- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 25 novembre 2018

- "Arthropodes chélicérates, pathogènes, parasites, bien-pensants !" - Mais voyons, capitaine, ils ne peuvent plus nous entendre !








“Préférons la mythologie à la mite au logis

anonyme, par peur du ridicule,
fin novembre 2018






Bonjour à toutes et tous !




(source)


Nous en étions restés, dimanche dernier, au grec ancien κείρω, keírō, couper / raser, tondre, abattre...”, dérivé de l'indo-européenne *(s)ker-couper” par le proto-hellénique *keřřō-.


Oui, non ?




exemples de "oui / non"


ou, pourquoi pas (soyons fous), toute la série des articles que nous venons de consacrer à l'épatante *(s)ker-, 
j'ti jur', c't'article i' déchir sa race (bouffon)
D'interstice à armistice, il n'y a qu'un pas. De l'oie. et
couper les cheveux en quatre, ou s'arracher les cheveux?.

Car OUI, nous sommes toujours en train de nous débattre (enfin, moi surtout) parmi les dérivés de la jolie racine *(s)ker-couper”.



Nous pouvons retrouver
- merci, Robert Beekes,
- oui, LE Robert Beekes, le seul, l'unique, l'auteur des deux volumes de l'Etymological Dictionary of Greek, Leiden Indo-European Etymological Dictionary Series -
 


notre grec ancien κείρω, keírō, dans pas mal de composés, souvent en compagnie de préfixes, comme les classiques
- au point qu'ils en deviendraient banals -
  • ἀπο-, apo-, évoquant notamment la séparation, le changement, la négation...,
  • δια-, dia-, “à travers”,
ou encore
  • περι-, peri-, “autour”.


Pensons ainsi à ...

ἀκερσεκόμης, akersekomes
[ἀ-κερσε-κόμης],
 “aux cheveux non coupés”, ou, en d'autres termes, et se disant de quelqu'un d'un certain âge, “toujours jeune, toujours vert, car à l'époque, on peut dire que systématiquement, chez les jeunes Grecs
- ou plutôt les jeunes anciens Grecs, si vous me suivez toujours -,
les cheveux pendouillent jusqu'aux ... euh...
Reprenons:
à l'époque, on peut dire que les jeunes Grecs laissent pousser leurs cheveux jusqu'à ... euh ... leur ... maturité.


περικείρω, perikeíro signifiera, lui, couper les barbes, ébarber, donc...


Quant à cet autre verbe διακείρω, diakeíro, il signifiait littéralement ... “couper au travers”, d'où“couper court”, “déjouer”, voire dépouiller.


Oh, citons encore, toujours construit sur κείρω, keírō,

κέρμα, kérma,


le fragment, la pièce détachée, et spécialement la ... pièce de monnaie



Un autre dérivé grec de κείρω, keírō, que l'on peut retrouver en français, c'est κορμός, kormós, tronc, bois coupé, rondin, bûche.

Oui, il nous est arrivé, par le latin cormus, en français, sous la forme... corme (ou cormus, en fait, pour ceux qui en sont restés au latin, et c'est bien comme ça ; je n'ai pas d'états d'âmes à ce propos). 

Le corme - terme vieilli, certes - désigne un tronc dépouillé de ses branches, la tige, nue.

Si corme est quelque peu vieilli, il nous a quand même donné cormophyte, ce qui ne s'invente pas.

Un cormophyte, je ne vous l'apprendrai évidemment pas, est une plante dont l'appareil végétatif est un corme, un ... cormus. 
Ce qui, finalement, tombe très bien.
C'est-à-dire qu'il (l'appareil végétatif, on suit !) est composé de trois organes bien différenciés, à savoir la racine, la tige et les feuilles.
Par opposition, forcément, aux thallophytes, dont le corps végétatif est un... thalle
- ça aussi, ça ne s'invente pas -,
une sorte de machin non différencié, comme chez les lichens, les champignons, les algues, vous voyez le genre...

Sachez enfin, du moins si l'on en croit Wikipedia, que l'appellation cormophyte est moins répandue que son synonyme Embryophyta.
Je me disais aussi.


alors, cormophyte, ou thallophyte ?
Pff, pas facile...


Allez, on s'arrêtera, ce dimanche, sur un autre mot grec ancien dérivé de κείρω, keírō.

Il s'est créé sur le degré zéro du radical de notre κείρω, keírō bien aimé, κάρ-, kár-.

Et il signifie littéralement “qui ne peut être tondu” !

Pour le former, il faut le reconnaître, les anciens Grecs ne se sont pas trop foulés...


Eh, φῐ́λοι, phíloi (vocatif pour les poteaux, les aminches en grec ancien), 
  • et si on prenait le radical κάρ-, kár-, 
  • qu'on le flanquait d'un banal de chez banal alpha privatif en préfixe, ἀ-, a, pour l'idée de négation
  • et que, pour faire joli, on lui accolait une terminaison en -ής, -ḗs, 
  • hein, hein ??
Elle est pas bonne, celle-là, hein dites ??

ἀ-, a- + κάρ-, kár- +‎ -ής, -ḗs.

Ca donnerait littéralement ἀκαρής, akarḗs, “qui ne peut être tondu” ! Trop fort !!!!!




Et voilà, les anciens Grecs venaient de créer ἀκαρής, akarḗs, qui, se disant des cheveux, signifiait “trop court pour être coupé, ou s'employant d'une façon générale, désignait quelque chose de très court, surtout en terme de durée, comme un court laps de temps, un moment très bref...

De très court, le sens du mot en est passé à ... minuscule.



Et puis, un jour, les anciens Grecs découvrirent les mites

Aïe. Là, ça commençait à m.rder. 
Car chez les anciens Grecs, quand on parlait de mites, on pensait immédiatement aux histoires de Zeus et d'Athéna, et de Poséidon, et tout ça.

-euh ??












- Ben oui, oh, mythes, mites...

Il fallut donc un nouveau mot pour ces mites, ces minuscules créatures.

C'est alors
- vous l'avez compris -
qu'on se souvint du mot pour minuscule que quelques allumés venaient d'inventer : ἀκαρής, akarḗs.

Et on en fit le neutre (parce, hein, c'était quand même que des mites, hein) ἄκαρι, ákari, qui, désormais désignerait les mites, les tiques... ces machins minuscules au point qu'on ne peut les raser ! 

Tordant !!

l'incontournable grosse mite
(source)


Au début du XVIème, on reprit le mot en latin, pour faire acarusinsecte parasite qui transmet la gale. 

Et en 1842 très précisément
- oh, merci Alain Rey -,
on créa sur acarus le dérivé savant... acarien.

Les acariens ?
En zoologie 
- merci, merci ô ©Le Grand Robert de la Langue Française -,  
ordre de petits arthropodes chélicérates dont les nombreuses espèces (environ 10 000) sont parasites (de l'homme, des animaux, des végétaux), pathogènes, ou vecteurs d'agents infectieux.
 Des sales bêtes, quoi.
housses de matelas anti-acariens pour les nostalgiques de Pac-Man.
Gamins !



Allez, la semaine prochaine, on continuera l'étude de notre chère *(s)ker-“couper, découper”. 

Peu à peu, et pour rester dans le même ordre d'idées que le grec κείρω, keírō, je démêle les cheveux de son incroyable progéniture... 

Oui, ENFIN, des pistes - que certains d'entre vous avaient pressenties - se précisent... 

Je n'en dirai pas plus...

Pom pom pom...






Récap', et on se retrouve dimanche prochain !




racine indo-européenne *(s)ker-“couper, découper”
proto-hellénique *keřřō-

grec ancien κείρω, keírō, couper / raser (les cheveux), tondre, abattre...”

composés, comme:
ἀκερσεκόμης, akersekomes, litt. “aux cheveux non coupés
”,
περικείρω, perikeírocouper les barbes, ébarber”,
διακείρω, diakeíro, litt. “couper au travers”...

-----



racine indo-européenne *(s)ker-“couper, découper”
proto-hellénique *keřřō-

grec ancien κείρω, keírō, couper / raser (les cheveux), tondre, abattre...”

κέρμα, kérma,  fragment, pièce de monnaie...


-----



racine indo-européenne *(s)ker-“couper, découper”
proto-hellénique *keřřō-

grec ancien κείρω, keírō, couper / raser (les cheveux), tondre, abattre...”

κορμός, kormós, 
tronc, bois coupé, rondin, bûche

emprunt

latin cormus

emprunt

français corme (ou calque cormus), tronc dépouillé de ses branches, tige nue

cormophyteplante dont l'appareil végétatif est un corme.

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racine indo-européenne *(s)ker-“couper, découper”
proto-hellénique *keřřō-

grec ancien κείρω, keírō, couper / raser (les cheveux), tondre, abattre...”

ἀκαρής, akarḗs, “qui ne peut être tondu
”, d'où “minuscule

ἄκαρι, ákari, mythique mite, tique...

emprunt

XVIème, latin acarusinsecte parasite qui transmet la gale
1842, dérivé savant en français acarien





Je vous souhaite, à toutes et tous, un excellent dimanche, et une très, très belle semaine !

À dimanche prochain, pour la suite des aventures de notre 
*(s)ker- décidément si prolifique...




Frédéric



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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter, 

du Bach.

Avec Hilary Hahn qui nous interprète le quatrième mouvement de la ...
Partita pour Violon Seul No. 1 en si mineur, BWV 1002
Tempo di Borea – Double




Le rapport avec le contenu de l'article ?

D'abord, c'est du Bach, et Bach est toujours le bienvenu en ces pages

(comme Lennon, au demeurant - je dis ça car on m'a reproché d'avoir illustré le dernier article par une superbe chanson de Lennon, au prétexte qu'il était violent
Ouh le méchant !!
Lennon lui-même d'ailleurs, qui n'était pas vraiment un tendre, confessait sa violence et expliquait qu'ironiquement, c'était précisément pour cela qu'il écrivait tant sur la paix... - la bien pensance, c'est comme les acariens, ça se niche un peu partout),

et puis, une virtuosité pareille, ben moi, ça m'la coupe.


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Vous voulez être sûrs (sûrs, mais vraiment sûrs) de lire chaque article du dimanche indo-européen dès sa parution ? Hein, Hein ? Vous pouvez par exemple...

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