article précédent : Et du jambon de Saxe, ça se découpe avec quoi ??
“Le pâtis est dru pour la saison, sans mousse, sans laîche, et les normandes qui, le mufle dessus, broutent en s'envoyant de temps en temps des coups de langue dans les naseaux, promènent des pis roses et des culottes sans crottillons.”
Cri de la chouette,
Hervé Bazin, 1972
Hervé Bazin, 17 avril 1911 – 17 février 1996 |
En ce dimanche 29 novembre 2020, nous poursuivons, mes amis, l'étude des dérivés de la prolifique racine proto-indo-européenne...
*sek-, “couper” !
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racine proto-indo-européenne *sek-, “couper”
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adjectif & nom indo-européen *sek(h₂)-no-, “coupe, coupé”
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proto-italique *sekno-, “statue, signe”
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latin sīgnum, “marque, signe...”
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deuxième terme de l'adjectif in-signis, “qui a un signe particulier”, “remarquable, insigne...”
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verbe īnsigniō, “mettre une marque, signaler, distinguer, désigner”
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altération
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latin médiéval *insignāre
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ancien français enseignier, “faire connaître par un signe” (1050)
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extension du sens (entre 1165 et 1170)
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“instruire (quelqu'un)”
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glissement de sens
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“apprendre à quelqu'un” (vers 1200)
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moyen français enseignier
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français enseigner, “enseigner que” et “transmettre des connaissances à (un élève)” (fin du XVIIème)
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emploi absolu, pour “être enseignant” (fin du XVIIIème)
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participe présent
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français enseignant, “qui enseigne”, 1762
sens spécialisé : Église enseignante (1771)
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corps enseignant (1806)
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substantivation
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enseignant, enseignante (1865)
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latin sīgnum, “marque, signe...”
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diminutif
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sigillum, “figurine, statuette”
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latin classique sigillatus, “orné de figurines”
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bas latin sigillatus, “(en parlant d'une étoffe :) orné de figurines”
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emprunt
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grec byzantin σιγιλλᾶτος, sigillâtos
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emprunt
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arabe siqlat
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emprunt
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persan سقرلاط, saqirlāt, “étofffe d'écarlate...”
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emprunt
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latin médiéval scarlatum / scarlata, “drap ou étoffe écarlate, de couleurs éclatantes”
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emprunt
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Nous savons que l'anglais design, nos français désigner, dessein, dessin, dessiner, ou encore l'italien disegnare en dérivent,
enseigner le design ? À dessein ?, 8 novembre 2020,
Nous savons que par un autre descendant latin de notre jolie *sek-, “couper”,
le latin secō, secāre (au sens générique de “couper”, pour faire simple),
nous arrivent nos secteur, sécateur, scie, insecte et sexe,
et que c'est toujours à *sek- que l'on attribue la paternité de l'étymon slave *sěkti-, “couper, tondre”, dont proviennent, par exemple,
- le vieux slavon d'église сѣщи, sěšti, “couper”,
- le russe се́чь (“cietch”), “tailler en pièces”,
- le tchèque síci, “tondre”,
- le bulgare seká, “hacher”, ou encore
- le russe секи́ра (sekíra), “hache”.
râpé ou pas râpé ?, 10 février 2019
Enfin, nous avons découvert que notre *sek-, “couper”,
via l'étymon germanique *sagō-, “scie”,
se retrouve dans (notamment),
- le danois sav, “scie à lame dentée”, le suédois såg, “scie à lame dentée, scierie”, l'anglais saw, “scie”, le néerlandais zaag, “scie”, ou l'allemand Säge, “scie”.
Par l'étymon germanique *sahsa-, “couteau”, elle donnera encore (par exemple) l'elfdalien saks, “ciseaux”, les anglais zax, “hachette de couvreur”, et sax, “marteau de couvreur”.
Nous savons encore que nos français Saxon et Saisne en dérivent.
Et du jambon de Saxe, ça se découpe avec quoi ??, 22 novembre 2020
🜛🜛🜛
Ce dimanche 29 novembre n'a rien de vraiment particulier, si ce n'est que nous venons d'aller chercher Tara chez l'éleveur.
Voilà donc l'adorable Tara |
Et il m'a été impossible
- vous le comprendrez aisément -
de travailler comme je le fais d'habitude sur le dimanche indo-européen.
- mais rapidement, vite fait sur le gaz -
trois autres étymons germaniques descendant de notre formidable racine indo-européenne *sek-, “couper”, à commencer par...
- *segja-, “peau dure (à découper)”.
Pour être tout à fait honnête, on n'est pas totalement certain de son origine, mais, comme le dit si bien Guus Kroonen, il dérive probablement de notre *sek-, “couper”, et ce, par une forme indo-européenne occidentale (donc tardive) *sek-ió-.
