article précédent : Я держу своё слово
“Květiny, květiny
na zelené lučině,
ó jak vy slušíte
naší krásné otčině!”
(“Fleurs, fleurs
sur un champ verdoyant,
ô comme vous convenez
à notre belle patrie ! ”)
Tout début du poème
Květiny — dívčiny
(“Fleurs et filles”),
de
Josef Zaříčanský,
nom de plume du professeur, poète et écrivain tchèque
Josef Vocásek,
1844 - 1924
Je fais machinalement, pour illuster ce beau poème, une recherche sur le tchèque květiny lučině (fleurs des champs), et je tombe là-dessus. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? |
Bonjour à toutes et tous !
En ce dimanche 28 février 2021, nous passons toujours en revue les nombreux, nombreux, dérivés de notre racine indo-européenne...
- Ludwiiiiiig !, pour la nième fois ! - Aber... Was ?, 20 décembre 2020
Et aussi que ce *hlūda- est à l'origine de l'anglais loud, “bruyant, sonore”, ou encore du néerlandais luid, de même sens.
Nous avons ensuite appris que par *ḱleus-, une forme étendue de notre *ḱleu-, “entendre”, nous arrivaient notamment l'allemand lauschen et l'anglais listen, “écouter”.
The Audience is Listening, 27 décembre 2020
Nous avons découvert, également, que (notamment) le vieux norois hljóð, “écoute, son, silence”, l'allemand littéraire Leumund, “réputation...”, ou l'islandais hler, “écoute, écoute aux portes”, en provenaient.
l'inspecteur Clouseau écoutait aux portes, 3 janvier 2021
Nous savons encore, depuis le 10 janvier 2021, que de notre *ḱleu-, “entendre”, descendent l'islandais hlýr, “joue”, “avant d'un navire”, “joue d'une hache”, ou même l'anglais (obsolète) leer, “joue, visage, complexion...”.
Au nombre des dérivés latins, cette fois, de *ḱleu-, “entendre”, nous avons clueō, “on m'appelle” et inclitus / inclutus, “illustre, fameux”, ce dernier emprunté... en italien, avec inclito, en portugais, avec ínclito, et en espagnol, avec ínclito.
Otros la cantarán con más fortuna..., 17 janvier 2021
En grec ancien, une myriade de dérivés nous attendaient, comme...
- κλῠτός, klutós, “renommé, glorieux...”,
- κλέος, kléos, “rumeur, renommée, réputation...” et une série de composés où il apparaît, de Ἀντίκλεια, Antíkleia, “Anticlée“, à Κλεοπάτρα, Kleopátra, “Cléopâtre”, en passant par, par exemple, Εὐρῠ́κλειᾰ, Eurúkleia, “Euryclée“.
Entre Anticlée et Euryclée, Ulysse ne savait pas trop à quel sein se vouer, 24 janvier 2021
Nous avons ensuite découvert quelques très beaux dérivés celtiques de notre *ḱleu-, comme...
le breton klevout, “entendre ; ressentir”, le vieil irlandais rocluinethar, “entendre”, l'irlandais et le manxois cluin, le gaélique écossais cluinn, le gaulois clouiou, le gallois clywed, le cornique klywes, “entendre...”.
le dimanche indo-européen passe enfin à l'in*klus-ī-vité, 31 janvier 2021
Toujours issus de la forme de degré zéro *ḱlu-to-, nous avons épinglé quelques jolis dérivés celtiques, issus du proto-celtique *kluto-, “renommée”, comme...
- le gaulois cluto- (ou clouto-), “renommé, célèbre”,
- le gaélique écossais Clota, “Renommée”, d'où l'anglais Clyde,
- l'irlandais cloth, “renommée, honneur, réputation”,
- le gallois clod, “renom ; fameux, renommé”, ou encore
- le breton klod, “gloire, renom”.
la Clyde est renommée. C'est comme ça., 7 février 2021
Notons encore, au rang des dérivés celtiques de notre adorable *ḱleu-, les irlandais clú, “réputation (favorable), louange, renommée”, et cluas, “oreille”, le vieil irlandais clúas, “oreille”, le gallois clust, “oreille”, ou encore le gaulois clutso- qui servira dans de nombreux toponymes, dont Les Clots (Savoie), Clot (Tarn, Gers et Alpes-Maritimes), La Clotte (Aude), Esclottes (Lot-et-Garonne)...
bíonn cluasa ar an gcoill, 14 février 2021
Nous découvrions, le 21 février 2021, que la forme
substantivée *ḱleu-os, “renommée, gloire...” avait donné, dans les langues balto-slaves, des dérivés tels que le lituanien oriental šlavė, “honneur...”, le letton slava, “renommée...”, le russe сло́во, slóva, “mot...”, et surtout, créé sur la sémantique de mot, l'ethnonyme Slaves (en russe, Славя́не, Slavjánje). Я держу своё слово, 21 février 2021
🜛🜛🜛
Ben mon cochon ! pourriez-vous remarquer, dans un souffle, émerveillés,
même si, personnellement, je serais plutôt enclin à réagir par un diantre, il y a de quoi s'esbaudir devant si belle descendance. Je ne juge pas ; à chacun son niveau de langue...
