- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 10 octobre 2021

Nobis omnes conscii sumus...

 







(Nobis omnes conscii sumus...) futurum prospectum vitae amplius decies milies centenorum milium hominum, vergente ad finem altero post Christum millennio, praemonstrare videri possibilitatem calamitatum et cladium magnitudinis reapse “apocalypticae”.


(Nous sommes tous conscients qu’à l’horizon de l’existence des milliards de personnes qui forment la famille humaine à la fin du second millénaire après le Christ, semble s’annoncer la possibilité de calamités et de catastrophes d’une ampleur vraiment apocalyptique.)


Extrait de la Lettre Apostolique aux Jeunes, par Jean-Paul II, à l'occasion de l'Année internationale de la Jeunesse.


Je trouve particulièrement surprenant que le Saint-Siège lui-même utilise, de façon aussi désacralisée - je veux dire profane - le terme apocalyptique, mais bon, qui suis-je, devant l'infaillibilité pontificale, et tout ça...


Jipé II parlait-il du Brexit ? Mais non, OH !!!
Mais peut-être de la montée... des extrémismes, du repli identitaire, de la violence sous toutes ses formes, des intégrismes de tous bords, de la dislocation de la société et de son universalisme par des groupuscules néo-puritains constitués d'individu·e·s·x en profond manque de confiance en soi, et, qui plus est, se considérant comme éveillés...? 


ça, c'est pour la montée... des eaux

Je crois en la démarche scientifique, et a fortiori en la climatologie et l'écologie, deux domaines scientifiques de pointe.

L'écologie politique, c'est autre chose, surtout quand on voit les gugusses intégristes - les intégristes de la gugusserie ? - qui sont aux manettes chez nous...
https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades/detail_sarah-schlitz-un-nouvel-elan-pour-l-egalite-au-federal?id=10634920

Sans rire, c'est à cause d'eux que l'on a rebaptisé les Journées du Patrimoine en Heritage Days, car - je vous jure que c'est vrai - ils faisaient pression pour remplacer Patrimoine par Matrimoine.

Je ne suis absolument pas pour la peine de mort, mais parfois, je dois me faire violence.

Taré·e·s·x
, va.


Science et humour peuvent fort bien aller de pair : Stephen Hawking avait tenu un petit rôle (celui de son hologramme !) dans un épisode de la série Star Trek, The Next Generation (Descent, Part 1). 
Sur les lieux du tournage, en passant devant ce qui est supposé être le warp core, le réacteur de distorsion de l'Enterprise D, il déclara "I'm working on that" (“Ça, je suis en train d'y travailler”).
 
le "warp core" de l'USS Enterprise NCC-1701-D,
qui lui permettra - en 2363, patience - de naviguer à une vitesse équivalent à
830 fois la vitesse de la lumière, quand même
(à warp 9, et hors tout vortex, évidemment).



Bonjour à tous !


Eh oui, nous en avons terminé avec la racine indo-européenne *mer-mort”.

Cette petiote nous a accompagnés pendant 14 semaines. Oui, quatorze !



Ce qui veut dire aussi que depuis au moins quatorze semaines, je vis entouré de mots qui, tous, de près ou de loin, évoquent la mort

Je m'y étais habitué, moi, à tous ces mots un peu tristes et sinistres.




Mais voilà, nous avons encore énormément de racines indo-européennes à traiter...

Il y a quelques années, j'avais fait le calcul, et m'étais déjà fait une raison : vu le nombre de racines indo-européennes reconstruites, je serai mort bien avant d'avoir épuisé le sujet. 
C'est pour moi une façon simple de m'inscrire dans le temps, et de relativiser mon humble existence... 

Tout imprégné de ces dérivés si particuliers, il me faut cependant continuer.

La chanson populaire britannique
pendant la première guerre mondiale

(et NON, je n'ai pas dit après le Brexit)



Alors, pour me faciliter la transition, le passage vers d'autres racines bientôt plus ludiques, je préfère, pour l'instant, rester encore dans le tragique, et vous propose de partir d'un mot français qui, même s'il ne véhicule pas l'idée de mort, n'en est pas si éloigné que ça...