Encore plus intéressant, on en retrouve un cognat celtique, le moyen irlandais seiche, “peau , cuir”, ce qui fait que l'on peut même parler à son propos d'une isoglosse germano-celtique...
Quoi qu'il en soit, l'étymon *segja-, “peau dure (à découper)” donnera le
- ouiiiiii ! -
vieux norois sigg, “peau dure”.
Dans quelle langue germanique, à votre avis, retrouverons-nous un superbe dérivé de sigg, “peau dure” ?
Eh bien OUI, en féroïen !
Le féroïen sigg désigne précisément du blanc de baleine (ou spermaceti) dur et cartilagineux.
Et je vous jure que je ne l'ai pas inventé...
Il est possible (sans certitude absolue) que nous puissions encore tracer notre indo-européenne *sek-, “couper” jusque dans deux autres étymons germaniques, les synonymes *sahaza- et *sagja- 2, au sens de “laîche”.
- Laîche ??
- Mais oui, oh !, la laîche, ces plantes des régions froides ou tempérées à feuilles souvent coupantes
- ça y est, le franc est tombé ? (se dit en Belgique lorsqu’une personne vient de comprendre quelque chose) -,
dont beaucoup croissent dans les zones humides comme les landes ou les mares.
On les appelle encore de leur nom latin carex.
En vieil anglais, *sagja- 2
(oui oui, il existe bien une forme reconstruite *sagja- 1, mais elle n'est aucunement liée à *sagja- 2, et signifie “homme, héro...”),
en vieil anglais, disais-je, *sagja- 2 donnera secg, d'où l'anglais sedge.
Son pendant néerlandais est zegge.
Quant à *sahaza-, on le retrouve dans
- le vieux suédois saher-ahi, “lieu où pousse la laîche”,
- le vieux haut allemand sahar, “laîche”.
Notons qu'à l'instar de *segja-, “peau dure (à découper)”, on peut étymologiquement relier *sahaza- à des cognats celtiques, tels que...
- l'irlandais seisc,
ou encore
- le gallois hesg,
Passez un excellent dimanche, et une très belle semaine.
À dimanche prochain ?
Et surtout, surtout, portez-vous bien.
Frédéric
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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter en beauté...
aaaaah,
un motet de Thomas Tallis (circa 1505 - 1585),
reprenant un passage de l'évangile de Jean (14:15 - 17),
If ye love me (1565).
Et c'est le formidable ensemble choral Tenebrae qui nous le chante.
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article suivant : *sek-, “couper”, the final cut
8 commentaires:
je comprends pourquoi le billet est court. Une si mignonne petite bouille toute douce! Amusez-vous bien avec Tara
Elisabeth Paraillous
Ah mais c'est que ça va devenir difficile de travailler maintenant, avec ce bébé à éduquer !
Elle est à croquer !
Oui... Une adorable Tara ! Il faudra penser à adopter aussi Purdey 🐩 et Emma🐕.
Bon Avent, Frédéric !
Merci, Elisabeth !
Tara est adorable ; nous voulons il donner une vie heureuse !
:-) Merci, Sophonisba.
Ben oui, tu comprends ! ;-)
Bien à toi,
Frédéric
Bonjour, chère Katherine,
Ah, notre chien précédent s'appelait bien Emma, mais je jure que c'est une pure coïncidence. Nous l'avions baptisée Emma en pensant à Emma Thompson, qui a vraiment du chien ! ;-)
Mais j'avoue, à l'époque, j'étais sous le charme de Tara King, comme beaucoup, d'ailleurs !
J'adorais la série !
Amusant : j'aurais aussi choisi un caniche pour représenter Purdey (mais c'est peut-être simplement à cause du mot anglais poodle)
Merci, et bon avent, Katherine !
Un charmant toutou en effet.
Hors de propos une question angoissée d'un béotien.
"Anguis" (serpent en latin) est-il de la même racine que "angoisse" ou "angustia" (étroite: 'Ad augustia per angustia')?
AMDG
Bonne journée.
Il l'est ! :-)
Non, il s'agit de racines totalement différentes.
Si vous prenez la peine d'aller sur le blog en version "web", vous verrez sur la droite la liste de tous les mots déjà traités.
Je parle de "anguille" (et donc a fortiori de son parent latin) ici : https://indoeuropeen.blogspot.com/2012/02/serpents-vers-et-dragons-ah-et-aussi.html. Le mot dérivait d'une racine que l'on reconstruit maintenant sous la forme *h₂engʷʰ-, "serpent, serpent d'eau, anguille..."
Quant à angustia, il dérive de h₂enǵʰ-, "étroit..."
Merci et bonne journée à vous !
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