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dimanche 28 novembre 2021

B 'ann mun àm seo a ghabh an Rìgh Herod grèim air cuid a bhuineadh dhan eaglais

 



    B 'ann mun àm seo a ghabh an Rìgh Herod grèim air cuid a bhuineadh dhan eaglais, agus iad an dùil gèilleadh a dhèanamh orra. Bha e air Seumas, bràthair Iain, a chuir gu bàs leis a 'chlaidheamh.

    Achdan 12: 1-2



    Vers le même temps, le roi Hérode se mit à maltraiter quelques membres de l'Église,
     et il fit mourir par l'épée Jacques, frère de Jean.

    Actes 12 : 1-2

la décapitation de Jacques,
sous les ordres d'Hérode


Ici, Jacques exprime à Hérode ce qu'il pense du martyre
que ce dernier lui a promis
(On a d'ailleurs failli appeler cet apôtre Jacques l'Index, pour finalement,
et d'une façon plus politiquement correcte, 
le nommer Jacques le Majeur)




Bonjour à tous !

En ce dernier dimanche de novembre 2021, opiniâtrement, nous poursuivons notre recherche des dérivés de la racine indo-européenne…


*kelh-, “battre, frapper”.


ancien moulin à battre le grain


Le point ?

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Le 10 octobre 2021, à la recherche de l'étymologie du français calamité, nous étudiions les latins
  • călămĭtāsfléau, malheur, défaite, ruine...”,
et
  • incolumis, “sain et sauf, non endommagé...”, d'où 
  • l'espagnol incólume,
  • l'italien incolume,
  • le portugais incólume.
      Călămĭtās et incolumis pourraient peut-être descendre de la racine indo-européenne *kelh-, “battre, frapper”.

      En revanche, le latin clādēs, “destruction, désastre, défaite...”, en est un parfait dérivé.

      Nobis omnes conscii sumus...10 octobre 2021

      🜛

      Le 17 octobre, nous découvrions un beau dérivé latin de notre racine *kelh-, “battre, frapper”, 
      •  -cellō“frapper”, sur lequel seront composés les latins...
      • percellō, percellere“abattre, terrasser, heurter avec violence...”,
      • recellō, recellere“reculer, rebondir (vers l'arrière) ...”,
      et
      • procellō, prōcellere, “porter en avant, jeter violemment en avant, renverser...”, et en mode pronominalse prōcellere“se jeter en avant, s'allonger...”.
      De procellō dérivera prŏcella, tempêteorageouragan”, d'où...
      • le portugais procela, de même sens, 
      et nos moyens français...
      • procelletempête”,
      • procellé“produit par l'orage”,
      • procelleux“tempétueux”.
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      Le 24 octobre, nous avons tenté de trouver des dérivés grecs anciens à notre racine, mais sans grand succès…
      • κλάω, kláô“briser, casser...”, est vraisemblablement emprunté au substrat pré-grec,
      et pour ce qui est de
      • κλάδος, kládos, “branche, jet, brindille...”, son étymologie est peu claire ; il pourrait s'agir d'un emprunt au substrat pré-grec, ou d'un dérivé de la racine indo-européenne *kdo-“(morceau de) bois.
       
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      Le 31 octobre, nous poursuivions, avec persévérance mais sans trop d'espoir, notre quête des dérivés grecs anciens de notre racine, toujours sans grand succès...
      κλαδαρόςkladarós, “invalide, infirme...est vraisemblablement un emprunt au substrat pré-grec,et 
      • κόλος, kólos, “tronqué, écorné, écourté, raccourci...est également probablement emprunté au substrat pré-grec.
      Nous avions également épinglé quelques emprunts savants que le français avait créés sur le grec ancien, comme claste, le suffixe -claste, clastique, le suffixe -clastique, panclastite, anaclase...

