article précédent : La mémoire, ce fléau des malheureux.
I'm a poor lonesome cowboy
I'm a long long way from home
And this poor lonesome cowboy
Has got a long long way to roam
Over mountains over prairies
From dawn till day is done
My horse and me keep riding
Into the setting sun
Lonesome cowboy, lonesome cowboy, you're a long long way from home
Lonesome cowboy, lonesome cowboy, you've a long long way to roam
La chanson que fait chanter le grand Morris à son célèbre Lucky Luke,
à la fin de ses albums, et chevauchant Jolly Jumper vers le couchant
Bonjour à tous.
Chers amis, ce dimanche sera... particulier.
Tout d'abord, c'est avec lui que nous allons clore notre formidable voyage multi-millénaire auprès de l'irrésistible racine indo-européenne...
*men-, « penser ».
Ce loooong périple, nous l'avions commencé le 13 novembre de l'année passée (!), avec
Les gens exigent la liberté d'expression pour compenser la liberté de pensée qu'ils préfèrent éviter. - Søren Kierkegaard.
Nous aurons ainsi consacré en tout 31 articles à cette magnifique racine. Rendez-vous compte.
Et puis, surtout
- je dois vous l'avouer ; peut-être même l'avez-vous déjà perçu ? -,
je n'en peux plus.
Ce dimanche ne sera peut-être pas le dernier article du blog
- honnêtement, je n'en sais rien -,
mais après lui, je me permettrai
Peut-être sous une autre forme, selon une autre périodicité ?
J'avais gardé les deux étymons dont je vous parlerai aujourd'hui pour la bonne bouche.
Car, comme vous allez le voir, ils nous permettent encore d'établir des liens insoupçonnés avec des mots d'autres groupes linguistiques...
Le premier de ces étymons n'est que balte.
Eh oui, on n'a pas (encore ?) découvert de mots slaves qui y seraient apparentés.
Il est tout simple, ce petit étymon ; le voici :
*manyti.
Il permet d'expliquer...
- le lituanien (bon d'accord, dialectal) manýti, « penser, prévoir... »,
et
- le letton - mais l'est-on VRAIMENT ?? - manît, « remarquer, percevoir... »
Ce qui le rend encore plus intéressant, ce bon *manyti, c'est sa voyelle a, qui est la lointaine descendante d'une voyelle-pivot o proto-indo-européene.
Oui, le slave *manyti nous arrive évidemment bien de *men-, « penser », mais précisément par son degré plein de timbre o, *mon-.
En cela, nos deux lascars manýti et manît sont de beaux cognats du... latin moneō, « faire se souvenir, avertir, recommander, annoncer, conseiller... » !
Si vous voulez vous rafraîchir la mémoire, nous avions consacré à moneō une belle série d'articles dont le premier était...
C'est beau, non ? Un pont solide vient d'être établi entre un mot dialectal lituanien, un mot letton (vraiment ?) et un mot latin...
Passons à présent à *mondros-.
Nous avons ici affaire à un véritable étymon balto-slave.
Balto-slave dont sont issus...
- du moins selon les lois de la linguistique comparative -
- un étymon balte : *mandras-
et
- un étymon... slave : *mǫdrъ .
Ce qui rend fascinants tous les dérivés, bien attestés, de cet hypothétique *mondros-, c'est leur construction grammaticale.
Mais ouiiiii ! Figurez-vous que nous avons déjà mentionné quelques-uns de ces dérivés,
rapidement, j'en conviens,
lors du billet consacré à un étymon germanique issu de notre *men-...
Nous y avions découvert que le germanique *mundra- était grammaticalement construit sur le même modèle indo-européen que celui adopté par l'avestique... 𐬨𐬀𐬰𐬛𐬁, mazdā !
Je ne vous recopierai pas la démonstration, disponible à un clic d'ici ; passons plutôt en revue ces fameux dérivés balto-slaves de *mondros- :
Par le slave *mǫdrъ :
- le - mais ouiiiiii ! - vieux slavon d'église мѫдръ, *mǫdrъ, « sage... »,
Langues slaves orientales
- le russe му́дрый, moúdryj (le substantif мудрость, moudrost', désignant la sagesse, comme dans ...
Кто честность и премудрость обретет,Тот, право же, вовек не пропадет:Ведь честность выполняет обещанья,А мудрость… никогда их не дает!— Эдуард Аркадьевич Асадов,Celui qui gagne l'honnêteté et la sagesse,Lui, vraiment, ne sera jamais perdu :Après tout, l'honnêteté tient les promesses,Et la sagesse... n'en fait jamais !- Eduard Arkadievitch Asadov,
Langues slaves occidentales
- le vieux tchèque múdrý,
- d'où le tchèque moudrý,
- le slovaque múdry,
- le polonais mądry,
Langues slaves méridionales
- le serbo-croate múdar,
- le bulgare мъ́дър, mǎ́dǎr,
et
- le slovène mọ́dər.
Enfin, par le balte *mandras-,
Langues baltes
- le lituanien dialectal mañdras, « vif, intelligent... », mais aussi « fier, arrogant... »,
- le letton (mais l'est-on vraiment ??) muôdrs, « alerte, vigoureux, joyeux... ».
Chers amis,
Merci de m'avoir lu, merci de votre fidélité.
Merci à toi, chère Aurore, de m'avoir si souvent aidé,
Merci à toi, cher Pierre, d'avoir su si finement présenter mes articles, et de les avoir publiés dans tant de groupes sur FB.
À bientôt peut-être.
Portez-vous bien.
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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter…
un morceau surprenant,
et à l'image de cet article si particulier.
Nous venons de mentionner des mots qui, de par leur construction, attestent de leur lointaine parenté.
Pour votre plaisir, je vous proposerais bien de cliquer sur le lien vers la video en essayant de ne pas en lire le titre...
Et à l'écoute, d'essayer alors de deviner de quoi il s'agit.
Retrouvons-nous plus bas, APRÈS l'écoute du morceau...
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Vous avez pu l'écouter sans en lire le titre ?
Mozart, deux ans avant sa mort, en visite à Leipzig, avait pu découvrir des partitions de J.S. Bach qui y étaient conservées.
Je pense d'ailleurs que dans une de ses lettres, il déclara plus tard
- je cite de mémoire, pardonnez-moi -
qu' « enfin, il avait appris quelque chose ! »
(oui, vous retrouvez dans cette citation l'arrogance mâtinée de vivacité propre au lituanien dialectal mañdras).
Et il a alors composé un sybillin contrepoint à trois voix, à la manière de, et d'une complexité qui le rend difficile à jouer, et peu accessible à une oreille mozartienne.
Il s'agit donc de la Petite Gigue en sol majeur, K 574
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