article précédent : “L'idée de Dieu est, je l'avoue, le seul tort que je ne puisse pardonner à l'homme.” - Sade
“Plus øn pense de façøn objective, møins øn existe.”
“Il n'est pas du tøut difficile de séduire une jeune fille, mais d'en trøuver une qui vaille la peine d'être séduite.”
“Il y a deux façøns de se trømper : L'une est de crøire ce qui n'est pas, L'autre de refuser de crøire ce qui est.”
Søren Kierkegaard,
artiste, écrivain, philøsøphe, scientifique, théøløgien (...) danøis
Søren Kierkegaard, 1813 - 1855 |
Bonjour à tous !
Tout avait commencé par la découverte de cette série historique: The Last Kingdom, racontant la glorieuse époque de Ælfræd the Great.
“Destiny is all, destiny is everything” |
Car, rappelez-vous, je m'étais interrogé sur l'étymologie de l'anglais Mercia (Mercie), le nom de cet ancien royaume, aux frontières du Pays de Galles.
Pour l'article en question, on clique ici : certaines marques de chaussures sont plutôt faites pour se faire remarquer que pour marcher
Moi, bonne âme, et pas fier pour un sou, je décidais de vous faire part du fruit de mes recherches...
Nous avions alors vu que Mercia provenait d'une lointaine racine indo-européenne, *merg-, “frontière, limite”, à l'origine des germaniques *markō- (de même sens) et *marka-, “signe”.
D'où nos ... marc (comme celui de champagne), marche, marcher, marque, marquer, et même marqueterie.
La semaine dernière, nous continuions l'étude de *merg-, et nous pâmions devant ces autres dérivés que sont ...
- les français démarcation, marche (la région frontalière), marquis, ou encore
- l'allemand Mark et l'anglais march (toujours dans le sens de “marche-frontière”).
Et devions admettre que Murcia (la région espagnole de Murcie) n'avait strictement aucun rapport avec *merg-. Mais alors aucun.
Tout ça, c'était ici : “L'idée de Dieu est, je l'avoue, le seul tort que je ne puisse pardonner à l'homme.” - Sade
Aujourd'hui, en ce beau dimanche de mai, comme promis, nous continuons notre petite étude des dérivés de notre si mimi racine *merg.
Mais voyez comme les choses sont bien faites...
- pour moi, le hasard n'existe tout simplement pas -,... dimanche dernier, je passais une excellente après-midi avec d’anciens collègues (nous avons travaillé ensemble pendant plusieurs années il y a maintenant plus de 25 ans, figurez-vous, mais nous nous revoyons encore au moins une fois par an).
Mon ami Jacques, qui nous invitait chez lui, habite à … Marcq.
Marcq (source) |
Marcq était une petite commune de Belgique, avant d’être intégrée à Enghien lors de la fusion des communes, en 1977.
“Marcq”!
Après vérification, je peux vous l'affirmer: OUI, le mot vient bien du germanique *markō, par le francique *marka, “limite, frontière”.
En fait, le village tire son nom de la rivière Marcq, qui délimitait.
Quoi, honnêtement, je n’en sais rien. Mais elle délimitait.
(Peut-être, et à tout hasard, du côté de l'an mil, la frontière entre la Flandre et la Lotharingie inférieure ?)
La Lotharingie vers l'an mil (source) |
Cela m'a incité à creuser la piste des toponymes belges...
sur la piste des toponymes belges... |
Et le résultat, le voilà :
On retrouve encore *markō dans bien d’autres toponymes de Belgique, citons par exemple…
- la rivière Marka à Éghezée,
- la commune de Marche-en-Famenne (à la frontière entre la Principauté de Liège et le Comté/Duché de Luxembourg,
- les communes de Marche-les-Dames et Marchovelette, délimitant la frontière entre Liège et le Comté de Namur,
- la commune de Marche-lez-Ecaussines, à la limite entre le comté de Hainaut et le Duché de Brabant...
