article précédent : - J'ai envie de Béziers. - Peut-être, mais... pas de boogie woogie avant vos prières du soir.
Chers lecteurs, bonjour.
En ce beau dimanche de mi-avril, où, enfin, les jours commencent à ressembler à des jours, en clarté et durée, nous allons poursuivre l'étude des dérivés de notre charmante petite racine proto-indo-européenne…
*men-, « penser »
dans les langues...
De bien tristes circonstances m'empêchent de vous présenter un billet à l'image de ces jours de la mi-avril longs et lumineux, mais soit, je vous concocte un mini-article qui, je l'espère, vous plaira...
une belle Mini |
J'ai retrouvé trois étymons germaniques provenant de notre douce indo-européenne *men-, « penser ».
Le premier de ceux-là ?
Un mot féminin, le proto-germanique (ou germanique commun, si vous préférez) *mundi-, auquel on attribue, par le biais de ses dérivés attestés, le sens de « mémoire, esprit... ».
Disons-le tout de suite, ce joli *mundi- est en réalité un nom abstrait construit sur le verbe germanique *munan-, « penser, (se) rappeler, avoir l'intention de... », suivi du suffixe *-ti
(ce qui tombe particulièrement bien, considérant que le suffixe *-ti permettait de créer, à partir de verbes, des noms abstraits).
J'aurais donc dû, en toute logique, commencer par traiter du verbe *munan- ; ce que je ferai,
Mais bon, si j'ai voulu ouvrir ce chapitre germanique par *mundi-, « mémoire, esprit... », c'est qu'en peu de mots, il risque de vous surprendre...
Alors,*mundi- !
Oh, bien sûr, c'est à lui que l'on attribue la paternité de
Mais nous lui devons aussi le
- mais ouiiiiiii ! -
- féminin vieux norois mynd, « forme, image... ». Vous comprenez aisément que cette forme ou image dont il est question s'apparente à une idée, à une construction de l'esprit.
Inutile de préciser que du vieux norois mynd, « forme, image... », on passe rapidement au
- féroïen mynd, « image, dessin... », sens dont Monsieur X tient à préciser la spécialisation courante en « dessin naïf représentant la longue et douloureuse agonie d'un dauphin dans le regard duquel vous lisez peur et incompréhension... ».
superbe image des Féroé. On raconte que le pigment rouge... Non, rien. |
Je me dois encore de préciser que sur *mundi- s'est créée une forme composée *ga-mundi-.
Vous y aurez remarqué le préfixe*ga-,
cognat du latin cum-,
qui peut exprimer,
tout comme son illustre cousin,
l’adjonction, la réunion, le parallélisme, la simultanéité...
C'est ainsi que le gotique 𐌲𐌰𐌼𐌿𐌽𐌳𐍃, gamunds, pourra se traduire par...
- je vous laisse réfléchir ? Pensez à un mot composé français hérité du latin, et dont la première acception est...
cérémonie destinée à rappeler le souvenir (d'une personne, d'un événement) -
...
...
Ouiii !
𐌲𐌰𐌼𐌿𐌽𐌳𐍃, gamunds, peut élégamment se traduire par notre français... com-mémoration.
Amusant : saviez-vous que le japonais a emprunté l'anglais mind pour en faire
- マインド, maindo, « esprit, état d'esprit... » ?
Ah ça ! Voilà bien la question EXISTENTIELLE, à TOUJOURS se poser... |
Et puis, et puis...
d'un mot germanique très proche de notre*mundi- et que l'on retranscrit sous la forme *minþijō / *mindijō, au sens de « pensée pleine d'affection, attention, soin... »,
descend
- le francique (non attesté) *minnjo, « amour, amitié, affection, (doux) souvenir... »,
- du vieux haut allemand minnja, « amour, attention, affection, désir, (doux) souvenir... »,
que
- du - ouiiii ! - vieux saxon minnea, « amour... ».
Là où le francique *minnjo, « amour, amitié, affection, (doux) souvenir... » devient subitement intéressant, c'est qu'il pourrait être (sans certitude) à l'origine du vieux français... mignon.
Oui oui, mignon,
qui offre de la grâce et de l'agrément avec une apparence délicate, menue ; favori.
les mignons d'Henri III |
À vous tous, un excellent week-end.
Portez-vous bien.
Frédéric
In Memoriam |
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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter…
De Henri III, nous passerons à
Henry Purcell.
Avec
la Marche, extraite de
March and Canzona for Queen Mary's Funeral, Z. 860
(pour l'étymologie de marche, c'est ici qu'ça s'passe.)
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5 commentaires:
Je reviens (avec un peu de retard) sur l'article de la semaine passée pour mentionner un nom qui a survécu dans le cadre de l'histoire de la littérature, le "Minnesang", poésie lyrique (chanson d'amour) allemande entre le XIIe et le XIVe siècle. Très certainement dérivé de cette jolie racine.
Bonjour Jean,
Oui, tu as parfaitement.
J'avais décidé de ne pas parler du mot, le jugeant trop "pointu". Et je comprends maintenant que j'ai eu tort ! ;-)
Le mot date bien du vieux haut allemand, et reprend "Minne" au sens d'amour.
Merci pour cette précision,
Frédéric
Et tant que j'y suis, est-ce que l'expression "minnelijke schikking" (arrangement à l'amiable) ainsi que "in der minne" pourrait provenir de la même racine ?
(je vois que j'ai oublié un mot à ma phrase d'introduction, dans ma réponse précédente. Tu y auras bien entendu ajouté "raison".)
Pour ces deux expressions-ci, je dois vérifier ; je te tiens au courant !
@Jean
Pour l'un comme l'autre, tout porte effectivement à croire qu'ils proviennent bien du même étymon.
:-)
Voir notamment https://www.etymologiebank.nl/trefwoord/minnen
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