Calamité.

Ce grand malheur public, si l'on se fie à la première acception qu'en donne ©Le Grand Robert de la langue française.

Remarquez que nous pouvons rattacher, mais uniquement sémantiquement, notre calamité à tous ces mots baltes et slaves évoquant la peste, la mort en masse...


Or donc, calamité.


Première calamité : il ne s'agit que d'un... 


emprunt.

Eh oui. Mais bon, on pouvait s'y attendre : calamité ressemble furieusement à un calque latin, non ?

De fait, notre français calamité a été emprunté, au début du XIVème, au latin...
- alllez, tous ensemble ! : -
ca - la - mi - tas.

Et pour être même un chouia plus précis, călămĭtās, ce qui fait déjà nettement plus intello.

Que l'on pourrait traduire par, voyons... calamité. Mwoui, ça me paraît bien.
Ou encore par fléau, malheur, perte, désastre, défaite, revers, ruine...

le terme calamité est hélas toujours d'actualité.
Ici, les inondations qui ont frappé dernièrement la Belgique







Amusant
- enfin... simple façon de parler -,
le mot latin pouvait s'employer dans un sens spécialisé“fléau qui atteint les récoltes, maladie qui frappe les tiges du blé, grêle”.

Les gros malins !
N'allez surtout pas croire que l'étymologie populaire, c'est un phénomène récent.




Certes, aujourd'hui, on vous bourre le moût avec des inepties du genre nuit s'est construit sur n+huit(cet excellent blog vous en dit tout), ou alors on s'imagine
- si on n'a pas lu le dimanche indo-européen, évidemment -
qu'il y a un lien étymologique entre foire et forain ! (Ce qui est totalement... foireux.)
 
Ou entre notre français temps et l'anglais time.


Ou encore entre bande et bandit...



- Mais, mais, qu'est-ce que ça a de si drôle ?

- Je vous présente l'inénarrable Fernand Ucon.
- Mmmh ? Quoi, maisje ?
- Non non, rien. Monsieur Ucon, cela faisait si longtemps !


(Euh, j'espère que vous le savez : dans la version web du blog - à des lieues de la version mobile -, il vous suffit de cliquer sur un mot dans la colonne de droite, rubrique mots abordés, pour tomber, comme par enchantementsur l'article qui en parle. 
je sais, c'est dingue.
Et j'avoue humblement que le blog n'a jamais été vraiment conçu pour une lecture sur téléphone...).
Pour les Brexiteers et autres mal-comprenants,
la rubrique mots abordés se trouve sous le titre mots abordés


Un excellent ami à moi m'a même raconté qu'au Royaume-à-l'époque-encore-Uni, un de ses instructeurs de marine lui avait benoîtement expliqué que l'anglais starboard
(en français, tribord, et, n'oubliez pas, tribord, c'est à troite ; relisez Mull was astern, Rum on the port, Eigg on the starboard bow)
correspondait au côté du bateau... dirigé vers les étoiles. 

J'admets cependant que c'est touchant, voire émouvant.




 Non non, l'étymologie populaire existe depuis bien longtemps, depuis qu'existe...
- pardonnez-moi -

...le peuple.

En effet, à l'origine de ce sens spécialisé de călămĭtās, on soupçonne un rapprochement plus que... foireux, chez les ploucs dans la langue rustique, comme l'exprime si bien Alain Rey, avec le latin calamusroseau”.

Qui n'a STRICTEMENT aucun rapport avec călămĭtās, s'il fallait le préciser.
Oui, “roseau”, d'où tiges du blé”....

Calamus désignait aussi la plume (de roseau, eh).


C'est d'ailleurs de ce calamus que nous vient l'emprunt savant calame, notamment roseau dont les Anciens se servaient pour écrire. 
Sachez encore que du latin calamus est issu (et non emprunté, ouiiii, vraiment !) notre français chaume.

difficile de trouver de plus beaux toits de chaume que
dans les Cotswolds...
C'était chouette d'y aller sans passeport, et avec le chien.
D'y aller, quoi.


