article précédent : la Clyde est renommée. C'est comme ça.
Bonjour à toutes et tous !
Nous sommes le dimanche 14 février 2021, et, vaillamment, nous passons en revue les derivés de notre radieuse racine indo-européenne...
- Ludwiiiiiig !, pour la nième fois ! - Aber... Was ?, 20 décembre 2020
Et aussi que ce *hlūda- est à l'origine de l'anglais loud, “bruyant, sonore”, ou encore du néerlandais luid, de même sens.
Nous avons ensuite appris que par *ḱleus-, une forme allongée de notre *ḱleu-, “entendre”, nous arrivaient notamment l'allemand lauschen et l'anglais listen, “écouter”.
The Audience is Listening, 27 décembre 2020
Nous avons découvert, également, que (notamment) le vieux norois hljóð, “écoute, son, silence”, l'allemand littéraire Leumund, “réputation...”, ou l'islandais hler, “écoute, écoute aux portes”, en provenaient.
l'inspecteur Clouseau écoutait aux portes, 3 janvier 2021
Nous savons encore, depuis le 10 janvier 2021, que de notre *ḱleu-, “entendre”, descendent l'islandais hlýr, “joue”, “avant d'un navire”, “joue d'une hache”, ou même l'anglais (obsolète) leer, “joue, visage, complexion...”.
Au nombre des dérivés latins, cette fois, de *ḱleu-, “entendre”, nous avons clueō, “on m'appelle” et inclitus / inclutus, “illustre, fameux”, ce dernier emprunté... en italien, avec inclito, en portugais, avec ínclito, et en espagnol, avec ínclito.
Otros la cantarán con más fortuna..., 17 janvier 2021
En grec ancien, une myriade de dérivés nous attendaient, comme...
- κλῠτός, klutós, “renommé, glorieux...”,
- κλέος, kléos, “rumeur, renommée, réputation...” et une série de composés où il apparaît, de Ἀντίκλεια, Antíkleia, “Anticlée“, à Κλεοπάτρα, Kleopátra, “Cléopâtre”, en passant par, par exemple, Εὐρῠ́κλειᾰ, Eurúkleia, “Euryclée“.
Entre Anticlée et Euryclée, Ulysse ne savait pas trop à quel sein se vouer, 24 janvier 2021
Nous avons ensuite découvert quelques très beaux dérivés celtiques de notre *ḱleu-, comme...
le breton klevout, “entendre ; ressentir”, le vieil irlandais rocluinethar, “entendre”, l'irlandais et le manxois cluin, le gaélique écossais cluinn, le gaulois clouiou, le gallois clywed, le cornique klywes, “entendre...”.
le dimanche indo-européen passe enfin à l'in*klus-ī-vité, 31 janvier 2021
Toujours issus de la forme de degré zéro *ḱlu-to-, nous avons épinglé quelques jolis dérivés celtiques, issus du proto-celtique *kluto-, “renommée”, comme...
- le gaulois cluto- (ou clouto-), “renommé, célèbre”,
- le gaélique écossais Clota, “Renommée”, d'où l'anglais Clyde
- l'irlandais cloth, “renommée, honneur, réputation”,
- le gallois clod, “renom ; fameux, renommé”, ou encore
- le breton klod, “gloire, renom”.
la Clyde est renommée. C'est comme ça., 7 février 2021
🜛🜛🜛
Et en ce dimanche 14 février
- Bonne Saint-Valentin 💘 !!
On en parlait ici, tiens, en 2016 : Be My Valentine -,
nous en sommes TOUJOURS aux dérivés celtiques de notre douce *ḱleu-, “entendre”.
(Je peux l'imaginer, certains d'entre vous, plus sensibles, plus normaux, doivent être proches de l'indigestion,
mais ne vous inquiétez pas, ce dimanche sera le dernier - promis, juré - que nous consacrerons à ces magnifiques traces celtiques de notre jolie *ḱleu- ; dès la semaine prochaine, c'est vers l'Orient que nous dirigerons nos pas.)