Si, dimanche dernier, nous nous étions penchés sur les dérivés de l'étymon balto-slave
*ślow-es-,
issu de notre délicieuse par la forme substantivée
*ḱleu-, “entendre
”,*ḱleu-os, “renommée, gloire...”,
**********racine proto-indo-européenne *ḱleu-, “entendre”⇓forme substantivée *ḱleu-os, “renommée, gloire...”⇓proto-balto-slave *ślow-es
**********
nous allons en ce jour passer en revue les dérivés baltes et slaves issus de l'étymon balto-slave...
*klouʔṣ-,
issu, lui, de notre *ḱleu-, “entendre”, par une forme de timbre o, où donc la voyelle-pivot *e s'est muée en un, un, un... *o :
*ḱlous-
**********racine proto-indo-européenne *ḱleu-, “entendre”⇓forme de timbre o *ḱlous-, “renommée, gloire...”⇓proto-balto-slave *klouʔṣ-
**********
Avant d'aller plus loin, pour ceux qui prennent le train en marche,
je me dois d'expliquer la présence de ce ʔ dans l'étymon balto-slave du jour.
Ce caractère, nous l'avons déjà rencontré de-ci de-là, et NON, même si le contexte semblerait s'y prêter, il ne s'agit pas d'une faucille à la gloire de l'idéal soviétique.
Ce signe marque en réalité la présence d'une consonne occlusive glottale (ce qu'on appelle familièrement un coup de glotte).
Un coup de glotte, c'est ce que vous faites naturellement en vous prenant pour l'infâme Père Noël de Coca Cola et en insistant comme un dégénéré sur les ho de ce pénible et coca-colesque HO HO HO ; en insérant donc une coupure nette avant chaque [o].
Ce vomitif HO HO HO pourrait ainsi se représenter [ʔoʔoʔo].
Quant au sens reconstruit de *klouʔṣ-, nous pourrions dire, au vu de celui, attesté, de ses dérivés, qu'il évolue entre “entendre“, “écouter” et “obéir”.
- Obéir
??
- Ouais ouais, ne jouez pas les
vierges effarouchées
, hein. Pas avec moi.
Nous avons DÉJÀ rencontré cette évolution de sens d'“entendre” vers “obéir”, en grec ancien, avec le verbe κλύω, klúō, “entendre ; comprendre ; obéir” (par l'idée d'écouter).
Comm' d'hab'
- ben ouais, je sais, un jour ou l'autre on finit par se blaser -,
notre étymon proto-balto-slave (parfaitement non attesté, entièrement reconstruit, hein) donnera une descendance balte, à côté d'une descendance slave.
Je ne veux surtout pas f. la m. ; et vraiment, loin de moi l'idée de vous prendre de haut, mais bon, c'est quand même un peu le principe d'un étymon qui est tant balte que slave.
*racine indo-européenne
⇓
*étymons balto-slaves
⇓ ⇓
*étymons baltes *étymons slaves
⇓ ⇓
dérivés baltes dérivés slaves
Bon, on y va ?
Dans la sous-branche des langues baltes, le balto-slave *klouʔṣ- a donné,
via l'étymon (reconstruit) balte *klausyti-...
- le lituanien klausýti, “écouter, obéir”,
- le letton (mais ayons le courage de nous regarder en face : l'est-on vraiment ??) klàusît, toujours “écouter, obéir”,
mais aussi
- le vieux prussien klausiton, “entendre”.
Car oui ! - on l'oublie/ignore souvent - le prussien est une langue balte, et non germanique.
Le vieux prussien, la plus archaïque des langues de la sous-branche, disparut hélas au début du XVIIIème, à la suite de l'assimilation des Prussiens par les Allemands, certes, mais en partie aussi par les Lituaniens et les Polonais.
(et là, en chœur, nous disons merci, Wikipedia.)
Résumons ?
**********
racine proto-indo-européenne *ḱleu-,“entendre”
⇓
forme de timbre o *ḱlous-, “renommée,gloire...”
⇓
proto-balto-slave *klouʔṣ-
⇓
proto-balte *klausyti-
⇓
lituanien klausýti, “écouter, obéir”,
letton klàusît, “écouter, obéir”,
vieux prussien klausiton, “entendre”
**********
Dans la sous-branche des langues slaves, à présent,
c'est par l'intermédiaire de l'étymon... s..., sl... slave, oui ! *slùšati- (toujours reconstruit), “écouter”,
que le balto-slave *klouʔṣ- a prodigué ses dérivés.
Savourez donc cet instant de saine vulgarisation où nous représentons les deux étymons, balte et slave, issus de notre forme balto-slave :
**********
racine proto-indo-européenne *ḱleu-,“entendre”
⇓
forme de timbre o *ḱlous-, “renommée,gloire...”
⇓
proto-balto-slave *klouʔṣ-
⇓
proto-balte *klausyti-,
proto-slave *slùšati-, “écouter”
**********
Pour ce qui est des dérivés slaves de *slùšati-, “écouter”, citons par exemple...
