article précédent : “Celui qui soutient sa folie par le meurtre, est un fanatique.”, Voltaire
dob'i sidhe cēd-marbh Erenn diob
(le premier d'entre eux à mourir en Irlande)
Nous en sommes toujours aux dérivés de la racine proto-indo-européenne...
Ce jour-là, nous avons également parlé...
- du datif singulier vénète 𐌌𐌖𐌓𐌕𐌖𐌅𐌏𐌝, murtuvoi, “mort”,
- d'autres dérivés latins de morior, morī, “mourir” :
- mortuus, “mort”, “qui a cessé de vivre”, “où rien ne se passe ; qui demeure sans vie, dont la vie s'est retirée”, dont est issu notre français mort,
- mors, mortis, “(la) mort”, dont est issu, par son accusatif mortem, le substantif français (la) mort,
- mortālis, “périssable, sujet à la mort”, d'où... “humain”, et son antonyme immortālis, que nous emprunterons pour en faire nos mortel et immortel,
ou encore
- le composé moribundus, que nous emprunterons sous la forme moribond.
Heyr himna smiður, 4 juillet 2021
🜛
Le 11 juillet 2021, nous nous sommes penchés sur ses dérivés germaniques, au nombre desquels nous citerons...
- le vieux norois morð, “meurtre”, d'où...
- l'islandais morð, le norvégien mord, le suédois mord, le danois mord, ou le féroïen morð.
- le vieil anglais morð, “meurtre” (ou dans un emploi poétique, “mort, crime”), d'où le moyen anglais morth, murth, d'où l'anglais... murder, “meurtre”,
- le vieux frison morth, d'où le saterlandais Morde, Moort, “meurtre” et le frison occidental moard, “meurtre”,
- le vieux saxon morth, d'où le moyen bas allemand mōrt, d'où le bas allemand mort,
- l'ancien haut allemand, mord, d'où le moyen haut allemand mort, d'où l'allemand Mord, “meurtre”,
- le francique (non attesté) *murth, *morth, qui explique le vieux néerlandais morth, et à sa suite, le moyen néerlandais mort, dont sera issu le néerlandais moord,
- le vieux norois myrða, “assassiner”, d'où l'islandais myrða, “assassiner”, le danois myrde, “assassiner”, le norvégien Bokmål myrde, “assassiner”, le féroïen myrða, “assassiner”,
- le gotique 𐌼𐌰𐌿𐍂𐌸𐍂, maurþr, “meurtre”,
- le vieil anglais morðor, “meurtre”,
- le vieux francique *murthrjan-, “assassiner”, d'où l'ancien français meurtrir, murtrir, “assassiner”, d'où nos meurtre et meurtrissure.
🜛🜛🜛
Amis lecteurs, en ce 18 juillet 2021, nous allons jeter un coup d'oeil du côté des langues... celtiques.
Pour nous guider dans notre quête,
l'...
Les langues celtiques, un tout petit rappel ?
Les langues celtiques :
- continentales : gaulois, celtibère, lépontique, galate…
- insulaires :
- gaéliques : irlandais, manxois, écossais
- brittoniques : breton, cambrien, cornique, gallois
Ranko Matasović...
(donc, forcément - allez, tous avec moi - non attesté, bien !, même si reconstruit n'était pas mal non plus)
...*marwo-, au sens de “mort”.
L'on fait remonter cet adjectif celtique *marwo-, tout comme d'ailleurs son cousin germanique *murþa-...
- *murþa- ?? si doute il y a, on se dépêche de relire “Celui qui soutient sa folie par le meurtre, est un fanatique.”, Voltaire -,
...à l'adjectif indo-européen *mŕ-to-, “mort”.
racine proto-indo-européenne (degré plein, timbre e) *mer-, “mort”
⇓
adjectif indo-européen (degré zéro) *mŕ-to-, “mort”
⇓
celtique *marwo-, “mort”,
germanique *murþa-, “meurtre”
Et,
dans l'autre sens,
de *marwo-, l'on fait descendre une jolie brochette de dérivés celtiques,
tous reprenant le sens initial de *marwo- dont, notamment,
- dans les langues gaéliques,
- le vieil irlandais marb,
d'où
- l'irlandais marbh,
- le manxois marroo,
- le gaélique écossais marbh,
- dans les langues brittoniques,
- le gallois marw,
- le moyen breton marf, maru,
d'où
- le breton marv,
- le cornique, non pas troupier, bien essayé, mais marow,
- le - aaaaah, mais ouiiiiiii ! - moyen gallois marw,
d'où
- le gallois marw.
Tá m’athair féin marbh.
irlandais pour mon propre père est mort.
En français du XVIIème, ça donnerait quelque chose comme...
- Jack-Ben, t'es prêt ? La régie ? Dépêchons ! La poursuite sur Jack-Ben, et... action !
Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : mon propre père se meurt, mon propre père est mort !