PS : les auteurs latins citent un certain Fernandvs Vconvs à l'origine de cette étymologie remarquablement... disons...
- désolé, ça me reprend -
populaire.




Michiel de Vaan,


que vous connaissez bien, à présent, pour être l'auteur du 7ème volume de l'IEED (Indo-European Etymological Dictionary, de l'université ce Leiden),

l'excellent...

Etymological Dictionary of Latin and the other Italic Languages,



Michiel de Vaan, disais-je, reconstruit, à l'origine du latin călămĭtās, une forme proto-italique *kalamo/i-, au sens d'endommagé”.

Il fait remonter cet italique *kalamo/i-, endommagé”, à la forme proto-indo-européenne adjectivale *klh2-em-, à laquelle il attribue le sens de “battu, endommagé”.


Deuxième calamité : 
Même s'il propose cette forme adjectivale *klh2-em- à l'origine de l'italique *kalamo/i-, c'est un peu... en désespoir de cause.

Parce qu'il n'y a pas mieux.


Et que faute de grives, on mange des merles.

Oui, de Vaan n'affirme rien.

Ouaiiiis, d'accord, cette séquence calam- que vous retrouvez dans l'étymon italique pourrait bien descendre de *klh2-em-, mais l'on explique pas vraiment la voyelle a du ca- initial, qui tombe 
- n'ayons pas peur de l'image -
comme un cheveu sur la soupe...

- Doukiviencea ?
- Saipa.
- Lèpaenindoeuropéen ?
- Beinon.
- Amince.
- Komtudi. 

(Malade à la maison, j'ai peut-être passé un peu trop de temps à écouter du Stromae - adecaoutai -, ou sur FB...)

Chèn, c'est féminin, donc, chèniffie.
Logique.

 

Bah oui : tant qu'à parler de FB, vous connaissez l'origine de la panne qui l'a fait chuter ce 4 octobre, évidemment !

banir ?
parole: préhistoire avec plutôt qu'histoire sans



Oups, j'oubliais !! Le principal, en plus !

Cette forme de degré zéro *klh2-em-, “battu, endommagé”, proviendrait de la racine indo-européenne (timbre e au degré plein),...

*kelh-, “battre, frapper”.


Vous l'aurez compris, c'est autour de la racine *kelhque nous allons articuler les euh... articles des dimanches à venir...


Et donc, pour résumer tout cela :

racine proto-indo-européenne (timbre e, degré plein*kelh-, “battre, frapper
forme adjectivale de degré zéro *klh2-em-“battu, endommagé
peut-être (meilleure option)
proto-italique *kalamo/i-, endommagé
latin călămĭtās, fléau, malheur, défaite, ruine...
emprunt (début du XIVème)
français calamité



Mais ce n'est pas tout.

Il existe un antonyme à l'italique *kalamo/i-endommagé”, l'italique *n-kalami-, que l'on traduirait par “sain et sauf, entier, non endommagé”. 
(Qui dit italique, ou proto-italique, ou italique commun, dit reconstruit, hein (je sais, je n'ai pas besoin de le re-préciser ; il y a peu de Brexiteers qui lisent ce blog, mais bon, à tout hasard...)

- "J'ai regardé le discours de (Boris) Johnson hier soir.
Nous avons tellement de chance de l'avoir comme premier ministre",
dit Porcinet.
"Je déménage en Écosse, espèce de malade mental", répondit Winnie.

D'accord, mais voyez le bon côté : les poids sont en mesures impériales !

(Si vous ne le savez pas, Johnson a ré-instauré les mesures impériales ;
le repli identitaire est certes de plus en plus manifeste, mais ce n'est évidemment qu'un écran de fumée à relents patriotiques destiné à voiler la débâcle économique engendrée par le Brexit.
Moins de panem, alors plus de circenses...)