Après avoir traité des étymons celtiques *kli-nu-, “entendre”, *klus-ī-, “entendre”
le dimanche indo-européen passe enfin à l'in*klus-ī-vité,et enfin *kluto-, “renommée”,
la Clyde est renommée. C'est comme ça.,nous allons nous intéresser à présent à un étymon (toujours théorique et reconstruit) qui dérive de notre *ḱleu- par une forme substantivée *ḱleu-os, au sens de “renommée, gloire...”.
Et ce bel étymon, le voili, le voilou...
Autrement dit (vulgarisons, vulgarisons) :
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racine proto-indo-européenne *ḱleu-, “entendre”
⇓
forme substantivée *ḱleu-os, “renommée, gloire...”
⇓
proto-celtique
*kluwos-, “renommée”
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Dans les langues gaéliques
Dans les langues gaéliques, donc, nous retrouverons comme descendance à *kluwos-, “renommée”,
- le vieil irlandais clú, “renommée”, mais aussi “ rumeur”.
(oui, vous retrouvez bien ici cette association entre ouï-dire et renommée...).
oui, bon, vieil Irlandais. Si ça vous fait rire. Je dois bien vous le dire, je suis un peu gêné par le niveau de votre humour, que je qualifierais au mieux de potache |
Du vieil irlandais clú, “renommée ; rumeur”, seront issus...
- l'irlandais clú, “réputation (favorable), louange, renommée”
et...
- l'écossais cliù, de même(s) sens : “réputation (favorable), louange, renommée”.
Résumons, mmmh ?
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racine proto-indo-européenne *ḱleu-, “entendre”
⇓
forme substantivée *ḱleu-os, “renommée, gloire...”
⇓
proto-celtique
*kluwos-, “renommée”
⇓
vieil irlandais clú, “renommée ; rumeur”
⇓
irlandais clú et
**********
Et à présent, nous allons devoir passer au tout dernier étymon celtique issu de la belle
*ḱleu-, “entendre”,
que nous traiterons...Je sais, je sais. Courage. |
Lui, c'est par une forme indo-européenne *kleus-t-, “entendre”, que Ranko Matasović le fait descendre de notre
*ḱleu-, “entendre”.
Je vous présente...
l'étymon celtique...
Tada ! |
*klowstā-, “ouïe, oreille”
Et donc :
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racine proto-indo-européenne *ḱleu-, “entendre”
⇓
forme *kleus-t-, “entendre”
⇓
proto-celtique *klowstā-, “ouïe, oreille”
**********
Dans les langues gaéliques, est issu de *klowstā-, “ouïe, oreille”...
- le vieil irlandais clúas, “oreille”.
Dont seront issus à leur tour,
- l'irlandais cluas, “oreille”, certes, mais qui s'applique aussi à des objets qui pourraient rappeler la forme d'une oreille, comme l'oreille d'une casserole, une anse, un taquet d'amarrage...
- le manxois cleaysh, “oreille”,
et enfin
- l'écossais cluas, toujours “oreille”.
Dans les langues britonniques, cette fois, l'étymon *klowstā-, “ouïe, oreille” donnera...
- le - OUIIIIIIIII !!!! - moyen gallois clust, “oreille”,
- d'où le gallois clust, “oreille”.
Et puis... et puis... j'ai gardé pour la fin
(de ce chapitre celtique, seulement, hein, je ne vous laisse pas tomber)
le gaulois... clutso-.
Ce gaulois clutso-, toujours issu de *klowstā-, “ouïe, oreille”, désigne,
- sans surprise, à l'instar de ses cognats du celtique insulaire que nous venons d'évoquer comme le vieil irlandais clúas ou le manxois cleaysh -,
l'oreille.
oreille |
Résumons, en prenant clutso- comme exemple ?
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racine proto-indo-européenne *ḱleu-, “entendre”
⇓
forme *kleus-t-, “entendre”
⇓
proto-celtique *klowstā-, “ouïe, oreille”
⇓
gaulois clutso-, “oreille”
**********
Mais voilà...
