article précédent: ne confondons pas guerre intestine et gastro-entérite
Centurion:
What's this, then? 'Romanes Eunt Domus'? 'People called Romanes they go the house'?
Brian:
It-- it says, 'Romans, go home'.
Centurion:
No, it doesn't. What's Latin for 'Roman'? Come on!
Brian:
Aah!
Centurion:
Come on!
Brian:
'R-- Romanus'?
Centurion:
Goes like...?
Brian:
'Annus'?
Centurion:
Vocative plural of 'annus' is...?
Brian:
Eh. 'Anni'?
Centurion:
'Romani'. 'Eunt'? What is 'eunt'?
Brian:
'Go'. Let--
Centurion:
Conjugate the verb 'to go'.
Brian:
Uh. 'Ire'. Uh, 'eo'. 'Is'. 'It'. 'Imus'. 'Itis'. 'Eunt'.
Centurion:
So 'eunt' is...?
Brian:
Ah, huh, third person plural, uh, present indicative. Uh, 'they go'.
Centurion:
But 'Romans, go home' is an order, so you must use the...?
Brian:
The... imperative!
Centurion:
Which is...?
Brian:
Umm! Oh. Oh. Um, 'i'. 'I'!
Centurion:
How many Romans?
Brian:
Ah! 'I'-- Plural. Plural. 'Ite'. 'Ite'.
Centurion:
'Ite'.
Brian:
Ah. Eh.
Ah. Eh.
Centurion:
'Domus'?
Brian:
Eh.
Centurion:
Nominative?
Brian:
Oh.
Centurion:
'Go home'? This is motion towards. Isn't it, boy?
Brian:
Ah. Ah, dative, sir! Ahh! No, not dative! Not the dative, sir! No! Ah! Oh, the... accusative! Accusative! Ah! 'Domum', sir! 'Ad domum'! Ah! Oooh! Ah!
Centurion:
Except that 'domus' takes the...?
Brian:
The locative, sir!
Centurion:
Which is...?!
Brian:
'Domum'.
Centurion:
'Domum'.
Brian:
Aaah! Ah.
Centurion:
'Um'. Understand?
Brian:
Yes, sir.
Centurion:
Now, write it out a hundred times.
Brian:
Yes, sir. Thank you, sir. Hail Caesar, sir.
Centurion:
Hail Caesar. If it's not done by sunrise, I'll cut your balls off.
Brian:
Oh, thank you, sir. Thank you, sir. Hail Caesar and everything, sir!
Une superbe leçon de latin par le centurion (John Cleese)
au révolutionnaire Brian (feu Graham Chapman),
dans Life of Brian,
indispensable, salutaire film des Monty Python
réalisé par Terry Jones en...
1979.
Eh oui, déjà… - et pourtant toujours affreusement d'actualité...
et sur iPad: https://www.youtube.com/watch?v=IIAdHEwiAy8
Bonjour à toutes et tous!
Il n’y a pas si longtemps, dans [voyons, quel était encore cet article??? - AH OUI!] La bibliothécaire se livrait à la prostitution dans une bodega... - Une bodega??, alors que je mentionnais la Douma, la Chambre basse du Parlement de Russie, j’avais précisé que le mot n’avait RIEN à voir avec le domus latin, la maison.
Je m’étais dit qu’il serait d’ailleurs bon d’en parler, de ce domus latin.
Ben voilà, en ce dimanche, ce s'ra fait.
Le latin domus pouvait en fait désigner plusieurs choses, dont notamment une construction, ou la maison, le logis, là où on habite, ou encore une école philosophique (on - Horace en tout cas - parlait ainsi de domus Socratica: l’école de Socrate).
Et domus (en réalité dŏmŭs), à votre avis, qu’est-ce que je vais en dire???
Bon, d’accord, il vient du grec: δῶμα, dỗma: construction, maison, chambre principale, ou même temple (oui: la demeure d’un dieu), synonyme de - et apparenté étymologiquement à - δόμος, domos.
Mais ce δόμος, domos grec, hein, i’ vient d’où, mmmh??
Aussi surprenant que cela puisse paraître, d’une racine proto-indo-européenne!
*dem-
(oui, je sais, j'aime surprendre)
Oh, *dem- c’était, sémantiquement, la maison, la maisonnée…
C’est précisément une forme de notre racine au timbre o (où la voyelle-pivot se meut en o), et suffixée en *-o-: *dom-o- (ou même *dom-u-), qui désignait la maison, qui se cache derrière domus.
