“Les roues puissantes écrasent les cales.
Battue par le vent de l’hélice, l’herbe jusqu’à vingt mètres en arrière semble couler. Le pilote, d’un mouvement de son poignet, déchaîne ou retient l’orage.
Le bruit s’enfle maintenant dans les reprises répétées jusqu’à devenir un milieu dense, presque solide, où le corps se trouve enfermé. Quand le pilote le sent combler en lui tout ce qu’il y a d’inassouvi, il pense : « C’est bien » puis, du revers des doigts, frôle la carlingue : rien ne vibre. Il jouit de cette énergie si condensée.
Il se penche : « Adieu mes amis… » Pour cet adieu dans l’aube ils traînent des ombres immenses. Mais au seuil de ce bond de plus de trois mille kilomètres, le pilote est déjà loin d’eux… Il regarde le capot noir appuyé sur le ciel, à contre-jour, en obusier. Derrière l’hélice un paysage de gaze tremble.”
Les toutes premières lignes de l'Aviateur, 1926
Antoine de Saint-Exupéry
Battue par le vent de l’hélice, l’herbe jusqu’à vingt mètres en arrière semble couler. Le pilote, d’un mouvement de son poignet, déchaîne ou retient l’orage.
Le bruit s’enfle maintenant dans les reprises répétées jusqu’à devenir un milieu dense, presque solide, où le corps se trouve enfermé. Quand le pilote le sent combler en lui tout ce qu’il y a d’inassouvi, il pense : « C’est bien » puis, du revers des doigts, frôle la carlingue : rien ne vibre. Il jouit de cette énergie si condensée.
Il se penche : « Adieu mes amis… » Pour cet adieu dans l’aube ils traînent des ombres immenses. Mais au seuil de ce bond de plus de trois mille kilomètres, le pilote est déjà loin d’eux… Il regarde le capot noir appuyé sur le ciel, à contre-jour, en obusier. Derrière l’hélice un paysage de gaze tremble.”
Les toutes premières lignes de l'Aviateur, 1926
Antoine de Saint-Exupéry
Antoine de Saint-Exupéry, 1900 - 1944 |
“Aon aon, aon aon”
Aviateur, 1988
Véronique Jannot
(je me moque, mais j'adooore)
“Aon aon, aon aon”, aaaaah...
(oui bon, d'accord, par quelqu'un d'autre que Véronique Jannot,
je n'aurais peut-être pas la même magnanimité)
Bonjour à toutes et tous !
*peh₂ǵ-, “attacher”.
Ah ça, on lui doit quelques beaux mots, à notre adorable *peh₂ǵ-...
- les anglais fang, “croc”, peg, “patère...” et travel, “voyage”,
- l'allemand Fuge, “jointure”, et puis, ben voyons,
- nos français pacte, paix, pays, (la) page , païen, paysage, propager, provin, propagande, pieu, pal, travail, travelling, balise, palissade et palonnier !
Allez, on relit, et fissa, encore :
troïka, sitar et trèfle,
Guerre et Paix. Et saucisse,
retour au pays,C'était il y a très, très, très longtemps ...,j'l'aime bien, mais ch'peux plus l'voir en peinture,peut-on considérer les années 20 comme de la propagande pro-vin,
pālus et pāla sont en bateau..., et enfin,
À Lisbonne, on munissait les Latécoère de l'Aéropostale de balises en carton .
*peh₂ǵ-ī-su̯e,
forme suffixée de timbre plein de *peh₂ǵ-,
au sens - reconstruit - de “jeune fille attachante...”La semaine dernière, avec quelques beaux dérivés du latin pālus, “pieu, poteau en bois, piquet, cheville...”, nous... avions... décollé.
(je sais, c'est facile)
Aujourd'hui, nous resterons en l'air,
avec les dérivés français de... pāla, “bêche, pelle...”.
(Je vous rappelle quand même que ces deux inséparables pālus et pāla proviennent, par l'italique *pag-slo-, “pelle, poteau ...”, de *peh₂ǵ-slos-, “pelle, poteau ...”, instrumental d'un substantif indo-européen créé sur notre divine *peh₂ǵ-, “attacher”.)