Revoyons donc l'action au ralenti, en prenant, pour l'exemple, l'irlandais marbh :
racine proto-indo-européenne (degré plein, timbre e) *mer-, “mort”
⇓
adjectif indo-européen (degré zéro) *mŕ-to-, “mort”
⇓
celtique *marwo-, “mort”
⇓
vieil irlandais marb, “mort”
⇓
irlandais marbh, “mort”
Notons encore que le breton marvel siginifie mortel, ce qui permet aux Bretons de se gausser allègrement de la série The Eternals publiée par Marvel Comics.
Ranko Matasović épingle également une autre forme celtique créée sur *marwo-, le nom composé... *marwo-natu-, au sens de poème ou chant funéraire, élégie
- *natu- désignant le poème, le chant, gagné !
C'est ici qu'intervient Delamarre qui s'intéresse, lui, à ce terme *natu-.
Quittons donc,
pour quelques lignes, pour quelques lignes seulement...
- Brel n'aurait pas dit beaucoup mieux -,
...la descendance de la racine *mer-, “mort”, et examinons ce celtique *natu-.
Je sais que dans ma saoulographie
Chaque nuit pour des éléphants roses
Je rechanterai ma chanson morose
Celle du temps où je m'appelais Jacky
Être une heure, une heure seulement
Être une heure, une heure quelquefois
Être une heure, rien qu'une heure durant
Beau, beau, beau et con à la fois
(Pour les seuls et véritables amoureux de la chanson française que sont les fans de Stromae :
Tempsoujemappelaijackyoutai)
C'est probablement ce *natu- que l'on retrouve notamment dans les noms gaulois...
- Vonatorix, qui désignerait un “Maître des chants”,
ou encore
- Vanatactus, qui serait celui qui “mène ou dirige les chants”,
désignations d'une fonction liturgique ou sacerdotale impliquant une récitation... chantée.
Quoi qu'il en soit, descendraient de ce *marwo-natu- celtique (et reprenant de même son sens original)...
- le moyen irlandais marbnad, d'où l'irlandais marbnath,
- le - mais ouiiii ! - moyen gallois marwnad, d'ou le gallois marwnad,
- le moyen breton marvnad, d'où le breton marvnad, toujours “élégie”.
Mais,
memento mori,
Delamarre avance que d'autres noms gaulois construits sur -*natu,
précisément Vanatus et Vanata,
pourraient être des désignations métonymiques d'un type de chanteur, par le nom du chant qu'il pratiquait, en l'occurence *Vo-natu-.
Euh, quant à ce préverbe Vo-, rien n'est clair ; il devait peut-être spécifier le chant en question ?
Et
- c'est là que ça devient intéressant pour notre étude -
ce chant appelé *Vo-natu-,
je sais, mais non: Vonatu, pas Vanuatu |
que pratiquait donc un Vanatus ou une Vanata, pourrait désigner, au regard de l'emploi que prit le mot celtique *natu en contexte funéraire
(repensons évidemment à l'irlandais marbnath, au gallois marwnad...),
un chant... funèbre.
La fonction qui y est attachée serait alors celle de “pleureur” (Vanatus) ou de “pleureuse” (Vanata) officiels, commissionnés à l'occasion de... funérailles.
Frédéric
(Les emails du dimanche indo-européen sont à présent envoyés par follow.it.
Il ne s'agit donc pas de spam ;
ces mails gentils tout plein ne constituent donc pas non plus une attaque contre votre ordinateur ou vos données personnelles.)
******************************************
Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
******************************************
Et pour nous quitter,
voici les
Choral Scholars of University College Dublin,
dans une formation d'il y a quelques années,
qui nous chantent le traditionnel écossais
The parting glass,
Le verre du départ
******************************************
Vous voulez être sûrs (sûrs, mais vraiment sûrs) de lire chaque article du dimanche indo-européen dès sa parution ? Hein, Hein ? Vous pouvez par exemple...
- vous abonner par mail, en cliquant ici, en tapant votre adresse email et en cliquant sur “souscrire”. ET EN CONFIRMANT le lien qui vous arrivera par email dans les 5 secs, et vraisemblablement parmi vos SPAMS (“indésirables”), ou
- liker la page Facebook du dimanche indo-européen : https://www.facebook.com/indoeuropeen/
******************************************
article suivant : Ambroise Paré s'était-il vraiment préparé à l'immortalité ?
3 commentaires:
Bonjour cher professeur qui me ramène hebdomadairement à mes études classiques (ancien prof. de lettres classiques). Allez-vous aborder le grec βροτός;
Bonjour
Bientôt ἄμβροτος ! Ne regardez surtout pas la page wikipedia française qui lui est consacrée, c'est à mourir d'effroi.
Chers @Marine et @jean-claud,
βροτός et son pendant ἄμβροτος sont en effet prévus :-) Patience...
(et j'éviterai donc de regarder sur wkipedia.fr ;-))
Portez-vous bien,
Frédéric
Enregistrer un commentaire