       
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      Le 7 novembre, nous avons abordé les dérivés celtiques de notre belle *kelh-, “battre, frapper”, avec...
      • le vieil irlandais claidid, ·claid“creuser”, d'où l'irlandais claidh et le gaélique écossais cladhaich,“creuser”,
      • le moyen breton clazafaire une tranchée, creuser”, d'où le breton klazañ,
      et enfin 
      • le moyen gallois cladducreuser, creuser une tombe”, d'où le gallois claddu.

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       Le 14 novembre, nous avons traité d'une nouvelle série de dérivés celtiques de notre *kelh-, “battre, frapper” :
      • le moyen irlandais clad, clod“trou creusé dans le sol, tranchée”,
      • les moyens gallois cladd“fosse, fossé” et clawd, “levée de terres, fossé, fosse, rempart”,
      • le moyen breton kleuz“levée de terre, talus
      • le gaulois cladia, clado-fossé, tranchée, vallée creuse, d'où de beaux toponymes gaulois créés sur cladia, clado- :
          • Uindo-cladia“la Tranchée Blanche”, aujourd'hui Badbury Rings, dans le Dorset
          • Uo-cladum“Double Fossé” ou “Sous-Tranchée” ; le latin Vocladum devenu... Vouillé, dans la Vienne.

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        Le 21 novembre, toujours plongés dans les dérivés celtiques de la racine *kelh-, “battre, frapper”, nous avons évoqué les bretons :
        • kláz, tranchée, crevasse faite avec une pelle”,
        • kleuzadenn, endroit creusé, cavité”,
        • kleuzadur, “creusement”,
        • kleuzded, qualité de ce qui est creux”,
        • kleuzenn, “lieu creux, cavité“arbre creux”, “vieille femme décrépite”,
        • kleuziad, contenu d'un fossé,
        • kleuzier, fossoyeur”,
        ou encore quelques toponymes, comme
        • CleuyouKleuyoù, provenant de Kleuz, et désignant des fossés avec talus, des retranchements.
        Nous avons ensuite mentionné comme possibles dérivés de 
        *kelh-...
        • le vieil irlandais clár“planche, article plat, surface”,
        • le vieux gallois claur, d'où le gallois clawr“couvercle, planche”,
        ainsi que
        • le moyen breton cleür, kleur, d'où le breton kleur“limon de charrette, cheville du limon”,
        qui seraient peut-être à rapprocher du grec ancien κλῆρος, klêros, dont le sens originel était celui d'un bout de bois délimitant une parcelle.

        Nous avons continué avec
        • le moyen irlandais cellach“conflit, dispute”, à l'origine du prénom Kelly,
        et enfin
        • le théonyme gallo-romain Sucellos, qui pourrait signifier “le bon frappeur”, ou “Qui a un bon marteau”.
         
        🜛🜛🜛
         

        Oooouf ! 


        Vous ne trouvez pas que ce point est en train de devenir une ligne ?





        Chers amis lecteurs, nous terminerons, en ce triste (froid, et moche) dimanche de novembre, ce beau chapitre celtique, avec une dernière volée de dérivés (celtiques, hein) de notre belle *kelh-“battre, frapper”.


        Mais, avant d'aller plus loin, vous rappelez-vous l'article du 7 novembre dernier,
        où je vous donnais une possible explication (qui vaut ce qu'elle vaut) au glissement de sens opéré par certains des dérivés celtiques de *kelh-, de frapper à creuser : 
         
        je creuse (j'enfonce)” implique j'ai frappé (avec une arme blanche)”.

        À cette occasion, je vous avais suggéré de retenir cette idée d'arme blanche, pour la suite...


        Et la suite, c'est maintenant.
        C'est précisément en ce dimanche que votre patience, et votre mémoire, seront récompensées.

        Car voilà, Ranko Matasović reconstruit un étymon celtique, *kolgā-épée, poignard...”.
        Il le fait dériver d'une acception secondaire de notre prolifique *kelh-“battre, frapper” : percer, frapper”.

