“ Vēnī, vīdī, vīcī”
L'expression que l'Histoire a retenue, que
Jules César a pu finalement prononcer correctement après avoir décuvé comme il convenait.
Ah ça, la bouche pâteuse...
L'expression que l'Histoire a retenue, que
Jules César a pu finalement prononcer correctement après avoir décuvé comme il convenait.
Ah ça, la bouche pâteuse...
Ce “je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu” aurait été prononcé, selon Plutarque, par Jules César au Sénat Romain après son éclatante victoire sur Pharnace II (qui jusque là était roi du Pont, quand même), en Asie mineure en -47.
Bonjour à toutes et tous !
Nous avons découvert, la semaine dernière, deux superbes étymons,
- le proto-slave *věja-, “branche”
et
- le proto-balto-slave *wɁitis-,
tous deux issus de notre jolie racine indo-européenne *ueh1-i-, “tisser, tresser...”.
Oui ?
Nous clôturerons trrrrrès bientôt ce chapitre balto-slave des dérivés de *ueh1-i-, “tisser, tresser, avec, non pas un, mais bien deux derniers étymons.
Oui, je sais.
En ce dimanche
- le tout dernier étymon, pas piqué des vers, ce sera pour la semaine prochaine -,
laissons-nous emporter par l'étymon balto-slave ... *wɁi-.
- t'es vraiment un comique, toi, hein ... |
Il provient d'un degré zéro de notre douce *ueh1-i-, correspondant à une forme d'aspect aoristique.
Et non
- je vous connais -,
être aoriste n'est pas souffrir d'un handicap susceptible de vous faire traverser l'Atlantique à la voile pour sauver la planète.
Aoriste, pas autiste, enfin !!
Voilà ! Á cause de vous, je vais encore devoir rendre des comptes à la bien-pensance, c'est malin. Comment osez-vous ? Vous m'avez volé mes rêves et mon enfance !
Aoriste, comme ce temps, cet aspect que l'on retrouve dans la conjugaison du grec ancien.
Qui l'a repris purement et simplement de l'indo-européen, hein, mais bon, c'est vrai que le grec ancien ne s'en vante pas trop...
Il s'agit d'un aspect verbal perfectif, qui évoque donc une action sans référence aucune à sa durée, contrairement à l'imperfectif (qui décrit bien, lui, une action dans sa durée, si je puis me permettre).
Si l'on devait transposer cette notion en français, eh bien nous pourrions dire,
- au perfectif, je mange une pomme,
- à l'imperfectif, je suis en train de manger une pomme.
Au passé ?
- Je mangeai une pomme, perfectif,
à comparer à
- je mangeais une pomme, imperfectif.
Oui ?
Oh, 'y a pas qu'le grec qui a conservé l'aoriste indo-européen ; on le retrouve avant tout en sanskrit, mais aussi en serbe, en bulgare, en croate, en bosnien, jusqu'en ancien tchèque.
Quant à l'emploi des aspects perfectifs et imperfectif, il se retrouve encore notamment en russe, même si, à proprement parler, le perfectif ne s'y exprime plus par l'aoriste.
Mais soit !
Reprenons:
L'étymon balto-slave *wɁi- provient d'un degré zéro de notre douce *ueh1-i-, correspondant à une forme d'aspect aoristique *uh₁i-t-.
Il a donné naissance
(nous sommes toujours, bien évidemment, dans un monde théorique, hein, il n'est pas question, ici, d'attestations de ces étymons ; c'est pas pour rien que je passe ma vie à taper des myriades de * devant tous les mots non-attestés)
- au proto-slave *viti-, “tordre, tresser, tourner...”,
ainsi qu'
- au proto-balte *vyti- II, de même sens : “tordre, tresser, tourner...”.
(oui, II, car il existe un étymon homonyme, intelligemment et subtilement nommé *vyti- I, de sens “chasser, poursuivre...”, sans aucune parenté avec le premier).
Alors, du balte *vyti II, “tordre, tresser, tourner...”
- oui, lui d'abord -,
on fait descendre ...
- le lituanien výti, “tordre, tresser, tourner...” (oui, je sais, c'est original),
- le letton (mais l'est-on vraiment ?) vît, “festonner, tresser, enrouler...”.
Riga, capitale de la ... Lettonie, OUI ! |
Quant au slave *viti-, “tordre, tresser, tourner...” , on en fait descendre ...
