Parce que, parfois, tout simplement, la "racine proto-indo-européenne du jour" n'a pas donné beaucoup de descendants…
Dans ce cas, me direz-vous: "mais pourquoi traiter ce genre de racines?"
Traitement des racines. Oui, je sais. |
C'est effectivement une bonne question, mais attendez de voir la racine à laquelle je pense: je suis toujours ébahi de tomber sur une racine qui n'a pratiquement pas évolué, qui est passée en français (presque) telle qu'elle était il y a plusieurs millénaires…
Et bien entendu, la racine de ce dimanche est dans ce cas.
Et rien que ça me donne envie de vous la présenter…
Mais en fait, pour ce qui est de la racine de ce dimanche, je dois bien avouer que nous n'en connaissons (encore?) aucun dérivé sous sa forme simple.
Ce n'est que sous une forme composée, où elle se combine avec le suffixe *-no- qu'elle a survécu jusqu'à nos jours…
Je vous propose donc, avant de passer à notre racine,
de vous présenter le suffixe proto-indo-européen
*-no-!
Le suffixe *-no- (que l'on pouvait également trouver sous la forme *-eno- ou même *-ono-), permettait de former des adjectifs ou des participes.
C'est ainsi que *-no- est devenu, en anglais, le -en que l'on peut par exemple trouver à la fin du verbe to take (prendre) pour former le participe "taken": pris.
Affiche du film Taken, avec Liam Neeson |
Take provenant, via le germanique *takan puis le vieux norrois taka, de la racine proto-indo-européenne *tak-2: prendre.
Vieux norrois. Ca faisait longtemps que je voulais la faire, celle-là. |
Bon, alors voilà, assez attendu: la racine de ce dimanche, c'est:
*agʷh-.
Si vous la complétez du suffixe *-no-, elle devient…:
*agʷh-no-
Alors dites-moi! Cela vous dit-il quelque chose?
Oui?
Non?
Si vous ne trouvez pas, liez la racine et son suffixe, pour rapprocher le "g" du "n", et ainsi obtenir ... "agno".
Ca y est? Ben oui! Agneau!
Agneau |
La racine proto-indo-européenne *agʷh-no- a donné le latin agnus, qui nous a légué à son tour "agneau".
En anglais, la racine a donné to yean: "mettre bas", s'appliquant à des chèvres ou des brebis.
"yean" se base, via le vieil anglais (ou anglais médiéval) ēanian: "mettre bas", sur le verbe dénominatif germanique *aunōn, lui-même dérivé de la forme nominale *aunaz: agneau.
(Un verbe dénominatif dérive un nom en action. Nous disons encore d'une brebis qui met bas qu'elle agnèle...)
La racine proto-indo-européenne *agʷh-no- est également à l'origine du grec ancien ἀμνός - amnόs, ou encore du vieux slavon d'église агнѧ ("agnę"), avec toujours le sens de "agneau".
Notez cependant que le prénom Agnès n'a rien à voir avec la racine *agʷh-no-, car lui provient du grec ancien ἀγνόs, agnόs ("chaste, pur").
Ce qui, soit dit en passant, décrit assez imparfaitement certaines des Agnès que j'ai connues. Mais bref.
Sainte-Agnès |
En revanche, c'est parce que son nom ressemble au mot latin agnus, et que de surcroit il signifie "pure", que Sainte Agnès de Rome est devenue la "martyre par excellence", à l'image, dans l'iconographie chrétienne, de l'agnus-dei: le Christ.
Et l'agneau fait ainsi naturellement partie de ses attributs.
Le sublime retable de l'Agneau Mystique, de Van Eyck. |
Bon dimanche, bonne semaine à toutes et tous!
Frédéric
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