article précédent: en attendant *gheu-*dyeu-
"By Jove, Olrik!"
Mortimer, in Blake et Mortimer, Edgard P. Jacobs
Blake et Mortimer |
Avant de poursuivre avec notre divin sujet entamé la semaine dernière...
...Avez-vous déjà entendu le prénom Didier prononcé par un bon Wallon?
Selon les prononciations, vous pourriez entendre l'équivalent de l'anglais "D.J.": "Didjé".
Didier le DJ |
Et puis, vous le savez très certainement, le J et le I sont finalement très proches.
La lettre J n'existait pas en latin, qui ne connaissait que le I; le J n'arrivant que plus tard, du côté du 13ème siècle, pour permettre de transcrire d'autres langues que le latin...
Enfin, dans certaines de nos langues indo-européennes modernes, la prononciation du J va du son "J" de "je" à "dje", comme dans "Django".
Comparez "jeune" avec son équivalent italien: "giovane".
Ou encore "Jean" avec "John".
Phonétiquement, il n'y a qu'un tout petit pas entre J et DJ... Ou DI...
En gardant cela en tête, maintenant, poursuivons!
La racine proto-indo-européenne *dyeu- était associée à l'idée de "clarté", de "brillance".
La clarté du jour, le soleil qui brille, radieux...
Basé sur cette racine, *deywos devait être, d'après ce que l'on peut reconstruire, le nom du Dieu du ciel clair, le Dieu qui était à la tête du panthéon indo-européen.
En latin, il devint Iuppiter (Jupiter, évidemment, le Roi des Dieux, le roi du ciel et du tonnerre) ; on retrouve mieux la forme originale *dyeu- dans son génitif: Iovis.
Carracci: Jupiter et Junon |
Mais pourquoi cette transformation en "Iuppiter"?
Pourquoi une telle différence entre son nominatif et le génitif?
Iuppiter proviendrait, selon les études linguistiques, d'une forme précédente *Iou-pater, elle-même dérivée de l'expression vocative composée proto-indo-européenne:
*dyēu-pəter
que l'on pourrait traduire par:
"Oh Père Dieu du ciel".
Zeus (nominatif: Ζεύς / Zeús ; vocatif: Ζεῦ / Zeû ; accusatif: Δία / Día ; génitif: Διός / Diós ; datif: Διί / Dií) est la version grecque de la même racine proto-indo-européenne *dyeu- / *deywos, transmise par le grec ancien Ζεύς.
Mais en latin, *dyeu- / *deywos a également donné "deus": dieu.
Et nous retrouverons également trace de la racine originale dans le sanskrit द्यु dyu ("Dieu"), tout comme dans द्याउः (dyāu),"ciel lumineux".
En latin, toujours, *dyeu- a donné diēs: jour, journée (pensez à l'idée de clarté associée au jour, à la journée).
Il était de coutume, chez les Romains, de prêter serment, en Cour de Justice, en jurant par Jupiter.
Le "By Jove" de l'anglais Mortimer vient de là...
L'expression est à présent archaïque, mais toujours usitée.
Le nom "Jupiter" a bien entendu servi à baptiser la plus grande des planètes de notre système solaire.
Mais saviez-vous que l'adjectif "jovial" désignait à l'origine ceux qui étaient nés sous l'influence de la planète, réputés pour être gais, optimistes, plein d'entrain...
Jupiter |
En français, nous lui devons bien évidemment...
dieu, déité, diva, divin... Mais diurne aussi!
Ou encore jour, journée, journal
Et jeudi!
Jeudi est un cas vraiment très particulier (peut-être même unique?)... car il s'agit d'un double dérivé de la même racine,*dyeu-, puisqu'il provient à la fois des latins Jovis ("Jupiter", dérivé en "jeu-") et dies ("jour", dérivé en "-di"), pour signifier "le jour de Jupiter".
Juillet - ça tombe bien non? - est le mois de Iulius (César), prénom qui originellement signifiait probablement "celui qui est descendu de Jupiter", ou encore "dévoué à Jupiter", basé sur Jovilius.
D'autres dérivés?
Deva est le mot sanskrit pour "divinité", tandis que devi, c'est la déesse...
Nanda Devi, la Déesse Joyeuse |
Enfin, en anglais, le terme "dial" en est un descendant un peu curieux.
Dial, c'est le "cadran", to dial, c'est "composer un numéro de téléphone", par exemple ; c'est l'idée d'agir sur le cadran...
Tout simplement parce qu'à l'origine, quand on parlait du cadran dial, il s'agissait du sundial: le cadran solaire, qui devint plus tard le cadran de l'horloge; dial venant du latin diālis: journalier, ou relatif à la journée.
Joviale journée à toutes et tous, en ce mois divin!
Frédéric
article suivant: et ric, et rac, on va squetter l'baraque
1 commentaire:
Ah ! Mais le revoilà donc ce cher Didier, nom d’un chien ! Affublé de son clone “Ditché” (avec un joli « tch » comme dans « Tchérry Van Cauberg » ) .
Sur le même modèle, nous avons, moins édulcoré que « By Jove » : « Nom de D.. » , pas l’émission d’Edmond Blattchen sur la RTBF depuis plus de vingt ans, non, non, pas celui-là.
Je pense à ce qui, dans la bouche de certains, est devenu une espèce de ponctuation aux multiples variantes. Ainsi, et pour rester dans le 7ème et le 9ème art, de Bruxelles à Champignac, nous trouvons le «rgntudju » de Monsieur Aimé de Mesmaeker (Franquin - Spirou et Fantasio), le « nomdidja » (à ne pas confondre avec « Non ? Déjà ? »), « nommdèzo de nommdèzo » , « nomtetchîîî » ou encore le plus méridional « Nom di D’iou » http://www.youtube.com/watch?v=ho_YiIpsBUk (1)
Ensuite, il y a le céleste « Par moi » dans les Douze Travaux d’Astérix de R.Goscini et A.Uderzo (avec la collaboration de Pierre Djernia.. mais sans celle de Gérard ..De par dieu) (1976) (2)
Et encore le génial « Nom de Zeus » de Back to The Future - R.Zemeckis – 1985 (3)
Tiens, comme ça, entre 4 Z’ yeux, dans la version originale le Prof. Emmet Althrop Brown (en lisant à l’envers les syllabes de ses prénoms (em-it lathrop) , on obtient curieusement « tim-e-por-tal») ne s’exclame pas « By Jove » mais « Great Scott !!» que l’on retrouve chez Mark Twain ou dans la bouche de Sherlock Holmes et Superman. En revanche, dans la version italienne, cette exclamation est devenue « Bontà Divina » en alternance avec « Grande Giove ».
Mais revenons en Wallonie et au Borain (qui est du Picard et non du Wallon) … où l’on invoque plus volontiers le nom du diable que celui de Dieu. Ainsi « Nom dè Djû” sera délaissé au profit de « Fat’Djap » sale diable, ou...sacré ou satané diable.
Que diable ! A un « L » (une aile ??) près le sanskrit « devi » se transformait en … l’anglais ..(je vous le laisse)
Mais, laissons-ça car le troisième commandement précise « Tu n’invoqueras pas le nom de Dieu en vain » ?
En vin ? Et bien, c’est ce que les italiens ignorent divinement avec leur «Perbacco ! » (Par Bacchus !!! )
Allez, une petite intox pour terminer : Saviez-vous que le titre original du tableau de Carracci était « Je n’ai d’yeux que pour toi » mais qui n’a pas été jugé crédible de la part de cet infidèle de Jupiter … ????
(1) - La Soupe aux Choux de J.Girault – 1981
(2) http://www.youtube.com/watch?v=Zdzr3iMdqBU (à 2m :20s)
(3) http://www.youtube.com/watch?v=DYH4Q2AQxs4
(4) http://www.youtube.com/watch?v=XixMyRpGeig
Merci pour votre écoute! C’était Le Scrat en compagnie de Hamster Jovial – en direct de l’ lle d’Yeu – A vous les studios !
(hors antenne "On se tient au jus, Peter!"
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