“De la sorte que vous en parlez, je crois aussi que vous auriez été bien aise que j'eusse été empalé une demi-heure pour savoir comment cela se fait, et comment l'on s'en trouve”
Vincent Voiture
Vincent Voiture
Vincent Voiture, 24 février 1597 - 24 mai 1648, poète et prosateur français |
(Vincent Voiture, qui
- la légende est décidément tenace -
n'a strictement aucun lien de parenté avec Otto Preminger, Alphonse Karr, le magistrat Patrice de Charette de La Contrie, Henry Ford, Emil Škoda, Ferdinand Porsche et André Citroën.)
Bonjour à toutes et tous !
La racine du jour ?
Oui,
*peh₂ǵ-, “attacher”.
Nous le savons déjà, elle nous a notamment légué ...
- mais oui, oh !, relisez
Guerre et Paix. Et saucisse,
retour au pays,C'était il y a très, très, très longtemps ...,j'l'aime bien, mais ch'peux plus l'voir en peinture etpeut-on considérer les années 20 comme de la propagande pro-vin -
- les anglais fang, “croc” et peg, “patère...”,
- l'allemand Fuge, “jointure”, et
- nos français pacte, paix, pays, page (celle du livre), païen, paysage, propager, provin et propagande.
Rien que ça.
Eh bien, nous n'en avons pas fini,
loin de là,avec les dérivés latins de notre délicate racine indo-européenne *peh₂ǵ-...
Parce que, voilà, les latins pālus et pāla, respectivement “pieu, poteau en bois, piquet, cheville (en bois)...” et “bêche, pelle...”,
apparentés à pangō, “enfoncer, ficher, planter ...”,en sont issus.
pieu |
pelle |
(Même si la pelle ne semble pas à première vue, avoir de rapport avec le pieu, c'est par la forme que les deux s'apparentent, le manche de la pelle étant constitué d'une sorte de pieu.)
Pālus et pāla, plus précisément, proviennent de notre délicieuse indo-européenne par un mot indo-européen créé sur elle, le substantif (à l'instrumental, quand même) *peh₂ǵ-slos-, auquel on attribue le sens de “pelle, poteau ...”.
Nous retrouverons *peh₂ǵ-slos- dans l'italique commun
(toujours reconstruit, hein, et ici par Michiel de Vaan)
*pag-slo-, de même sens.
Nous dirons donc ...
*peh₂ǵ-, “attacher”
⇓
substantif indo-européen à l'instrumental *peh₂ǵ-slos-, “pelle, poteau ...”
⇓
étymon proto-italique *pag-slo-, “pelle, poteau ...”
⇓
latins pālus, “pieu, poteau en bois, piquet, cheville ...” et pāla, bêche, pelle...”
Pālus et pāla, mais où est-il ?, me direz-vous.
Et moi, je ne répondrai même pas à ce genre de jeux de mots navrants particulièrement gentillets mais profondément stupides.
En revanche, je vous dirai que nous avons emprunté en français le latin pālus il y a un bon bout de temps (avant le XIIème !), pour en faire notre ... pal.
Nooooon, pas celui-là, oh !
Le pal est notamment cette ...
Longue pièce de bois ou de métal aiguisée par un bout,
mais aussi cet abominable ...
instrument de supplice formé d'un pal (circa 1360).
Je remercie chaleureusement le ©Le Grand Robert de la langue française, pour ces définitions.
Le Grand Robert de la langue française dont, par ailleurs, les concepteurs viennent encore dernièrement de prouver qu'ils étaient plus calés en français que dans les technologies de l'information, leur site ayant été mis à mal au début de l'année par des crétins de pirates.
Messieurs du Robert, je peux d'ailleurs supposer que je recevrai de votre part une compensation pour les jours pendant lesquels je n'ai pas pu consulter en ligne les deux ouvrages pour lesquels je suis abonné chez vous, merci !
Vlad l'empaleur, forcément |
Si notre français pal n'est qu'un vulgaire emprunt au latin, il y a en revanche un autre mot français qui lui est bien, linguistiquement parlant, issu de pālus, ...
Une idée ?
...
... pieu !
Mais oui !
Cette ...
pièce de bois droite et rigide, dont l'un des bouts est pointu et destiné à être fiché en terre.
Merci, merci, © 2017 Dictionnaires Le Robert - Le Grand Robert de la langue française, vous qui allez rapidement m'indemniser pour les désagréments créés par la pathétique et ridicule chute de votre site lerobert.com.
Vous le savez certainement, en un premier temps, l'ancien français n'avait pas totalement perdu les déclinaisons du latin... On y trouvait encore deux cas : le cas sujet, dérivé de l'ancien nominatif latin, et le cas régime, dérivé lui de l'accusatif latin.
Je vous renverrais bien, tiens, à ce superbe article d'il y a 7 ans (!!), pratiquement jour pour jour, Un gars, une fille, où je racontais que garçon n'était en réalité, en ancien français, que le cas régime de gars.
(je dis superbe parce que, comme je vous l'ai souvent dit, j'ai une mémoire épouvantable, qui me permet de redécouvrir mes anciens articles avec un œil de lecteur totalement neuf, ayant oublié pratiquement tout le contenu de l'article que j'avais pu écrire - oui, je sais, c'est incroyable, mais c'est comme ça -. Et là, je suis allé le relire,
cet article, et vraiment, je le trouve très bien fait !)
Aaaah (soupir d'aise).
Notre latin pālus se transformera pour devenir, en ancien français le cas sujet... pel.
Mais c'est plutôt sur le cas régime pluriel du mot, pels, que le mot continuera à évoluer pour donner notre pieu moderne.
Car, tout simplement,
- de un, c'était plutôt en grand nombre qu'on employait les pieux...,
- de deux, parallèlement, on utilisait le mot bien souvent sous forme de complément, plus rarement de sujet.
Le cas régime pluriel pels (attesté du côté de 1140) a ainsi évolué pour devenir, un peu plus tard (vers 1165) peus, puis, début du XIIIème, pius, et enfin pieux, attesté en 1287.
**************
*peh₂ǵ-, “attacher”
*peh₂ǵ-, “attacher”
⇓
substantif indo-européen à l'instrumental *peh₂ǵ-slos-, “pelle, poteau ...”
⇓
étymon proto-italique *pag-slo-, “pelle, poteau ...”
⇓
latins pālus, “pieu, poteau en bois, piquet, cheville ...” et pāla, “bêche, pelle...”
⇓
ancien français pel (cas sujet), pels (cas régime pluriel) (circa 1140)
***
pels (cas régime pluriel de pel)
⇓
peus (circa 1165)
⇓
pius (début XIIIème)
⇓
pieux (1287)
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moyen - français et français pieu
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ancien français pel (cas sujet), pels (cas régime pluriel) (circa 1140)
***
pels (cas régime pluriel de pel)
⇓
peus (circa 1165)
⇓
pius (début XIIIème)
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pieux (1287)
⇓
moyen - français et français pieu
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Nous avons encore pas mal de dérivés des latins pālus et pāla à nous mettre sous la dent ...
Un p'tit dernier pour aujourd'hui, pour la route ?
Nous en avions déjà parlé le 14 juillet 2013, dans troïka, sitar et trèfle, où nous
Ce dérivé, c'est ... travail.
Le mot est issu, vers l'an 1200, du bas latin trepalium, variante de tripalium, composé de tri- (trois) et de ... pālus, signifiant littéralement “(machine faite de) trois pieux ...”, et désignant un ....
... instrument de torture.
Décidément !
Si cet engin de torture était le travail, travailler signifiait tourmenter, torturer avec un tripalium.
Cette idée de tourment a évolué en celle d'agitation, et d'agitation en celle de ... déplacement.
D'où l'emprunt du mot en anglais, pour donner ... travel, “voyager” !
Pas sûr, pourtant, que voyager eût toujours été une torture pour les Britanniques (enfin... par pour EUX) |
Le français a lui-même emprunté plus tard à l'anglais, en 1921, le terme de cinéma travelling, tiré de l'expression “travelling shot”, “prise de vue en mouvement”, qu'aucun cinéaste anglais n'utilisera jamais, qui parlera plutôt, et plus précisément,
- de tracking shot, quand le cadre suit un objet (que le support de la caméra se déplace ou non), ou
- de dolly shot, quand la caméra est montée sur un dolly, un chariot mobile.
caméra sur dolly |
Chères lectrices, chers lecteurs,
Je vous souhaite un excellent dimanche, et une trrrrès belle semaine.
Dimanche prochain, nous continuerons à passer en revue les dérivés français, parfois surprenants, de notre jolie *peh₂ǵ-, “attacher” ...
Dimanche prochain, nous continuerons à passer en revue les dérivés français, parfois surprenants, de notre jolie *peh₂ǵ-, “attacher” ...
Frédéric
PS: dans ces articles, les passages de texte en bleu, vous l'aurez compris, traitent d'éléments de linguistique.
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CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter,
quoi de mieux que ...
The Traveling Wilburys,
ici dans
End Of The Line.
Ce fantastique supergroupe anglo-américain, actif de 1988 à 1990,
n'était constitué que de pointures :
Bob Dylan, George Harrison, Jeff Lynne, Roy Orbison, et Tom Petty !
Pour la video de End Of The Line, Roy Orbison n'était hélas déjà plus de ce monde.
C'est son rocking chair se balançant doucement, sur lequel est déposée sa guitare, que vous voyez dans le clip...
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