article précédent: Parménide n'arrêtait pas de zoner en pyjama...
- Mandy: (...) So, you're astrologers, are you? Well, what is he then?
- Wise Man #2: Hmm?
- Mandy: What star sign is he?
- Wise Man #2: Uh, Capricorn.
- Mandy: Uhh, Capricorn, eh? What are they like?
- Wise Man #2: Ooh, but... he is the son of God, our Messiah.
- Wise Man #1: King of the Jews.
- Mandy: And that's Capricorn, is it?
- Wise Man #2: Uh, no, no, no. That's just him.
Extrait de Life of Brian, Monty Python, 1979
Bonjour à toutes et tous!
Ce dimanche marquera le départ d’un nouveau thème: Magie et magiciens, thème soufflé par quelqu’un qui se reconnaîtra!
Commençons donc sans plus tarder, et en toute logique, par l’étude de la parenté proto-indo-européenne du mot… mage.
Le mage est à l'origine un prêtre officiel perse.
Ce terme de mage désignait - en tout cas depuis au moins le VIème siècle avant notre ère - des prêtres disciples de Zarathoustra (encore appelé Zoroastre, ou Zarathushtra), en persan زرتشت, en avestique Zaraϑuštra, ou encore en grec Ζωροάστρης.
Ce qui est certain, c’est qu’aux yeux des Grecs, ces mages étaient considérés comme des … magiciens!
Zarathoustra |
Selon le formidable Xénophon, c'est Cyrus II le Grand qui, vers 550 av. J.-C., installa officiellement les mages de Perse.
Il ne précise pas si c’est lui aussi qui mit les fûts en Perse…
Xénophon |
Cyrus II le Grand |
Ah, Xénophon!
Il avait un pote: Xylophon. Et ils décidèrent que chacun d'eux inventerait un instrument de musique.
On ne saura jamais ce que Xénophon avait pu imaginer...
Xylophone |
En revanche, son cousin Téléphon, qui n'était certes pas musicien, fit encore plus fort...
(Notez - et c'est le mot - que la tonalité des lignes téléphoniques, notamment en France et en Belgique, est fixée au la 440, le la de référence des diapasons mécaniques...)
(Ouais d'accord, sauf pour la musique baroque, où on descend souvent le la d'un demi-ton, à 415 Hz.)
Alors, le français mage nous arrive du latin magus, emprunt au grec ancien μάγος, mágos, qui désignait ces fameux mages persans.
Et mage, en persan, c’était مُغ, maguš ("magouch").
Et le persan maguš, i’ vient d’où, hein, hein??
Eh bien, probablement - car on n’en est pas sûr sûr, même si tout le laisse à penser - d’une forme suffixée en *u- de la racine proto-indo-européenne *magh-1: *magh-u-.
Cette racine *magh-1 n’évoquait nullement la notion de magie!
*magh-1, c’était “être capable, avoir du pouvoir…”
Eh oui, le maguš, c’était un membre de cette caste (ou tribu) de prêtres dotés de pouvoirs, donc puissants.
Comprenez donc que les pouvoirs dont ils disposaient étaient peut-être magiques, mais en tout cas très certainement politiques!
On sait tous le pouvoir d’une religion d’état…
- Bon, et magie, alors, et magique, et magicien??
- Oui oui, on y arrive! Oh, on est dimanche, aussi...
La « magie », c'était tout simplement la religion des mages!
C'est ainsi, par μαγεία, mageia que les Grecs l'appelaient.
Le mot français magie nous arrive du latin magia, calqué sur le grec.
Magique trouve également son origine en grec: il nous vient du grec "magike", féminin de "magikos", créé sur le persan "maguš". Il nous arrive par le latin magicus.
Comme je vous le disais, pour les Grecs, ce que ces maguš faisaient était visiblement considéré comme magique!
Quant à magicien (qui pratique la magie), il s'agirait d'un mot nettement plus récent (de la fin du XIVème siècle, tout est relatif), dérivé de magique.
Mais la racine *magh-1 n'a pas essaimé qu'en grec!
Elle s’est également transformée dans le germanique *magan: être capable, être puissant.
C’est d’elle que descend le verbe anglais “may”: pouvoir, mais aussi cet autre verbe anglais dismay: consterner, épouvanter…
Dismay provient du vieux français esmaier: effrayer, ou alors, sur un mode mineur, inquiéter, troubler.
Le rapport avec la notion de pouvoir?
Eh bien, effrayer, c’est faire perdre ses forces à quelqu’un, le priver de ses pouvoirs…
Vous le comprenez nettement mieux quand vous savez que le désuet esmaier provenait du bas-latin *exmagāre, qui signifiait littéralement “priver quelqu’un de ses forces”…
Le vieux français esmaier pouvait signifier “troubler, inquiéter”, mais aussi, sous une forme pronominale "SE troubler, S’inquiéter, S’étonner”.
Et au participe passé, il signifiait tout simplement “inquiet, troublé”.
Pourquoi je passe mon temps à vous bassiner avec les définitions du vieux français esmaier?
Mais parce qu’en moyen français, il a subsisté sous la forme esmai, esmoi: l’inquiétude, le trouble.
Qui est devenu en français…
émoi, évidemment!
Mais revenons à l’anglais…
Si may est bien un héritier de *magh-1, might l’est tout autant.
Might, le pouvoir.
Il dérive de *magh-1 par le germanique *mah-ti-, le pouvoir.
Bruce Almighty: Bruce le Tout-Puissant |
Et puis, il y a encore l’anglais main, qui signifie notamment “principal”, provenant du vieil anglais mægen "pouvoir, force corporelle, puissance, efficacité”.
Lui, c’est de la forme suffixée germanique *mag-inam (toujours évoquant le pouvoir) qu’il nous arrive…
Mais ce n’est pas tout!
Notre brave racine proto-indo-européenne *magh-1, par une forme allongée et suffixée *māgh-anā-, que l'on traduirait par quelque chose comme “qui permet, qui donne le pouvoir de”, s’est dérivée ...
- dans l’ancien grec - en dorien pour être précis - μαχανά, mākhanā,
- dans l’attique (autre dialecte de l'ancien grec, parlé lui dans ... l’Attique, la région qui entoure Athènes) μηχανή, mēkhanē.
Et ces μαχανά, mākhanā / μηχανή, mēkhanē désignaient un dispositif.
- Un dispositif??
- Oui, entendez "quelque chose, un mécanisme, qui permet de faire quelque chose, qui vous donne le pouvoir de faire quelque chose..."
Et OUI, bien sûr, via le latin classique māchina, nous leur sommes redevables de machine, ou de mécanique!!
Ah oui, j'oubliais!
Méchanique a perdu son h lors de la réforme orthographique française de 1762…
Et donc: magie, machine, émoi, ou encore les anglais may et might...
TOUS proviennent d'une seule et même jolie petite racine proto-indo-européenne, *magh-1...!
Là-dessus, je vais un peu profiter de cette superbe journée calme et ensoleillée…
Ah la campagne...
Philippe Noiret dans Alexandre le bienheureux, Yves Robert, 1968 |
Oui, ce n'est pas la première fois que j'évoque ce délicieux film. Et alors??
La première fois, c'était le dimanche 8 juillet 2012, figurez-vous.
Il y a presque deux ans... Oui, ça ne nous rajeunit pas, ma bonne dame.
Allez, bon dimanche à toutes et tous,
Passez une très bonne semaine, et…
A dimanche prochain?
Frédéric
PS: OUI, j'ai réussi mes examens! Merci à vous qui m'avez envoyé de bonnes ondes...!
article suivant: les sorties du Prince consort
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire