article précédent: Jane Austen au concours Lépine (comprend qui peut)
Comme un coursier indompté hérisse ses crins,
Le chardon importun hérissa les guérets.
(cadavre exquis construit sur des citations, respectivement,
de Jean-Jacques Rousseau,
Essai sur l'origine des langues où il est parlé de la mélodie et de l'imitation musicale,
et de Nicolas Boileau,
Épîtres)
Le chardon importun hérissa les guérets.
(cadavre exquis construit sur des citations, respectivement,
de Jean-Jacques Rousseau,
Essai sur l'origine des langues où il est parlé de la mélodie et de l'imitation musicale,
et de Nicolas Boileau,
Épîtres)
Bonjour à toutes et tous !
Ah, les vacances...
Je les savoure, je m'en délecte,
mais voilà, mon devoir m'appelle, et RIEN QUE POUR VOUS,
je me force à rédiger un petit article...
Au menu d'aujourd'hui, une devinette:
quel est le rapport entre ...
ceci
(qui provient de cela),
ceci,
et ceci ?
Autrement dit, entre ...
- un crin de cheval,
- le laiteron
(mais oui, oh ! Cette plante dicotylédone, annuelle ou vivace, dont les tiges, les feuilles contiennent une sorte de latex, régionalement appelée laite, lait d'âne, lâcheron, laitue de lièvre…
etPfff, s'il n'y avait pas ©Le Grand Robert de la langue française, mais comment vous feriez ??)
- le chardon des champs ?
Mmmmh ?
Je vous laisse chercher ?
Bon, pas trop longtemps, le farniente m'appelle...
Une idée ?
MAIS OUI !!!!
Une seule et même racine indo-européenne...
En vous précisant qu'ici, il s'agit des appellations baltes et slaves de ces crin, laiteron et chardon qui nous intéresseront.
Car je parle ici, par exemple...
- du lituanien āšutas, “crin de cheval”,
- du - OUIIII !!! - vieux slavon d'église osъtъ, qui désignait tant le chardon que le laiteron,
- du russe осот, osót, “chardon”
- des tchèque et polonais oset, des haut-sorabe et bas-sorabe woset, “chardon”,
- du slovène osât, “chardon” !
La racine en question ?
Ben oui, notre épatante
*h₂eḱ-, “piquant, acéré”,
toujours elle !
Remarquons donc qu'ici, il n'est pas fait de différence entre le laiteron et le chardon.
Ou qu'en tout cas, les deux plantes sont confondues génériquement sous une seule appellation, équivalente à notre chardon.
Et que le crin de cheval est perçu étymologiquement en lituanien comme un élément rude et piquant.
Nous avions vu
- précisément ICI: Même s'il n'était guère épais, Tolstoï ne manquait pas d'esprit -
que nous devions à notre *h₂eḱ- l'étymon balto-slave *aśros-, “coupant”
h₂eḱ-, “piquant, acéré”
⇓
⇓
proto-balto-slave *aśros-, “coupant”
⇓
proto-balte *aštrus- et proto-slave *ostrъ-, “coupant”
Tous ces mots baltes et slaves pour crin de cheval, chardon ou laiteron sont autant de dérivés du proto-balto-slave *aśros- ; ce qui nous permettrait de compléter le tableau ainsi:
h₂eḱ-, “piquant, acéré”
⇓
⇓
proto-balto-slave *aśros-, “coupant”
⇓
proto-balte *aštrus- et proto-slave *ostrъ-, “coupant”,
proto-balte *ašutas-, “crin” et proto-slave *osъtъ-, “chardon”
proto-balte *ašutas-, “crin” et proto-slave *osъtъ-, “chardon”
N'oublions quand même pas non plus que nous avons, depuis quelques semaines, accompagné la trépidante racine indo-européenne *h₂eḱ-, “piquant, acéré”, à l'origine, notamment, ...
- de notre français aigre,
du vin au vinaigre...,
- du néerlandais azijn et l'anglais eager,
On ne prend pas les mouches avec du vinaigre,
- d'un des termes du composé français médiocre,
ou encore“Le propre de la médiocrité est de se croire supérieur.” - La Rochefoucauld,
- des grecs anciens ὄκρις, ókris, “pointe, arête acérée, proéminence, rugosité...”, et ἄκρος, ákros, “pointu, aiguisé”, “à la pointe”, d'où “à la limite”, “extrême” ...
Et c'est à présent le troisième dimanche d'affilée que nous consacrons à ses dérivés dans le groupe balto-slave.
Eh oui, prenons la mesure de tout cela: notre français aigre, le russe осот, osót, “chardon”, le lituanien āšutas, “crin de cheval”, TOUS proviennent bien d'une seule et unique source, et nous font un peu plus prendre conscience de l'histoire de nos langues, des strates préhistoriques sur lesquelles elles se sont construites, que le temps n'a pas effacées...
Et pouvoir ainsi établir des liens si étroits entre des mots tellement différents, de langues si diverses, n'est-ce pas là un petit bonheur ?
Pour moi, oui, sans aucun doute...
Merci qui ? Mais... l'indo-européen, pardi !
À dimanche prochain ?
Frédéric
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Attention,
Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom:
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter,
toujours, toujours,
la sublime
Khatia Buniatishvili,
ici dans la transcription de Wilhelm Kempff du
Menuet en sol mineur de Georg Friedrich Haendel
Une bien jolie façon de marier le slave au germanique,
ne trouvez-vous pas ?
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