- mon dieu mon dieu mon dieu, ou plutôt Боже мой! - une flopée de mots.
Je ne passerai ici en revue que les dérivés directs de l'étymon slave *viti-, car sachez-le déjà
- et c'est tellement slave -
on a *vit- euh vite fait d'accoler une ch.ée débauche de ces fameux préfixes monosyllabiques
- terreur absolue des étudiants en russe -,
au verbe *viti- pour en altérer le sens.
C'est ainsi qu'un jour de blizzard, égaré dans la toundra, à bout de forces, transi, la neige jusqu'aux genoux, vous pourriez facilement tomber sur un ...
*perviti-, “plier”, ou sur un
*zaviti-, “tourner autour”, ou encore un
*naviti-, “enrouler, boucler”, ou même un
*poviti-, “emballer, envelopper”, un
*jьzviti-, “fléchir, courber”, voire carrément un
*orzviti, “développer”.
*zaviti-, “tourner autour”, ou encore un
*naviti-, “enrouler, boucler”, ou même un
*poviti-, “emballer, envelopper”, un
*jьzviti-, “fléchir, courber”, voire carrément un
*orzviti, “développer”.
Et je vous le dis en toute honnêteté, mieux vaut tomber sur un ours affamé, ou sur une meute de loups.
Allez, on lui connaît comme descendance, à ce brave *viti-
- descendance dont le champ sémantique couvre toujours les notions de “tordre, tresser, tourner, tisser...”, ce genre de choses, quoi... -,
dans les langues slaves orientales,
- le bielorusse віць, vicʹ,
- le russe вить, vitjʹ
- l'ukrainien ви́ти, výty,
dans les langues slaves méridionales,
- le - oooooouuuuiiIIIIIIIII - vieux savon d'église вити, viti, ou beaucoup mieux - en glagolitique !! - : ⰲⰹⱅⰹ, toujours viti,
- le bulgare ви́я, víja,
- le macédonien ви́е, víe,
- le serbo-croate ви̏ти, vȉti,
- le slovène víti,
dans les langues slaves occidentales,
- le tchèque vít,
- le polonais wić,
- le slovaque viť,
et enfin,
- le bas sorabe wiś et, forcément,
- le haut sorabe wić.
tenue traditionnelle sorabe (de Lusace) Bon, finalement, ' sais pas vous, mais moi je préfère en rester à l'ukrainien ou au slovène. |
Et donc :
**************
*ueh1-i-, “tisser, tresser...”
⇓
degré zéro d'aspect aoristique *uh₁i-t-
⇓
proto-balto-slave *wɁi-
⇓
⇓
proto-slave *viti- et proto-balte *vyti- II, “tordre, tresser, tourner...”
*
proto-slave *viti-, “tordre, tresser, tourner...”
⇓
russe вить, vitjʹ,
vieux savon d'église ⰲⰹⱅⰹ, viti,
tchèque vít,
haut sorabe wić
(...)
⇓
russe вить, vitjʹ,
vieux savon d'église ⰲⰹⱅⰹ, viti,
tchèque vít,
haut sorabe wić
(...)
*
proto-balte *vyti II, “tordre, tresser, tourner...”
⇓
lituanien výti, “tordre, tresser, tourner...”,
letton vît, “festonner, tresser, enrouler...”
⇓
lituanien výti, “tordre, tresser, tourner...”,
letton vît, “festonner, tresser, enrouler...”
Chères lectrices, chers lecteurs,
Merci de me lire, merci de votre fidélité, merci de vos commentaires.
Je vous souhaite un EXCELLENT dimanche, et une très heureuse semaine !
À ... dimanche prochain, pour la fin de notre chapitre balto-slave...
Frédéric
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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom:
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Tiens, si l'on devait associer tous ces tournoiements, ces virevoltes à une danse,
on pourrait se l'imaginer comme une valse, non ?
Pour nous quitter,
de Dmitri Dmitrievitch Chostakovitch,
Дмитрий Дмитриевич Шостакович,
le 7ème et avant-dernier mouvement de la
Suite pour orchestre de variété n° 1,
la célébrissime Valse no 2,
mais ici ... dans une version peu banale
(et qui me plaît énormément),
interprétée
par un quintet composé exclusivement de violoncelles...
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