Il y a encore la commune de Marchoucrève, au nom vraiment limite.
Il y en a plein.
On parle encore de Marcelle comme diminutif de *marka ; on retrouve un Bois Marcelle près de Charleroi, et à Namur, les rues Haute-Marcelle et Basse-Marcelle délimitaient la ville vers le nord, en longeant pratiquement l'enceinte de la ville (la troisième, d'enceinte, pour être précis).
Google Maps nous révélant le trajet des deux rues, l'une dans le prolongement de l'autre |
en III: la ville selon sa troisième enceinte, qui correspond (à la grosse louche) à la moitié inférieure du plan du milieu : les deux rues Marcelle suivaient le rempart nord |
Je soupçonne la terminaison -mark de certains noms de villages flamands, comme Langemark, ou Kortemark…, de provenir aussi du francique *marka,
Et on peut encore s’amuser à citer Merkem, Maarke, Marke, Merksem, Merksplas…
Et en France ?
Pareil !
Marcq-en-Barœul semble bien tirer son nom de *marka.
Et la commune des Marches...
(merci Wikipedia!)...fut fondée et fortifiée en 1300 par le Comte Amédée V (le Grand, excusez du peu) pour défendre la frontière sud du Comté de Savoie face au Dauphiné voisin.
Château des Marches |
Et puis, il y a évidemment la Marche, le comté de la Marche, région qui correspond aujourd’hui à la partie nord du Limousin (elle a principalement donné naissance au département de la Creuse et à une partie du département de la Haute-Vienne).
Le comté de la Marche faisait lui transition entre les possessions des comtes du Poitou, des ducs d'Aquitaine, et celles du roi de France.
On suppose que le comté de la Marche fut créé entre 955 et 958.
Il fut en tout cas placé sous l'autorité de Boson Ier dit le Vieux.
Mais à mon avis - et ce n’est que mon avis -, Boson n’avait accepté la charge que pour la particule.
- Uh ? Désolé, mais là je capte pas...
- Mais oui, oh, je fais allusion au boson de Higgs, la fameuse particule dite de dieu.
Tu cernes, maintenant ? (oui, je sais, c'est irrésistiblement hilarant)
Boson de Higgs (source : https://home.cern/topics/higgs-boson) |
Et ici, le blouson de Ickx |
Je vous parlais de ces noms de villages flamands en -mark…
Eh bien, sachez qu'en ...
- YESSSS!! -vieux norois, …
... le mot mǫrk signifiait tant région frontalière que forêt.
Vraisemblablement, tout simplement parce que les forêts faisaient frontière.
Et les descendants scandinaves de mǫrk ont continué à évoluer.
Ainsi, à l’heure actuelle, mark en norvégien désigne le sol, le territoire, alors qu’en danois, il désignera plutôt le champ, la prairie…
Danemark - en vieux norois Danmǫrk -, signifie à l’origine “la marche des Danois”.
Et Télémark, le nom de ce comté (fylke) norvégien situé au sud du pays, en norvégien Telemark, et en vieux norois Þelamǫrk, désigne la marche / la zone boisée des Þela.
Telemark fylke |
Þela étant le génitif pluriel de þelir, le nom d'une ancienne tribu germanique.
Les Héros de Télémark (The Heroes of Telemark), film d'Anthony Mann, 1965 |
Restons encore un instant en germanique…
On a beaucoup parlé du proto-germanique *markō, “frontière, limite”.
Mais n’oublions pas non plus son comparse *marka-, “signe”.
Que l’on retrouve dans l’allemand… Mark ! La monnaie. Celle d’avant l’Euro.
Oui, car le mot germanique, dans cette acception, signifiait à l’origine “marque officielle que l’on apposait sur une pièce de métal”.
De là, il en est venu à désigner un poids d’argent, et puis, enfin, la monnaie.
