déjà à l'époque des tribus indo-européennes, la racine *ters- était couramment accolée à *tel- ("*ters- tel-") pour signifier la terre (le sol sec) par opposition aux étendues d'eau.
Une forme nominale *ters-ā" s'est construite sur l'épithète (ce qui devait donner quelque chose comme "la sèche"), est c'est elle qui a fini par donner le latin terra.
Terra à qui l'on doit terrestre, terrasse, terrain, mais aussi terrier, territoire, parterre...
Mais nous devons également à notre racine *ters-, en passant par le latin torrēre (sécher, brûler, dessécher) ... le toast !
Ou encore torréfaction, bien sûr, mais aussi torride (oh oui !), et surtout... torrent !
Car torrent, avant de véhiculer l'idée de "torrentiel", de "cours d'eau impétueux", signifie exactement l'inverse: un courant d'eau très souvent... à sec... Surprenant, non ?
- Tiens, mais "toast", d'accord, c'est une tranche de pain grillée...
Mais pourquoi alors porte-t-on un toast en l'honneur de quelqu'un ?
On ne brandit pas vraiment son bout de pain, mais plutôt du liquide !!
- Oui, c'est exact, merci de me poser la question.
Eh bien il semblerait que ce soit la trace d'une lointaine coutume romaine, qui voulait que l'on trempât une tranche de pain grillé dans son verre de vin pour en éliminer les arômes indésirables, la croûte grillée réduisant l'acidité du liquide, le rendant ainsi plus buvable (surtout s'il n'était pas de très bonne qualité)...
Et toc.
Et puis, notre racine *ters-, par le grec tarsos cette fois, qui désignait une claie en osier (sur laquelle on procédait au séchage du fromage), et par extension: une surface plate, nous lui devons aussi le tarse !
A l'origine désignant la surface plane de la plante des pieds, le mot désigne à présent la partie postérieure du pied...
Frédéric
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