- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 30 juin 2019

un Gini plutôt que du vin ?? Vous ne seriez pas Arménien, vous, par hasard ?





Ἐν οἴνῳ αλήθεια

(En oino aletheia, la vérité est dans le vin)


Expression attribuée au poète Alcée.

(Né à Mytilène, ville qu'il adoraiton raconte qu'il en était bleu.)


Alcée de Mytilène,
-630 - -580






















Bonjour à toutes et tous !



Après ce petit intermède de dimanche dernier
- rempli de deux racines, quand même :*h1-engʷ-“glande, grosseuret *negʷ“nu” -
poursuivons en ce splendide dimanche l'étude de la racine indo-européenne ...

*ueh1-i-, “tisser, tresser...”.



Un petit rappel, peut-être ?



Nous avions examiné ses dérivés en sanskrit, en avestique, en perse, en hittite, en arménien,
“La saison venue, la chenille tisse un cocon autour d’elle-même et elle devient cacahuète.” - Cavanna.

Ensuite, nous passâmes à l'un de ses dérivés latins, vieō, “courber, tresser, lier, attacher...”,
Partir en vrille au-dessus du Viminalis ? Le fait d'un pilote linguiste.

De là, nous avions rebondi sur le latin vitta, dérivé de vieō, et à l'origine, notamment, de notre ... vétille,
fi, ce ne sont là que broutilles, bagatelles, de simples détails !.




Au menu d'aujourd'hui, encore un mot latin dérivé de vieō, “courber, tresser, lier, attacher...” ...

...


...


vīnum.



- Quoi ? Vīnum ?? Mais enfin ...

- Oui oui, vīnum, “vin”.


Sachez quand même que tous les linguistes ne sont pas d'accord sur la parenté indo-européenne du latin vīnum, que certains lui attribuent une origine sémitique, d'autres encore le font dériver d'une langue du substrat méditerranéen (donc par définition non-indo-européenne).  



Mais ce qui semble
-  je serai prudent -
avéré, c'est qu'historiquement, ce serait non pas du bassin méditerranéen, mais plutôt du bassin ... pontique (oui oui, du côté de la mer Noire) que serait originaire le vin, avec la viticulture, et puis surtout - en ce qui nous concerne - son nom, au vin. 




Car voyez-vous il est attesté en hittite.

Hittite,
- qui a dit hourra, qu'il se dénonce ?? -,
langue anatolienne, et l'Anatolie étant juste au sud de la mer Noire...


en rouge, la région où se situait le royaume hittite



Ah oui, attesté en hittite ?
Oui, oh rien que ça...
N'en faisons pas un plat, non plus.

Le hittite, c'est tellement surfait, vous avez bien raison de le souligner, Charles-Henri.




En hittite, “vin” se disait
- ou du moins s'écrivait -
ṷii̭an-.


Et la forme indo-européenne dont le hittite 
ṷii̭an- serait descendu, mmmh ?

*uih1-on-“vin”.


Avant de repasser au latin, parlons quand même de quelques-uns des cognats indo-européens bien plus proches chronologiquement et géographiquement du hittite ṷii̭an- que le latin vīnum, voulez-vous ?

Au nombre desquels, je citerais, voyons, voyons...

  • Le louvite...
- le louvite est, comme le hittite, une langue anatolienne.
Les Louvites habitaient là où vous voyez les bouts des flèches
(c'est assez précis, et c'était surtout très dangereux pour les Louvites)

Mais précisons encore qu'il y avait deux types de louvite: 
le louvite que ces gens très frustres écrivaient avec leur ... euh ... séant, et aussi avec le nez ; c'était le louvite dit cu-né-iforme, et 



le louvite rédigé dans l'urgence (vous pensez bien, ça prenait du temps, d'écrire avec son euh derrière et son nez. Pour les appels à l'aide, par exemple, ils écrivaient d'une écriture nettement plus rapide, qui ne prenait qu'un seul jour de composition. Cette écriture qui datait de la veille, de hier (hiér” en louvite), c'était le louvite hiéroglyphique.





