Hector lui demanda s'il avait des choses intéressantes à dire sur le bonheur
Le vieux moine dit : « La première grande erreur, c'est de croire que le bonheur c'est le but. »
François Lelord,
Le Voyage d'Hector ou la recherche du bonheur, 2002
Bonjour à toutes et tous !
En ce (très) beau (et très chaud) dimanche 9 août 2020, nous continuons, à notre aise, l'étude des dérivés de la racine indo-européenne...
*seǵʰ-e-, “dominer, posséder...”.
Faisons un tout petit point ?
Nous connaissons déjà...
emprunté au latin schŏla, lui même emprunté au grec ancien σχολή, skholê, “repos, loisir”,
- école
Donne-moi ta main, et prends la mienne, 26 juillet 2020
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racine proto-indo-européenne *seǵʰ-e-, “dominer, posséder...”
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grec ancien ἔχω, ékhō, “tenir, retenir, maintenir...”
grec ancien ἔχω, ékhō, “tenir, retenir, maintenir...”
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nom verbal σχολή, skholê, “repos, loisir” puis “activité intellectuelle faite à loisir”
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glissement de sens
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en grec hellénistique, “étude, école philosophique”
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emprunt
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latin classique schŏla, “lieu où l'on enseigne”
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emprunt
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ancien français escole, “lieu où l'on enseigne”
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français école
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toujours passés par le grec ancien ἔχω, ékhō, “tenir, retenir, maintenir...”
- schéma et Hector
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grec ancien ἔχω, ékhō, “tenir, retenir, maintenir...”
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ἕκτωρ, héktōr, “qui tient bon, qui tient ferme” ,
skhêma, “attitude, forme, apparence...”
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et passé cette fois par le proto-celtique *sego-, “victoire, force”,
- Segovia (Ségovie)
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racine proto-indo-européenne *seǵʰ-e-, “dominer, posséder...”
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proto-celtique *sego-, “victoire, force”
proto-celtique *sego-, “victoire, force”
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celtibère Segouia, “La (Très) Forte”
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espagnol Segovia, Ségovie
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Aaaaah.
[soupir d'aise tout autant que de liquéfaction stupéfaite sous ce soleil surprenant]
(En Belgique, il n'existe pas de mot pour qualifier ce qui nous arrive ; à quoi bon inventer des mots pour des phénomènes qui n'existent pas ??)
Mais aussi : Aaaaah.
Car voilà, je suis en vacances.
Et Audrey - née à Ixelles, d'ailleurs - me comprend parfaitement. |
Aaah, les vacances !
(écoutez, et vous comprendrez)
Les vacances !
Et donc, comme chaque année depuis sa création
(fin 2011, quand même - je sais, je ne fais pas mon âge),
le dimanche indo-européen se met en vacances quelques semaines par an.
Mais bon, sans jamais faillir à sa mission, de vous offrir un article chaque dimanche.
Mais pour les vacances..., les articles sont simplement plus légers, me demandent moins de temps...
Et vous qui me suivez depuis longtemps,
chaque année vous devez le subir,
chaque année je vous la refais...
Vous le savez hélas trop bien, pour moi, les vacances, c'est...
Aaaah.
Allez, continuons. Mais... doucement. Calmement. Gentiment. Sans bruit.
Avant de nous lâcher plus avant sur les dérivés celtiques de notre courageuse petite racine *seǵʰ-e-, “dominer, posséder...”, j'aimerais revenir à ce Hector que nous avons traité la semaine dernière.
Hector, oui ?? Allez, on se concentre.
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racine proto-indo-européenne *seǵʰ-e-, “dominer, posséder...”
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grec ancien ἔχω, ékhō, “tenir, retenir, maintenir...”
grec ancien ἔχω, ékhō, “tenir, retenir, maintenir...”
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ἕκτωρ, héktōr, “qui tient bon, qui tient ferme”
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Car si, en français, le grec ancien ἕκτωρ, héktōr, a donné... Hector, en anglais, nous lui devons...
hector.
Veuillez noter, chers amis, l'absence de capitale initiale.
Oui ! Car l'anglais hector, au pluriel hectors, emprunté bien évidemment au même grec ancien
ἕκτωρ, héktōr, “qui tient bon, qui tient ferme” , est un substantif.
Et très curieusement, de ce mythique héros troyen, prince, fils, époux, père, et même frère modèle, l'anglais n'a visiblement retenu que son côté sombre.
- Si seulement tu connaissais le pouvoir du côté sombre ! - Mais qu'est-ce que tu crois, Darth Machin ? Je le connais très bien ! Je les connais, les fachos décomplexés du FN ou du Vlaams Belang, mais aussi les racialistes, et ceux qui confondent écologie et idéologie, les incultes qui veulent réécrire l'Histoire en déboulonnant les statues de Victor Hugo (si si, je vous jure) ou en crachant sur le If de Kipling (parce qu'il était un sale mâle blanc impérialiste), les gentils inclusifs qui pensent que f**tre en l'air le bon sens et notre si belle langue, ça va permettre aux incompris.es d'être mieux intégrés... (Et les VRAIS handicapés - non, la c*nnerie n'est pas un handicap -, on les inclut aussi ? Car si l'on en croit cet article de information.handicap.fr, la langue inclusive discrimine les handicapés.) Certes, je vous l'accorde, tant que ce ne sont que des handicapés blancs et de sexe masculin, ma foi... Mais bon, et les handicapé(e)s non-binaires noir(e)s qui revendiquent courageusement le port du voile islamique, on en fait quoi ??? |
Pardonnez-moi ; je dois me calmer.