 


Mais reprenons.

Ce proto-italique *n-kalami-, “sain et sauf, entier, non endommagé”,
et que de Vaan fait dériver de la forme indo-européenne *n-klh2emi-,
nous aurait donné,
via une forme latine archaïque *enkalamis,
le latin... incolumis, “sain et sauf, non endommagé....



Et donc :

racine proto-indo-européenne (degré plein, timbre e) *kelh-, “battre, frapper
forme adjectivale de degré zéro *n-klh2-emi-“non endommagé, entier...
peut-être (meilleure option)
proto-italique *n-kalami-“sain et sauf, non endommagé
latin archaïque *enkalamis
latin incolumis, “sain et sauf, non endommagé...



Ce latin incolumis n'a, à ma connaissance, rien donné en français.
Mais, rassurez-vous, nous lui devons quand même...
  • l'espagnol incólume,
  • l'italien incolume,
ou encore
  • le portugais incólume,
qui reprennent tous le sens original de incolumis : “entier, non endommagé...


 

de Vaan, quelque peu déconfit devant ce pis-aller étymologique, devant cette ascendance indo-européenne qu'il ne peut confirmer
- oui, on sent bien qu'il est un peu gêné, et qu'il veut se rattraper, et quand même nous faire plaisir -,
de Vaan, donc, nous propose un autre mot latin, qui, LUI
est LE dérivé idéal de notre *kelh-, “battre, frapper:


LE gendre idéal (ou pas ?)


le latin...




le latin...




tadaaaa...


clādēs !

Clādēs, sémantiquement très proche de călămĭtās, car pouvant signifier la destruction, le désastre, la calamité, la défaite...

Pour les plus grands malades d'entre vous, je précise que le latin clādēs serait issu de l'étymon italique *klādē-, issu lui-même du mot indo-européen *klh2-eh1-“bastonnade, destruction, désastre”, bien entendu construit sur notre *kelh-, “battre, frapper”.


Autrement dit :

racine proto-indo-européenne (degré plein, timbre e) *kelh-, “battre, frapper
substantif de degré zéro *klh2-eh1-“bastonnade, destruction, désastre
proto-italique *klādē-
latin clādēs“destruction, désastre, défaite...


(Remarquez bien qu'ici, nous n'avons plus de a intempestif ; le a long de clādēs n'étant que la vocalisation attendue de la laryngale h2 (mais enfin ! Vous lirez ça quand, voyelles-pivots et théorie des laryngales, dans la rubrique Éléments de linguistique ??)


Des dérivés français de clādēs ?

Ben... moi, 
troisième calamité, en tout cas, j'en connais pas.
Je sais, je sais.
Et j'en suis aussi déconfit que de Vaan et vous-mêmes.

Mais, pour vous remettre, appréciez donc ce texte pontifical, si pas pontifiant, en exergue, où figurent
- côte à côte ! -
calamitatum et cladium...

Côte à côte, vous vous rendez compte ? Comme si cette communication du Saint-Siège, et le présent article, tout était dans l'ordre des choses...

Ah ça, les voies de Dieu...
Ce qui est certain, si du moins l'on s'en remet au rapport Sauvé, c'est que les voies des enfants de choeur sont nettement moins impénétrables...


Et puis...
la semaine prochaine, nous parlerons d'un autre dérivé latin de notre racine indo-européenne *kelh-, “battre, frapper, qui, LUI, a bien donné de jolis dérivés dont vous me direz des nouvelles...




Je vous souhaite, à toutes et tous,
un excellent dimanche, une heureuse semaine.





Frédéric

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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)

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Pour nous quitter,

la justesse,
la voix douce, claire, langoureuse (mais jamais vulgaire),
au tremolo tout en retenue,
(et ne parlons pas de la diction parfaite),

de

Aya Nakamura Doris Day,

dans une superbe chanson, tirée du film Calamity Jane (1953).


Voici...

Secret Love,

par la grande, et regrettée,

Doris Day


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