- le ouiiiiiiiii ! vieux slavon d'église слушати, slouchati, “écouter”,
dans les langues slaves orientales,
- le russe слушать, slouchatj', “écouter”,
dans les langues slaves occidentales,
- le tchèque poslouchat, “écouter, obéir”, le tchèque slyšet, “entendre”, mais aussi son doublet étymologique slušet, dont le sens a évolué vers celui de “convenir (seoir)...”. Surprenant ? Pourtant, c'est par un phénomène identique que notre verbe aller a pris son acception d'“être adapté, convenir (à qqch., à qqn)”, qui n'évoque plus guère la notion de déplacement.
Je suppose qu'en tchèque, le développement sémantique de “entendre” vers “convenir” peut s'expliquer simplement par l'idée d'entente... - et c'est ici que l'on relit le titre, et surtout l'exergue, et que l'on comprend tout ! Ah, ces fleurs qui s'entendent si bien avec la belle Tchéquie -,
- le polonais słuchać , “écouter”, “obéir”,
et dans les langues slaves méridionales,
- le bulgare slúšam, “écouter” mais aussi “suivre, obéir”.
Et si l'on résumait ici cette descendance slave ?
**********
forme de timbre o *ḱlous-, “renommée,gloire...”
⇓
proto-balto-slave *klouʔṣ-
⇓
proto-slave *slùšati-, “écouter”
⇓
vieux slavon d'église слушати, slouchati, “écouter”,
russe слушать, slouchatj', “écouter”,
tchèque poslouchat, “écouter, obéir”,
tchèque slyšet, “entendre”,
tchèque slušet, “convenir...”,
polonais słuchać , “écouter”, “obéir”,
bulgare slúšam, “écouter ; suivre, obéir”
**********
- les anglais loud et listen,
- les allemands lauschen, “écouter” et Leumund, “réputation...”,
- l'islandais hler, “écoute, écoute aux portes”,
- l'espagnol ínclito, “illustre...”,
- nos Anticlée, Euryclée, Damoclès, Empédocle, et Héraclès,
- le vieil irlandais rocluinethar, le gaulois clouiou, le breton klevout, le gaulois cluto-, “renommé, célèbre”, le gaélique écossais Clota, “Renommée”, l'irlandais cloth, “renommée, honneur, réputation”,
- le gallois clod, “renom ; fameux, renommé”, le breton klod, “gloire, renom”,
- l'écossais cluas, “oreille”,
- le gaulois Rokloisiabo,
- et tous ces toponymes que sont Les Clots, en Savoie, Clot, dans le Tarn, le Gers et les Alpes-Maritimes, La Clotte, dans l'Aude, Esclottes, dans le Lot-et-Garonne,
- notre français slave, le russe сло́во, le slovène slovọ̑ ,“l'adieu, le départ”,
- le letton klàusît, “écouter, obéir”, le vieux prussien klausiton, “entendre”, le russe слушать, “écouter”, les chèques slyšet, “entendre”, et slušet, “convenir...”, le bulgare slúšam, “écouter ; suivre, obéir”...,
Tous, Tous, vous m'entendez,
- cela, pour bien l'apprécier, à scander sur le mode de la Complainte de Mandrin -
sont étroitement apparentés.
Tous proviennent d'une seule, d'une même racine indo-européenne.Vous m'entendez ?
Vous auriez fait, vous, le lien entre tous ces mots, de sens si divers ?
Allez, on en reste là pour ce dimanche.
La semaine prochaine, on se trouvera encore de très beaux dérivés de notre formidable *ḱleu-, “entendre” dans les langues baltes et slaves...
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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter en beauté,
(en beautés ?)
Voici, de circonstance, une chanson traditionnelle russe,
Ах, мамочка, “Ah, petite maman”,
l'une de ces sempiternelles complaintes répétitives populaires,
que les mamans transmettaient en chantant à leurs filles,
destinées à les mettre en garde contre les amours volages et la légèreté des hommes...
Ah là là, les hommes et leur inconstance, qui, ironiquement, apparaît comme une constante.
Cette jeune fille croyait avoir trouvé “le bon, le vrai, celui-là, quoi”,
une première fois,
puis bon... une deuxième fois,
et encore... ben... une troisième fois...
(et encore quelques autres fois...)
et ne savait plus à quels saints se vouer
- ou plutôt, peut-être, à qui vouer ses seins ? -,
alors que - ah là là - sa petite maman l'avait pourtant bien prévenue...
Mais la fille n'en a fait qu'à sa tête ;
elle n'a rien voulu entendre,
elle s'est même bouché les oreilles pour ne pas écouter sa mamotchka
- Затыкала уши я, И её не слушала…, “Zateukala ouchi ia, I iyo nié slouchala”, “Je me suis bouché les oreilles, Et (je) ne l'ai pas écoutée” -
et maintenant, elle s'en veut, mais un peu tard...
(enfin... c'est ce qu'elle dit, hein ; mieux vaut des remords que des regrets)
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