- Paraît chaque dimanche à 8 heures tapantes, méridien de Paris -

dimanche 25 décembre 2022

parasmaipada et ātmanepada sont en bateau sur le Gange...

   




 « Comme le lotus qui se fraie un chemin dans l'eau boueuse pour arriver à la lumière, l'homme doit s'élever malgré les épreuves et se placer au dessus des remous du mental.»


Sagesse hindoue
(c'est ce qu'on dit quand on n'a pas trouvé la source de la citation)



 « L'âme se déploie, comme un lotus aux pétales innombrables. »


Le Prophète (1923),

Khalil Gibran


fleur de lotus et ses pétales




Chers lecteurs, bonjour.


Même en ce dimanche de Noël 2022

- la maison ne reculant devant aucun sacrifice -,
nous poursuivons notre étude des dérivés indo-aryens de la remarquable racine proto-indo-européenne...


*men-« penser ».


Psss : Pour retrouver le résumé des articles précédents de cette étude, voyez ici :


Les liens sont décidément étroits entre le grec ancien et le sanskrit...

Vous rappelez-vous ces quelques dérivés grecs anciens que nous avons évoqués naguère, comme, par exemple...
  • le verbe μῐμνήσκω, mimnếskô« rappeler à la mémoire, se remémorer quelque chose, se souvenir, avoir en tête... »,
issus d'une forme indo-européenne *mneh2-« se souvenir », construite sur notre *men- ? 


Oh, sinon, ce n'est vraiment pas grave ; il vous suffira de relire Le véritable mélomane..., du 4 décembre 2022.


100 fois.


Oui oui, vous relirez cet article 100 fois, pour l'apprendre par cœur.







En sanskrit, ce même indo-européen*mneh2-, « se souvenir », a donné...
  • le radical म्ना, mnā, que vous retrouverez, par exemple, dans...
  • मनति, manati« se souvenir », mais dont le sens devient, à l'actif « se le répéter mentalement (jusqu'à l'ancrer dans sa mémoire) ».

Oui, le sanskrit nous... rappelle qu'apprendre par cœur est loin d'être cette inepte et ridicule méthode d'apprentissage prônée par de vieux ringards dépassés, dont certains pédagogues dits modernes n'hésitent pas à se gausser.

Non, cette façon d'apprendre a au moins un résultat : vous permettre de mémoriser
Sans mémoriser, comment voulez-vous simplement pouvoir réfléchir ?


Ah oui - ô, ironie -, et moi qui allais oublier ! 



Contrairement au français qui n'en compte que deux, le sanskrit possède trois voix : l’actif, le moyen et le passif.

Yves Bourquin est certes pasteur suisse - bah, chacun son truc - mais il est aussi et surtout l'auteur de ce petit chef-d'œuvre didactique qu'est le sanskrit pour les nuls en 17 leçons

Yves Bourquin, disais-je, nous explique que l'actif, c'est littéralement la voix des autres.

Yves Bourquin



Ce que nous traduisons par actif se dit en réalité परस्मैपद, parasmaipada, « mot pour les autres », composé de
  • परस्मै, parasmai« plus éloigné »
et de
  • पद, pada« mot».

Ce que nous appelons le moyen ? आत्मनेपद, ātmanepada, « mot pour le soi », composé de
  • आत्मन्, ātmán« soi, souffle, âme... » (oui oui, il s'agit bien du même ātmán que dans mahatma ; relisez donc magnanime animal)
et de
  • पद, pada (ouiiii, toujours « mot», bravooo !).

Quant au passif, कर्मणि प्रयोग, karmaṇi prayogaḥ, nous pouvons le comprendre au sens grammatical d'utilisation (prayogaḥ) de l'objet (karman) de l'action.

Et non pas - de grâce - comme le yoga par Armani, même si Armani a une su-per-be collection Yoga très chicos, destinée avant tout à celles qui fréquentent les pilates davantage pour le look que pour la voie intérieure (celles que, joliment, l'on appelle parfois pétales de lotus, ou plus simplement par l'ellipse pétales).

Pétale en legging de yoga Armani


Le passif, 'y a pas grand-chose à en dire : il s'emploie comme la voie passive en français.

L’actif, le fameux parasmaipada, s'emploie, lui, lorsque l'action du verbe porte son bénéfice sur autrui
Ainsi, lorsque je sacrifie aux dieux, si le bénéfice de ce sacrifice (par exemple la richesse) doit retomber sur autrui, j’utilise l’actif.
Mais lorsque je sacrifie à ces mêmes dieux et que c'est moi qui suis le bénéficiaire du sacrifice, j’utilise la voix moyenne, ātmanepada.