******
*peh₂ǵ-, “attacher”
*peh₂ǵ-, “attacher”
⇓
substantif indo-européen à l'instrumental *peh₂ǵ-slos-, “pelle, poteau...”
⇓
étymon proto-italique *pag-slo-, “pelle, poteau...”
⇓
latins pālus, “pieu, poteau en bois, piquet, cheville...” et pāla, “bêche, pelle...”
******
******
Alors, les dérivés français de pāla !
Redescendons quelques instants sur le plancher des vaches
- oh, à peine le temps d'un touch-and-go (en français de France, apparemment, un posé-décollé) -,
C'est par la forme attestée pele, au XIème,
puis pelle, au XIIIème,que notre moderne pelle remonte au latin pāla.
Pāla, proprement, “ce qu'on enfonce”.
Ici, par exemple, dans le sol..., le plancher des vaches.
Ici, par exemple, dans le sol..., le plancher des vaches.
ben oui, une pelle, désolé |
D'une hélice d'avion, nous pourrions dire qu'elle est bipale, tripale..., en fonction du nombre, évidemment, de ses... pales.
les pales de l'hélice d'un SUPERBE Supermarine Spitfire Mk. IX |
(Savez-vous que le Spitfire fut tout d'abord équipé d'un propulseur à 2, puis 3, et même 5 pales, pour passer enfin à un groupe propulseur contrarotatif ?) (Et NON, n'y pensez même pas, le groupe contrarotatif ne lui permettait pas de voler plus vite en marche arrière) |
le groupe propulseur contrarotatif du Spitfire (source) |
Et donc...
Pale !
Le mot, attesté aux alentours de 1360 ou 1370, est probablement une variante d'origine dialectale, soit du provençal pale, soit d'un parler de l'Ouest, désignant, dans tous les cas, et sans trop de surprise... la pelle.
C'est du moins ce que Alain Rey nous en dit.
c'est toujours une pelle, 'faudra vous y faire |
Ce pale n'était qu'une variante de pele, forme ancienne de pelle dont nous venons de parler quelques lignes plus tôt.
- Ah mais... bon sang mais c'est bien sûr, voilà pourquoi il nous bassinait avec sa bête pelle avant de parler de pale !!!
- Monsieur Ucon, mais quel plaisir ; vous êtes de retour, donc ?
Fernand Ucon, pour ceux qui ont la chance de ne pas le connaître |
Le mot qui, en un premier temps
- et pendant longtemps -,désignait la rame d'un bateau,
en est venu, début du XVIIIème, à ne plus faire référence qu'à la partie de la rame qui agit sur l'eau.
C'est ainsi, qu'au milieu du XIXème, il s'appliquera tout naturellement à la petite planchette que vous trouvez à l'extrémité d'une roue à aubes.
Enfin, avec les débuts de l'aviation, en 1913-1914, une nouvelle acception sera ajoutée à la définition du mot :
Élément (d'une hélice) en forme de section hélicoïdale, qui est entraîné par le moyeu et agit sur l'air.
Quant au diminutif de pale, palette,
attesté peu après pale, en 1375,il désignera bon nombre d'objets, mais ayant toujours en commun une forme mince, plate et allongée.
C'est ainsi que palette, début du XVIIème, désignera
- oh, merci, merci, ©Le Grand Robert de la langue française -
la...
plaque mince de bois dur, de faïence ou de métal émaillé, carrée ou ovale, échancrée et percée d'un trou pour qu'on puisse y passer le pouce, et sur laquelle le peintre étend et mélange ses couleurs.
Michiel van Musscher, "Le Peintre dans son atelier avec ses dessins" |
palette de peinture d'occasion |
C'est de ce sens très concret qu'est née, et attestée en 1733, cette acception de palette, comme étant...
... l'ensemble des couleurs dont se sert habituellement un peintre.
De là, nouvelle extrapolation du sens, pour donner, en 1773,...
... l'ensemble des moyens techniques dont dispose un artiste (un écrivain, un musicien…).
Et enfin, par généralisation,...
... ensemble de possibilités expressives.
Mais ! Le gentil palette a désigné aussi
- c'est vrai qu'elle a généralement une forme mince, plate et allongée -
la main !
ben ouais. la main qui tient la pelle |
Dans l'argot des soldats de 1940, le mot se transforma en... paluche !
On l'employait dans l'expression faire lever les paluches, faisant allusion au tristement célèbre salut hitlérien.
salut hitlérien merveilleusement parodié par Charlie Chaplin |
Quant à l'expression se palucher, elle dit bien ce qu'elle veut dire, non ?
“S'octroyer du plaisir... avec la main”.
Éventuellement après, en désespoir de cause,
auprès de l'être tant désiré,s'être pris une pelle ?
ce en quoi Jean-Claude Dusse excelle, qui ne conclura pas encore ce soir |
Cette expression se prendre - ou ramasser - une pelle, pour “faire une chute assez rude”, attestée en 1889, fait peut-être allusion à la position penchée du pelleteur ?
Bon, ben voilà.
Nous pouvons atterrir sans heurts, nous en avons terminé ici avec la livraison de ce dimanche !
Chères lectrices, chers lecteurs, chers non-binaires,
Je vous souhaite un excellent dimanche, une très belle semaine.
À... dimanche prochain ?
À... dimanche prochain ?
(Oui oui, nous serons toujours en compagnie de la délicieuse, de l'attachante, *peh₂ǵ-, “attacher”...)
Frédéric
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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter,
Sing me a song of a lad that is gone
Say could that lad be I?
Merry of soul he sailed on a day
Over the sea to Skye
Mull was astern
Rum to the port
Eigg on the starboard brow;
Glory of youth, glowed in his soul;
Where is that glory now?
Speed, bonnie boat, like a bird on the wing,
Onward! the sailors cry;
Carry the lad that's born to be King
Over the sea to Skye.
The McCalmans,
dans une des plus belles interprétations que je connaisse de
The Skye Boat Song,
chanson écossaise écrite à la fin du XIXème,
racontant la traversée en bateau que Flora MacDonald fit faire à
Charles Edward Stuart
- Bonnie Prince Charlie -,
de l'île de Benbecula (Beinn na Faoghla, Hébrides extérieures) jusqu'à l'île de Skye,
ben ouais, 'y avait pas encore d'aéroport... |
pour le mettre à l'abri des troupes gouvernementales,
lors de la débâcle succédant à la Bataille de Culloden, en 1746.
“Vogue vite, mon beau bateau, comme un oiseau qui vole”
C'est de circonstance, non ?
Et puis, aussi, hier soir, 25 janvier - et hum, ce matin aussi, l'Écosse était à l'honneur, puisque l'on y célébrait, ainsi qu'aux quatre coins du monde, la naissance de Robert Burns...
Robert Burns, poète écossais (j'en ai déjà abondamment parlé: Robert Burns) 25 janvier 1759 – 21 juillet 1796 |
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7 commentaires:
Heu... On se prend aussi un rateau... Et dans ce cas, impossible de rouler une pelle.
Ahaha, merci, Benoît, c'est vrai aussi !! :-)
En Provence on disait "pelle" pour une martelière , mais cela ne semble pas venir du Provençal. La chanson permet de réviser le vocabulaire "stern" ….on s'amuse bien avec vous Merci
Merci pour votre commentaire, Marlette :-),
Martelière: Peut-être a-t-on, par métonymie, confondu l'ouvrage en pierre avec la vanne en planche qui le ferme ?
Stern: ah oui, cette petite chanson est truffée de mots de marine...
Bien à vous,
Frédéric
Effectivement ce mot désignait la plaque qui une fois ouverte laissait passer l'eau cordialement
... et à propos de rame et de bateau, ayant pratiqué l'aviron dans une vie antérieure il me souvient que dans ce sport on ne dit pas la rame mais la pelle. Et si un rameur attaque l'eau plus ou moins en biais il risque de faire ce qu'on appelle une "pelle coulée"; c'est-à-dire qu'elle s'enfonce dans l'eau en déséquilibrant le bateau. Quant au rameur maladroit il se prend le manche dans la figure. Claude DERHAN.
Ah, donc le terme est toujours bien employé avec ce sens lointain ! Grand merci, Claude !
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