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dimanche 5 février 2012

Autobahn, guns et pourfendeurs de dragons



La racine proto-indo-européenne...


*gʷhen- 

véhiculait l'idée de tuer, de frapper, mais non pas comme le commun, le vulgaire, la masse, le manant, la plèbe, le vulgum pecus.

Fi donc.

Soyons clair.

*gʷhen- ce n'était pas tuer bêtement, assassiner gratuitement, ou se livrer à un carnage ou une boucherie quelconque.


Non, il s'agissait, bien au contraire, de livrer noble et vaillante bataille, au péril de sa vie, à un adversaire digne de ce nom, autant féroce et grandiose que mythique: le dragon !


Saint Michel et le dragon
(Les Très Riches Heures du Duc de Berry)


(Allons, vous ne pensiez quand même pas que le mythe du dragon provenait du Moyen-Age ?

Ou que la notion de chevalerie était issue du christianisme à l'époque féodale ?

NON????

SI??

Bon ben là 'ya du boulot visiblement... 
Nous y reviendrons donc lors de l'un ou l'autre de nos billets proto-indo-européens... )


Mais revenons pour l'instant à notre racine *gʷhen-...

Pourfendre en serait donc une parfaite traduction.

Seul le héros, le champion, le preux chevalier - à l'extrême limite le justicier, s'il est valeureux, pourfend!

Ce n'est certes pas donné à tout le monde. Je ne vise personne.


Cette racine *gʷhen- a engendré pourtant bon nombre de mots bien communs, désormais passés dans le langage courant:
  • les français défendre, défense, pourfendre évidemment, mais aussi offenser, offenseoffensif
  • l'anglais fence (la clôture qui défend l'entrée ou la sortie; mais to fence, c'est aussi pratiquer l'escrime !)
  • l'anglais bane : le fléau
  • par le vieux norrois gunnr - la guerre, l'anglais gun (revolver, pistolet, arme à feu)...

Et puis, frapper dans un sens plus précis, plus technique, c'est faucher...
Faucher un champ, faucher le blé...


 - Tiens, petit aparté, savez-vous qu'il existe en français un mot pour désigner "le chemin que trace le faucheur à mesure qu'il avance dans son travail" ? C'est pointu, hein...

Sans rire. 

L'andain ! En anglais c'est swath.


Eh bien, *gʷhen-, dans son sens de frapper, faucher, a donné le moyen haut-allemand ban, bane : la route, la voie (pensez à l'andain, cette bande que l'on crée à mesure que l'on avance!).

Ce qui a fini par donner l'allemand... Autobahn ! (autoroute)

Wir fahr'n, fahr'n, fahr'n auf der Autobahn


Alors - il m'a fallu longuement réfléchir pour trouver une conclusion un tant soit peu intéressante à tout ceci, et qui puisse en outre laisser à penser qu'il y a ne fût-ce qu'une once d'intelligence chez l'auteur de ce blog - quand vous prenez la route ou l'autoroute, ne vous servez pas de votre voiture comme d'une arme ; mais comportez-vous plutôt avec grandeur, dignité, élégance et courtoisie, preux chevaliers sur votre blanc destrier !
(Ouais bon, j'ai déjà fait nettement mieux, mais c'est gentil de me le signaler)

Et puis, je vous (et nous!) souhaite surtout d'arriver à pourfendre, terrasser ce monstrueux dragon qui est tapi en chacun de nous, ces forces prodigieuses qui nous attirent constamment - et si nous n'y prenons garde, inexorablement! - vers le bas, vers la terre, en nous empêchant ainsi de nous élever, d'aller plus loin, de nous parfaire.

(D'ailleurs, l'archange Michel ne TUE pas le dragon, il réussit simplement à le renvoyer d'où il vient: de la terre, à le terrasser...) (mais, promis, nous reviendrons sur le dragon !)

Car, bien entendu, tout mythe est réel, il suffit de le contempler avec un peu de recul...




Frédéric


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