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dimanche 15 novembre 2020

et... coupez !

      
article précédent : enseigner le design ? À dessein ?



“La mémoire ne filme pas, la mémoire photographie.”

Milan Kundera, 
L’Immortalité (en tchèque, Nesmrtelnost)


Milan Kundera,
né le 1er avril 1929 à Brno, en Moravie


Un petit d'air d'Orson Wells dans The Third Man,
Milan Kundera, non ?




Bonjour à toutes et tous,


En ce dimanche 15 novembre 2020, nous poursuivons, mes amis, l'étude des dérivés de la racine proto-indo-européenne... sek-“couper” !

Et... coupez !

Coupez ! prononcé par Truffaut :


🜛🜛🜛


Le point.



Nous savons déjà que c'est par une forme indo-européenne *sek(h)-no-“coupe, coupé, puis par une forme italique *sekno-, “statue, signe” que *sek-“couper”, a donné le latin sīgnummarque, signe...”, dont dérivera enseignant

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racine proto-indo-européenne *sek-“couper
adjectif & nom indo-européen *sek(h)-no-“coupe, coupé
proto-italique *sekno-, “statue, signe
latin sīgnum, marque, signe...
deuxième terme de l'adjectif in-signis, qui a un signe particulier”, remarquable, insigne...
verbe īnsigniō, mettre une marque, signaler, distinguer, désigner
altération
latin médiéval *insignāre
ancien français enseignier, “faire connaître par un signe” (1050)
extension du sens (entre 1165 et 1170)
“instruire (quelqu'un)”
glissement de sens
“apprendre à quelqu'un” (vers 1200)
moyen français enseignier
français enseigner, “enseigner que” et “transmettre des connaissances à (un élève)” (fin du XVIIème)
emploi absolu, pour être enseignant” (fin du XVIIIème)
participe présent
français enseignant, “qui enseigne”, 1762
sens spécialisé : Église enseignante (1771)
corps enseignant (1806)
substantivation
enseignant, enseignante (1865)

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Nous savons aussi que c'est toujours par le latin signum que nous arrivent, parfois par des chemins vraiment détournés, nos...

sceller, seing, sigillaire, signe et tocsin, 

et puis aussi...

écarlate, scarlatine, et Scarlett.


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latin sīgnum, marque, signe...
diminutif
sigillum, “figurine, statuette
latin classique sigillatus, orné de figurines
bas latin sigillatus(en parlant d'une étoffe :) orné de figurines
emprunt
 grec byzantin σιγιλλᾶτος, sigillâtos
emprunt
arabe siqlat
emprunt
persan سقرلاط‎, saqirlāt, “étofffe d'écarlate...”
emprunt
latin médiéval scarlatum / scarlata“drap ou étoffe écarlate, de couleurs éclatantes”
emprunt
ancien français écarlate (1168)

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Enfin, nous savons que l'anglais design, nos français désigner, dessein, dessin, dessiner, ou encore l'italien disegnare en dérivent

🜛🜛🜛



En ce dimanche 15 novembre, je vous propose d'aborder un autre mot latin, cousin de sīgnum, “marque, signe...” :

secō, secāre, 

qui véhicule toujours bien le sens original attribué à notre infatigable *sek- : “couper”, mais teinté de plein de nuances rigolotes, comme écorcher, déchirer, entamer, amputer, couper, découper, trancher, fendre, castrer, châtrer...”...


C'est précisément comme cela que je commençais cet article, et sur ce ton qu'il aurait dû se poursuivre...

Les amis,
je ne vais rien dire, mais bon,
on a déjà traité des dérivés du latin secō...


Le 10 février 2019, dans râpé ou pas râpé ?.

Eh oui, on y avait appris que nos secteur, sécateur, scie, insecte, et sexe en descendaient.

- Mais enfin, pourquoi en avoir traité à cette occasion-là ?
- Parce que nous parlions alors de la racine *(s)ker-, “couper, découper”, et que je voulais préciser que ces mots, justement, n'en provenaient pas !

