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dimanche 16 septembre 2012

corsé, le corset du leipreachán!


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"(…) Cette drogue en moins d'un moment lui donnerait d'Eraste et l'air et le visage,
Et le maintien et le corsage (…)"
Jean de La Fontaine, in "La Coupe Enchantée, nouvelle tirée de l'Arioste"

(Alors NON, Eraste n'était pas un héro antique...)

La semaine dernière (voir exister, se redresser, transmettre), vous aviez eu droit à un petit prologue annonçant la trilogie Corps - âme - esprit.

En ce dimanche, commençons donc par … le corps.

le corps humain

La racine proto-indo-européenne
*kʷrep-
véhiculait l'idée de "corps", de "forme", d'"apparence".

Il semblerait même qu'elle eût signifié, sous une forme verbale, "apparaître".

Mais c'est sous une forme suffixée en -es, et au degré zéro (sans voyelle dans le radical): *kʷr̥p-es-, que la racine est arrivée en français, par le latin corpus: corps, substance.

C'est de corpus que nous viennent corps, corporel, ou … corpus évidemment!

Mais aussi - on n'y pense pas nécessairement - corporation, corpulent, ou encore corpuscule.

Corsage en est aussi dérivé:
"corsage", à l'origine, désigne l'ensemble du corps, et spécialement la taille ou le buste, depuis les hanches jusqu'aux épaules.
Par extension, le mot en est venu à désigner le corsage d'une robe, la partie qui embrasse le corsage.

Exemple de corsage

Et puis, "corser", c'est littéralement donner du corps!
D'où également "corset".
Les premières attestations écrites du mot sont en latin médiéval : corsetus ("sorte de surcot d'homme", puis "corsage de femme, partie ajustée du bliaut").

Surcot

Bliaut

Le sens moderne de "gaine baleinée et lacée" ne date que du dix-neuvième siècle.
Corset

Nous retrouvons encore la racine proto-indo-européenne *kʷrep- dans le sanskrit krp - à l'instrumental krpa: "apparence, forme, beauté".
Ou même dans l'Avesta, où kuhrp- c'est le corps.

Plus près de chez nous, on retrouve encore la trace du proto-indo-européen *kʷrep- dans l'irlandais "leipreachán", ou "luprachán"!

Mais oui, vous savez bien, ce petit lutin vert de la mythologie irlandaise, à barbe et à chapeau, qui passe son temps à confectionner des chaussures et stocke ses pièces de monnaie dans un pot d'or au pied de l'arc-en-ciel. Si on l'attrape, il peut exaucer trois voeux en échange de sa liberté.

leipreachán

Le mot en vieil irlandais était: luchorpán, composé de lú- "petit" et de corp "corps".

A noter que l'irlandais lú-, qui signifiait donc "petit, de petite taille", provient de la racine proto-indo-européenne *legʷh-: "léger", qui nous a transmis le français "léger", et toujours avec le sens de léger, l'anglais light, le russe лёгкий ("liogkii"), le norvégien lett, mais aussi, par le latin levis - léger, les français levier, lever, léviter, …




Frédéric

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