        Ce proto-celtique *kolgā-épée, poignard...pourrait ainsi expliquer...


        langues gaéliques
        • le vieil irlandais colg, calg, de même sens,

        langues brittoniques
        • le - Ouiiiiiiiiii !!!! - moyen gallois col, coly, dard / aiguillon, pointe...”,
        ou encore
        • le vieux gallois colginn, d'où le - oh mais... ouiiiiih oh oui oh oui - moyen gallois colyndard / aiguillon...”.


        Mais il y a encore mieux !

        Matasović reconstruit, à l'origine d'une série de mots gaéliques, l'étymon celtique *kladiwo-épée”, étroitement apparenté à *klādo-, *klado-, “tranchée

        - mais oui ; allez, on relit Vouillé, c'est pas dans la Creuse ?.

        épée celte



        Ce *kladiwo-épée”, permet d'expliquer
        • le vieil irlandais claideb, de même sens,
        d'où...
          • l'irlandais claíomhépée”,
          • le manxois cliweépée”,
        ou même, soyons fous,
          • le gaélique écossais claidheamh, épée”, repris en exergue dans cette version gaélique écossaise de la bible. 
        Notez que la formidable grande épée à deux mains qu'utilisaient les Highlanders, c'était la claidheamh-mòr, littéralement épée-grande. Nous avons fait de claidheamh-mòr, le français claymore.

         




        À l'époque, ces mots gaéliques ont dû faire sensation



        Car, au vieil irlandais claideb (ou à l'un de ses dérivés, on va pas chicaner) ont été empruntés une flopée de mots brittoniques, comme...
        • le - oh, ouiiiii - moyen gallois cledyf,
          • d'où le gallois cleddyfépée, lame ...”,
        • le moyen breton clezeff,
          • d'où le breton klezépée, lame ...”, et à sa suite, notamment...
          • klezead, épéiste, gladiateur”,
          • klezeiad, “coup d'épée”,
          • klezeiata, “manier l'épée”,
          • kleizeiataer, “bretteur, escrimeur...”,
        • le moyen cornique clethe,
          • d'où le cornique kledha, épée”,
        et enfin...
        • le gaulois cladio-“glaive, épée”.

        Mais... 
        Mes enfants, l'histoire du vieil irlandais claideb, épée, ne s'arrête pas là...
        Oh que non.

        - Ah bon ? Raconte-nous, grand-père !



        Vous rappelez-vous, mes enfants, que la semaine dernière, je vous avais promis un nouveau bond dans le temps, un second retour vers le passé,


        vers l'article de départ de cette étude, Nobis omnes conscii sumus.... ? Mmmmh ? 


        Ce gaulois cladio-“glaive, épée”, emprunté donc au gaélique, voyez-vous, est particulièrement intéressant...

        Car, selon Delamarre, il serait à l'origine...

        ... d'un mot latin (d'où ce retour vers l'article traitant des dérivés latins de notre *kelh-).


        Le latin...

        ...

        ...

        ... Oui ! Gladius“glaive!

        gladius romain.
        (Le casque des légionnaires leur protégeait les yeux,
        mais - on ne peut pas tout avoir - leur bloquait complètement la vue.)
        (le design italien ne viendra qu'après)




        Oui bon, pour ce qui est de l'initiale, ce passage d'un /k/ britonnique vers un /g/ latin pose cependant problème ; Delamarre suppose que c'est par un intermédiaire étrusque que le mot gladius fut emprunté au substrat gaulois.
        Intermédiaire étrusque : c'est un truc que je ressortirai, quand je ne pourrai pas expliquer une étymologie ; croyez-moi, vous pouvez vous y attendre... 


        Eh oui ! Mais que voilà un magnifique retour au latin.
        C'est-y pas beau, ça ?


        Gladius ! Notre français glaive, attesté au début du XIIème, en est issu.


        C'est quand même dingue, non ?

        racine proto-indo-européenne *kelh-, “battre, frapper
        proto-celtique *kladiwo-épée
        vieil irlandais claideb
        emprunt
        gaulois cladio-“glaive, épée
        emprunt (via l'étrusque ?)
        latin gladius“glaive
        français glaive



        Le latin gladius, au sens figuré, désignait aussi le meurtre, la mort.