La domus romaine devait ressembler à ça. Confortable, non? Il fallait juste éviter de se prendre la tête ou les pieds dans les pancartes chiffrées (mais on s'habitue à tout). |
Du latin domus nous avons tiré quelques mots que vous connaissez bien, et qui sont toujours liés à la notion large de maison…
Dôme!
Oui, souvent nous utilisons cette métonymie où le toit représente la maison (“avoir un toit” pour “avoir une maison”).
En bas latin, doma, d’où nous vient le français dôme, c’était tout simplement le toit de la maison, du moins, apparement quand il était en terrasse.
Nous retrouvons bien sûr domus dans domicile, le lieu où quelqu’un habite en permanence, ou de façon habituelle.
L’adjectif latin domesticus désignait lui ceux qui étaient familiers de la maison: les membres de la proche famille, les deux générations vivant sous le même - métonymique - toit, ou, bien entendu, les domestiques.
Difficile d’imaginer vivre avec un minimum de standing dans une villa romaine sans domesticité…
(Oui, domus c’était la maison des Romains aisés, les autres vivaient ou survivaient dans des insulae, les immeubles à appartements, séparées des autres bâtiments par des rues, comme des îles le sont par l'eau, ce qui explique le terme insula, désignant avant tout l'île.)
Celui qui, parmi les domestiques, gérait la maison en l’absence ou au nom du maître de maison, c’était le maior domus, littéralement le chef de la maison, ou du domaine.
Vous l’avez deviné, maior domus est devenu notre majordome, emprunté à l’italien maggiordomo.
Un butler britannique, ou la quintessence du majordome |
Oui, dans les dérivés de domus, n'oublions pas non plus le très récent domotique.
Bon.
Ca, c’est ce que nous devons au latin domus, dérivé de *dom-o- / *dom-u-.
Maintenant, *dem-, par sa forme *dom-o- / *dom-u- ne se retrouve pas que dans le latin domus ou le grec δόμος, domos, loin de là…
C’est elle, toujours, présente dans le proto-slave *domъ, qui donnera notamment le tchèque dům, le polonais dom, ou le russe дом (“dom”): maison.
Encore et toujours *dom- à l’origine de l’albanais dhomë (“chambre, pièce”), ou du sanskrit दम (dáma).
Mais une forme suffixée de *dem-, toujours au timbre o: *dom-o-no-, s’est quant à elle dérivée dans le latin dominus (domina au féminin), désignant le résident, le propriétaire de ladite maison.
Par définition, le maître de maison.
Evidemment, dominus qui évoque la propriété, la puissance, est à l’origine des français domaine, dominer, prédominer, dominateur, ou dominical.
Dominical qualifie à présent ce qui est relatif au dimanche, mais uniquement parce que le dimanche est considéré comme le jour du maître en chef, le seigneur…
Oui, nous avons encore l’anglais dominion, qui provient, ne l'oublions pas, de l’ancien français dominion: la souveraineté, ou par extension un territoire ou un pays sous une souveraineté.
Un dominion est un État indépendant, membre de l'Empire britannique, mais pas totalement souverain, sa diplomatie étant sous la souveraineté de la couronne britannique.
Le saviez-vous, à l’heure actuelle, seul le Canada est encore un dominion.
Domino!
Le mot « domino » proviendrait de la similitude entre les pièces du jeu (recto blanc, verso noir) et l'habit des dominicains (lequel est blanc, mais peut être recouvert d'une cape noire servant de manteau).
Pour ce qui est des dominicains, il s’agit, je ne vous l’apprends pas, de religieux ou religieuses de l’ordre des Frères prêcheurs fondé par saint Dominique au XIIIème siècle.
Et le prénom Dominique nous vient bien de l’adjectif latin dominicus: relatif au maître, au seigneur: magistral, seigneurial.
CQFD
"Dominique nique, nique, à toute heure et en tout lieu" (dixit Soeur Sourire) |
Don (non, pas celui du don de soi, plutôt celui de don Corleone):
Le don (notamment) espagnol nous arrive également du latin, avec toujours ce sens de maître de la maison, du domaine.
L'invité de pierre, dans Don Giovanni |
Don Diego de la Vega, dans Zorro |
En italien, la dame de la maison, c’était la donna, équivalent féminin du don pour les hommes.
Originellement, le terme Prima donna, la première dame, qualifiait, à l’opéra ou dans la Commedia dell'arte, la chanteuse principale, souvent une soprano.
S'il n'y en avait qu'une... |
Quant à la belladone (Atropa belladonna), on la nommerait ainsi, la belle dame, parce qu’à Renaissance, les élégantes italiennes instillaient dans leurs yeux du jus de cette plante pour dilater leurs pupilles sous action de l'atropine et donner ainsi plus d'attirance à leur regard.
belladone |
De l’italien donna provient inévitablement madonne, ou madonna.