On retrouve des équivalents au Mark allemand dans d’autres langues germaniques:
- en vieil anglais, il désignait une dénomination de poids (communément la moitié d’une livre),
- en suédois, mark désigne une pièce de monnaie frappée,
- en islandais, mörk désigne un poids (communément une livre) d’argent ou d’or…
Et par le francique, ben, nous en avons tiré notre français marc, ancien terme de métrologie, qui signifiait “quantité d’or, d’argent pesant huit onces”.
Marc :
Ancien poids de huit onces de Paris (244,5 g) servant à peser les métaux précieux.
© Le Grand Robert de la langue française
Et je crois qu’avec ça, on aura fait un bon tour des dérivés germaniques de notre *merg-.
NON, encore un mot!!!
Oui, marcassin ! Le nom du petit du sanglier. Mô qu'il est mimi tout plein.
Le mot, entré dans notre vocabulaire sous la forme marquesin (fin du XVème), est vraisemblablement dérivé de marque, par allusion aux raies qui strient le corps de l'animal.
Quant à cette curieuse terminaison en -in, on suppose qu'elle s'est bêtement calquée sur le modèle de bécassin (nom vulgaire d’une espèce de bécassine), créé sur bécasse + -in.
(Déjà que “espèce de bécassine”, c'est pas trop classe... Je vous laisse imaginer le niveau de vulgarité du bécassin)Bécassin signifiait proprement (même si vulgairement) “bécasse à bec long” ; cette terminaison en -in aurait donc évoqué l'idée de longueur, d'allongement.
En suivant la même logique, en créant ce marques-in originel, on en faisait le nom d'un animal aux marques allongées.
Oh mais j'y pense, j'avais encore un exemple concret de marche (dans le sens de région-frontière) à vous donner.
Encore un peu, et j'allais l'oublier !
Il y avait encore, sous la juridiction du Saint-Empire romain germanique, l'ancien comté de La Marck (Grafschaft Mark), incorporé au début du XVème dans le Cercle du Bas-Rhin-Westphalie.
(et pour répondre à votre question, personnellement, non, je ne pense pas qu'il faille voir dans ce cercle du Bas-Rhin la moindre connotation sexuelle liée à un acte contre nature)Possession des Hohenzollern à partir de 1614, il devient au siècle suivant un territoire prussien dans l'Ouest de l'Allemagne.
(superbe) carte du Comté de La Marck, 1681, par le cartographe Nicolas Sanson |
Un des seigneurs de la maison de La Marck, lignée dont un des fiefs sera donc le Comté de La Marck, fut le tristement célèbre Guillaume.
Oui, Guillaume de La Marck, dit aussi le Sanglier des Ardennes, seigneur de la Principauté de Liège, dont on ignore la date de naissance (circa 1446?), mais dont on sait qu'il a été exécuté en juin 1485 à Maastricht. Et qu'il l'avait bien cherché.
Guillaume de La Marck |
Marcassin, sanglier : vous voyez, le hasard n'existe pas.
Et maintenant, vous comprenez aussi le lamentable titre de cet article, dont j'avoue, à la relecture, ne pas être particulièrement fier.
Bon, c'est pas tout ça.
Pour qu’une racine puisse être considérée comme indo-européenne...
- vous vous en doutez bien -,... elle doit avoir donné des dérivés dans plus d'un groupe linguistique.
En l'occurrence, vous pourriez aisément, à la vue de ces trois articles sur notre charmante *merg-, la considérer comme seulement germanique.
Détrompez-vous !
Dimanche prochain, nous en découvrirons la progéniture dans les langues celtiques, les langues romanes, en persan, en sanskrit, et - soyons fou - en avestique.
Frédéric
Sir Roger George Moore, KBE, 14 octobre 1927 – 23 mai 2017 |
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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom:
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…).
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…).
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Et pour nous quitter,
un remarquable exemple de chant polyphonique, à quatre voix :
La sublime Messe de Nostre Dame.
D'un Guillaume à l'âme nettement plus élevée
que celle du Sanglier des Ardennes (du moins je le suppose) :
Guillaume de Machaut, c. 1300-1377
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