Ce qui finirait même par lasser même les plus grands malades d'entre vous (je ne nomme personne) ; je vous entends jusque ici :
- "Ah bon, comme c'est surprenant, du celtique commun *klowstā-, “oreille”, on obtiendrait des mots celtiques qui désigneraient l'oreille ???"
Ce qui finirait même par lasser même les plus grands malades d'entre vous, disais-je, risque ici d'apparaître sous un jour nouveau...
l'aube d'un jour nouveau |
Delamarre nous fait remarquer,
comme ça, en passant, sans vraiment trop y toucher,
qu'il existe une flopée de mots, dans la toponymie française, mais aussi catalane, et carrément piémontaise, comme
- pour ne citer ici que ceux qui appartiennent au centre du monde -...
- Les Clots, en Savoie,
- Clot, dans le Tarn, le Gers et les Alpes-Maritimes,
- La Clotte, dans l'Aude,
- Esclottes, dans le Lot-et-Garonne...
qui renvoient à un mot dialectal en français et en vieux provençal : clot, clòt, clòta, ou en catalan : clòt, désignant invariablement le trou (dans la terre), le creux, la cavité, la fosse...
Ce clot, clòt, clòta serait lui même issu d'un gallo-roman *clotto-, *clotta-, “cavité, trou...”.
- Jusque là..., me direz vous. (Car je vous connais.)
Mais là où ça devient nettement plus... intense,
c'est quand Delamarre avance que le roman *clotto- descend probablement du gaulois... clutso-, “oreille”.
- Du gaulois clutso- ? Maisje ?
- Bonjour Monsieur Ucon.
Fernand Ucon |
Oui, d'une part par simple métonymie,
l'oreille évoquant irrémédiablement la cavité,
et de l'autre, par ce phénomène classique selon lequel le nom d'une partie du corps se transfère à une désignation toponymique.
Même si cette étymologie semble parfaitement fondée
- sincèrement, moi, j'y souscris -,
rien ne permet cependant d'affirmer sa véracité...
Et puis, si cette hypothèse était avérée, la question qui se poserait alors serait d'ordre chronologique...
Car cette fameuse métonymie ne serait-elle apparue qu'au stade du roman, où... avant, encore au temps du gaulois ?
D'où la prudence avec laquelle Delamarre titre cette entrée dans son Dictionnaire de la langue gauloise, où vous remarquerez le subtil ? final :
Et nous, nous résumerons de la sorte le fantastique trajet par lequel ces toponymes sont arrivés jusqu'à nous :
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racine proto-indo-européenne *ḱleu-, “entendre”
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forme *kleus-t-, “entendre”
⇓
proto-celtique *klowstā-, “ouïe, oreille”
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gaulois clutso-, “oreille” (et peut-être aussi - déjà - “trou”)
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probablement
⇓
gallo-roman *clotto-, *clotta-, “cavité, trou...”
⇓
dialectal français, provençal, catalan clot, clòt, clòta, “trou (dans la terre), creux, cavité, fosse”
⇓
toponymes, dont Les Clots (Savoie), Clot (Tarn, Gers et Alpes-Maritimes), La Clotte (Aude),
Esclottes (Lot-et-Garonne)...
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Bon, ben les amis, là, on a vraiment fait le tour des dérivés celtiques de notre invraisemblable *ḱleu-, “entendre”...
Et tiens,
soi dit en passant,
vous auriez fait, vous, le rapprochement entre...
Ludwig, Louis et Clovis, les anglais loud et listen, les allemands lauschen, “écouter” et Leumund, “réputation...”, l'espagnol ínclito, “illustre...”,
Anticlée, Euryclée, Damoclès, Empédocle, Héraclès, et Cléopâtre !