(Luwian = louvite),
la région d'Anatolie où les deux écritures s'employaient, indiquée
sur l'axe des abscisses ; la ligne du temps est en ordonnée


  • Le louvite, disais-je, cunéiforme ṷinii̭a-,
ainsi que 
  • le louvite hiéroglyphique wii̭an(i)-win(i)-, 
tous deux désignant, sans grande surprise, ... le vin.


Toujours plus près - non pas de Toi Mon Dieu




mais du hittite que le latin, citons encore... 
  •  le grec ancien...  οἶνος, oînos“vin”. 
Oînos, sur qui nous avons créé
-  et ce n'est pas rien -
notre ... oenologie, la science du vin, première moitié du XVIIème.

Ou, soyons fous, 
  • le vieil arménien գինի, gini, d'où l'arménien moderne... gini“vin”.



l'inénarrable, le formidable Fernand Ucon







- Gini ? Avec un G ? Mais enfin, comment est-ce poss...













- Oh, Monsieur Ucon, vous êtes de retour parmi nous ? Vous allez bien ?



Oui, avec un g, car selon les lois de mutations phonétiques, le *u- indo-européen, qui certes deviendra...

  • un v en sanskrit, 
  • un u en latin (via une forme intermédiaire w ; retenez ça), ou 
  • un w en gotique...,
donnera un w ou un g en arménien.



Gini ou Wini, les anciens Arméniens ont choisi.










Bon, et maintenant, passons enfin au latin classique vīnum.

Bien sûr il désignait le vin, mais aussi le raisin, la grappe, et même, par oenologie analogie, d'autres boissons fermentées, comme le cidre...

Vīnum est issu de notre chère *ueh1-i-, “tisser, tresser...” par une forme indo-européenne pour laquelle Michiel de Vaan nous propose trois reconstructions possibles:
*ueih1-(ō)n-, *uih1-e/on-m-,*uih1-n-“vin, vigne”,

À son tour, en proto-italique, cette forme donnera *wīno-.
- *w- comme forme intermédiaire... Je dis ça, je dis rien -

Pour les grands malades, de cet étymon italique seront encore issus, aux côtés du latin vīnum, 
  • le falisque uinom, uino,
  • l'ombrien vinu, ou enfin
  • le volsque uinu, 
tous désignant la vigne.


Et bien entendu, notre français vin est issu du latin vīnum, et ce dès la fin du Xème.



Ch'tit' récap' de ces derniers développements, pour arriver au français vin

Allez:

*ueh1-i-, “tisser, tresser...”

forme *ueih1-(ō)n- ou *uih1-e/on-m- ou *uih1-n-“vin, vigne

proto-italique *wīno-

falisque uinom, uino, ombrien vinu, volsque uinu, latin vīnum



latin vīnum
ancien français et moyen français vin
français vin







Chères lectrices, chers lecteurs, 

Merci de me lire, merci de votre fidélité, merci de vos commentaires.

Je vous souhaite un EXCELLENT dimanche, et une très heureuse semaine !




À ... dimanche prochain ?







Frédéric



******************************************
Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom:
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
******************************************

Et pour nous quitter

- on n'se r'fait pas -, 

une cantate de Bach, qu'il composa à Leipzig en 1725,

La cantate BWV 137,

Lobe den Herren, den mächtigen König der Ehren
(Loue le Seigneur, le puissant roi de gloire)




******************************************


Vous voulez être sûrs (sûrs, mais vraiment sûrs) de lire chaque article du dimanche indo-européen dès sa parution ? Hein, Hein ? Vous pouvez par exemple...
  • vous abonner par mail, en cliquant ici, en tapant votre adresse email et en cliquant sur “souscrire”. ET EN CONFIRMANT le lien qui vous arrivera par mail dans les 5 secs, et vraisemblablement parmi vos SPAMS (“indésirables”), ou
  • liker la page Facebook du dimanche indo-européen: https://www.facebook.com/indoeuropeen/


******************************************

Aucun commentaire: