- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 27 décembre 2020

The Audience is Listening

           




“The Audience is Listening


Ces mots qui apparaissaient, dans les années 80, sur les écrans de cinéma, et qui annonçaient, peut-être pas un film prodigieux, mais en tout cas un son extraordinaire.
 


THX : The Audience  is Listening





Bonjour à toutes et tous !


Dimanche dernier, en partant du prénom germanique Ludwig, nous avons pu remonter,
via l'étymon germanique commun *hlūda-, bruyant, sonore”,
à la racine indo-européenne...


*ḱleu-entendre”.

a contrario, ces concerts où les Beatles eux-mêmes ne s'entendaient pas jouer
(avant qu'ils ne s'entendent plus du tout)



Nous devons à la délicieuse *ḱleu-entendre”, une véritable foule de dérivés, que ce soit en grec ancien, en latin, en arménien classique, en vieux slavon, en sanskrit, en avestique, en tokharien, dans les langues celtiques...

Je sais, je vous comprends très bien, mais 'faut vous calmer, hein.



Mais, en ce dimanche 27 décembre 2020, je vous propose tout simplement,
et très logiquement,
de poursuivre l'étude de ses dérivés germaniques.

Germains à la dérive



Encore mieux : nous avions abordé l'étymon *hlūda-, bruyant, sonore”, mais sans plus.

Il mérite tellement mieux.


En vieil anglais,

vieil anglais

il a donné l'adjectif hlūd, de même sens.

Hlūd, duquel sera issu le moyen anglais, puis l'anglais... loud, bruyant, sonore”.





Tout en restant dans la sous-famille des langues germaniques occidentales
nous pouvons encore citer...
  • le vieux frison hlūd, dont dériveront
    • le saterlandais luud, et
    • le frison occidental lûd, toujours de même sens.

Et en vieux saxon ? me direz-vous !

Hein hein ? Mais oui, oh, je vous connais si bien...




Eh bien, en vieux saxon, le germanique *hlūda- a donné hlûd, dont descendra, notamment, le bas allemand luud.


En revanche, en vieux néerlandais, *hlūda- donnera lûd.

C'est de ce lûd,
et via le moyen néerlandais luut,
que dériveront...
  • le néerlandais luid, et
  • le limbourgeois luud (prononcé luuuuuuuuud).

Enfin, en vieux haut allemand, nous retrouverons *hlūda- sous les formes hlût ou lût,
  • dont dérivera le moyen haut allemand lût, qui nous donnera...
    • l'allemand laut, toujours de même sens.




Laut, comme dans Laut à la Choie, évidemment.

Surtout quand c'est René Pape qui y tient le registre de basse.


Et n'essayez même pas de faire le moindre parallèle entre hlût / lût et notre français luth, désignant l'instrument de musique.

luth


Luth nous vient,
par le vieil occitan laüt ou l'espagnol laúd,
de l'arabe العود, al-aoûd, le bois”.



Voilà donc pour la descendance du germanique *hlūda-.



Mais... nous pouvons reconstruire un autre étymon germanique issu de notre indo-européenne *ḱleu-entendre”...

Un verbe, cette fois.
(Sachez toutefois que la filiation n'est pas directe, de *ḱleu- à ce verbe germanique reconstruit. En effet, ce verbe - oui, j'y arrive, OH ! - descend d'une autre racine, qui est en réalité une forme allongée de *ḱleu- : *ḱleus-)

Et ce verbe proto-germanique, c'est...
*hlusēn-, dont le sens se rapprocherait plutôt d'écouter”.

Je trouve d'ailleurs affligeant le peu d'à propos des fondateurs de la marque Bang & Olufsen,
enceintes Bang & Olufsen

qui s'affirment pourtant spécialistes de l'écoute, et qui n'ont même pas envisagé de se faire connaître sous le magnifique, le sublime Bang & *hlusēn-.

*hlusēn- se retrouve dans le vieux haut allemand losēn, hlosēn, écouter”.

En sera issu le moyen haut allemand lūschen.

La suite, vous la connaissez, sous la forme de l'allemand lauschen
écouter”.



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racine proto-indo-européenne *ḱleu-entendre”
forme allongée *ḱleus-
proto-germanique *hlusēn-, écouter”
vieux haut allemand losēn, hlosēn, écouter”
moyen haut allemand lūschen
allemand lauschenécouter”

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Enfin, sur un radical en -ti- dérivé de cette même forme allongée *ḱleus-,
mais ici au timbre zéro (*ḱlus-),
s'est créé le féminin germanique *hlusti-ouïe, écoute”.


C'est de cet étymon (reconstruit, hein) *hlusti- que l'on fait descendre le 
- OUIIIII !! - vieux norois hlustoreille”.




D'où le féroïen lustouverture du méat acoustique externe”.

Curieusement, vous devez comprendre le féroïen lust, non pas comme l'acte d'ouvrir (à la hache, au couteau...) le canal auriculaire (d'un pinnipède)”, mais plutôt comme “l'entrée du canal auriculaire”.

Je sais, c'est surprenant.



C'est aussi de *hlusti-ouïe, écoute” que nous arrive
  • le vieil anglais hlystan, lysnan, écouter”,
    • dont descendra le moyen anglais listenen, listnen, d'où sera issu - bien entendu -
      • l'anglais listen, écouter”.

listen, as in 
"listening to the Queen's speech"


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racine proto-indo-européenne *ḱleu-entendre”
forme allongée *ḱleus-
timbre zéro *ḱlus-
proto-germanique *hlusti-ouïe, écoute”
vieil anglais hlystan, hlysnan, écouter”,
moyen anglais listenen, listnen
anglais listen, écouter”

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Dites voir, entre nous, vous aviez fait le lien, vous, entre Clovis, Ludwig et l'anglais listen ?

Mmh ?

Eh oui, c'est ça aussi, l'indo-européen...





Allez, à la semaine - et à l'année - prochaine !

Je vous souhaite, à toutes et tous, une année (enfin) sereine, sans masque, sans cette s*loperie de virus, une année pendant laquelle vous pourrez serrer dans vos bras tous ceux que vous aimez.


quoi de mieux comme illustration,
qu'un de ces dessins prosélytes d'une désarmante naïveté tirés de la Tour de Garde ?



D'ici là, protégez-vous, prenez soin de vous et de vos proches, 
Portez-vous bien.




Frédéric


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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter en beauté...

non, point de baroque, ni de classique,

mais de la pop synthétique des années 80.

Aaaah, mes années d'étudiant...



J'adorais le son du synthé
- j'ai d'ailleurs toujours deux synthétiseurs à la maison - ;
et puis, la voix invraisemblablement grave, profonde, chaude d'Alison Moyet me fascinait.

Alison Moyet, à l'époque



Et voilà que je suis tombé là-dessus, je ne sais comment : 

Voici Alison Moyet, reprenant pour nous son tube de 1982,

Only You, 

mais ici, c'est un orchestre classique qui remplace les synthés,

- je pourrais même déceler l'influence de Michael Nyman dans ce remarquable arrangement -,

et je n'en reviens pas.

Et la voix d'Alison est encore plus belle qu'à l'époque. 

Alors, j'écoute, j'écoute, et j'écoute.




Et bon - on ne se refait pas -,

voici encore Only youa cappella, par...

Voces8 !

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2 commentaires:

Unknown a dit…

Encore une fois, je reste sans voix devant votre érudition et votre capacité à nous captiver avec vos explications. Merci

Frédéric Blondieau a dit…

Merci de votre gentil commentaire ! Mais comme je le dis souvent, j’ai de bons dictionnaires ! :-)