Et aussi que c'est toujours à *sek- que l'on attribue la paternité de l'étymon slave *sěkti-, “couper, tondre”, dont proviennent, par exemple, 
  • le vieux slavon d'église сѣщи, sěšti, “ couper”,
  • le russe се́чь (“cietch), tailler en pièces”,
  • le tchèque síci, “tondre,
  • le bulgare seká, “hacher, ou encore
  • le russe секи́ра (sekíra), “hache”.


Eh !

Que voulez-vous que je vous dise ?

C'est pas bien, mais pas bien du tout, d'avoir oublié tout ça !

Et c'est pourtant ce qui vient de m'arriver. 

Pris d'un léger doute,
- vous savez, d'un de ces doutes qui n'en sont pas vraiment, qui n'attendent qu'une infirmation, qui vous font vérifier trois fois d'affilée que vous avez bien les clés dans le fond de la poche -
j'avais quand même pris la peine de vérifier dans la liste des mots traités
- dans la colonne de droite du blog, quand vous le lisez en mode web -


 si, à tout hasard,  je n'avais pas déjà mentionné l'un ou l'autre dérivé de secō.


Et là,


horreur ! 


Eh oui. Je vous ai déjà parlé de ma mémoire. Enfin... je crois.




Bon, ben, je vous invite vraiment à aller lire ou relire râpé ou pas râpé ?. Tout y est.

Et si vous avez du temps à perdre, n'hésitez pas à lire ou relire toute la série d'articles que j'avais consacrés à l'adorable *(s)ker-, “couper, découper”, à commencer par j'ti jur', c't'article i' déchir sa race (bouffon). 

Carrément.


Et je clôturerai ici, abruptement
- coupez ! -
l'article que je voulais consacrer au latin secō.

- coupez ! -

Mais, mais... *sek-, “couper”, se retrouve encore dans les langues germaniques
et dans les langues celtiques

Ce dont je n'avais pas encore parlé. (j'ai vérifié) (et encore)

Ouuuuf.

La semaine prochaine, c'est par là qu'on se baladera...


Mais donc,
et en attendant,
soyons bien d'accord : 

notre français enseignant est étroitement apparenté à désigner, dessein, dessin, dessiner, ou encore à l'italien disegnare, mais aussi à nos sceller, seing, sigillaire, signe et au sin de tocsin, à écarlate, scarlatine, Scarlett, mais aussi à sécateur, scie, secteur, scie, insecte, et sexe !

Et que l'on retrouve même des cousins de tous ces mots en tchèque, avec síci, “tondre”, et en russe : се́чь, “cietchtailler en pièces”.

C’est-y pas beau, ça ?!

Merci qui ?

Mais... l'indo-européen, pardi !


Et comme l'aurait dit Truffaut : 


Allez, 

Passez un excellent dimanche, et une très belle semaine.

À dimanche prochain ? 

Et surtout, surtout, portez-vous bien.





Frédéric


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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter en beauté...

Hélène Grimaud, réellement au sommet de son art, inspirée,
accompagnée par la Camerata Salzburg,

nous interprète un petit bijou,

un morceau que je ne connaissais pas (ou alors, je l'ai oublié),

de Valentyn Vasylyovych Silvestrov (Валенти́н Васи́льович Сильве́стров);
compositeur ukrainien né en 1937 à Kiev,

un morceau d'une douceur, d'une musicalité...
tout en retenue, et si émouvant à la fois...


Voici le premier mouvement des Deux dialogues avec post-scriptum
(Два диалога с послесловием),

Valse de mariage.


https://www.youtube.com/watch?v=VDsONFwJ0YU


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2 commentaires:

LeScrat a dit…

Dire que sans *sek le monde n'aurait pas connu l'étrange proverbe russe qui correspond à notre "faute avouée est moitié pardonnée" : "повинную голову меч не сечёт", soit littéralement "l'épée ne tranche pas la tête coupable". Rhaa, quels poètes ces Slaves!
DIE, merci il y a l'extrême délicatesse du morceau final.
Belle semaine Frédéric ! Porte-toi bien.

Frédéric Blondieau a dit…

Ahaha, bonjour, LeScrat,

Oui, en effet, mais quelle poésie !!

Merci,
Belle semaine à toi, LeScrat !