Ça, voyez-vous, c'est mon côté sombre. Enfin, un tout petit bout, le plus avouable.
L'anglais, disais-je, a visiblement surtout retenu le côté sombre de ce mythique héros troyen.
Car le substantif hector désigne une petite brute, de celles des cours de récréation.
Un petit tyran, qui aime harceler les plus faibles (forcément). Un fanfaron qui aime à brutaliser.
Notez, pour lutter contre le harcèlement à l'école, il existe une solution simple : étendre la possibilité d'avorter jusqu'à un terme de 18 ans. |
Avec sa facilité déconcertante à créer de nouveaux mots, l'anglais a même fait de hector... un verbe. Littéralement, harceler.
C'est seulement quand vous savez tout ça que vous pouvez apprécier à sa juste valeur un titre tel que Stop Hectoring me, pour une critique
- très cinglante et très injuste, mais bon, les critiques, ils ont une famille et ils doivent bouffer, aussi, hein -
de ce charmant film qu'est Hector and the Search for Happiness, réalisé par Peter Chelsom et interprété par les savoureux Simon Pegg et Rosamund Pike.
là, je suis jaloux |
Pour les plus francophiles d'entre vous, rassurez-vous, le film est la mise à l'écran de ce roman à thèse du psychiatre français François Lelord, Le Voyage d'Hector ou la recherche du bonheur.
Mais... reprenons notre recherche du bonheur, voulez-vous ?
Avec les dérivés celtiques de notre belle *seǵʰ-e-, “dominer, posséder...”.
J'espère que vous n'avez pas déjà oublié que notre racine indo-européenne nous a donné l'espagnol Segovia.
Allez, regardez ci-dessous.
Décidément, je suis bien trop bon.
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racine proto-indo-européenne *seǵʰ-e-, “dominer, posséder...”
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proto-celtique *sego-, “victoire, force”
proto-celtique *sego-, “victoire, force”
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celtibère Segouia, “La (Très) Forte”
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espagnol Segovia, Ségovie
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Ça y est, oui ?
Bon, alors, poursuivons avec Xavier Delamarre et ses termes d'onomastique celtique...
Où le celtique commun *sego-, “victoire, force” est employé fréquemment comme premier terme de composés.
C'est lui qui se cache derrière ces noms de personnes que sont...
- Sego-dumnus et
- Sego-latius, -a,
(“Sego-latius, -a” pour Sego-latius et Sego-latia, en linguistiqu.e inclusif.ve),
traduits tous deux littéralement par “Héros-de-la-Victoire”,
- Sego-marus, “Grand-par-ses-Victoires”,
- Sego- (ou Seco-)rix,
- Sego-uax,
- Sego-uellanuni,
mais c'est toujours lui que l'on retrouve dans ces noms de lieux (surtout en Espagne, où il y en a des dizaines et des dizaines) que sont, par exemple :
- Sego-briga, “Fort de la Victoire” (aujourd'hui Segorbe, superbe cité médiévale dans la province de Castellón, à une heure de route vers le nord depuis Valencia )
Segorbe |
ou encore...
- Sego-bodium, “Force (?) de la Victoire”, d'où provient le nom... Seveux, en Haute-Saône.
Ce qui explique aussi pourquoi les habitants de cette ancienne commune de Bourgogne-Franche-Comté s'appellent les... Ségobodiens.
l'école des filles de Seveux, dite “des longs seveux”
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ou même...
- Sego-dunum, “Colline (/forteresse) de la Victoire”, maintenant Suin, en Saône-et-Loire,
mais dont on connaît aussi un équivalent outre-Manche :
- Segeduno, qui donnera en latin Segedunum, désignant un fort romain situé à l'extrémité orientale du mur d'Hadrien, près de la ville actuelle de Wallsend (forcément).
Et là-dessus, ben, on va en rester là !
Oh, j'ai encore PLEIN de choses à vous dire sur les dérivés celtiques de la belle
*seǵʰ-e-, “dominer, posséder...”,
mais ce sera pour la prochaine fois. Vacances obligent.
Chères lectrices, chers lecteurs,
Je vous souhaite un excellent dimanche, une très belle semaine.
Portez-vous bien.
Ma façon a moi de penser à Beyrouth, et à un de mes plus chers amis, Libanais ?
Frédéric
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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter...
De cette délicieuse voix, si douce, douce, douce...
De cette délicieuse voix qui chante le générique d'Alexandre le Bienheureux,
De cette douce voix, Isabelle Aubret nous chante...
C'est Beau la vie (1963)
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6 commentaires:
Merci et bon été. Et Ségolène ? Hi hi
Bonjour Christian, merci à vous !
Pour ce qui est de Ségolène (qui ?? ;-)), vous avez parfaitement raison, mais son prénom vient de notre racine par une autre voie, germanique, que nous étudierons plus tard...
Frédéric
Merci et bonnes vacances. Merci pour votre humour.
Je ne suis pas germaniste mais j'ai en tête un Sieg (Heil) de sinistre mémoire.
Exact, on y viendra...
:-). merci à vous !
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