(Les Dieux le savent pertinemment bien, et ne répondent que rarement aux sacrifices que de sales égocentriques formulent en voie moyenne, d'où, en retour
- être égocentrique ne veut pas nécessairement dire être idiot -,
l'emploi quasi-systématique de l'actif (du parasmaipada, on suit) dans les rituels de sacrifices.)

- Eh, mon p'tit gars, Monsieur X, Monsieur X' et moi-même, on a un gros souci avec tes perpétuelles c*nn*r**s. Si ce que tu racontes de l'actif est exact, en quoi, PdeBdeM, le sens de manati à la voix active a-t-il à voir avec un quelconque altruisme ? Tu fais de ton nez, mais c'est toi-même, Blondieau, qui affirmes que le sens de manati« se souvenir »devient, à l'actif« se le répéter mentalement (jusqu'à l'ancrer dans sa mémoire) ». 

- Monsieur Ucon ?

Fernand Ucon,
dont le crible cognitif possède des mailles particulièrement étroites

Et en fort bonne compagnie, en plus ! Mais c'est un véritable feu d'artifice avant la Saint-Sylvestre !?


Eh bien, je dois reconnaître que vous m'épatez, car vous donnez l'impression d'avoir réfléchi. En effet - et je vous le concède -, il est difficile de percevoir une portée de type parasmaipada dans la proposition « se le répéter mentalement ».

Humblement, je pense cependant que la dimension altruiste de ladite proposition se révèle dans toute sa splendeur quand vous tentez de percevoir le but de cette opération consistant à « se le répéter mentalement ». Froidement, et hors contexte, je ne verrais pas non plus le moindre bénéfice à autrui dans le fait de se répéter mentalement quelque chose.

Mais nous parlons ici de sanskrit, d'une langue sacrée, utilisée dans des rites hautement spirituels.

Et ce que j'ai omis de vous dire, 


c'est que manati à la voie active peut également signifier faire mention, citer, mais aussi louer Dieu, et surtout transmettre dans des textes sacrés.

Je comprends donc que se répéter mentalement quelque chose, en sanskrit, est éminemment spirituel, donc déjà altruiste par définition. Cette répétition mentale est vraisemblablement liée à la méditation (les religions du Livre connaissent bien, à ce propos, les méditations sur les noms de Dieu), et en outre, se répéter quelque chose de la sorte peut servir à transmettre un savoir, voire - soyons fous - la Connaissance.

Et la transmission - ce que nous appelons parfois la Tradition - relève fondamentalement d'une démarche tournée... vers l'autre.



La suite de notre étude consacrée aux dérivés indo-aryens de notre indo-européenne *men-« penser », ce sera déjà... l'année prochaine !




Je vous souhaite un excellent dimanche, une très bonne semaine, et surtout, surtout,
j'espère que vous passerez une heureuse fin d'année, pleine d'amour, et vous souhaite déjà une très belle et très sereine nouvelle année.

Portez-vous bien.




Frédéric






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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)

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Et pour nous quitter…

deux cadeaux !

Eh, ce n'est pas tous les jours Noël.


Tout d'abord,

Frosty The Snowman

par

The Petersens,
qui nous manifestent à nouveau leur réel talent,

cette fois en mode... non pas passif ou moyen, mais

- curieusement pour cet ensemble bluegrass -

jazzy,

https://youtu.be/xFLFmXaf7UA

et puis,

dans un tout autre registre,

une émouvante version

- tant elle est belle ; la beauté confine à l'émotion, vous pouvez noter -

du célèbre Christmas carol moyenâgeux

In Dulci Jubilo,

au texte macaronique

(où donc l'auteur mêle du latin à sa propre langue ; pensez à la grotesque macaronée finale du Malade imaginaire, avec son « Pedibus cum jambis » ; rien à voir avec la Macarena, même si cette danse est peut-être encore plus grotesque),

In Dulci Jubilo, où se mélangent allemand et latin,


par les admirables choristes de 

VOCES8, 

qui reprennent ici l'arrangement

(une complexe polyphonie à huit voix - cinq de plus qu'en sanskrit)

qu'en avait fait le compositeur anglais Robert Pearsall
(14 Mai 1795 – 5 Août 1856).

https://youtu.be/Ob0B5zlpR8A

Joyeux dimanche de Noël !
Bonne année !

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