Et puis le vieil irlandais rocluinethar, le gaulois clouiou et le breton klevout, le gaulois
cluto-, “renommé, célèbre”, le
gaélique écossais Clota, “Renommée” - et l'anglais Clyde ! L'irlandais cloth, “renommée, honneur, réputation”, le
gallois clod, “renom ; fameux, renommé”, le
breton klod, “gloire, renom”...
Mais aussi l'écossais cluas, “oreille”, le gaulois Rokloisiabo, et tous ces toponymes que sont Les Clots, en Savoie, Clot, dans le Tarn, le Gers et les Alpes-Maritimes, La Clotte, dans l'Aude, Esclottes, dans le Lot-et-Garonne... ?
Hein ?
Hein, hein ?
Ben oui, là, vous commencez à comprendre.
Vous prenez conscience du MONDE qui s'ouvre à vous...,
et grâce à quoi ?
Mais oui ! Grâce à l'indo-européen, ben tiens !
Et dimanche prochain, nous continuerons à gratter autour de la multimillénaire...*ḱleu-, “entendre”.
D'ici là, protégez-vous, prenez soin de vous et de vos proches,
Portez-vous bien.
Frédéric
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Attention,
ne vous laissez pas abuser par son nom :
on peut lire le dimanche indo-européen
CHAQUE JOUR de la semaine.
(Mais de toute façon,
avec le dimanche indo-européen,
c’est TOUS LES JOURS dimanche…)
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Et pour nous quitter en beauté, mais aussi en fougue,
voire - osons-le - en voluptuosité...
l'Ensemble MUSICA NARRANS,
sous la direction de Jakob Rattinger,
(également à la viole de gambe),
- Jakob Rattinger s'adonne aux violes #BalanceTonPorc #MeToo -
nous interprète trois variations, composées par
- excusez du peu -
Arcangelo Corelli, Alessandro Scarlatti et Marin Marais,
sur le fameux Folia,
ce morceau (une danse) du XVème et probablement d'origine portugaise,
- que j'oserais qualifier de chair à variation -
- canon, variation : oui / non ? -,
dont la structure, toute simple, ici en ré mineur :
Ré m / La(7) / Ré m / Do / Fa / Do / Ré m / La(7)
Ré m / La(7) / Ré m / Do / Fa / Do / Ré m - La(7) / Ré m
appelle irrésistiblement à l'impro,
ce morceau, disais-je, a servi, dès le début, de thème à d'infinies et superbes variations.
On compte plus de 150 compositeurs (!) qui s'y sont essayés...
Et je suis sûr, sûr , sûr que vous connaissez - peut-être sans le savoir -, certains des sublimes morceaux créés sur la structure harmonique si limpide de la Folia...
(Cette sarabande - en fait, prêtez-y l'oreille : un thème et des variations - est une véritable bombe.
C'est pour cela que Handel, prévoyant,
l'a écrite, selon la notation germanique,
en D mineur.)
Alors,
quand le thème s'y prête,
que les variations sont inspirées,
et que les interprètes sont tout bonnement exceptionnels,
ben...
'y a plus qu'à se laisser emporter...
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4 commentaires:
Bonjour Frédéric. Excellent comme d'habitude...
« Cette oreille, chair à variation - canon» qui perçoit « une véritable bombe.... écrite... en D mineur » est superbe ! Par ailleurs, je me suis demandé, tant que nous y sommes, si nous ne pouvions pas, concernant le « clot » tirer sur la ficelle encore davantage et y associer « le clos des meuniers » (une sorte de fosse si mes souvenirs sont exacts) ainsi que divers toponymes « le clos fleuri », et les diverses cuvées « Le clos »...
Amicalement.
Bonjour Giellesse,
Déjà, merci !
En effet, on peut très certainement trouver d'autres dérivés à ce beau gaulois, mais comment être sûr de les distinguer des descendants du très classique clausus,"lieu clos"...
Bon dimanche,
Amicalement,
Frédéric
Merci également pour vos références musicales, qui sont toujours bienvenues.
Merci Unknown,
Ah, la musique... !
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