Mais du latin domina, « maîtresse de maison », nous avons aussi gardé… dame, ou madame.
Mademoiselle, demoiselle? Oui!
Demoiselle, XVIIIème siècle, est une variante de damoiselle, issu du latin populaire *domnicella, lui-même diminutif de notre domina.
Bon, me direz-vous, jusqu’ici, rien de bien transcendant…
Certes, mais savez-vous également que du latin dominus (et donc, par la force des choses, de *dom-o-no-) nous vient…
danger?
Oui!!
En ancien français, on l’utilisait dans l’expression estre en dangier d’aucun - que l’on traduirait par « être à la merci de quelqu’un » - qui originellement signifiait « être sous la domination de quelqu’un ».
Il existait en ancien français le mot dongier (avec un o): autorité, puissance, domination, provenant en droite ligne du bas latin *domniārium de même sens, calqué sur le latin dominus.
Le mot évolua en dangier (avec un a), probablement par association avec le dammum latin: dommage, préjudice, détriment, qui donnera le fameux dam de “à mon grand dam”.
L’anglais a repris le mot danger au français.
Dans un sens désormais obsolète, il signifiait la domination exercée par quelqu’un, son pouvoir de blesser, de nuire, de pénaliser autrui.
C’est ainsi que dans le quatrième acte du (controversé) Marchand de Venise, lors de la première scène - la scène du tribunal - Shakespeare fait dire à Portia s’adressant à Antonio:
"You stand within his danger, do you not?"
que j’ai trouvé traduit par:
“Vous courez risque d’être sa victime, n’est-il pas vrai?”
la scène du tribunal |
Un autre dérivé surprenant de notre *dem- proto-indo-européenne?
Donjon!
Le mot nous vient du vieux français donjon, qui désignait la grande tour d’un chateau (nous sommes quand même au XIIème siècle), du gallo-romain *dominionem, basé sur le latin tardif dominium, provenant, vous l’aurez compris, du latin dominus “maître, seigneur" (du château, évidemment).
Le plus haut donjon d'Europe, celui du château de Vincennes |
Despote!!
Je ne parle plus ici de ma prof de math d’un dimanche sans rime ni raison?, je veux simplement dire que despote nous vient de *dem-!
Et ce via le composé proto-indo-européen *dems-pot-, où *pot- (*poti-) évoque le pouvoir, le maître.
Le grec ancien l’a repris sous la forme δεμς-πότης, dhems-potês, qui a évolué ultérieurement en δεσπότης, dhespotês,
A l’origine donc, δεσπότης, dhespotês ne désignait que le maître de maison.
C’est rigoureusement ce même composé *dems-pot- que nous retrouvons en sanskrit, où दम्पति, dampati signifiait également et littéralement maître de maison.
Enfin, une forme racine *dem- signifiait construire.
Difficile de savoir s’il s’agissait de la même racine *dem- que celle dont nous venons de parler, ou pas (“pour Pokorny c'est oui, pour Watkins c'est p'têt bien mais pas sûr”, si vous voyez ce que je veux dire), donc je suis prudent.
Mais en tout cas, cette étrange et pénétrante racine *dem-, qui n’est jamais tout à fait la même ni tout à fait une autre (*), a donné, par le proto-germanique *timram, l’anglais timber: le bois de construction, le bois de charpente.
timber |
C’est aussi sur cette base germanique que le vieux haut-allemand a créé zimbar, qui a donné l’allemand Zimmer - la chambre, ou que le vieux norois (Aaaah...) a construit timbr.
Zimmermann, c’est toujours l’allemand pour charpentier, menuisier…
Robert Zimmermann, dit Bob Dylan (source) |
Allez, pour terminer, quelques autres expressions de *dem- dans diverses langues indo-européennes:
En kurde: bindav (“cave, sous-sol”), dérivé de bin “sol, fondation” + dav (< *dem-).
Maison, c’est encore…
- en arménien: տուն, tun,
- en avestique: dam,
- en lituanien: nãmas (comme dans le dicton lituanien pįėrkiroūl nãmas pąmouž)
Ce dimanche, pour moi, salon de la miniature à Appeldoorn, Pays-Bas…
Où il est aussi question - comme quoi tout se tient - de maisons.
Mais ici, il s’agit de maisons ... de poupées: poppenhuizen…
le stand de ma compagne... |
Je vous souhaite à toutes et tous un excellent dimanche!
Passez une bonne semaine ; je vous donne rendez-vous, voyons …
Dimanche prochain?
D'ici-là, portez-vous bien!
Frédéric
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