        C'est ainsi que Cicéron, dans ses Epistulae ad familiares (Lettres aux amis), parlera de...

        gladiorum licentia,

        pour...

        permission de tuer.

        Eh. Nihil novi sub sole...
        Ian Fleming (outre la pénicilline ?) n'avait rien inventé.




        Sur gladius, le latin a évidemment construit gladiātor, littéralement “homme qui combat avec le, le, le... glaive”. Ouiiii, bravo ! vous voyez, quand vous voulez ?




        Et c'est gladiātor que nous avons emprunté pour en faire notre gladiateur, réfection de la fin du XVIème d'un précédent gladiator, attesté, lui, au XIIIème.


        forcément



        Mais dites-moi... auriez-vous imaginé qu'à côté de ces brutes épaisses que sont double zéro - sept et Maximus Decimus Meridius, figurait aussi notre gentil, notre adorable et frêle... glaïeul ?


        Car le français glaïeul est issu du latin gladiolus“épée courte”, qui était à l'origine un adjectif dérivé de... gladius.

        Et le beau glaïeul doit son nom à la forme de ses feuilles, formant de petits glaives.

        Mooon, comme c'est mimi !


        glaïeuls



        Avant de nous quitter, permettez-moi un tout petit mot.

        Nous sommes aujourd'hui le dimanche 27 novembre 2021.
        Et c'était le 26 novembre 2011, il y a donc précisément dix ans et un jour, que je publiais le tout premier article de ce blog improbable, Le pourquoi et le comment.

        Dix ans !


        Merci à vous tous de me lire.




        Je vous souhaite un excellent dimanche, une heureuse semaine.





        Frédéric


        ******************************************
        Attention,
        ne vous laissez pas abuser par son nom :
        on peut lire le dimanche indo-européen
        CHAQUE JOUR de la semaine.
        (Mais de toute façon,
        avec le dimanche indo-européen,
        c’est TOUS LES JOURS dimanche…)

        ******************************************

        Et pour nous quitter,

        tout en remerciant le vieil irlandais,

        faisons appel à de jeunes Irlandais,

        les magnifiques choristes de la chorale de l'Université de Dublin.


        Ils nous interprètent ici une chanson gaie, entraînante, du compositeur irlandais

        Shaun Davey,

        tirée de son album Granuaile (1985), où se mêlent habilement classique et musique populaire irlandaise.


        Voici donc Free and Easy.



        Et NON

        ça me coûte de devoir le préciser, mais mettons immédiatement un frein aux délires misogynes, machistes et phallocentriques des infâmes mâles blancs cisgenres privilégiés, immondes représentants du patriarcat -,

        la chanson ne raconte pas la vie affective et sexuelle d'une femme libre et facile,

        mais nous fait plutôt voyager,
        de l'étrave à la tête de mât,
        et sous forme de questions /réponses,
        sur un magnifique voilier, qui,

        libre et sans contraintes,

        fend les flots de l'océan.


        ******************************************

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        6 commentaires:

        FLUPKELEBEL a dit…

        Bon anniversaire.

        Anonyme a dit…

        Avec DEUX jours de retard (on est le dimanche 28), bon anniversaire!!

        Pierre Libotte a dit…

        Joyeux anniversaire, Frédéric :-)

        Unknown a dit…

        Bon anniversaire donc !

        Dans le texte je relève : “limon de charrette, cheville du limon”
        Je ne vois pas ce que cela veut dire ; il n s'agirait pas plutôt de Timon ?

        Frédéric Blondieau a dit…

        @Unknown

        Merci !

        Le limon consiste en chacun des deux brancards entre lesquels on attelle le cheval.

        Frédéric Blondieau a dit…

        @Unknown, clf, Pierre Libotte

        Merci à tous ! :-) :-)

        Bien à vous,
        Frédéric