article précédent : arobase, arrobe et autres jubilatoires billevesées
La racine proto-indo-européenne...
*gʷhen-
véhiculait l'idée de tuer, de frapper, mais non pas comme le commun, le vulgaire, la masse, le manant, la plèbe, le vulgum pecus.
Fi donc.
Soyons clair.
*gʷhen- ce n'était pas tuer bêtement, assassiner gratuitement, ou se livrer à un carnage ou une boucherie quelconque.
Non, il s'agissait, bien au contraire, de livrer noble et vaillante bataille, au péril de sa vie, à un adversaire digne de ce nom, autant féroce et grandiose que mythique: le dragon !
Saint Michel et le dragon (Les Très Riches Heures du Duc de Berry) |
Ou que la notion de chevalerie était issue du christianisme à l'époque féodale ?
NON????
SI??
Bon ben là 'ya du boulot visiblement...
Nous y reviendrons donc lors de l'un ou l'autre de nos billets proto-indo-européens... )
Mais revenons pour l'instant à notre racine *gʷhen-...
Pourfendre en serait donc une parfaite traduction.
Seul le héros, le champion, le preux chevalier - à l'extrême limite le justicier, s'il est valeureux, pourfend!
Ce n'est certes pas donné à tout le monde. Je ne vise personne.
Cette racine *gʷhen- a engendré pourtant bon nombre de mots bien communs, désormais passés dans le langage courant:
- les français défendre, défense, pourfendre évidemment, mais aussi offenser, offense, offensif
- l'anglais fence (la clôture qui défend l'entrée ou la sortie; mais to fence, c'est aussi pratiquer l'escrime !)
- l'anglais bane : le fléau
- par le vieux norrois gunnr - la guerre, l'anglais gun (revolver, pistolet, arme à feu)...
Et puis, frapper dans un sens plus précis, plus technique, c'est faucher...
Faucher un champ, faucher le blé...
- Tiens, petit aparté, savez-vous qu'il existe en français un mot pour désigner "le chemin que trace le faucheur à mesure qu'il avance dans son travail" ? C'est pointu, hein...
Sans rire.
L'andain ! En anglais c'est swath.
Eh bien, *gʷhen-, dans son sens de frapper, faucher, a donné le moyen haut-allemand ban, bane : la route, la voie (pensez à l'andain, cette bande que l'on crée à mesure que l'on avance!).
Ce qui a fini par donner l'allemand... Autobahn ! (autoroute)
Wir fahr'n, fahr'n, fahr'n auf der Autobahn |
Alors - il m'a fallu longuement réfléchir pour trouver une conclusion un tant soit peu intéressante à tout ceci, et qui puisse en outre laisser à penser qu'il y a ne fût-ce qu'une once d'intelligence chez l'auteur de ce blog - quand vous prenez la route ou l'autoroute, ne vous servez pas de votre voiture comme d'une arme ; mais comportez-vous plutôt avec grandeur, dignité, élégance et courtoisie, preux chevaliers sur votre blanc destrier !
(Ouais bon, j'ai déjà fait nettement mieux, mais c'est gentil de me le signaler)
Et puis, je vous (et nous!) souhaite surtout d'arriver à pourfendre, terrasser ce monstrueux dragon qui est tapi en chacun de nous, ces forces prodigieuses qui nous attirent constamment - et si nous n'y prenons garde, inexorablement! - vers le bas, vers la terre, en nous empêchant ainsi de nous élever, d'aller plus loin, de nous parfaire.
(D'ailleurs, l'archange Michel ne TUE pas le dragon, il réussit simplement à le renvoyer d'où il vient: de la terre, à le terrasser...) (mais, promis, nous reviendrons sur le dragon !)
Car, bien entendu, tout mythe est réel, il suffit de le contempler avec un peu de recul...
Frédéric
article suivant : arbres, vérité, druides et dead parrots
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire