- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 27 novembre 2022

Ô Dieux ! ô justes Dieux ! donnez-nous du secours ; Les Vents, les Mers, le Ciel, tout menace nos jours !




Le titre de cet article est tiré du début de l'acte II d'un opéra de Mozart...


Lequel ? 'Sais pas.




Mais je peux vous en donner un autre extrait, cette fois du troisième et dernier acte :
(je suis décidément trop bon)

Les Dieux calment leur haine.
Mon trouble est dissipé : que l'on cherche mon Fils.
Quel fer ? quelle Furie en mes mains l'a remis ?...
Je sens une frayeur soudaine !
(à Ilione)
Je vous revoy...


Et si ce deuxième indice ne suffisait pas, allez, en voici un troisième :







Chers lecteurs, bonjour.


La racine du moment ? Mais certainement :


*men-« penser ».


Et l'article de résumé consacré à ladite racine ?



Nous avions entamé, la semaine dernière, l'étude des dérivés helléniques de notre charmante *men-« penser ». 

Aujourd'hui, ben..., nous continuerons à creuser, pour mettre au jour d'autres dérivés de nos 
  • μέμονα, mémona« avoir en tête, penser fortement à », d'où « avoir l'intention de, vouloir, désirer... », ainsi qu' « être plein d'ardeur, de courage... »
ou
  • μένος, ménos, « esprit, intentionvolonté ; courage ; force, vigueur, puissanceardeur au combat ; violence ; passion ; fureur... ».


Hélas ! Hélas ! Vierges ailées, filles de la Terre, ô Sirènes, que n'accourez-vous à mes plaintes avec la flûte libyenne ou le chalumeau, afin que vos larmes répondent à mes maux, vos douleurs à mes douleurs, vos chants à mes chants, et que votre voix plaintive fasse écho à mes lamentations : en ce dimanche, je ne pourrai vous livrer qu'un tout petit article. 

Parfois, comme je vous l'ai déjà exprimé, ma vraie vie reprend le dessus... Alors, je me permets, pour m'en tenir à mon engagement de vous offrir un article chaque dimanche matin, de vous en proposer un qui, fût-il particulièrement court, a au moins le mérite d'exister.


Or donc.

Un possible dérivé grec ancien de μένος, ménosμένος, ménos pourrait être...

  • Μενέλᾱος, Menélāos. Oui, je parle bien de Ménélas, roi de Sparte et époux malheureux de la plus belle femme du monde, Hélène.
Ménélas



Que ce soit clair, l'étymologie du nom propre Μενέλᾱος, Menélāos est toujours disputée.
J'en recense (je parle de ses étymologies ; on suit) trois :

  1. Μενέλᾱος, Menélāos, est composé de μένω, ménō, « attendre, être stable, tenir bon », et de λαός, laós, « peuple... » (λαός , on en parlait déjà ici : l'ergothérapeute était allergique à toute liturgie) ; à peut-être traduire par Mélénascelui « qui soutient le peuple » ?,

  2. Μενέλᾱος, Menélāos, est composé de notre μένος, ménos« force, vigueur, puissancepassion ; fureur... », et de λαός, laós, « peuple » ; Mélénas serait peut-être dès lors celui qui incarne « la puissance, la fureur du peuple » ?,

  3. Μενέλᾱος, Menélāos, composé de mène et de hélas, serait celui qui mène aux hélas, ou vers qui les hélas mènent (les hélas d'Hélène dans Ἑλένη, Elenē, la tragédie qu'Euripide consacra à cette dernière). Et c'est vrai que sans les amènes hélas d'Hélène, la tragédie se vide de mots... Vous vous êtes déjà amusés à les compter ? Moi, j'en trouve quatorze !

C'est Hélène qui nous sort par exemple : 

Hélas ! Hélas ! Vierges ailées, filles de la Terre, ô Sirènes, que n'accourez-vous à mes plaintes avec la flûte libyenne ou le chalumeau, afin que vos larmes répondent à mes maux, vos douleurs à mes douleurs, vos chants à mes chants, et que votre voix plaintive fasse écho à mes lamentations : je veux que vos funèbres accents arrivent aux oreilles de Proserpine, et que dans son séjour ténébreux elle reçoive avec mes larmes, comme un hommage agréable, l'hymne que j'adresse à ceux qui ne sont plus. 

Ou encore :

Ménélas... Le dirai-je ?... Hélas ! Il est mort !

 

Hélène


Donc, Ménélas pourrait être étymologiquement apparenté à μένος, ménos, et par voie de conséquence à la racine proto-indo-européenne *men-« penser »...

Mais Ménélas, mythologiquement parlant cette fois, est le fils d’Atrée et d’Aéropé.

Aéropé (ou Érope / Ærope, du grec ancien Ἀερόπη, Aerópêqui n'est autre que la fille de Catrée (Κατρεύς, Katreús), ce roi de Crète qui est le fils aîné de Minos et de Pasiphaé.


Profitons-en...

Car savez-vous qui succédera à Catrée, en tant que roi de Crète ?

Hein, hein ?

Idoménée (Ἰδομένη, Idoménē).


Et v'là-t-i' pas que...

  • Ἰδομένη, Idoménē se compose de Ῑ̓́δη, Ī́dē, désignant le mont Ida, en Crète (connu de nos jours comme le mont Psiloritis), et de μένος, ménos« force, vigueur, puissancepassion ; fureur... » !
le mont Psiloritis


Ah ben ça ! 

Ἰδομένη, Idoménē serait ainsi « la puissance du mont Ida... ».


Et à présent, si vous n'avez toujours pas trouvé de quel opéra de Mozart proviennent et le titre, et le texte en exergue
(malgré le troisième indice probablement un peu trop limpide)

il s'agit d'...


Idoménée,

ou plus exactement Idomeneo, re di Creta, K. 366,
qui fut représenté pour la première fois le 29 janvier 1781 à Munich.

l'émouvante première page du manuscrit (l'Ouverture)
(source)


Mmmmh ? Quoi, l'indice ? Ben oui : il s'agit du maillot de meilleur grimpeur au Tour de France, donc,

évidemment,


 le maillot du roi des crêtes.



À vous tous, un excellent dimanche, et une très bonne semaine.
Portez-vous bien.




Frédéric






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CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
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Et pour nous quitter…

Je ne peux que vous convier à cette délicieuse interprétation de la musique de ballet que Mozart composa pour Idomeneo.

Et c'est l'un de mes ensembles baroques fétiches qui nous la restitue, avec une fougue et un plaisir communicatifs :

Apollo's Fire


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